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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_517/2021, 1C_522/2021  
 
 
Arrêt du 18 août 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Pont Veuthey, Juge suppléante. 
Greffière : Mme Sidi-Ali. 
 
Participants à la procédure 
1C_517/2021 
Pro Natura - Ligue suisse pour la protection 
de la nature, 
Pro Natura Genève, 
toutes les deux représentées par Me Alain Maunoir, avocat, 
recourantes, 
 
et 
 
1C_522/2021 
A.A________, 
B.A________, 
tous les deux représentés par Me Gian-Reto Agramunt, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
C.C.________ et D.C.________, tous les deux représentés par Me François Bellanger, avocat, 
intimés, 
 
Département du territoire du de la République et canton de Genève, Office cantonal de l'agriculture et de la nature (OCAN), Service du paysage et des forêts, rue des Battoirs 7, 1205 Genève, 
 
Objet 
Constatation de la nature forestière, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice 
de la République et canton de Genève, 
Chambre administrative, du 6 juillet 2021 
(ATA/707/2021 - A/4480/2019-AMENAG). 
 
 
Faits :  
 
A.  
D.C.________ et C.C.________ sont propriétaires de la parcelle n° 1'658, plan 23, de la commune de Chêne-Bougeries, en cinquième zone à bâtir, d'une surface de 3'001 m², sur laquelle sont érigés une habitation, un garage et un bâtiment de moins de 20 m². Une partie du jardin est occupée par de grands arbres. 
 
B.  
Le 4 novembre 2019, le Département genevois du territoire, par son Office cantonal de l'agriculture et de la nature (OCAN), a rendu une décision en constatation de la nature non forestière de la parcelle des époux C.________. 
Statuant sur recours de Pro Natura - Ligue Suisse pour la protection de la nature et Pro Natura Genève, d'une part, ainsi que de A.A.________ et B.A.________, respectivement propriétaire et occupant de la parcelle voisine n° 1'407, d'autre part, le Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (TAPI) a confirmé cette décision par jugement du 4 novembre 2020. 
Saisie à son tour, la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté les recours des parties précitées par arrêt du 6 juillet 2021. 
 
C.  
Agissant le 13 septembre 2021 par la voie du recours en matière de droit public, Pro Natura - Ligue suisse pour la protection de la nature et Pro Natura Genève demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour de justice ainsi que la décision de constatation de la nature non forestière prise par le Département du territoire et de constater que le boisement situé sur la parcelle n° 1658 constitue une aire forestière au sens de la législation sur les forêts. Subsidiairement, elles concluent au renvoi du dossier à la Cour de justice pour complément d'instruction et nouvelle décision. Par acte du même jour, A.A________ et B.________ déposent également un recours en matière de droit public à teneur duquel ils demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour de justice ainsi que la décision de constatation de la nature non forestière prise par le Département du territoire et de constater que le boisement situé sur la parcelle n° 1658 constitue une aire forestière au sens de la législation sur les forêts. Subsidiairement, ils concluent au renvoi du dossier à la Cour de justice pour complément d'instruction et nouvelle décision et plus subsidiairement encore, au renvoi du dossier au TAPI. 
La cour cantonale se réfère aux considérants et dispositif de son arrêt. L'OCAN conclut au rejet des recours. Les intimés C.________ en font de même. Consulté, l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) expose que le bosquet litigieux devrait selon toute vraisemblance pouvoir être qualifié de forêt. L'OCAN et les parties se déterminent dans de nouveaux échanges d'écritures au terme desquelles ils maintiennent leurs conclusions respectives. 
Par ordonnance du 5 octobre 2021, le Président de la Ire Cour de droit public a déclaré sans objet la demande d'effet suspensif présentée par les recourants A.________. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les deux recours ont trait à la même procédure de constatation de la nature forestière. Ils sont dirigés contre le même arrêt cantonal. Il se justifie dès lors de joindre les causes 1C_517/2021 et 1C_522/2021 pour des motifs d'économie de procédure, et de statuer à leur sujet dans un seul arrêt (cf. art. 24 PCF applicable par analogie vu le renvoi de l'art. 71 LTF). 
 
2.  
Les recours sont formés contre un arrêt final rendu en dernière instance cantonale, dans une cause de droit public. Ils sont recevables au regard des art. 82 let. a, 86 al. 1 let. d et 90 LTF. 
Les recourants A.________, qui sont pour l'une propriétaire et pour l'autre occupant de la parcelle voisine au boisement litigieux, sont particulièrement touchés par l'arrêt attaqué et ont un intérêt digne de protection à l'annulation ou la modification de celui-ci (cf. arrêt 1A.71/2002 du 26 août 2002 consid. 1.2). Pro Natura - Ligue suisse pour la protection de la nature fait partie des organisations habilitées à recourir conformément aux art. 46 al. 3 LFo et 12 LPN (ch. 6 de l'annexe à l'ordonnance du 27 juin 1990 relative à la désignation des organisations habilitées à recourir dans les domaines de la protection de l'environnement ainsi que de la protection de la nature et du paysage [ODO; RS 814.076]). A ce titre, elle a en principe qualité pour agir par la voie du recours en matière de droit public contre une décision de constatation de la nature forestière prise en application de la LFo. Tel n'est pas le cas de Pro Natura Genève, dont le recours est irrecevable. 
Les autres conditions de recevabilité sont réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur les recours. 
 
3.  
Les recourants se plaignent d'une constatation manifestement inexacte ou incomplète des faits pertinents à divers titres. 
 
3.1. Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, la partie recourante ne peut critiquer la constatation de faits que si ceux-ci ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte - en particulier en violation de l'interdiction constitutionnelle de l'arbitraire - et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause. Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est contenu dans l'acte attaqué. En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire (ATF 145 I 26 consid. 1.3; 142 III 364 consid. 2.4; 139 II 404 consid. 10.1).  
 
3.2. Contrairement à ce qu'affirment les voisins recourants, la portée de l'abattage d'arbres autorisé en 2019 mais réalisé en 2020 ne saurait être décisive, puisque celui-ci est postérieur à la décision de constatation de la nature forestière, de sorte qu'il ne saurait être pris en considération pour déterminer la qualité de forêt ou non du boisement litigieux. En effet, le moment déterminant pour ce faire est le jour où l'autorité de première instance statue (cf. consid. 5.1 ci-dessous). En outre, à supposer qu'il faille, comme le soutiennent les recourants, s'écarter du moment où a été prise la décision de première instance, conformément à ce que prévoit la jurisprudence, dans certaines circonstances, il s'agirait alors de retenir un moment antérieur, et non postérieur.  
L'association recourante fait valoir que le boisement litigieux ne constitue pas ni ne comprend une "structure de jardin arboré", qu'il ne s'y trouve aucun aménagement typique d'un parc ou jardin (le cabanon recensé par la cour cantonale étant récent et vraisemblablement érigé sans autorisation, et la clôture étant sise autour et non à l'intérieur du boisement). Il ressort du dossier que le cabanon est cadastré, et ce depuis vraisemblablement plusieurs dizaines d'années. Cela étant, comme on le verra ci-après et au contraire de ce qu'a retenu la cour cantonale, la présence de ce cabanon ne renseigne pas véritablement sur la nature de forêt ou de parc du boisement, ce que les intimés font valoir à juste titre lorsqu'ils indiquent que la légalité du cabanon est étrangère à l'objet du présent litige. Il n'est en effet pas établi que ce cabanon serait typique d'une structure de parc ou de jardin. Il en va de même de la clôture ceignant le boisement. 
L'association recourante entend ensuite faire reconnaître que le boisement existait déjà dans les années 1930, voire auparavant. Contrairement à ce qu'affirment les intimés, des photographies aériennes peuvent renseigner sur l'origine du boisement, en particulier s'agissant d'époques antérieures aux constructions alentour. Sur cette question, l'OFEV, consulté dans le cadre de la présente procédure, a fait un certain travail d'investigation sur la base des photographies aériennes d'époque produites par l'association recourante, qui conduit précisément l'office à reconnaître l'origine forestière du boisement. 
Enfin, Pro Natura souhaite faire ajouter à l'état de fait les raisons pour lesquelles un collaborateur du Département du territoire (autrefois DGPN) venu sur place en 2011 avait considéré le groupe d'arbres comme de la forêt. La pertinence de cet élément de fait est dépendante d'une instruction complémentaire, question qui sera examinée ci-dessous. 
 
4.  
Les recourants font valoir une violation de leur droit d'être entendus, dès lors que la cour cantonale a refusé de donner suite à diverses réquisitions de preuve. 
 
4.1. Le droit d'être entendu garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit de faire administrer les preuves, pour autant que celles-ci soient requises dans les formes prévues par le droit cantonal et qu'elles apparaissent utiles à l'établissement des faits pertinents (ATF 139 II 489 consid. 3.3; 129 II 497 consid. 2.2). Cette garantie constitutionnelle n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, l'autorité a la certitude que celles-ci ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références).  
 
4.2. Les recourants demandaient l'audition du collaborateur de l'OCAN venu sur place en 2011, ainsi que la production de tous les documents en lien avec cette visite. Les recourants demandaient également une expertise judiciaire auprès d'un spécialiste ingénieur forestier, un transport sur place et la production par l'Office fédéral de topographie des photographies aériennes depuis 1930.  
Ainsi qu'on le verra ci-dessous, de nombreux éléments devaient conduire la cour cantonale à considérer que le dossier n'était pas suffisamment complet pour exclure la nature forestière du boisement litigieux, de sorte que la cour cantonale aurait dû poursuivre l'instruction. Le grief est par conséquent fondé et il y a lieu de reconnaître que le droit d'être entendu des recourants n'a pas été respecté. 
L'une des parties recourantes a produit devant la Cour de justice des photographies aériennes d'époque, qui figurent désormais au dossier. L'audition d'un collaborateur cantonal ayant considéré le boisement comme de la forêt en 2011, ou à tout le moins la production des documents, s'ils existent, en lien avec cette constatation, de même qu'une expertise indépendante, seraient de nature à mieux renseigner la cour sur les caractéristiques du boisement litigieux. Vu le sort de la cause, il sera toutefois laissé à l'appréciation de la cour cantonale quelles mesures d'instruction complémentaires s'imposent. 
 
4.3. Compte tenu de ce qui précède, il n'apparaît pas nécessaire d'examiner le grief de violation des règles cantonales de procédure en matière de preuves.  
 
4.4. Le Tribunal fédéral n'étant pas juge de fait, il renoncera à procéder lui-même aux mesures d'instructions requises par les recourants dans la procédure fédérale, la violation du droit d'être entendu n'étant réparée par l'instance de recours qu'en présence de conditions précises (plein pouvoir d'examen, vice peu grave, renvoi vain notamment), non réunies en l'espèce.  
 
5.  
Les recourants se plaignent d'une violation de l'art. 2 al. 3 LFo
 
 
5.1.  
 
5.1.1. La LFo a pour but général la protection des forêts, notamment la conservation de l'aire forestière (art. 1 et 3 LFo). L'art. 2 LFo définit la notion de forêt. On entend par forêt toutes les surfaces couvertes d'arbres ou d'arbustes forestiers à même d'exercer des fonctions forestières (à savoir des fonctions protectrices, économiques ou sociales, cf. art. 1 al. 1 let. c LFo), sans égard à leur origine, à leur mode d'exploitation ou aux mentions figurant au registre foncier (art. 2 al. 1 LFo). L'art. 2 al. 2 LFo indique ce qui doit être assimilé aux forêts, alors que l'art. 2 al. 3 LFo exclut de cette notion notamment les groupes d'arbres ou d'arbustes isolés, les haies, les allées, les jardins, les parcs et les espaces verts. Selon l'art. 1 al. 1 de l'ordonnance du 30 novembre 1992 sur les forêts (OFo; RS 921.01), les cantons précisent les valeurs requises pour qu'une surface boisée soit reconnue comme forêt, dans les limites fixées par le droit fédéral.  
Dans ce cadre, l'art. 2 de la loi genevoise du 1er octobre 2019 sur les forêts (LForêts; RS GE M 5 10) prévoit que sont considérés comme forêts les peuplements boisés présentant toutes les caractéristiques qualitatives d'une forêt, exerçant une fonction forestière et répondant aux critères suivants: a) être, en principe, âgés d'au moins 15 ans; b) s'étendre sur une surface d'au moins 500 m² et c) avoir une largeur minimale de 12 m, lisière appropriée comprise (al. 1). Sont également considérés comme forêts: a) les surfaces ne répondant pas aux critères quantitatifs définis à l'alinéa 1, pour autant qu'elles remplissent des fonctions forestières importantes; b) les clairières; c) les cordons boisés situés au bord de cours d'eau; d) les espaces liés à la divagation des rivières dans les zones alluviales; e) les parcelles réservées à cet effet (al. 2). Ne sont pas considérés comme forêts: a) les groupes ou alignements d'arbres isolés et les allées; b) les haies situées en zone agricole, constituées grâce à des mesures d'encouragement, prévues par les législations fédérale et cantonale en matière de compensations écologiques; c) les parcs situés en zone de verdure (al. 3). 
 
5.1.2. Ces critères quantitatifs servent à clarifier la notion qualitative de forêt posée par le droit fédéral. La nature forestière doit en principe être reconnue lorsque les critères quantitatifs sont satisfaits, de sorte que ces derniers constituent des seuils minimaux. Aussi, lorsque les surfaces minimum sont atteintes, ce n'est qu'en présence de circonstances exceptionnelles que la qualification de forêt peut être déniée (125 II 440 consid. 2c; 122 II 72 consid. 3b; arrêts 1A.141/2001 du 20 mars 2002 consid. 4.1, in ZBl 104/2003 p. 380, résumé in RDAF 2004 I 734; 1C_114/2019 du 19 juillet 2019 consid. 2). Ces circonstances exceptionnelles peuvent être celles qui permettent de constater la nature de parc au sens de l'art. 2 al. 3 LFo (arrêt 1A.225/2005 du 17 octobre 2006 consid. 6.3). Il convient toutefois de se garder de qualifier de parc un boisement au seul motif qu'il se trouve en zone urbaine et qu'il est entouré de voies de communications ou de constructions. Si on les excluait systématiquement de l'aire forestière de tels boisements du fait qu'ils sont isolés, alors même qu'ils remplissent les critères quantitatifs minimaux, une partie non négligeable de la forêt serait soustraite à la protection du droit fédéral, ce qui serait contraire à l'esprit de la loi. De plus, en tant qu'îlots dans la zone bâtie, ce sont précisément ces bosquets qui peuvent revêtir une importance particulière comme zones de détente de proximité pour les riverains et pour la mise en réseau des habitats de la faune et la flore sauvage (arrêts 1A.141/2001 du 20 mars 2002 consid. 4.1, in ZBl 104/2003 p. 380, résumé in RDAF 2004 I 734).  
Dans un parc, on doit pouvoir observer un aménagement ciblé en rapport avec les alentours que le parc est supposé valoriser. L'intention du législateur n'est pas de qualifier de parc tout boisement situé en zone à bâtir. La notion d'espace vert doit donc se limiter aux peuplements qui ont été créés de manière contrôlée et dans un but d'aménagement précis (ATF 124 II 85 consid. 4d/cc). La notion de parc, comme celle de jardin ou d'espace vert, suppose une intervention volontaire en vue de le configurer comme tel ou, à tout le moins, une tolérance consentie à la croissance d'une plantation dans un but de délassement ou d'embellissement (arrêts 1A.224/2002 du 7 avril 2003 consid. 2.1, in RDAT 2003 II n° 74 p. 315; 1A.225/2005 du 17 octobre 2006 consid. 6.3). Si l'entretien du terrain a été négligé sur une parcelle et que des essences forestières ont ainsi pu pousser, il ne s'agit généralement pas d'un espace vert mais d'une forêt (arrêts 1C_242/2007 du 11 juin 2008 consid. 2.3; 1A.141/2001 du 20 mars 2002, in ZBl 104/2003 p. 377 E. 3.2). 
En principe, l'autorité forestière compétente pour procéder à une constatation de nature forestière au sens de l'art. 10 LFo doit se fonder sur la situation effective du terrain au moment où elle statue. Dans certaines circonstances, l'existence d'une forêt peut toutefois être admise malgré l'absence de boisement, en particulier lorsqu'il apparaît qu'un défrichement a eu lieu sans autorisation; en effet, la suppression du couvert forestier sans autorisation de défricher ne modifie pas le caractère forestier du terrain concerné; le moment déterminant pour évaluer la nature du boisement n'est alors plus celui de la décision de première instance (ATF 124 II 85 consid. 4d; 120 Ib 339 consid. 4a; arrêt 1C_239/2016 du 13 février 2017 consid. 3 et les références citées). L'intérêt à la conservation de la forêt est reconnu de plein droit pour les surfaces d'où la forêt a été éliminée sans autorisation; celles-ci sont assujetties à l'obligation de reboiser et elles continuent ainsi d'appartenir à l'aire forestière (cf. art. 2 al. 2 let. c LFo). 
Dans cette appréciation, il n'y a pas lieu de procéder à une pondération des intérêts privés ou publics (ATF 124 II 85 consid. 3e; arrêts 1C_307/2009 du 16 février 2010 consid. 5, in Pra 2010 n° 138 p. 906; 1C_430/2016 du 6 juillet 2017 consid. 6.1; 1C_242/2007 11 juin 2008 consid. 2.1). 
 
5.2. En l'occurrence, les critères quantitatifs sont remplis. Seuls les critères qualitatifs sont litigieux. A ce sujet, la cour cantonale s'est fondée sur les observations consignées par l'OCAN, dont elle a repris l'appréciation. Elle a ainsi retenu que le boisement de 1'331 m² était "richement" composé d'essences indigènes (hêtre, charme, pin sylvestre, chêne et érable) de plus de quarante ans. La fonction de structure paysagère était "significative", mais cet élément était contrebalancé par l'absence de fonctions de biodiversité, protection, récréation et production, de sorte que le peuplement était noté comme ayant peu d'intérêt. L'absence d'étage intermédiaire et de sous-bois, dont rien ne permettait d'affirmer qu'ils avaient été supprimés récemment, ainsi que la présence d'une clôture et d'un cabanon cadastré, installations typiques d'un jardin d'agrément, confirmaient l'appréciation de l'absence de nature forestière du boisement.  
Selon la jurisprudence rappelée ci-dessus, une surface boisée supérieure aux seuils minimaux fixés par le droit cantonal, dans la fourchette définie par le droit fédéral emporte présomption d'une nature forestière. Par ailleurs, comme le relèvent tant les recourants que l'OFEV, il suffit généralement que le boisement revête l'une des fonctions forestières pour que lui soit reconnu la valeur qualitative d'une forêt (ATF 124 II 85 consid. 3d/cc, arrêts 1C_118/2019 du 19 juillet 2019 consid. 9; 1A.30/2004 du 11 août 2004 consid. 4). L'appréciation selon laquelle la fonction paysagère - qui est une composante de la fonction sociale de la forêt au sens de l'art. 1 al. 1 LFo (arrêt 1C_118/2019 du 19 juillet 2019 consid. 9) - est contrebalancée par l'absence d'autres fonctions est donc sujette à caution. Par ailleurs, comme le souligne l'OFEV, la Commission consultative de la diversité biologique (CCDB), qui s'est rendue sur place dans le cadre formel de la procédure en constatation de la nature forestière, a relevé, outre le rôle paysager significatif, la fonction de biodiversité du boisement, qui est aussi significative selon la commission. On remarque au demeurant que la prise de position de la CCDB figurant au dossier est nettement plus étayée que la décision de l'OCAN, qui consiste en un simple formulaire. Il y a ainsi lieu d'en tenir compte et de s'interroger sur les raisons des divergences d'appréciation quand bien même, selon ce qu'ont considéré les juges cantonaux, "la prise de position de la CCDB ne constitue pas un préavis exigé par la loi" (arrêt attaqué consid. 3h p. 17). Enfin, toujours selon les explications de l'office fédéral, il ne fait aucun doute, vu la nature des essences, toutes indigènes, les photos aériennes historiques et les photos au sol plus actuelles, que le bosquet est d'origine forestière et n'est pas le résultat de plantations effectuées volontairement par la main de l'homme en vue d'un aménagement paysager et horticole. La situation n'est ainsi pas aussi claire que le laisse entendre la cour cantonale qui, pour seul examen de la situation, a repris les constatations de la décision de base, sans véritablement les discuter. 
Or, si l'on résume les critères évoqués jusqu'ici, l'exclusion de la nature forestière est fondée sur l'absence de fonctions autres que la fonction paysagère - pourtant significative et alors que la fonction de maintien de la biodiversité est discutée par les experts -, ainsi que sur l'absence d'étage intermédiaire et de sous-bois - dont l'OFEV doute non seulement qu'elle soit significative en l'espèce, mais surtout qu'elle soit avérée. En effet, l'office se réfère à des photos de 2012 et de 2019 figurant au dossier pour considérer que le sol présente visuellement les caractéristiques d'un sol forestier et ne présente manifestement pas un sol typique d'un parc ou d'un jardin tel que du gazon ou de la prairie. Il souligne en outre que la visite de l'inspecteur forestier ayant donné lieu à la décision litigieuse a eu lieu en hiver, période à laquelle la couche de feuilles mortes peut cacher les éléments du sous-bois. Pour le surplus, la présence du cabanon n'est qu'un élément de faible importance dans la mesure où il est en réalité sans lien avec la nature même du couvert végétal et avec la fonction du boisement. C'est à plus forte raison le cas de la clôture, qui n'est pas significative en l'espèce. 
Il s'ensuit que les éléments ayant conduit l'OCAN à considérer que le boisement n'est pas de nature forestière sont non seulement particulièrement ténus mais surtout précisément contestés par les parties, ainsi que l'OFEV et, auparavant, la CCDB. A l'inverse, plusieurs éléments en faveur d'une reconnaissance de la nature forestière du boisement existent. On rappelle que la surface litigieuse fait le double de la surface minimale emportant présomption de la nature forestière d'un boisement. La fonction paysagère de forêt est reconnue au boisement et, surtout, les essences qui le constituent sont de nature typiquement forestière. Dans de telles circonstances, la cour cantonale devait investiguer plus avant la question de la valeur du sous-bois et examiner plus en détail en quoi la fonction paysagère reconnue au boisement ne devait pas suffire à le faire reconnaître comme forêt. La seule référence à la décision du département, constituée uniquement d'un formulaire à remplir et dont la seule motivation est l'indication de l'absence de "fonction forestière significative [du boqueteau] mise à part sa valeur paysagère", était en effet insuffisante dans un tel contexte, et l'arrêt du TAPI ne contenait à cet égard pas plus d'éléments de faits ni d'appréciation. 
 
5.3. Le grief est par conséquent bien fondé. Les faits ressortant de l'arrêt attaqué ne permettent pas de constater l'inexistence d'une forêt au sens du droit fédéral. L'instruction devant être complétée, la cause sera renvoyée à l'instance précédente pour qu'elle procède aux investigations nécessaires ou, cas échéant, adresse le dossier à l'autorité administrative pour ce faire.  
 
6.  
Il résulte de ce qui précède que les recours sont admis dans la mesure de leur recevabilité et la cause renvoyée à la Cour de justice. Les intimés, qui succombent, supporteront les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF) et verseront des dépens aux recourants, qui obtiennent gain de cause avec l'aide d'un avocat (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Les causes 1C_517/2021 et 1C_522/2021 sont jointes. 
 
2.  
Les recours sont admis dans la mesure où ils sont recevables. L'arrêt attaqué est annulé. La cause est renvoyée à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
3.  
Les frais de justice, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge des intimés. 
 
4.  
Des indemnités de dépens de 3'000 fr. chacune sont accordées d'une part aux recourants A.________ et d'autre part à Pro Natura - Ligue suisse pour la protection de la nature, à la charge des intimés. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Département du territoire du de la République et canton de Genève, Office cantonal de l'agriculture et de la nature (OCAN), Service du paysage et des forêts, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, et à l'Office fédéral de l'environnement. 
 
 
Lausanne, le 18 août 2022 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Sidi-Ali