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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1C_173/2018  
 
 
Arrêt du 19 décembre 2018  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président, 
Karlen et Fonjallaz. 
Greffière : Mme Arn. 
 
Participants à la procédure 
 A.________, représenté par Me Andrea Von Flüe, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Secrétariat d'Etat aux migrations, Quellenweg 6, 3003 Berne. 
 
Objet 
Annulation de la naturalisation facilitée, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour VI, du 23 février 2018 (F-7210/2016). 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________, né en 1976, d'origine marocaine, a fait l'objet d'une première interdiction d'entrée en Suisse en 1996, puis d'une seconde en 2003, en raison d'infractions graves aux prescriptions de polices des étrangers. Il est revenu en Suisse le 11 juillet 2006 alors qu'il était toujours sous le coup d'une mesure d'éloignement. Le 20 novembre 2006, il a contracté mariage à Lausanne avec une citoyenne suisse née en 1953. Selon l'attestation émise par le Service du Contrôle des habitants de Lausanne le 5 décembre 2011, l'intéressé a été régulièrement inscrit en cette ville en résidence principale du 11 juillet 2006 au 1 er février 2007, date de l'annonce de son changement de domicile pour Berne. A partir du 4 novembre 2010, l'intéressé a occupé un emploi temporaire auprès de l'aéroport de Genève.  
Par requête du 17 janvier 2012, A.________ a requis la naturalisation facilitée qu'il a obtenue le 28 juin 2013, après avoir cosigné avec son épouse, le 18 juin 2013, une déclaration écrite au terme de laquelle ils confirmaient vivre en communauté conjugale effective et stable, résider à la même adresse et n'envisager ni séparation ni divorce. 
 
B.   
Le 6 avril 2014, les époux ont déposé une requête commune de divorce avec accord complet sur les effets accessoires du divorce et, par jugement du 3 février 2015, le Tribunal de première instance du canton de Genève a prononcé le divorce des époux. 
Par courrier du 7 janvier 2016, le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) a avisé A.________ qu'il allait examiner s'il y avait lieu d'annuler sa naturalisation facilitée. Celui-ci s'est déterminé en date du 15 février 2016, expliquant entre autres qu'il avait été extrêmement surpris par la décision unilatérale de son ex-épouse de mettre un terme à la vie commune et que la déclaration concernant la communauté conjugale signée le 18 juin 2013 était sincère. 
Dans le cadre de cette procédure, son ex-épouse a été auditionnée le 25 juillet 2016. Interrogée sur les raisons de la séparation du couple survenue le 22 avril 2014 - date à laquelle son mari avait quitté le domicile conjugal pour s'établir à Genève -, elle a principalement évoqué son surmenage au travail et sa santé défaillante (grande nervosité, bouffées de chaleur, pertes de cheveux). Concernant ce dernier point, elle a laissé entendre qu'elle avait déjà rencontré de tels problèmes par le passé et que ceux-ci avaient mis à rude épreuve la relation du couple, précisant que son époux avait toujours connu la précarité de son état de santé; l'incapacité de son mari de trouver un emploi dans le canton de Berne avait également fortement pesé sur la vie du couple. Enfin, elle a insisté sur le fait que la décision de se séparer et de divorcer avait été prise conjointement, contestant l'affirmation contraire de son ex-époux selon laquelle elle avait pris seule la décision de mettre un terme à la vie commune. 
 A.________ s'est déterminé sur les déclarations de son ex-épouse. 
Par décision du 20 octobre 2016, le SEM a prononcé l'annulation de la naturalisation facilitée accordée au prénommé. 
 
C.   
Le Tribunal administratif fédéral a confirmé cette décision dans un arrêt rendu le 23 février 2018. Il a considéré en particulier que l'enchaînement chronologique relativement rapide des faits, en particulier la séparation des conjoints intervenue moins de 10 mois après l'octroi de la naturalisation facilitée, fondait la présomption de fait selon laquelle, au moment de la signature de la déclaration commune et lors de la décision de naturalisation, la communauté conjugale des époux n'était plus stable et orientée vers l'avenir. Les éléments avancés par le recourant n'étaient pas susceptibles de renverser cette présomption. 
 
D.   
A.________ forme un recours par lequel il demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif fédéral ainsi que la décision du SEM annulant la naturalisation facilitée. Il conclut également à l'octroi de l'assistance judiciaire. 
L'instance précédente a renoncé à prendre position. Le SEM a observé que le recours ne contenait aucun élément propre à remettre en cause l'arrêt du 23 février 2018. L'intéressé n'a pas déposé d'autres écritures. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Dirigé contre la décision du Tribunal administratif fédéral qui confirme l'annulation de la naturalisation facilitée accordée au recourant, le recours est recevable comme recours en matière de droit public (art. 82 let. a et 86 al. 1 let. a LTF). Le motif d'exclusion de l'art. 83 let. b LTF n'entre pas en ligne de compte, dès lors qu'il s'agit en l'espèce de naturalisation facilitée et non pas de naturalisation ordinaire. Pour le surplus, le recourant a la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF et les conditions formelles de recevabilité sont remplies, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.   
L'entrée en vigueur, au 1 er janvier 2018, de la nouvelle loi sur la nationalité suisse du 20 juin 2014 (LN; RS 141.0) a entraîné l'abrogation de la loi fédérale du 29 septembre 1952 sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse (aLN), conformément à l'art. 49 LN (en relation avec le chiffre I de son annexe). En vertu de la réglementation transitoire prévue par l'art. 50 LN, l'acquisition et la perte de la nationalité suisse sont régies par le droit en vigueur au moment où le fait déterminant s'est produit. Dans la présente cause, tous les faits s'étant déroulés sous l'empire de l'ancien droit, c'est l'aLN qui s'applique.  
 
3.   
Le recourant conteste avoir obtenu la naturalisation par des déclarations mensongères. 
 
3.1. Conformément à l'art. 41 al. 1 aLN, le SEM peut, avec l'assentiment de l'autorité du canton d'origine, annuler la naturalisation facilitée obtenue par des déclarations mensongères ou par la dissimulation de faits essentiels.  
Pour qu'une naturalisation facilitée soit annulée, il ne suffit pas qu'elle ait été accordée alors que l'une ou l'autre de ses conditions n'était pas remplie; il faut qu'elle ait été acquise grâce à un comportement déloyal et trompeur. S'il n'est point besoin que ce comportement soit constitutif d'une escroquerie au sens du droit pénal, il est nécessaire que l'intéressé ait donné sciemment de fausses informations à l'autorité ou qu'il l'ait délibérément laissée dans l'erreur sur des faits qu'il savait essentiels (ATF 140 II 65 consid. 2.2 p. 67). Tel est notamment le cas si le requérant déclare vivre en communauté stable avec son conjoint alors qu'il envisage de se séparer une fois obtenue la naturalisation facilitée; peu importe que son mariage se soit ou non déroulé jusqu'ici de manière harmonieuse (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_601/2017 du 1 er mars 2018 consid. 3.1.1; 1C_588/2017 du 30 novembre 2017 consid. 5.1).  
La nature potestative de l'art. 41 al. 1 aLN confère une certaine liberté d'appréciation à l'autorité compétente, qui doit toutefois s'abstenir de tout abus dans l'exercice de celle-ci. Commet un abus de son pouvoir d'appréciation l'autorité qui se fonde sur des critères inappropriés, ne tient pas compte de circonstances pertinentes ou rend une décision arbitraire, contraire au but de la loi ou au principe de la proportionnalité (ATF 129 III 400 consid. 3.1 p. 403). 
D'après la jurisprudence, la notion de communauté conjugale suppose non seulement l'existence formelle d'un mariage, mais encore une véritable communauté de vie des conjoints; tel est le cas s'il existe une volonté commune et intacte de ceux-ci de maintenir une union conjugale stable; une séparation survenue peu après l'octroi de la naturalisation constitue un indice de l'absence de cette volonté lors de l'obtention de la citoyenneté suisse (ATF 135 II 161 consid. 2 p. 165; 130 II 482 consid. 2 p. 484; 128 II 97 consid. 3a p. 98). 
 
3.2. La procédure administrative fédérale est régie par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 40 de la loi fédérale de procédure civile fédérale du 4 décembre 1947 [PCF; RS 273], applicable par renvoi de l'art. 19 PA [RS 172.021]). Ce principe vaut également devant le Tribunal administratif fédéral (art. 37 LTAF [RS 173.32]). L'administration supporte le fardeau de la preuve lorsque la décision intervient, comme en l'espèce, au détriment de l'administré. Cela étant, la jurisprudence admet dans certaines circonstances que l'autorité puisse se fonder sur une présomption. C'est notamment le cas pour établir que le conjoint naturalisé a menti lorsqu'il a déclaré former une union stable, dans la mesure où il s'agit d'un fait psychique lié à des éléments relevant de la sphère intime, souvent inconnus de l'administration et difficiles à prouver (ATF 135 II 161 consid. 3 p. 166; 130 II 482 consid. 3.2 p. 485). Partant, si l'enchaînement rapide des événements fonde la présomption de fait que la naturalisation a été obtenue frauduleusement, il incombe alors à l'administré de renverser cette présomption en raison, non seulement de son devoir de collaborer à l'établissement des faits (art. 13 al. 1 let. a PA; cf. ATF 135 II 161 consid. 3 p. 166; 132 II 113 consid. 3.2 p. 115 s.), mais encore de son propre intérêt (ATF 130 II 482 consid. 3.2 p. 485 s.).  
S'agissant d'une présomption de fait, qui ressortit à l'appréciation des preuves et ne modifie pas le fardeau de la preuve (cf. ATF 135 II 161 consid. 3 p. 166), l'administré n'a pas besoin, pour la renverser, de rapporter la preuve contraire du fait présumé, à savoir faire acquérir à l'autorité la certitude qu'il n'a pas menti; il suffit qu'il parvienne à faire admettre l'existence d'une possibilité raisonnable qu'il n'ait pas menti en déclarant former une communauté stable avec son conjoint. Il peut le faire en rendant vraisemblable, soit la survenance d'un événement extraordinaire susceptible d'expliquer une détérioration rapide du lien conjugal, soit l'absence de conscience de la gravité de ses problèmes de couple et, ainsi, l'existence d'une véritable volonté de maintenir une union stable avec son conjoint lorsqu'il a signé la déclaration (ATF 135 II 161 consid. 3 p. 165 s. et les arrêts cités). 
 
3.3. En l'espèce, le Tribunal administratif fédéral a considéré que le relatif court laps de temps séparant la déclaration sur la communauté conjugale (le 18 juin 2013), l'octroi de la naturalisation facilitée (le 28 juin 2013), le dépôt d'une requête commune en divorce (le 6 avril 2014), l'annonce officielle du départ de l'intéressé pour Genève (le 22 avril 2014), le jugement de divorce (le 3 février 2015) et son remariage au Maroc (le 25 ou le 26 novembre 2015) était de nature à fonder la présomption que cette naturalisation avait été acquise au moyen de déclarations mensongères, voire par la dissimulation de faits essentiels.  
Le recourant ne conteste aucun de ces éléments de fait. Quoi qu'il en pense, la présomption que sa naturalisation a été obtenue frauduleusement peut être admise, compte tenu de l'enchaînement des différents événements précités, en particulier la séparation du couple et la requête de divorce avec accord complet, intervenues moins de dix mois après l'obtention de la nationalité suisse (cf. notamment arrêts 1C_82/2018 du 31 mai 2018 consid. 4.3; 1C_503/2015 du 21 janvier 2016 consid. 3.2 et les arrêts cités). 
Par le biais d'un grief tiré de la violation du droit d'être entendu, le recourant entend contester le mécanisme de présomption de fait qui prévaut dans le droit de la naturalisation facilitée. Telle qu'elle est formulée, sa critique ne satisfait toutefois pas aux exigences accrues de motivation découlant de l'art. 106 al. 2 LTF; elle est donc irrecevable (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503; 142 II 369 consid. 2.1 p. 372). Cela étant, il sied de rappeler que ce mécanisme a été maintes fois confirmé par la jurisprudence (cf. notamment ATF 135 II 161 consid. 3 p. 166). 
Pour l'instance précédente, cette présomption était renforcée par le fait notamment que les conditions de séjour du recourant en Suisse étaient précaires au moment de son premier mariage et qu'il s'était remarié moins d'une année après son divorce avec une citoyenne marocaine ayant 32 ans de moins que sa première épouse. Quoi qu'en pense le recourant, l'instance précédente pouvait en l'espèce, sans violer le droit fédéral, prendre en compte ces éléments dans son appréciation (cf. arrêts 1C_588/2017 du 30 novembre 2017 consid. 5.3.2; 1C_121/2014 du 20 août 2014 consid. 2.1.2). En outre, au vu de son argumentation, l'intéressé semble méconnaître que ces éléments ont été pris en compte pour renforcer la présomption établie et non pour l'établir. 
Conformément à la jurisprudence précitée, il convient à présent d'examiner si le recourant est parvenu à renverser cette présomption en rendant vraisemblable, soit la survenance d'un événement extraordinaire susceptible d'expliquer une dégradation aussi rapide du lien conjugale, soit l'absence de conscience de la gravité des problèmes de couple au moment de la signature de la déclaration commune. 
 
3.4. Dans son mémoire, le recourant n'avance aucun élément extraordinaire qui aurait précipité la fin de son mariage. Pour renverser la présomption établie, le recourant affirme brièvement que l'union conjugale était stable durant la procédure de naturalisation et qu'il ne pouvait pas prévoir que les difficultés rencontrées par moment au sein du couple, liées notamment aux problèmes de santé de son ex-épouse, aboutiraient à une séparation puis à un divorce. Il ajoute qu'il ne lui est pas possible de prouver le développement des problèmes de santé de son ex-épouse, compte tenu du secret médical.  
Sur ce point, l'instance précédente a relevé - sans que cela ne soit contesté - qu'il ressortait des déclarations de l'ex-épouse que le recourant avait toujours été au courant, et donc a fortiori pendant la procédure de naturalisation facilitée, de la précarité de l'état de santé de celle-ci. Pour l'instance précédente, cet élément constituait plutôt un indice sérieux démontrant que le processus de délitement du lien conjugal était déjà passablement avancé au moment de la signature de la déclaration sur l'union conjugale et qu'il était invraisemblable que le recourant ait pu avoir la conviction que son union était alors effective et stable. En l'occurrence, le recourant n'apporte aucun argument susceptible de contredire le raisonnement de l'autorité précédente, et en particulier de démontrer qu'il n'avait pas conscience en juin 2013 de la détérioration progressive de sa relation conjugale, due notamment aux problèmes de santé de son ex-épouse et à son incapacité de trouver du travail sur Berne. Enfin, le recourant se prévaut en vain d'une prétendue addiction à l'alcool de son ex-épouse. Comme relevé par l'instance précédente, celui-ci n'en jamais fait état au cours de la procédure de première instance. De plus, il n'a jamais donné la moindre information substantielle sur une telle addiction. En définitive, les éléments avancés par la recourante ne suffisent pas à renverser la présomption établie. 
 
3.5. Il en découle que les conditions d'application de l'art. 41 aLN sont réunies et que le Tribunal administratif fédéral n'a pas violé le droit fédéral en confirmant l'annulation de la naturalisation facilitée qui avait été octroyée au recourant.  
 
4.   
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Dès lors que le recourant est dans le besoin et que ses conclusions ne paraissaient pas d'emblée vouées à l'échec, sa requête d'assistance judiciaire doit être admise (art. 64 al. 1 LTF). Par conséquent, il y a lieu de le dispenser des frais judiciaires et d'allouer une indemnité à son mandataire, désigné comme avocat d'office (art. 64 al. 2 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Andrea Von Flüe       est désigné comme défenseur d'office du recourant et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à verser par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Secrétariat d'Etat aux migrations et au Tribunal administratif fédéral, Cour VI. 
 
 
Lausanne, le 19 décembre 2018 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Merkli 
 
La Greffière : Arn