Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
[AZA 7] 
U 324/99 Sm 
 
 
IIe Chambre 
 
composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, et 
Ferrari, Ribaux, suppléant; Berthoud, Greffier 
 
 
Arrêt du 10 janvier 2001 
 
dans la cause 
 
L.________, recourant, représenté par Maître Philippe 
Nordmann, avocat, Place Pépinet 4, Lausanne, 
 
contre 
 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, 
Fluhmattstrasse 1, Lucerne, intimée, 
 
et 
 
Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne 
 
 
 
A.- L.________ a travaillé en tant que serruriersoudeur 
pour l'entreprise K.________ SA à V.________ depuis 
le mois de mars 1981. Il était assuré contre le risque 
d'accidents auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance 
en cas d'accidents (CNA). 
Le 19 novembre 1991, l'employeur a annoncé à la CNA un 
accident dont son ouvrier avait été victime, dix ans plus 
tôt en juillet 1981, en ces termes : «A reçu une meuleuse 
au niveau de l'orbite gauche». L'assuré a été suivi depuis 
juin 1990 par les médecins de l'Hôpital ophtalmique à 
Lausanne. Ceux-ci ont diagnostiqué un glaucome posttraumatique 
à l'oeil gauche, à mettre en relation, vraisemblablement, 
avec une grave contusion bulbaire consécutive à 
un choc durant l'enfance. Situant néanmoins l'origine des 
troubles oculaires à l'événement de 1981, la CNA a pris en 
charge les traitements nécessaires, en particulier 
plusieurs interventions. L'assuré est en incapacité de travail 
totale depuis août 1995, en raison - selon ses propres 
déclarations - de problèmes au coude droit (tendinite et 
épicondylite, d'origine maladive). 
Par décision du 16 janvier 1997, la CNA a octroyé à 
L.________ une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 
23,5 %, mais a nié le droit à une rente d'invalidité. Sur 
opposition du prénommé, limitée au refus de la rente, la 
CNA a confirmé sa position, par décision du 26 août 1997. 
 
B.- L.________ a recouru contre cette décision sur 
opposition devant le Tribunal des assurances du canton de 
Vaud. Faisant valoir une importante diminution de l'acuité 
visuelle et de graves troubles psychiques liés à ses problèmes 
oculaires, il a conclu à l'octroi, à partir du 
1er mai 1996, d'une rente fondée sur un taux d'invalidité 
d'abord de 25 %, porté en audience à 40 %. 
Par jugement du 8 avril 1999, la juridiction cantonale 
a nié l'existence d'un lien de causalité tant naturelle 
qu'adéquate entre l'événement accidentel et les troubles 
allégués, rejetant ainsi le recours. 
 
C.- L.________ interjette recours de droit administratif 
contre ce jugement dont il demande l'annulation, avec 
suite de dépens. Il conclut désormais au versement d'une 
rente d'invalidité fondée sur un taux d'invalidité de 50 %. 
La CNA conclut au rejet du recours. L'Office fédéral 
des assurances sociales ne s'est pas déterminé. 
 
D.- Le 9 janvier 1997, L.________ a déposé une demande 
de rente de l'assurance-invalidité. Sa requête était motivée 
comme suit, sous la rubrique «précisions concernant le 
genre de l'atteinte» (ch. 6.2) : «douleurs dans les bras, 
bras droit déjà opéré une fois, ne peut pas prendre de 
poids, divers ulcères chroniques à l'estomac et troubles 
dans l'oeil droit». 
Il a été mis au bénéfice d'une demi-rente AI, fondée 
sur un degré d'invalidité de 50 %, à partir du 1er août 
1996. 
 
 
Considérant en droit : 
 
1.- Le litige porte sur le droit du recourant à une 
rente d'invalidité de l'assurance-accidents à partir du 
1er mai 1996. 
 
2.- a) Selon l'art. 18 al. 1 LAA, si l'assuré devient 
invalide à la suite d'un accident, il a droit à une rente 
d'invalidité. 
 
b) Le droit à des prestations découlant d'un accident 
assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de 
caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de 
causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu'il y 
a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le 
dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne 
serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire, 
en revanche, que l'accident soit la cause unique ou 
immédiate de l'atteinte à la santé; il faut et il suffit 
que l'événement dommageable, associé éventuellement à 
d'autres facteurs, ait provoqué l'atteinte à la santé physique 
ou psychique de l'assuré, c'est-à-dire qu'il se présente 
comme la condition sine qua non de celle-ci. Savoir 
si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés 
par un rapport de causalité naturelle est une question de 
fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge 
examine en se fondant essentiellement sur des renseignements 
d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se 
conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, 
appliquée généralement à l'appréciation des 
preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence 
d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le 
dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée 
de probable dans le cas particulier, le droit à des 
prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié 
(ATF 119 V 337 consid. 1, 118 V 289 consid. 1b et les références). 
 
 
c) La causalité est adéquate si, d'après le cours 
ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait 
considéré était propre à entraîner un effet du genre de 
celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat 
paraissant de façon générale favorisée par une telle 
circonstance (ATF 123 III 112 consid. 3a, 123 V 103 
consid. 3d, 139 consid. 3c, 122 V 416 consid. 2a et les 
références). 
Par ailleurs, la jurisprudence a procédé à une classification 
des accidents entraînant des troubles psychiques 
réactionnels (ATF 115 V 407 consid. 5 et les références). 
Selon cette jurisprudence, il convient non pas de s'attacher 
à la manière dont l'assuré a ressenti et assumé le 
choc traumatique, mais bien plutôt de se fonder, d'un point 
de vue objectif, sur l'événement accidentel lui-même. 
Ainsi, lorsque l'accident est insignifiant (l'assuré s'est 
par exemple cogné légèrement la tête ou s'est fait marcher 
sur le pied) ou de peu de gravité (il a été victime d'une 
chute banale), l'existence d'un lien de causalité adéquate 
entre cet événement et d'éventuels troubles psychiques peut 
être d'emblée niée. Selon l'expérience de la vie et compte 
tenu des connaissances actuelles en matière de médecine des 
accidents, on peut en effet partir de l'idée, sans procéder 
à un examen approfondi sur le plan psychique, qu'un accident 
insignifiant ou de peu de gravité n'est pas de nature 
à provoquer une incapacité de travail (ou de gain) d'origine 
psychique. L'événement accidentel n'est ici manifestement 
pas propre à entraîner une atteinte à la santé 
mentale, sous la forme, par exemple, d'une dépression 
réactionnelle. On sait par expérience que de tels accidents, 
en raison de leur importance minime, ne peuvent 
porter atteinte à la santé psychique de la victime. Dans 
l'hypothèse où, malgré tout, des troubles notables apparaîtraient, 
on devrait les attribuer avec certitude à des facteurs 
étrangers à l'accident, telle qu'une prédisposition 
constitutionnelle. Dans ce cas, l'événement accidentel ne 
constituerait en réalité que l'occasion pour l'affection 
mentale de se manifester (ATF 115 V 408 consid. 5a). 
 
3.- L'incidence des affections oculaires et des troubles 
psychiques du recourant sur sa capacité de travail a 
fait l'objet de plusieurs avis médicaux. 
 
a) Dans son rapport médical intermédiaire du 12 décembre 
1995, le docteur F.________, médecin chef à l'Hôpital 
ophtalmique, a constaté que l'évolution est favorable avec 
des tensions oculaires actuellement bien stabilisées à 
l'oeil gauche. Il a fait état de quelques problèmes de surface 
au niveau de la cornée de l'oeil gauche en raison 
d'une bulle de filtration proéminente. Selon lui, le patient 
serait actuellement à l'arrêt de travail pour d'autres 
problèmes de santé. 
Après avoir indiqué que des complications étaient possibles 
sur un oeil opéré plusieurs fois (cf. rapport médical 
intermédiaire du 14 septembre 1995), la doctoresse 
R.________, spécialiste FMH en ophtalmologie, a exposé que 
son patient ne travaillait pas depuis un an en raison d'une 
épicondylite opérée à droite, et qu'elle l'avait informé 
que sur le plan ophtalmologique, il n'avait pas droit à une 
rente (rapport du 11 juillet 1996). Elle a ajouté, après 
avoir constaté l'apparition d'une légère cataracte sur 
l'oeil gauche - lequel frappait encore par sa rougeur et 
pouvait être plus photophobe et larmoyant que le droit - 
que les douleurs intolérables formulées par le patient ne 
sont pas expliquées (rapport du 31 octobre 1996). 
La doctoresse B.________, également spécialiste FMH en 
ophtalmologie, de la CNA, a estimé que les valeurs de 
l'acuité visuelle de l'assuré sont compatibles avec une vision 
binoculaire. Ainsi, pratiquement tous les métiers lui 
restent ouverts, y compris le sien (rapport du 17 juin 
1997). 
Quant au docteur C.________ (généraliste), il est 
d'avis que son patient évolue vers une invalidité psychique 
et physique complète, depuis son accident de l'oeil et ses 
multiples opérations (rapport du 28 novembre 1997). 
De leur côté, les docteurs D.________ et E.________, 
du Centre d'observation médicale de l'AI à X.________ 
(COMAI), ont posé les diagnostics suivants, dans leur expertise 
du 26 juin 1998 à l'intention de l'AI : syndrome 
douloureux somatoforme persistant; état dépressif moyen 
sans syndrome somatique sous antidépresseur; status après 
cure d'épitrochléite droite en mars 1996; glaucome posttraumatique 
de l'oeil gauche, en 1990, traité; douleurs 
oculaires bilatérales prédominant à gauche, rougeur oculaire 
gauche, baisse de l'acuité visuelle et du champ 
visuel de l'oeil gauche, diplopie d'origine indéterminée 
avec composante fonctionnelle très probable; hypertension 
oculaire droite traitée; hernie hiatale, reflux gastroeosophagien, 
status après gastrite helicobacter positif en 
1995 (p. 9). Ils ont précisé que l'examen pluridisciplinaire 
met en évidence principalement un syndrome douloureux 
somatoforme persistant associé à un état dépressif moyen 
(p. 10). Du point de vue ophtalmologique, ils ont estimé 
que le glaucome post-traumatique de l'oeil gauche ne s'accompagne 
d'aucun trouble visuel entravant la capacité de 
travail. Il existe certes des troubles sous forme de douleurs 
oculaires, un certain degré de diplopie et une 
diminution de l'acuité du champ visuel gauche, dont l'importance 
a été chiffrée dans le cadre de l'évaluation de 
l'atteinte à l'intégrité corporelle. Ces médecins ont 
ajouté que de l'avis des spécialistes, il est fort probable 
qu'il existe une composante fonctionnelle à ces troubles, 
en raison de la discordance entre les constatations objectives 
et les plaintes du patient» (pp. 10-11). Enfin, le 
chapitre consacré à l'évaluation de la capacité de travail 
est rédigé comme suit par les responsables du COMAI : «Au 
terme du présent bilan, en raison principalement des diagnostics 
psychiatriques, nous estimons que l'incapacité de 
travail de L.________ est de l'ordre de 50 %, ceci pour 
quel que métier que ce soit. En tenant compte des antécédents 
d'interventions chirurgicales sur l'épitrochlée 
droite et de la symptomatologie douloureuse résiduelle, 
nous pensons que L.________ ne devrait pas effectuer des 
travaux de force, des travaux nécessitant des mouvements 
répétitifs du membre supérieur droit. Une activité nécessitant 
une observation visuelle fine et constante nous 
paraît également inopportune compte tenu de ses plaintes, 
c'est pourquoi la poursuite du travail en tant que soudeur, 
profession que le patient a exercée jusqu'alors, n'est pas 
exigible. En revanche, nous estimons que ce patient âgé de 
39 ans seulement, serait en mesure d'exercer une activité 
légère, telle qu'aide magasinier de pièces détachées, 
pompiste, surveillant de tunnel de lavage etc.» (pp. 1112). 
 
Enfin, le docteur Y.________, ophtalmologue FMH, met 
les douleurs évoquées par son patient à l'oeil gauche 
- dont la tension oculaire est basse et ne présente pas de 
pathologie majeure - sur le compte des cicatrices opératoires 
faisant obstacle à la bonne répartition du film 
lacrymal. Il ajoute que le recourant a une vision binoculaire 
et stéréoscopique conservée et que son acuité visuelle 
de l'oeil gauche n'étant mesurable qu'à 0,3 corrigé, il 
n'est pas question de lui faire pratiquer des travaux nécessitant 
une vue fine. Un travail manuel léger, ménageant 
son bras droit, devrait être possible (rapport du 
21 septembre 1999). 
 
b) A la lumière de ces différents avis, on doit admettre, 
avec le Tribunal cantonal, que les troubles oculaires 
du recourant n'ont pas de caractère invalidant. 
 
4.- Il reste ainsi à examiner si ces troubles psychiques 
sont dans un rapport de causalité naturelle et adéquate 
avec l'événement assuré. 
En l'espèce, l'accident survenu en 1981 n'a été annoncé 
à la CNA que dix ans après sa survenance et un an et 
demi postérieurement à la consultation de l'hôpital ophtalmique. 
Dans ses déclarations à l'inspecteur de la CNA, le 
19 novembre 1991, le recourant a précisé qu'il avait reçu 
un coup de pied au-dessus de l'oeil durant son enfance; il 
a ajouté qu'il avait ensuite subi plusieurs accidents aux 
yeux en 1981, restés sans séquelles. En ce qui concerne 
l'accident avec la meuleuse, le recourant a indiqué qu'il 
n'y avait pas eu de plaie ouverte à cette occasion-là, bien 
que le choc ait été assez violent; son oeil était seulement 
devenu un peu rouge, mais il n'avait pas consulté de médecin 
dès lors qu'il n'avait pas connu de problèmes de vue. 
Les circonstances de l'accident de 1981, telles 
qu'elles ont été décrites par le recourant, font entrer cet 
événement dans la catégorie des accidents de peu de gravité, 
au sens de la jurisprudence (consid. 2c ci-dessus). Le 
recourant ne paraît en tout cas pas avoir attribué une importance 
significative à cet incident, tout au moins au 
début de la procédure qu'il a mise en oeuvre. Quant au 
dossier, il ne contient aucune pièce qui permettrait de 
porter une appréciation différente. 
 
Compte tenu du peu de gravité de l'accident, les premiers 
juges ont considéré à bon droit que cet événement 
n'avait pas été propre à entraîner des troubles psychiques 
réactionnels, si bien que le rapport de causalité adéquate 
faisait manifestement défaut. On ajoutera que le recourant 
avait pu poursuivre son activité lucrative jusqu'en août 
1995, soit durant quatorze ans après la survenance de l'accident 
incriminé, ce qui, à cet égard aussi, justifie de 
nier tout lien de causalité adéquate. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances 
 
p r o n o n c e : 
 
I. Le recours est rejeté. 
 
II. Il n'est pas perçu de frais de justice. 
 
III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal 
des assurances du canton de Vaud et à l'Office 
fédéral des assurances sociales. 
 
Lucerne, le 10 janvier 2001 
 
Au nom du 
Tribunal fédéral des assurances 
Le Président de la IIe Chambre : 
 
 
 
 
Le Greffier :