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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_36/2023  
 
 
Arrêt du 11 octobre 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Chaix, Juge présidant, Merz et Pont Veuthey, Juge suppléante. 
Greffier : M. Parmelin. 
 
Participants à la procédure 
A.________ et B.A.________, 
représentés par Me Julien Blanc, avocat, rue des Alpes 15, 1201 Genève, 
recourants, 
 
contre  
 
C.________ et D.C.________, 
représentés par Me Luca Bozzo, avocat, rue de Jargonnant 2, 1207 Genève, 
intimés, 
 
Département du territoire de la République et canton de Genève, Office des autorisations de construire, Service des affaires juridiques, case postale 22, 1211 Genève 8. 
 
Objet 
Autorisation de construire; mise en conformité; 
qualité pour recourir, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 29 novembre 2022 (ATA/1201/2022 - A/1358/2021-LCI). 
 
 
Faits :  
 
A.  
C.________ et D.C.________ sont copropriétaires des parcelles nos 2431 et 2432 de la commune de Cologny, sises en 5ème zone à bâtir, dans le périmètre de protection instauré par la loi cantonale sur la protection générale des rives du lac du 4 décembre 1992 (LPRLac; rsGE L 4 10). La parcelle no 2431, sur laquelle est érigée leur villa, présente une pente descendante, en direction du lac, sur plus de 10 mètres entre les limites nord et sud. La parcelle n° 2432 n'est pas bâtie. 
A.________ et B.A.________ sont copropriétaires de la parcelle no 1657, située en face des parcelles nos 2431 et 2432, dont elle est séparée par le chemin du Nant-d'Argent. Cette parcelle abrite deux bâtiments composés de bureaux et un garage souterrain. 
Le 5 mai 2017, le Département du territoire de la République et canton de Genève a délivré aux époux C.________ une autorisation de construire en vue de la transformation et de l'agrandissement de leur villa. Les travaux ont commencé en juin 2017. A.________ et B.A.________ ont déposé le 29 juin 2017 une requête de mesures provisionnelles et superprovisionnelles devant le Tribunal civil en concluant à la cessation immédiate des travaux et à la mise en oeuvre d'une expertise. Les travaux avaient occasionné des dégâts dans leur bâtiment. La procédure civile est toujours en cours. 
Le 3 juin 2019, le Département du territoire a octroyé aux époux C.________ une autorisation de construire en procédure accélérée en vue de la construction d'une piscine de 45 m2 et de l'aménagement d'une terrasse. 
Le 4 mars 2021, le Département du territoire leur a délivré une autorisation de construire en procédure accélérée ayant pour objet la mise en conformité de la transformation du terrain, sur la base de la dernière version du projet enregistrée le 23 février 2021. Le Service cantonal des monuments et des sites avait préavisé défavorablement le projet jusqu'à la confirmation, obtenue le 22 février 2021 de l'architecte mandaté par les constructeurs, que le remblai effectué en amont de la piscine ne serait pas supérieur à une hauteur d'un mètre. 
 
B.  
Par acte du 19 avril 2021, A.________ et B.A.________ ont déposé un recours contre cette décision devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après: le TAPI) en concluant notamment à ce que la nullité des autorisations de construire en procédure accélérée soit constatée. Ils invoquaient la violation des dispositions de la LPRLac relatives à des questions de procédure (application non conforme de la procédure accélérée et défaut de préavis de certaines instances cantonales) et du règlement d'application de la loi genevoise sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI; rsGE L 5 05.01) en lien avec la hauteur du remblai en amont de la piscine supérieure à un mètre. 
Au terme d'un jugement rendu le 7 avril 2022, le TAPI a rejeté le recours après avoir laissé indécise la question de la qualité pour recourir des voisins. 
 
C.  
Par arrêt du 29 novembre 2022, la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté le recours interjeté contre ce jugement par A.________ et B.A.________. Elle a considéré que le TAPI aurait dû déclarer le recours irrecevable en raison de l'absence d'un intérêt actuel et pratique à l'annulation de l'autorisation de construire du 4 mars 2021. Par surabondance, elle s'est prononcée sur les griefs de fond qu'elle a écartés. 
 
D.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ et B.A.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de renvoyer la cause à la Chambre administrative pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
La cour cantonale se réfère à son arrêt sans autres observations. Les intimés concluent au rejet du recours ainsi qu'à la confirmation de l'arrêt de la Chambre administrative, du jugement du TAPI et des autorisations de construire. Ils requièrent également la condamnation des recourants au paiement d'une amende pour emploi de procédés téméraires. Le Département du territoire conclut au rejet du recours. 
Les recourants ont répliqué. 
Les intimés ont déposé des déterminations complémentaires. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre une décision prise dans le domaine du droit public des constructions, le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Le recours a été formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d, 90 et 100 al. 1 LTF). 
En l'occurrence, les recourants ont pris part à la procédure de recours devant l'autorité cantonale et disposent d'un intérêt digne de protection à obtenir l'annulation de l'arrêt attaqué qui rejette leur recours et qui confirme en dernière instance cantonale les autorisations de construire en procédure accélérée délivrées aux intimés. Ils bénéficient de la qualité pour recourir auprès du Tribunal fédéral afin de faire contrôler que leur vocation pour agir sur le plan cantonal ne leur a pas été déniée à tort et en violation du droit fédéral (art. 89 al. 1 LTF). Les autres conditions de recevabilité étant au surplus réunies, il convient d'entrer en matière sur le recours. 
 
2.  
Lorsque la décision attaquée comporte plusieurs motivations indépendantes dont chacune suffit à sceller le sort de la cause, il appartient à la partie recourante, sous peine d'irrecevabilité, de s'attaquer conformément aux art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF à chacune d'entre elles, et de démontrer qu'elles sont contraires au droit (ATF 142 III 364 consid. 2.4). Pour que le recours soit rejeté, il suffit toutefois que l'une des motivations apparaisse comme conforme au droit, permettant ainsi de maintenir la décision entreprise (ATF 133 III 221 consid. 7; 132 I 13 consid. 6; arrêt 1C_660/2022 du 12 juin 2023 consid. 1.4). 
En l'espèce, la Cour de justice a adopté une double motivation pour aboutir au rejet du recours. Elle a, d'une part, considéré que le TAPI aurait dû déclarer irrecevable le recours dont les époux A.________ l'avaient saisie et a, d'autre part, rejeté les griefs quant au fond. Les recourants s'en prennent à ces deux motivations, comme il leur incombait de le faire. 
 
3.  
Dans un premier argument, les recourants soulignent que la Chambre administrative serait arrivée, à tort, à la conclusion que le TAPI aurait dû déclarer leur recours irrecevable, faute pour eux de disposer d'un intérêt actuel et pratique digne de protection à l'annulation de la décision attaquée. Ils dénoncent une violation des principes applicables en matière de qualité pour recourir et singulièrement de l'art. 111 LTF
 
3.1. Selon cette disposition, la qualité de partie à la procédure devant toute autorité cantonale précédente doit être reconnue à quiconque a qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral. L'alinéa 3 précise que l'autorité qui précède immédiatement le Tribunal fédéral doit pouvoir examiner au moins les griefs visés aux art. 95 à 98 LTF. Il en résulte que la qualité pour recourir devant les autorités cantonales ne peut pas s'apprécier de manière plus restrictive que celle pour recourir devant le Tribunal fédéral, les cantons demeurant libres de concevoir cette qualité de manière plus large (ATF 144 I 43 consid. 2.1). Tel n'est pas le cas dans le canton de Genève (cf. arrêt 1C_547/2020 du 12 septembre 2020 consid. 5.1; GRODECKI/JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 693), de sorte qu'il convient d'analyser la qualité pour recourir sous l'angle de l'art. 89 al. 1 LTF. S'agissant de droit fédéral (art. 111 al. 1 LTF), le Tribunal fédéral examine cette question librement.  
 
3.2. Selon l'art. 89 al. 1 let. c LTF, qui correspond à l'art. 60 al. 1 let. b de la loi genevoise sur la procédure administrative (LPA; rsGE E 5 10), la qualité pour recourir est reconnue à toute personne qui dispose d'un intérêt digne de protection à demander la modification ou l'annulation de la décision attaquée. Cet intérêt doit être actuel et exister tant au moment du dépôt du recours qu'à celui où l'arrêt est rendu (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1). De cette manière, les tribunaux sont assurés de trancher uniquement des questions concrètes et non de prendre des décisions à caractère théorique. Ainsi, la simple perspective d'un intérêt futur ne suffit pas et une partie qui n'est pas concrètement lésée par la décision ne possède pas la qualité pour recourir (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1; arrêt 1C_423/2018 du 30 juin 2023 consid. 1.1).  
La proximité avec l'objet du litige ne permet pas à elle seule de conférer au voisin la qualité pour recourir contre la délivrance d'une autorisation de construire. Celui-ci doit en outre retirer un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de l'arrêt contesté qui permette d'admettre qu'il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général des autres habitants de la commune (cf. ATF 144 I 43 consid. 2.1; 137 II 30 consid. 2.2.3 et 2.3; 133 II 249 consid. 1.3.1; arrêt 1C_130/2022 du 1er mai 2023 consid. 3.2). 
La qualité pour recourir est ainsi reconnue aux voisins en lien avec un projet de construction s'il est certain ou très vraisemblable qu'ils seraient touchés par les immissions - bruit, poussières, vibrations, lumières ou autres - générées par l'installation litigieuse (ATF 140 II 214 consid. 2.3). 
 
3.3. En l'occurrence, la Cour de justice a relevé que la propriété des recourants était située en face des parcelles litigieuses, dont elle était séparée par le chemin du Nant-d'Argent d'une largeur de plus 5 mètres. L'autorisation de construire querellée portait exclusivement sur la transformation du terrain, à savoir une mise en conformité à la suite des travaux de terrassement effectués lors de la construction de la piscine. La parcelle concernée étant en pente descendante vers le lac et la propriété des recourants se situant en hauteur par rapport au terrain querellé, ils n'encouraient aucune gêne, notamment visuelle, de par la mise à niveau litigieuse du terrain, celui-ci étant sis en contrebas. Ils n'invoquaient pas d'autres nuisances. La détermination du terrain naturel avant remblai pouvait certes être importante dans le cadre de la fixation des gabarits d'une future construction. Une telle situation n'était toutefois qu'hypothétique. Les constructions visées par les autorisations de construire en procédure accélérée sont planes, s'agissant d'une terrasse et d'une piscine, voire du remblai à raison d'un mètre de hauteur, sans incidence sur les perspectives visuelles offertes aux voisins depuis leur propriété. Aucun projet de construction n'existe en l'état. De surcroît, les voisins pourront faire valoir, s'ils s'y estiment fondés, d'éventuels griefs dans le cadre d'une éventuelle future procédure en autorisation de construire qui serait sollicitée par les propriétaires. L'intérêt hypothétique et futur précité ne remplissait pas les conditions de l'intérêt actuel nécessaire à se voir reconnaître la qualité pour recourir. En conséquence, le TAPI aurait dû déclarer le recours irrecevable.  
 
3.4. Les recourants font valoir que l'autorisation de construire querellée entraînera une modification du terrain dont la nouvelle hauteur serait définitivement entérinée par la présente procédure et autoriserait la construction de futurs bâtiments ou la plantation d'arbres plus hauts que ce que la loi et le règlement municipal de quartier ne permettraient sans qu'ils ne puissent s'y opposer, en portant atteinte à la vue dont ils bénéficient depuis leur propriété et à la valeur de leur bien-fonds. Certes, comme l'a admis la cour cantonale, la détermination du terrain naturel avant son remblayage est susceptible d'avoir une incidence dans le cadre d'une future construction ou de plantations. Aucun projet de construction n'existe toutefois en l'état. Même si une construction pourrait être réalisée sur la portion de terrain en cause, pareille éventualité apparaît pour le moins théorique au vu de la configuration des lieux. Quoi qu'il en soit, les recourants pourront toujours s'opposer à ce que le terrain remblayé soit pris comme point de référence au sol pour le calcul des gabarits d'une éventuelle nouvelle construction en amont de la piscine et de la terrasse. Ils pourront également demander le cas échéant que d'éventuelles plantations respectent la hauteur légale et réglementaire depuis le terrain naturel avant les travaux de remblayage. C'est ainsi à juste titre et sans violer le droit fédéral que la Cour de justice a considéré que les recourants ne se prévalaient que d'un intérêt hypothétique et futur à son annulation qui ne deviendra effectif qu'en présence d'un projet de construction qui prendrait en compte le terrain remblayé et non pas le terrain naturel. Le remblai d'une hauteur d'un mètre aménagé en amont de la piscine est au surplus sans incidence sur la vue sur le lac dont les recourants jouissent actuellement depuis leur propriété et ne leur cause aucune gêne ou nuisance susceptible de leur conférer un intérêt digne de protection à recourir (cf. arrêt 1C_660/2022 du 12 juin 2023 consid. 2.3).  
Cela étant, l'obtention de l'annulation de l'autorisation relative à la mise en conformité du terrain n'est pas de nature à leur conférer un avantage actuel et pratique. 
Les recourants font encore valoir qu'ils auraient un intérêt évident à agir contre la construction de la piscine elle-même puisque celle-ci est à la base du litige opposant les parties dans la présente procédure, notamment des modifications de terrain litigieuses, et qu'elle a un impact direct sur la vue depuis leur propriété. Ils n'ont toutefois pas recouru contre l'autorisation de construire relative à cet ouvrage délivrée aux intimés, qui est ainsi entrée en force et exécutoire. Le fait qu'ils disposent d'une vue directe sur celle-ci depuis leur propriété ne permet pas de leur reconnaître la qualité pour recourir contre l'autorisation de construire portant sur la mise en conformité du terrain qui ne concerne pas cet ouvrage. 
La décision attaquée échappe ainsi à la critique et doit être confirmée en tant qu'elle conclut à l'irrecevabilité du recours formé en première instance et qu'elle rejette le recours pour ce motif. Cela scelle le sort du recours de telle sorte qu'il n'est pas nécessaire d'examiner si c'est à tort ou à raison que la Cour de justice a, par surabondance, rejeté le recours quant au fond. 
 
4.  
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours aux frais des recourants, qui succombent (art. 66 al. 1 LTF). Les intimés, qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat, ont droit à l'octroi d'une indemnité à titre de dépens qui sera mise à la charge solidaire des recourants (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
Même si l'issue du recours était prévisible, celui-ci ne saurait être qualifié de téméraire, de sorte qu'il n'y a pas matière à infliger une amende disciplinaire à leurs auteurs en application de l'art. 33 al. 2 LTF, comme le demandent les intimés. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge des recourants. 
 
3.  
Une indemnité de 1'500 fr. est allouée aux intimés à titre de dépens, à la charge solidaire des recourants. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, ainsi qu'au Département du territoire et à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 11 octobre 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Chaix 
 
Le Greffier : Parmelin