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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
5A_244/2020  
 
 
Arrêt du 27 août 2020  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
von Werdt et Bovey. 
Greffiè re : Mme Hildbrand. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Mes Christophe Claude Maillard et Denis Bettems, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________ SA, 
représentée par Mes Philippe Reymond et Antoine Eigenmann avocats, 
intimée. 
 
Objet 
fourniture de sûretés (inscription provisoire d'une restriction du droit d'aliéner), 
 
recours contre l'arrêt du Juge délégué de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 21 février 2020 
(PT14.012428-191381, PT14.012428-191382 89). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 8 juillet 2004, A.________ SA et C.________ ont signé un acte notarié intitulé " Exploitation de gravière ". Selon cet acte, C.________ a constitué, en faveur de A.________ SA, qui a accepté tant pour son compte que pour le compte de ses deux actionnaires, une charge foncière sur les parcelles nos aaa, bbb, ccc, ddd, eee, fff, ggg, hhh, iii, jjj et kkk de la Commune de U.________, propriété de C.________. L'acte précise notamment comme " cause " le fait que A.________ SA a prêté à C.________ la somme de 1'600'000 fr. et qu'en contrepartie, ce dernier s'est obligé à lui céder l'exclusivité des droits d'exploitation du gravier se trouvant dans le sous-sol des parcelles grevées.  
 
A.b. Les parcelles précitées ont fait l'objet d'une inscription au registre foncier sous " charges foncières " formulée comme il suit: " C. Exploitation: gravière jusqu'au 21.11.2052, Fr. 1'600'000.00, xx.xxx-xxxx/xxxxxx."  
 
A.c. Le 15 juin 2010, B.________ SA a été inscrite au registre foncier comme propriétaire des parcelles nos aaa, bbb, ccc, ddd, eee, fff, ggg, hhh, iii, jjj et kkk de la Commune de U.________ que lui avait vendues C.________ selon contrat de vente du 4 février 2010.  
 
B.  
 
B.a. Le 25 mars 2014, B.________ SA a déposé auprès de la Chambre patrimoniale cantonale du canton de Vaud une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles dirigée contre A.________ SA.  
A titre provisionnel, elle a conclu à ce qu' ordre soit donné au Conservateur du Registre foncier de Morges de procéder à la radiation provisoire de la charge foncière grevant ses biens-fonds et à ce qu'interdiction soit faite à A.________ SA, sous menace de la peine de l'art. 292 CP, d'aliéner, sous toute forme, quelle qu'elle soit, ladite charge foncière. Subsidiairement, elle a conclu à ce qu'ordre soit donné au Conservateur du Registre foncier de Morges d'annoter à titre provisoire une restriction du droit d'aliéner la charge foncière et à ce qu'interdiction soit faite à A.________ SA de l'aliéner. Plus subsidiairement encore, elle a conclu à ce qu'ordre soit donné au Conservateur du Registre foncier d'apposer une mention de blocage sur le feuillet de ses biens-fonds, à ce qu'interdiction lui soit faite de procéder à toute opération sur ledit feuillet et à ce qu'interdiction soit faite à A.________ SA d'aliéner la charge foncière. 
 
B.b. Par ordonnance de mesures superprovisionnelles du 26 mars 2014, le Juge délégué de la Chambre patrimoniale cantonale a interdit à A.________ SA, sous la menace à ses organes de la peine d'amende prévue à l'art. 292 CP, d'aliéner, sous toute forme, quelle qu'elle soit, la charge foncière susvisée.  
 
B.c. Le 16 mai 2014, B.________ SA a déposé une nouvelle requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles par laquelle elle a conclu à ce qu'interdiction soit faite à A.________ SA et à ses auxiliaires, sous menace de la peine de l'art. 292 CP, de pénétrer sur ses biens-fonds et de commencer tout acte d'exploitation de la gravière.  
 
B.d. Le 15 décembre 2014, B.________ SA a déposé une demande au fond tendant principalement à faire prononcer, respectivement constater, la nullité et/ou l'invalidité de la charge foncière et à la faire radier du registre foncier.  
 
B.e. Par déterminations du 3 novembre 2017, A.________ SA a conclu au rejet de la requête du 25 mars 2014, à l'exception de la conclusion tendant à ce qu'ordre soit donné au Conservateur du Registre foncier d'annoter à titre provisoire une restriction du droit d'aliéner la charge foncière. Le même jour, elle s'est également déterminée sur la requête du 16 mai 2014. Elle a conclu à son rejet et à ce qu'elle soit autorisée à pénétrer sur les immeubles concernés et à y exercer l'activité d'exploitation de gravière, conformément au permis délivré le 17 février 2017. Subsidiairement, elle a conclu à ce que la requérante soit condamnée à verser des sûretés d'un montant de 5'000'000 fr. dans un délai de 30 jours, à défaut de quoi l'intimée serait autorisée à pénétrer sur les immeubles et à y exercer l'activité d'exploitation de gravière.  
 
B.f. Lors de l'audience du 14 novembre 2017, les parties ont signé une convention sur la base de laquelle la suspension des procédures provisionnelles et au fond a été ordonnée jusqu'au 30 juin 2018 au plus tard.  
 
B.g. Par procédé du 24 janvier 2019, B.________ SA a conclu à la libération des conclusions formulées par A.________ SA. Le 29 janvier 2019, l'intimée s'est déterminée sur le procédé de la requérante du 24 janvier 2019.  
Les parties, assistées de leurs conseils, ont été entendues lors de l' audience du 3 juillet 2019. Une audience a encore eu lieu le 5 juillet 2019. 
 
B.h. Par ordonnance de mesures provisionnelles du 2 septembre 2019, la Juge déléguée de la Chambre patrimoniale cantonale a notamment ordonné au Conservateur du Registre foncier de Morges d'annoter à titre provisoire une restriction du droit d'aliéner la charge foncière grevant les immeubles nos aaa, bbb, ccc, ddd, eee, fff, ggg, hhh, iii, jjj et kkk de la Commune de U.________ (I), a interdit à A.________ SA, sous la menace de la peine d'amende de l'art. 292 CP, d'aliéner, sous quelque forme que ce soit, la charge foncière précitée (II), a interdit à A.________ SA et à ses auxiliaires, sous la menace de la peine d'amende de l'art. 292 CP, de pénétrer sur les biens-fonds précités (III), et a astreint B.________ SA, sous peine de caducité des mesures provisionnelles ordonnées, à déposer au greffe de la Chambre patrimoniale cantonale, en faveur de A.________ SA, dans un délai de 30 jours dès celui où la présente décision sera devenue définitive, la somme de 1'600'000 fr. en espèces ou une garantie d'un montant équivalent délivrée par une banque établie en Suisse ou par une société d'assurances autorisée à exercer en Suisse (IV).  
 
C.  
 
C.a. Par acte du 13 septembre 2019, B.________ SA a interjeté appel contre cette ordonnance, en concluant principalement à la réforme de son chiffre IV en ce sens qu'elle ne soit pas astreinte à déposer des sûretés et, subsidiairement, à l'annulation du chiffre IV.  
Le même jour, A.________ SA a également interjeté appel contre cette ordonnance, en concluant principalement à la réforme de son chiffre III en ce sens qu'elle soit autorisée à pénétrer sur les immeubles nos aaa, bbb, ccc, ddd, eee, fff, ggg, hhh, iii, jjj et kkk de la Commune de U.________ et d'y exercer l'activité d'exploitation de gravière et, subsidiairement, à ce que B.________ SA soit astreinte à fournir des sûretés d'un montant de 3'375'000 fr. 
 
C.b. Par arrêt du 21 février 2020, expédié le 27 suivant, le Juge délégué de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois a notamment rejeté l'appel de A.________ SA, admis celui de B.________ SA, réformé l'ordonnance entreprise en ce sens que le chiffre IV de son dispositif est supprimé et l'a confirmée pour le surplus.  
 
D.   
Par acte posté le 30 mars 2020, A.________ SA exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 21 février 2020. Elle conclut à son annulation et à sa réforme en ce sens que B.________ SA est astreinte à fournir des sûretés d'un montant de 3'375'000 fr. Elle se plaint principalement d'une violation arbitraire (art. 9 Cst.) de l'art. 264 al. 1 CPC
B.________ SA conclut principalement à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. Le Juge délégué s'est référé aux considérants de son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recours a été formé dans le délai légal (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance statuant sur recours (art. 75 LTF); la valeur litigieuse est atteinte (art. 74 al. 1 let. b LTF); la recourante, qui a succombé devant la juridiction précédente, a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF).  
 
1.2.  
 
1.2.1. Le recours est dirigé contre une décision relative à la fourniture de sûretés au sens de l'art. 264 al. 1 CPC prise dans le cadre d'un prononcé de mesures provisionnelles qui ne met pas fin à la procédure. Il s'agit donc d'une décision incidente visée par l'art. 93 al. 1 LTF.  
La recevabilité du recours en matière civile suppose que la décision incidente attaquée soit de nature à causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, la condition de l'art. 93 al. 1 let. b LTF étant d'emblée exclue. Un préjudice ne peut être qualifié d'irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF que s'il cause un inconvénient de nature juridique; tel est le cas lorsqu'une décision finale, même favorable à la partie recourante, ne le ferait pas disparaître entièrement. En revanche, un dommage économique ou de pur fait n'est pas suffisant (ATF 142 III 798 consid. 2.2; 141 III 80 consid. 1.2; 138 III 190 consid. 6; 137 V 314 consid. 2.2.1). Il incombe à la partie recourante, si cela n'est pas évident, d'indiquer de manière détaillée en quoi elle se trouve menacée d'un préjudice juridique irréparable par la décision de mesures provisionnelles qu'elle conteste; à ce défaut, le recours est irrecevable (ATF 142 III 798 consid. 2.2; 141 III 80 consid. 1.2; 138 III 46 consid. 1.2; 137 III 324 consid. 1.1). 
 
1.2.2. La recourante est d'avis que le refus du juge cantonal de prononcer des sûretés au sens de l'art. 264 al. 1 CPC l'expose à un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF: en effet, ce refus entraînerait pour elle la perte de la garantie de sa prétention en dommages-intérêts dus en cas de mesures provisionnelles injustifiées, qui ne pourra pas être réparée si, à l'issue de la procédure au fond selon l'art. 264 al. 2 CPC, elle obtient gain de cause.  
Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de juger que le refus (total ou partiel) d'ordonner des sûretés en garantie des dépens prévue par les art. 99 à 101 CPC, lequel prive la partie attraite en justice d'une protection légalement prévue, est susceptible de constituer un préjudice d'ordre juridique au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (parmi plusieurs: arrêt 4A_121/2018 du 10 septembre 2018 consid. 5 et les arrêts cités). Un tel constat doit également s'imposer face à une décision refusant les sûretés de l'art. 264 al. 1 CPC, ce d'autant que la question de savoir si la recourante a droit à des sûretés à l'encontre des mesures provisionnelles considérées ne pourra plus être examinée ultérieurement avec le fond. Quoi qu'en dise l'intimée, il y a ainsi lieu d'entrer en matière. 
 
2.   
Lorsque le recours est dirigé contre une décision portant sur des mesures provisionnelles, seule peut être invoquée la violation de droits constitutionnels (art. 98 LTF). Le grief doit être expressément invoqué et précisément motivé (" principe d'allégation ", art. 106 al. 2 LTF; ATF 144 II 313 consid. 5.1; 142 II 369 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4). En particulier, une décision ne peut être qualifiée d'arbitraire (art. 9 Cst.) que si elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 144 I 113 consid. 7.1; 142 II 369 consid. 4.3; 141 III 564 consid. 4.1 et les références). Partant, le recourant ne peut se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en procédure d'appel, où l'autorité de recours jouit d'une libre cognition, notamment en se contentant d'opposer sa thèse à celle de l'autorité précédente. Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et la référence). Par ailleurs, lorsqu'une décision attaquée se fonde sur plusieurs motivations indépendantes, alternatives ou subsidiaires, toutes suffisantes pour sceller le sort de la cause, la partie recourante doit, sous peine d'irrecevabilité, démontrer que chacune d'entre elles est contraire au droit en se conformant aux exigences de motivation requises (ATF 138 I 97 consid. 4.1.4; 136 III 534 consid. 2; 133 IV 119 consid. 6.3). 
 
3.   
La recourante se prévaut principalement d'une violation arbitraire (art. 9 Cst.) de l'art. 264 al. 1 CPC
 
3.1. En vertu de l'art. 264 al. 2 CPC, le requérant répond du dommage causé par des mesures provisionnelles injustifiées. Compte tenu de cette responsabilité, la loi permet au tribunal de l'astreindre à fournir des sûretés, en garantie du dommage que les mesures provisionnelles risquent de causer à la partie adverse (art. 264 al. 1 CPC). L'astreinte à la fourniture de sûretés est une faculté conférée au juge, lequel dispose d'une certaine marge d'appréciation (SPRECHER, in Basler Kommentar, ZPO, 3ème éd. 2017, n° 17 ad art. 264 CPC; COLOMBINI, Code de procédure civile, Condensé de la jurisprudence fédérale et vaudoise, 2018, n° 1 ad art. 264 CPC; cf. avant l'entrée en vigueur du CPC: arrêt 4P.146/2001 du 19 juillet 2001 consid. 2/dd [ad art. 28d al. 3 aCC]).  
L'exigence de sûretés dépend des circonstances de l'espèce. Elles supposent une pesée des intérêts en présence et se fondent sur la vraisemblance du dommage. Leur montant doit être fonction du préjudice que risque de subir la partie contre laquelle les mesures sont ordonnées. Les sûretés s'imposent assez naturellement en cas d'exécution anticipée, alors qu'il se justifie d'y renoncer lorsque les mesures provisionnelles requises n'ont pas d'autre but que le maintien d'une situation conforme au droit. Plus le droit du requérant paraît fondé, moins le dépôt de sûretés se justifie (BOHNET, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n° 5 ad art. 264 CPC). Le rapport de causalité - à rendre aussi vraisemblable - doit être direct entre les mesures provisionnelles et le dommage potentiel (HUBER, in Sutter-Somm et al., Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], 2016, n° 14 ad art. 264 CPC). 
 
3.2. Le Juge délégué a retenu que la demande au fond tendait à constater la nullité et/ou l'invalidité de la charge foncière et à la faire radier du registre foncier. Les mesures prononcées à titre provisionnel consistaient en l'annotation d'une restriction du droit d'aliéner la charge et une interdiction de pénétrer sur les biens-fonds concernés par la charge foncière. Elles n'avaient dès lors pas pour unique but le maintien d'une situation conforme au droit, mais impliquaient pour la défenderesse de ne pas pouvoir commencer comme prévu l'exploitation d'une gravière sur les parcelles concernées. Il y avait donc lieu de procéder à une pesée des intérêts en jeu et de comparer la vraisemblance de la prétention de la demanderesse avec celle du dommage allégué par la défenderesse. Comme l'avait constaté le premier juge, le droit de la demanderesse ne paraissait pas à ce point certain qu'il se justifiât de ne pas octroyer de sûretés à la défenderesse. Or, si la demanderesse n'obtenait pas gain de cause au fond et si la charge foncière n'était pas radiée, la situation était complexe.  
Il a ensuite constaté que, dans le cas présent, la charge foncière ne tendait pas à une prestation positive du propriétaire des biens-fonds, mais à un devoir de tolérance: le propriétaire devait laisser le bénéficiaire exploiter les gisements de gravier existants. Or, en cas d'inexécution, la charge foncière ne conférait que le droit d'être payé sur le prix de l'immeuble grevé: la défenderesse n'aurait ainsi pas de droit à exploiter les biens-fonds et il n'y aurait pas de " préjudice d'exploitation ". Il n'y aurait en outre pas de préjudice correspondant à la valeur de la charge inscrite, dès lors que la défenderesse disposerait de la procédure de réalisation de gage pour se payer sur le prix de l'immeuble grevé. 
Le Juge délégué a encore examiné la thèse de la défenderesse portant sur la possibilité d'une conversion de la charge foncière en servitude personnelle. Si une telle possibilité devait être admise, le dommage de la défenderesse correspondrait certes à la perte de bénéfice pour les années durant lesquelles aurait duré la procédure. Cette conversion n'apparaissait toutefois pas possible et, en tous les cas, peu vraisemblable à ce stade, de sorte que cette hypothèse ne pouvait donner lieu à l'allocation de sûretés. Au demeurant, si on admettait qu'une conversion était possible et qu'un dommage serait dès lors encouru, encore faudrait-il que la défenderesse ait rendu vraisemblable son dommage, ce qu'elle soutenait avoir fait par la production du rapport d'expertise de D.________ SA. Ce rapport, déposé le 20 octobre 2017, avait été établi à la demande de la défenderesse. Il se fondait sur la prémisse que le mandant ou les tiers désignés lui avaient fourni des informations et des documents exacts et complets. Il n'avait dès lors pas de valeur plus élevée qu'une déclaration de partie. Pour le surplus, on ignorait quelles étaient les possibilités pour la défenderesse de réduire le personnel et d'oeuvrer sur d'autres chantiers, cette question faisant à ce stade l'objet d'allégations contradictoires des parties. Partant, même si l'existence d'un dommage devait être admis quant à son principe, il n'avait pas été rendu vraisemblable quant à sa quotité. 
Enfin, le Juge délégué a relevé que la charge foncière, à la supposer valable et efficace, ne conférerait de toute façon aucun droit d'exploitation dont la défenderesse pourrait demander l'exécution en justice (cf. art. 791 CC); elle ne lui donnerait que le droit d'être payé sur le prix de réalisation des immeubles. Il n'y avait dès lors pas de dommage au sens de l'art. 264 al. 2 CPC
Fort de ces motifs, le Juge délégué a considéré que des sûretés n'étaient pas dues. 
 
3.3. Il n'est pas contesté que la recourante devait, pour voir accueillie sa requête en fourniture de sûretés, rendre vraisemblable le risque d'un dommage et le montant de cet éventuel dommage. Or, à cet égard, le Juge délégué a, dans une motivation subsidiaire, considéré que la recourante n'avait pas rapporté la preuve de la vraisemblance qui lui incombait au motif que l'expertise privée qu'elle avait produite ne valait pas plus qu'une déclaration de partie. A cela, la recourante rétorque qu'au stade de la vraisemblance dans le cadre des mesures provisionnelles, une allégation de partie peut suffire à emporter la conviction du juge. Elle estime que, dans ces conditions, l'expertise privée, qui fournissait des données chiffrées sur l'estimation de la perte d'exploitation qu'elle risquait de subir ne pouvait pas être écartée. En s'abstenant de la prendre en compte pour des motifs incompatibles avec l'art. 264 al. 1 CPC et en lui déniant toute force probante, le Juge délégué avait, selon elle, violé l'interdiction de l'arbitraire, de même que son droit d'être entendue. Ce faisant, la recourante perd de vue que le Tribunal fédéral a considéré qu'en raison de sa provenance unilatérale, la production d'une expertise privée, contestée par une partie, ne pouvait suffire à rendre vraisemblable les faits sur lesquels doit se fonder l'octroi des mesures provisionnelles requises, si les constatations de fait qu'elle contient ne sont pas appuyées par des indices objectifs établis par des moyens de preuve (ATF 141 III 433 consid. 2.6; arrêts 4A_42/2017 du 29 janvier 2018 consid. 3.3.2 et 3.3.3 non publié aux ATF 144 III 136; 4A_299/2017 du 2 octobre 2017 consid. 4.1; 4A_85/2017 du 4 septembre 2017 consid. 2.2.2; 4A_318/2016 du 3 août 2016 consid. 3.2; voir aussi arrêt 4A_36/2012 du 26 juin 2012 consid. 2.4, publié in sic! 2012 p. 627). C'est dire que, sous l'angle de l'arbitraire, le raisonnement subsidiaire du Juge délégué résiste à la critique de la recourante. Cela est d'autant plus vrai que cette dernière ne prétend pas que l'intimée se serait abstenue de contester - ou n'aurait pas contesté de manière suffisamment motivée - le contenu de l'expertise privée dont elle se prévaut. Se contentant de se référer aux éléments contenus dans cette expertise, elle ne démontre par ailleurs pas que le Juge délégué aurait arbitrairement omis certains éléments probants propres à la corroborer, notamment s'agissant de la quotité du dommage qu'elle pourrait subir.  
Il suit de là que le constat selon lequel la recourante n'avait pas apporté, au degré de la vraisemblance, la preuve qui lui incombait n'est en rien insoutenable. Il est à lui seul suffisant pour justifier le refus d'exiger le versement de sûretés. Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au Juge délégué d'avoir outrepassé le pouvoir d'appréciation qui lui est reconnu par le législateur en la matière. Le recours se révèle ainsi infondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres critiques formées par la recourante. 
 
4.   
En définitive, le recours doit être rejeté. En tant que partie qui succombe, la recourante prendra à sa charge les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et versera des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 15'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 16'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Juge délégué de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 27 août 2020 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : Hildbrand