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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 1/2} 
5C.180/2004 /frs 
 
Arrêt du 14 janvier 2005 
IIe Cour civile 
 
Composition 
M. et Mmes les Juges Raselli, Président, 
Nordmann et Hohl. 
Greffier: M. Oulevey. 
 
Parties 
Yeslam Binladin, 2, rue Le-Fort, à Genève, 
Saudi Investment Company, SICO SA, 2, rue Le-Fort, 
à Genève, 
Avcon Business Jets Geneva SA, 2, rue Le-Fort, 
à Genève, 
demandeurs et recourants, 
tous les trois représentés par Me Pierre de Preux, avocat, 6, rue Bellot 6, 1206 Genève, 
 
contre 
 
Agathe Duparc, 1, avenue du Bijour, 
à Ferney-Voltaire (F), 
Roland Rossier, 54, ch. Franck-Thomas, à Genève, 
Ringier AG, Brühlstrasse 5, à Zofingue, 
défendeurs et intimés, 
tous les trois représentés par Me Christian Luscher, avocat, 14, cours des Bastions, 1205 Genève. 
 
Objet 
protection de la personnalité, 
 
recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 11 juin 2004. 
 
Faits: 
A. 
A.a Yeslam Binladin, naturalisé suisse en mai 2001, est domicilié à Genève depuis 1984; il est un des demi-frères d'Oussama Ben Laden, à qui sont imputés les attentats commis à New York et Washington le 11 septembre 2001. Il est animateur et actionnaire principal de Saudi Investment Company SA (ci-après Sico SA), société anonyme initialement active dans le domaine de la finance avec un capital-actions de 1'000'000 fr., transformée au début de 2001 en société de services au capital-actions de 100'000 fr. Il est aussi actionnaire et animateur principal de la société anonyme Avcon Business Jets Geneva SA (ci-après Avcon SA). 
 
Dans les jours qui ont suivi le 11 septembre 2001, Agathe Duparc et Roland Rossier, journalistes à "L'Hebdo", magazine d'actualités édité par la société Ringier AG, ont sollicité Yeslam Binladin en vue de rédiger un article consacré aux activités économiques de la famille Binladin en Suisse. Yeslam Binladin les a invités à adresser par écrit leurs questions à son conseil. Le questionnaire a porté principalement sur les activités des sociétés Sico SA et Avcon SA, ainsi que sur celles de Yeslam Binladin lui-même. 
A.b Le numéro de "L'Hebdo" du 27 septembre 2001 comportait en couverture le titre suivant: "Terroristes - Les réseaux financiers - Fonds islamistes: trois pistes suisses". En page 3, le sommaire reprenait ces derniers mots pour annoncer un reportage en trois volets, dont le premier était désigné par le sous-titre: "Yeslam Binladin: un demi-frère sous haute surveillance". Publié en pages 18 à 27 sous la signature d'Agathe Duparc et de Roland Rossier, l'article débutait par les trois sous-titres et par l'introduction suivants: 
I. A Genève, plusieurs sociétés appartenant au demi-frère d'Oussama Ben Laden, fraîchement naturalisé suisse, font l'objet d'une enquête fédérale. 
II. A Genève toujours, deux banques ont noué des liens avec une sulfureuse banque soudanaise qui aurait été financée par les terroristes. 
III. A Lugano, une opaque compagnie contrôlée par des islamistes intrigue les enquêteurs. 
En lançant sa croisade contre les réseaux financiers alimentant le terrorisme, le président Bush va semer la panique dans les banques. De New York à Singapour, en passant par Londres et Zurich, des centaines d'employés vont fiévreusement vérifier qu'aucun nom de client ou de société lié aux islamistes extrémistes ne figure dans leurs listes. Cette vaste traque n'épargne pas la Suisse. A Genève, Yeslam Binladin, demi-frère d'Oussama Ben Laden, a dû fournir des détails sur ses affaires à des inspecteurs fédéraux. Les banques islamiques, qui ont d'habitude une sainte horreur des projecteurs, entrouvrent leurs bureaux. Des dizaines d'établissements devront s'expliquer sur leurs liens d'affaires avec une sulfureuse banque soudanaise soupçonnée d'avoir été financée par l'ennemi public numéro un. Au Tessin, une opaque société est tirée de l'ombre. Kaspar Villiger, ministre des Finances, affirme que les coffres-forts helvétiques n'abritent pas d'argent terroriste. Jusqu'à aujourd'hui." 
Le premier volet du reportage proprement dit avait, quant à lui, la teneur suivante: 
"I. Un demi-frère sous haute surveillance. 
 
Berne s'intéresse à Yeslam Binladin, parent d'Oussama et citoyen suisse. Le discret homme d'affaires devient de plus en plus opaque à mesure que s'accroissent les pressions. 
 
SI L'ON EN CROIT SES PROCHES, IL N'ASPIRE QU'A UNE "VIE PAISIBLE ET SANS HISTOIRE", agrémentée de parties de tennis, randonnées à skis et déplacements en jet privé entre Genève, Londres et Cannes. 
Mais qu'il le veuille ou non, le discret Yeslam Binladin, devenu citoyen suisse en mai dernier, est aussi et surtout le demi-frère d'Oussama Ben Laden, le terroriste le plus recherché de la planète. Un objet d'étude légitime donc pour tous ceux - services secrets et policiers - qui s'intéressent à la galaxie financière de "l'ennemi numéro un des Etats-Unis" et tentent de découvrir les appuis extérieurs y compris familiaux dont il aurait pu bénéficier. 
La semaine passée aura été éprouvante pour Yeslam, convoqué en qualité de témoin par les inspecteurs fédéraux, dans le cadre d'une enquête ouverte contre X par le ministère public, après l'attentat du World Trade Center. Selon nos informations, Berne en a profité pour interroger l'homme d'affaires sur les activités de plusieurs de ses sociétés helvétiques, dont la Saudi Investment Company (SICO), et la Avcon Business Jets SA, filiale d'une compagnie d'aviation d'affaires, Avcon AG. Yeslam a reconnu que cette société offrait une formation de pilote. Par ailleurs, "Le Monde" du 26 septembre révèle que Yeslam aurait financé les cours de pilotage d'un policier cannois. Coïncidence troublante, dans la même école de Floride où certains kamikazes du 11 septembre ont également été entraînés. 
 
"Checking" à refaire 
 
Au printemps dernier, la police fédérale de Berne avait déjà procédé à certaines "vérifications". Semble-t-il concluantes, puisque le businessman séoudien, après moult péripéties (lire page 23) obtenait finalement un passeport suisse. 
Un "checking" qu'il va falloir recommencer. Car, si à ce stade, aucun élément ne permet de douter que Yeslam Binladin ait bien coupé les ponts "depuis une vingtaine d'années" comme il le dit, avec son demi-frère terroriste, l'hypothèse de connivences financières beaucoup plus tortueuses, brouillées au sein d'une nébuleuse de sociétés, est, elle, toujours prise au sérieux par certains services de renseignements. Américains en tête. 
En 1999, dans "Les dollars de la terreur" Richard Labévière fut le premier à mettre en doute la thèse officielle d'une rupture totale entre le terroriste Oussama et le reste du richissime clan Bin Laden - 54 frères et soeurs - à la tête de la SBG (Saudi Binladen Group), la plus grande entreprise de travaux publics du Moyen Orient. La SICO de Yeslam Binladin (créée en 1980 comme une filiale internationale de la maison mère SBG), était alors présentée comme le maillon clé de ce dispositif, en apparence légal, mais pouvant "dissimuler ce que les experts appellent le financement légal du terrorisme, sorte de blanchiment à l'envers". 
A l'époque, Yeslam Binladin ne jugea pas utile de déposer une plainte en diffamation expliquant, en privé, ne pas vouloir faire de publicité à un livre "bourré d'erreurs". 
Et trois ans après, aucune des interrogations sur les affaires du plus occidentalisé des Bin Laden n'a été désamorcée. Quand bien même de nouveaux éléments surgissent chaque jour. Le site français www.intelligenceonline.fr, généralement très bien informé, publiait récemment un rapport confidentiel sur "l'environnement économique d'Oussama Ben Laden", étudiant "les structures susceptibles par leur complexité et leur opacité d'avoir facilité des connexions et des connivences avec l'environnement économique, financier et terroriste d'Oussama Ben Laden". Dans ce document - résultat du travail d'un "expert international des enquêtes financières, dans le cadre d'une mission pour un organisme fiscal" - figure une fois de plus la SICO de Genève, entourée d'opaques structures offshore, elles-mêmes reliées à d'autres réseaux. 
Mis en cause, Yeslam Binladin refuse cependant toujours de recevoir directement la presse, ses réponses, communiquées par écrit à l'Hebdo, via son avocat Pierre de Preux, tiennent sur une page. Elles n'expliquent pas pourquoi, à l'été dernier, la SICO a quasiment été mise en sommeil, son capital passant d'un million de francs suisses à 100'000 francs : "Cette diminution est simplement liée au fait que la SICO, qui était une société financière, est devenue une société de services", lit-on dans le fax. Pourquoi décida-t-il d'investir dans l'aviation d'affaires, avec Avcon Business Jets (Genève) ? Réponse "Je suis un passionné d'aviation, de tennis, de ski et de cinéma". Selon Jürg Brand, son partenaire et avocat en Suisse alémanique, cette société genevoise est aujourd'hui "sur le point d'être liquidée", le reste du groupe Avcon ayant été vendu. Pierre de Preux, le défenseur genevois de Yeslam Binladin, promet quant à lui un "organigramme complet des sociétés". Toujours en cours de fabrication. 
 
Parmi les administrateurs de la SICO, les explications de Baudoin Dunant auraient également été les bienvenues. L'Hebdo s'est heurté à un "no comment" catégorique. Selon le rapport d'intelligenceonline, cet avocat genevois aurait en effet aidé à mettre en place un opaque réseau de sociétés offshore autour de la SICO. Un élément qui justement sème le doute dans l'esprit des spécialistes. 
 
Une naturalisation soudain embarrassante. 
 
Avant que Yeslam Binladin obtienne son passeport suisse, une intense activité de lobbying a été menée par ses partisans. Mais un étrange partenaire de tennis s'en est mêlé. 
 
Le "CAS BINLADIN" RESTERA DANS LES ANNALES DE L'HISTOIRE HELVETIQUE des naturalisations, tant il provoqua remous et levées de boucliers et fut entouré de manoeuvres sombres, dignes d'un roman policier. Pour certains et rétrospectivement, l'octroi à Yeslam Binladin - demi-frère du terroriste Oussama Ben Laden - d'un passeport suisse est soudain devenu "embarrassant" alors que d'autres, comme la conseillère d'Etat Martine Brunschwig Graf (libérale), se félicitent d'avoir au moins été "vigilants". 
Dans le déroulement du feuilleton, c'est elle qui redoubla d'énergie pour alerter ses collègues. En septembre 2000 le gouvernement genevois décidait "à l'unanimité, après mûre réflexion et sur la base de choses troublantes jamais démenties par personne", comme l'explique aujourd'hui une source, d'émettre un "préavis négatif". Du quasiment jamais vu, alors que tous les services en amont - dont la police fédérale et le fisc genevois - avaient donné leur feu vert. Piqué dans sa chair d'étranger modèle, Yeslam Binladin saisissait le Grand Conseil genevois, et obtenait gain de cause en mai dernier. 
Que s'est-il passé entre les deux ? Une intense activité de lobbying. Les "pro" Binladin estimant que la décision du Conseil d'Etat ne reposait que sur des "rumeurs" véhiculées par le livre de Richard Labévière; les "anti" cherchant frénétiquement des informations. Avec, au centre, les membres de la Commission de réexamen en matière de naturalisation, appelés à trancher. L'un d'eux raconte avoir "surfé des nuits entières sur Internet à la recherche d'éléments. Nous nous sommes adressés aux services de police, mais on se heurtait à chaque fois à un mur : ils disaient ne rien avoir, comme on dit "no comment". 
Que faisait donc la police fédérale, chargée des enquêtes touchant les réseaux terroristes, et qui semble aujourd'hui vouloir remettre son nez dans les affaires de Yeslam ? Urs Von Däniken, le chef du nouveau Service d'analyse et de prévention, garde le silence. Un spécialiste du renseignement confie que "depuis l'affaire des fiches, il est impossible de mener des enquêtes sérieuses dans ce domaine. Pour mettre quelqu'un sur écoute, il faut avoir des preuves. Avec les moyens du bord, rien n'a été trouvé sur Binladin. On ne pouvait pas lui refuser la citoyenneté". 
Yeslam Binladin tient, lui, à faire savoir, dans son maigre fax adressé à L'Hebdo, qu'il "entretient depuis des années des contacts avec les autorités de police de la Confédération et du canton de Genève". 
Et pour ajouter un brin de mystère à cette naturalisation mouvementée, son ami l'homme d'affaires Charles Rochat - l'un des administrateurs de la SICO -, raconte l'histoire d'un "premier secrétaire de la mission américaine à Genève" surgi à cette époque dans l'horizon de Yeslam Binladin, d'abord pour des parties de tennis. "Il a proposé ensuite de faire avancer le dossier, en échange d'une collaboration". Le supposé membre de la CIA se heurta à un refus net. Une belle démonstration du patriotisme helvétique de Yeslam Binladin." 
Cet article a pu être consulté durant quelque temps sur le site internet du magazine L'Hebdo; il n'y figure plus actuellement. 
A.c Yeslam Binladin se vit ouvrir les colonnes du numéro de L'Hebdo du 4 octobre 2001, pour un droit de réponse libellé comme suit : 
"Dans un article paru dans votre édition du 27 septembre 2001 sous le titre "Réseaux financiers islamistes : les trois pistes suisses", je suis mis en cause comme étant lié au financement d'activités terroristes. Cette accusation est dépourvue de tout fondement. J'ai le malheur de porter le même nom que mon demi-frère, Oussama, que je n'ai rencontré que quelques fois dans ma vie et avec lequel je n'ai plus eu de contacts depuis 20 ans environ. Au milieu des années 90, Oussama a été exclu de notre famille et le Gouvernement saoudien a gelé ses avoirs. La Sico, que je dirige, et les sociétés dans lesquelles j'ai des intérêts n'ont aucune relation directe ou indirecte, avec lui ou avec son entourage. Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, j'ai condamné sans réserve cet acte effroyable de barbarisme et je me suis aussitôt mis à la disposition des autorités chargées de conduire l'enquête ouverte dans notre pays. Je souhaite que toute la lumière soit faite au plus vite et que les doutes qui sont injustement jetés sur ma personne puissent être définitivement levés. Yeslam Binladin". 
B. 
Le 27 septembre 2002, Yeslam Binladin, Sico SA et Avcon SA ont ouvert contre Agathe Duparc, Roland Rossier et Ringier AG une action fondée sur les art. 28 ss CC, tendant notamment à la constatation du caractère illicite de l'atteinte portée à leur personnalité par l'article de presse du 27 septembre 2001, à la cessation du trouble causé par la diffusion de cet article, au versement d'une somme de 500'000 fr. à titre de réparation du tort moral, à la remise des gains réalisés par la diffusion de l'article et à la publication du jugement à intervenir dans le magazine "L'Hebdo". 
 
Par jugement du 5 novembre 2003, le Tribunal de première instance du canton de Genève a rejeté l'action. 
C. 
Statuant le 11 juin 2004 sur appel des demandeurs, la Cour de justice du canton de Genève a confirmé ce jugement. 
D. 
Contre l'arrêt du 11 juin 2004, Yeslam Binladin, Sico SA et Avcon SA interjettent un recours en réforme au Tribunal fédéral. Ils concluent notamment à la constatation du caractère illicite de l'atteinte portée à leur personnalité par divers passages de l'article paru dans le magazine L'Hebdo du 27 septembre 2001, au paiement d'une indemnité de 500'000 fr. à titre de réparation du tort moral, à la remise des gains réalisés par la diffusion de l'article et à la publication de l'arrêt à intervenir, aux frais des défendeurs, dans le numéro du magazine L'Hebdo de la semaine suivant l'entrée en force de l'arrêt. Alternativement, ils concluent au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour instruction sur la réparation du tort moral, la remise du gain et la publication du jugement. 
 
Les défendeurs n'ont pas été invités à répondre au recours. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 130 II 509 consid. 8.1 p. 510, 65 consid. 1 p. 67 et les arrêts cités; spécialement pour le recours en réforme: 129 III 288 consid. 2.1). 
1.1 L'action en protection de la personnalité est une contestation civile portant sur un droit de nature non pécuniaire, qui peut faire l'objet d'un recours en réforme en vertu de l'art. 44 OJ (ATF 110 II 411 consid. 1 p. 413; 102 II 161 consid. 1 p. 165). Lorsqu'à une telle action sont jointes des conclusions en paiement d'une indemnité pour tort moral ou en remise de gain (art. 423 CO), fondées sur le même complexe de faits, le recours en réforme est ouvert par attraction sur ces prétentions pécuniaires connexes, sans égard à leur valeur litigieuse (ATF 129 III 288 consid. 2.2 p. 290; Jean-François Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. II, n. 1.4 ad art. 44 OJ p. 204). Formé en temps utile - compte tenu de la suspension des délais prévue par l'art. 34 al. 1 let. b OJ - et dirigé contre une décision finale prise par le tribunal suprême d'un canton, le présent recours est recevable au regard des art. 44, 46, 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ. 
1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été constatés par la dernière autorité cantonale, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il n'y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille compléter les constatations de fait parce que l'autorité cantonale n'a pas tenu compte de faits pertinents régulièrement allégués et prouvés (art. 64 al. 2 OJ). En dehors de ces hypothèses, les griefs dirigés contre la constatation de faits ou l'appréciation de preuves (ATF 127 III 543 consid. 2c p. 547), ainsi que les moyens tendant à l'admission de fait nouveaux, sont irrecevables (art. 55 al. 1 let. c OJ). 
2. 
La cour cantonale a considéré que les journalistes défendeurs pouvaient se prévaloir de leur mission d'information et qu'en raison de son lien de parenté avec Oussama Ben Laden, le demandeur Yeslam Binladin devait accepter que des questions lui soient posées par la presse sur la nature de ses relations, personnelles et financières, avec son demi-frère. Il y avait dès lors seulement lieu d'examiner si l'article litigieux ne correspondait pas à la réalité sur des points essentiels et montrait les demandeurs sous un angle si erroné, ou en présentait une image si faussée, que ceux-ci s'en trouvaient rabaissés de manière sensible dans la considération de leurs semblables. 
 
D'après la cour cantonale, l'article litigieux laissait au lecteur moyen l'impression que le demandeur Yeslam Binladin, par le biais de ses sociétés, et en raison de l'organisation complexe et opaque de celles-ci, pourrait être mêlé au financement du terrorisme, mais que cette hypothèse, en dépit des enquêtes menées par diverses autorités, n'avait toutefois pas trouvé de vérification. 
L'article mentionnait que ses auteurs avaient tenté de s'assurer de la véracité de certains faits susceptibles d'accréditer cette hypothèse, notamment auprès de l'intéressé lui-même, mais que les vérifications s'étaient révélées difficiles. Le lecteur était ainsi informé qu'exception faite des explications données par le demandeur Yeslam Binladin lui-même, le contenu de l'article avait pour sources essentielles des ouvrages et des articles d'autres journalistes, en particulier une enquête publiée sur un site internet français. 
 
Sur le fond, l'article incriminé n'énonçait aucun fait précis. En particulier il n'indiquait, ni ne sous-entendait, que le demandeur Yeslam Binladin aurait trempé dans les attentats du 11 septembre 2001. Il ne recelait que des hypothèses, de sorte qu'on ne pouvait considérer qu'il contenait des faits faux. Sur la forme, il regorgeait de qualificatifs censés mettre en exergue les prétendues dérobades du demandeur Yeslam Binladin et le manque de transparence de ses sociétés. Cependant, le lecteur discernait bien que ces redondances tendaient à masquer le peu de substance du propos. Cette technique rédactionnelle, de nature à engendrer le doute, ne suffisait toutefois pas à conférer au texte litigieux un caractère attentatoire à l'honneur. En effet, pris dans son ensemble, il ne faisait pas apparaître les demandeurs sous un faux jour, ni ne les décrivait de manière déshonorante. La cour cantonale a dès lors conclu que la publication litigieuse ne portait pas d'atteinte illicite à l'honneur des demandeurs. 
3. 
Les demandeurs soutiennent que la cour cantonale aurait violé l'art. 28 CC parce qu'au lieu d'examiner d'abord si la publication en cause constituait une atteinte à l'honneur et ensuite, le cas échéant, s'il existait un motif justificatif, tel un intérêt prépondérant des journalistes à informer le public, la cour cantonale aurait fait l'inverse et confondu ainsi les deux étapes du raisonnement. 
Ce grief doit être rejeté. L'autorité cantonale a implicitement considéré que, sur la forme comme sur le fond, l'article incriminé n'était pas attentatoire à l'honneur; contrairement à ce que suggèrent les demandeurs, elle ne s'est donc pas bornée à constater qu'il n'y avait pas atteinte illicite aux droits de la personnalité en raison d'un éventuel fait justificatif. 
4. 
Les demandeurs font valoir que l'article litigieux porte une atteinte illicite à leur honneur. 
4.1 En vertu de l'art. 28a al. 1 CC, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité peut requérir le juge de l'interdire si elle est imminente, de la faire cesser si elle dure encore ou d'en constater le caractère illicite si le trouble qu'elle a créé subsiste toujours. L'art. 28a al. 2 CC permet aussi de demander la publication du jugement, lorsque cette mesure paraît indiquée au vu de l'importance et de la nature du trouble à supprimer (ATF 118 II 369 consid. 4c p. 373 s.; 102 II 1 consid. 4 p. 2 ss) L'art. 28a al. 3 CC réserve en outre les actions en dommages-intérêts et en réparation du tort moral, ainsi que la remise du gain selon les règles de la gestion d'affaires. En principe, ces dispositions légales peuvent être invoquées autant par les personnes physiques que par les personnes morales (ATF 95 II 481 consid. 4 p. 488 ss; 97 II 97 consid. 2 p. 99 s.; Andreas Bucher, Personnes physiques et protection de la personnalité, 4e éd., Bâle 1999, n. 420 p. 100). 
Il y a atteinte à la personnalité notamment lorsqu'une personne est touchée dans son honneur, à savoir dans la considération morale, sociale ou professionnelle dont elle jouit (ATF 127 III 481 consid. 2b/aa p. 487; 106 II 92 consid. 2a p. 96). Pour juger si une déclaration est propre à porter atteinte à la considération d'une personne, il faut se servir de critères objectifs et se placer du point de vue de l'auditeur ou du lecteur moyen, en tenant compte également du contexte dans lequel la déclaration a été faite (ATF 127 III 481 consid. 2b/aa p. 487; 126 III 209 consid. 3a in fine p. 213; 111 II 209 consid. 2 p. 211; 107 II 1 consid. 2 p. 4). La publication d'un écrit peut porter atteinte à la personnalité de quelqu'un soit par la relation de faits, soit par leur appréciation (ATF 126 III 305 consid. 4b p. 306; 95 II 481 consid. 8 p. 494). 
 
Si les faits sont vrais, leur relation est justifiée par la mission d'information de la presse, qui englobe notamment la tâche de rendre compte des interdépendances économiques (ATF 122 III 449 consid. 3b p. 456), à moins qu'il ne s'agisse de faits relevant de la sphère secrète ou privée ou que la forme de la description, inutilement blessante, ne rabaisse la personne de manière inadmissible (ATF 129 III 529 consid. 3.1 p. 531 et les arrêts cités). En revanche, l'atteinte qui résulte d'allégations de fait inexactes n'est en principe jamais licite (ATF 126 III 209 consid. 3a p. 213, 305 consid. 4b/aa p. 307; 111 II 209 consid. 3c in fine p. 214). Toutefois, n'importe quelle incorrection, imprécision, généralisation ou approximation ne suffit pas à faire apparaître un compte rendu comme erroné dans son ensemble; un écrit ne sera considéré comme globalement inexact et attentatoire aux droits de la personnalité que s'il ne correspond pas à la réalité sur des points essentiels et montre la personne concernée sous un angle si erroné, ou en donne une image si faussée, qu'elle s'en trouve rabaissée de manière sensible dans la considération de ses semblables (ATF 129 III 49 consid. 2.2 p. 51 s.; 126 III 305 consid. 4b/aa p. 307 s.). 
 
Lorsque la presse relate qu'une personne est soupçonnée d'avoir commis un acte délictueux ou que d'aucuns supposent qu'elle pourrait avoir commis un tel acte, seule est admissible une formulation qui fasse comprendre avec suffisamment de clarté qu'il s'agit en l'état d'un simple soupçon ou d'une simple supposition. Pour déterminer la clarté nécessaire, il y a lieu de se placer du point de vue du lecteur moyen (ATF 126 III 305 consid. 4b/aa p. 307 et les références citées; Franz Riklin, Schweizerisches Presserecht, Berne 1996, § 7 n. 17 p. 201). 
4.2 
4.2.1 Les demandeurs font valoir que des faits faux et inexacts, dont ils donnent une liste exemplative, sont contenus dans l'article litigieux. Ces allégations de fait erronées, la technique rédactionnelle abusive et les méthodes rhétoriques utilisées par les défendeurs donneraient l'impression que Yeslam Binladin et ses sociétés, dont l'organisation est décrite comme complexe et opaque, pourraient être mêlés au financement de réseaux terroristes. L'article présenterait une image particulièrement défavorable des demandeurs et porterait atteinte à leur honneur. 
4.2.2 Savoir si un fait relaté dans un article de presse est exact ou inexact, vrai ou faux, relève du fait et non du droit. Il ne ressort pas de l'arrêt attaqué que l'un ou l'autre des faits rapportés dans l'article litigieux aurait été faux ou inexact. En particulier, la cour cantonale n'a pas jugé faux, mais au contraire tenu pour établis (cf. p. 2 et 10 de l'arrêt attaqué), les faits que les demandeurs contestent en page 9 de leur acte de recours. En soutenant que l'article en cause contient des faits faux ou inexacts, les demandeurs s'en prennent dès lors à l'état de fait de l'arrêt cantonal, ce qui est inadmissible dans un recours en réforme (cf. supra, consid. 1.3). Les constatations de fait ne peuvent être entreprises devant le Tribunal fédéral que par la voie du recours de droit public, pour autant qu'elles soient arbitraires. Sur ce point, le recours est donc irrecevable. 
4.2.3 Les faits objectifs rapportés par l'article litigieux ne sont pas de nature à rabaisser les demandeurs dans la considération du lecteur moyen. Ils ne sont en outre pas relatés dans une forme inutilement blessante. La technique rédactionnelle utilisée pour les rapporter ne suffit pas, à elle seule, à conférer à leur relation un caractère attentatoire à l'honneur. 
 
En revanche, l'hypothèse selon laquelle des connivences financières tortueuses, brouillées au sein d'une nébuleuse de sociétés, pourraient exister entre le demandeur Yeslam Binladin et Oussama Ben Laden, induit le lecteur moyen à mettre en question la probité morale des demandeurs et constitue donc une atteinte à l'honneur (cf. Pierre Tercier, Le nouveau droit de la personnalité, Zurich 1984, n. 480a et 482 p. 70). Cependant, l'article litigieux évoque cette hypothèse pour rapporter qu'elle intéresse certains services secrets, notamment américains, et qu'elle a été étudiée dans un livre paru en 1999, dont il relate une partie du contenu. Les auteurs de l'article ne soutiennent pas que l'hypothèse incriminée serait avérée; ils laissent la question ouverte. Ainsi, le lecteur moyen comprend très bien que cette hypothèse occupe des services de renseignements et des journalistes d'investigation, mais qu'elle n'est pas vérifiée en l'état et qu'en particulier, les auteurs de l'article ne sont pas en mesure de dire si elle est bien ou mal fondée, n'étant pas exclu qu'elle soit démentie à l'avenir. Dès lors, au regard de la jurisprudence et de la doctrine rappelées plus haut (supra consid. 4.1 i.f.), les développements consacrés à cette hypothèse dans l'article litigieux sont justifiés par la mission d'information de la presse et ne sont en conséquence pas illicites. 
 
Il s'ensuit que la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en confirmant le déboutement des demandeurs et que le recours doit dès lors être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
5. 
Au vu de ce qui précède, les demandeurs, qui succombent, supporteront les frais de justice, solidairement entre eux (art. 156 al. 1 et 7 OJ). Les défendeurs n'ayant pas été invités à déposer une réponse, il n'y a pas lieu d'allouer de dépens. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
2. 
Un émolument judiciaire de 7'000 fr. est mis à la charge des demandeurs, solidairement entre eux. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
Lausanne, le 14 janvier 2005 
Au nom de la IIe Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: