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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1A.15/2002/col 
 
Arrêt du 5 mars 2002 
Ire Cour de droit public 
 
Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président du Tribunal fédéral, 
Reeb, Féraud, 
greffier Kurz. 
 
J.________, recourant, représenté par Me Pierre-Dominique Schupp, avocat, rue de la Paix 4, case postale 3632, 
1002 Lausanne, 
 
contre 
 
Office fédéral de la justice, Division des affaires internationales, Section extraditions, Bundesrain 20, 
3003 Berne. 
 
extradition à la France - B 118047 MBM 
 
(recours de droit administratif contre la décision de l'Office fédéral de la justice du 18 décembre 2001) 
 
Faits: 
A. 
J.________, ressortissant français né en 1929, a été arrêté le 21 mai 2001 et mis en détention extraditionnelle par le Juge d'instruction du canton de Vaud, en vertu d'une demande d'arrestation formée le 16 mai 2001 par l'Office fédéral de la justice (OFJ), sur la base d'un mandat d'arrêt décerné le 16 novembre 2000 par le Juge d'instruction au Tribunal de Grande Instance de Paris, pour des délits d'abus de confiance et de faux dans les titres commis en Guadeloupe entre 1994 et 1997. Entendu le jour même, J.________ a indiqué s'opposer à une extradition simplifiée, et a fait état de graves problèmes de santé. Le mandat d'arrêt en vue d'extradition lui a été notifié le 25 mai 2001. 
 
Le 31 mai 2001, après réception de plusieurs avis médicaux, l'OFJ a ordonné la remise en liberté provisoire de l'intéressé, moyennant le dépôt de 132'000 fr. de bijoux et l'obligation de se présenter tous les quinze jours à la police de Lausanne. 
B. 
Le 25 juin 2001, l'Ambassade de France à Berne a fait parvenir à l'OFJ la demande formelle d'extradition formée par le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Paris, accompagnée d'un exemplaire original du mandat d'arrêt du 16 novembre 2000. J.________ avait été mis en examen des chefs de faux et usage de faux, abus de biens sociaux, recel et complicité d'abus de biens sociaux. Il avait été détenu provisoirement, puis placé sous contrôle judiciaire (avec l'obligation de verser 25 millions de FF), avant de prendre la fuite. Il aurait détourné plus de 65 millions de FF au détriment de la société G.________, société spécialisée dans la construction ou la rénovation de bâtiments scolaires et attributaire de nombreux marchés publics en Guadeloupe. Les sommes détournées auraient été versées sur les comptes personnels de J.________ en métropole. Ces faits auraient été partiellement admis par l'intéressé lors d'une audition en Suisse par commission rogatoire. 
 
Dans ses observations, du 23 juillet 2001, J.________ a relevé que le mandat d'arrêt avait fait l'objet d'un recours, sa validité étant contestée pour plusieurs motifs: dès le 1er janvier 2001, seul le juge des libertés était compétent pour délivrer un tel mandat; celui-ci ne figurait pas au dossier de l'instruction, et sa motivation était erronée, notamment en ce qui concernait le risque de fuite. J.________ était régulièrement installé en Suisse depuis 1998 et serait librement retourné à son domicile après sa libération. Il s'était toujours présenté aux audiences, excepté à trois reprises, pour de graves motifs de santé. Tout déplacement présentait un danger grave pour sa vie. 
C. 
Par décision du 18 décembre 2001, l'OFJ a accordé l'extradition. La condition de la double incrimination était réalisée, s'agissant d'actes qui, en droit suisse, constitueraient des infractions de gestion déloyale et de faux dans les titres. Les autorités judiciaires françaises avaient confirmé que le mandat d'arrêt avait bien été délivré par l'autorité compétente, et il n'appartenait pas à l'OFJ de se prononcer sur l'accès au dossier dans la procédure pénale étrangère. La CEExtr. n'excluait pas l'extradition pour des motifs tenant à l'état de santé. L'OFJ allait toutefois s'assurer que le transport de l'intéressé en France ne présentait pas de risque pour sa santé, et inviterait les autorités françaises à veiller à ce qu'il reçoive tous les soins nécessaires. 
D. 
J.________ forme un recours de droit administratif contre cette décision. Il conclut au refus de l'extradition. 
 
L'OFJ conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
La décision par laquelle l'OFJ accorde l'extradition (art. 55 al. 1 et 39 de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale - EIMP, RS 351.1) peut faire l'objet d'un recours de droit administratif (art. 25 al. 1 EIMP). La personne extradée a qualité pour recourir, au sens de l'art. 103 let. a OJ (art. 21 al. 3 EIMP). 
2. 
L'extradition entre la France et la Suisse est régie par la Convention européenne d'extradition (CEExtr., RS 0.353. 1). Le droit interne, soit l'EIMP et son ordonnance d'exécution (OEIMP, RS 351.11), s'applique aux questions qui ne sont pas réglées par le droit conventionnel, et lorsqu'il permet la collaboration internationale à des conditions plus favorables (ATF 122 II 373 consid. 1a p. 375). 
3. 
Le recourant persiste à considérer que le mandat d'arrêt délivré le 16 novembre 2000 par le juge d'instruction parisien ne serait pas valable, ce qui entraînerait la nullité de la procédure d'extradition. Cette question se rapporterait à la compétence juridictionnelle de l'autorité requérante et devrait être examinée par l'autorité suisse d'extradition. Reprenant l'exposé soumis à l'OFJ, ainsi que les arguments figurant dans son recours auprès de la Chambre d'instruction de la Cour d'appel de Paris, le recourant estime qu'en vertu de la loi du 15 juin 2000, entrée en vigueur le 1er janvier 2001, seul le juge des libertés serait compétent, depuis cette dernière date, pour décerner un mandat d'arrêt. Le mandat d'arrêt serait aussi nul, faute de figurer au dossier de l'instruction. Le recourant conteste également l'existence d'un risque de fuite: il demeure en Suisse depuis 1998, et y serait retourné depuis sa libération, le 7 juin 2000, après que la Cour de cassation française ait annulé l'ordre d'incarcération; il avait alors fait savoir qu'il se rendait en Suisse et les mesures de contrôle judiciaire n'avaient été prises qu'ultérieurement. Le recourant avait toujours déféré aux convocations lorsque son état de santé le permettait, de même qu'il avait respecté les obligations de se présenter fixées par les autorités suisses. 
3.1 Le recourant ne méconnaît pas que si l'autorité suisse saisie d'une demande d'extradition peut certes, dans certains cas, être amenée à s'interroger sur la compétence répressive de l'Etat requérant - quoique celle-ci soit le plus souvent présumée -, elle n'a pas en revanche à vérifier si les documents produits à l'appui de la demande émanent d'une autorité compétente. A ce sujet, l'OFJ distingue pertinemment, dans sa décision, la compétence juridictionnelle de l'Etat requérant et la compétence procédurale des autorités répressives, soustraite à l'examen de l'Etat requis. Le recourant invoque l'art. 12 al. 2 let. a CEExtr., selon lequel la condamnation ou le mandat d'arrêt doivent être délivrés "dans les formes prescrites par la loi de la partie requérante". Il se réfère également à une ancienne jurisprudence selon laquelle le gouvernement requis "aurait le droit" d'examiner si les documents exigés par le traité émanent d'une autorité compétente (ATF 17 p. 236). 
3.2 L'art. 12 al. 2 let. a CEExtr. énumère les pièces qui doivent être produites à l'appui de la demande d'extradition. Il n'impose pas à l'autorité requise d'examiner la compétence procédurale de l'autorité requérante (ATF 116 Ib 89 consid. 2c/aa p. 92, 113 Ib 157 consid. 3 p. 163 et 4 p. 164). Cela impliquerait en effet un examen complet du droit de procédure étranger (ATF 114 Ib 254 consid. 5). Si l'examen de la compétence interne échappe au juge de l'extradition, il en va de même, a fortiori, de la question de savoir si un acte de procédure particulier (en l'espèce, la délivrance du mandat d'arrêt) est conforme au droit étranger. L'autorité suisse n'a donc pas à évaluer la validité des pièces produites, sauf en cas de violation particulièrement flagrante du droit procédural étranger, faisant apparaître la demande d'extradition comme un abus de droit, et permettant au surplus de douter de la conformité de la procédure étrangère aux droits fondamentaux de la défense. 
3.3 Rien de tel n'est à craindre en l'occurrence. Le recourant admet que le Juge d'instruction au Tribunal de Grande Instance de Paris était bien compétent lorsqu'il a délivré le mandat d'arrêt du 16 novembre 2000. Cette compétence serait toutefois passée, dès le 1er janvier 2001, au juge des libertés et de la détention, institué par la loi du 15 juin 2000. Le recourant passe toutefois sous silence le fait que l'autorité requérante a été invitée par l'OFJ à se déterminer sur ces objections. Dans sa prise de position du 2 octobre 2001, le Procureur de la République au Tribunal de Grande Instance de Paris relève que si le juge des libertés et de la détention est bien compétent, dès le 1er janvier 2001, pour délivrer le mandat de dépôt (soit l'ordre de maintenir en détention provisoire) puis pour prolonger la détention et statuer sur les demandes de mise en liberté, le juge d'instruction reste compétent pour délivrer un mandat d'arrêt (soit l'ordre de rechercher une personne et de la conduire dans l'établissement de détention). Rien ne permet de mettre en doute cette présentation de la réglementation française, qui correspond en outre au texte du code de procédure pénale produit en annexe à ces déterminations. Par ailleurs, les nouvelles compétences du juge des libertés n'impliqueraient pas nécessairement la caducité de tous les ordres d'arrestations valablement prononcés jusque-là. Un effet ex tunc aussi radical n'a manifestement pas été voulu par le législateur français; du moins le recourant ne parvient-il pas à le démontrer. 
3.4 Pour le surplus, le recourant allègue que la publicité du dossier ne serait pas garantie et que les conditions matérielles de délivrance du mandat d'arrêt, en particulier le risque de fuite, ne seraient pas réunies. Il s'agit là d'arguments qui relèvent de la procédure pénale proprement dite, voire du fond, et qui, plus encore que la validité formelle du mandat d'arrêt, échappent à la cognition de la cour de céans. 
4. 
Sans préciser s'il le fait en rapport avec la validité du mandat d'arrêt, ou s'il entend en tirer argument à l'encontre de l'extradition, le recourant argue également de son état de santé. Il se fonde en particulier sur un certificat médical établi par le service médical de la prison du Bois-Mermet, où il a été détenu durant dix jours. Il en ressort que l'état de santé du recourant nécessite des contrôles fréquents, et qu'une détention n'est pas compatible avec ses maladies multiples. 
La CEExtr. ne réserve pas à l'Etat requis la faculté de refuser l'extradition dont toutes les conditions sont par ailleurs remplies, au motif que la personne recherchée serait malade ou que son état de santé nécessiterait un traitement médical. Le droit interne - qui ne saurait par ailleurs prendre le pas sur le traité multilatéral - ne prévoit pas davantage un tel motif d'exclusion de la coopération internationale. La jurisprudence ancienne et constante va dans le même sens (arrêt Malzacher, du 25 novembre 1876, ATF II 490 consid. 1 p. 491, arrêt non publié du 19 juin 1998 dans la cause U.). En effet, l'octroi de l'extradition ne signifie pas nécessairement que le recourant, une fois extradé serait ipso facto placé en détention. II appartiendra aux autorités compétentes de l'Etat requérant d'en décider, sur le vu des certificats médicaux produits par le recourant. Il est ainsi possible qu'elles renoncent à l'incarcération du recourant, compte tenu de sa santé défaillante, ou prennent toutes les mesures adéquates pour prévenir tout risque à cet égard, en ordonnant par exemple son placement dans un quartier cellulaire hospitalier. Le fait que l'OFJ ait levé provisoirement la détention extraditionnelle du recourant n'y change rien. Pour le surplus, le recourant ne fait pas valoir que son extradition l'exposerait concrètement dans l'Etat requérant à un traitement incompatible avec les normes internationales protégeant les droits fondamentaux de l'être humain. Afin de prévenir tout risque lié au transport et à l'éventuelle incarcération du recourant, l'OFJ a pris l'initiative de rendre les autorités françaises attentives à son état de santé, et de les inviter à veiller à ce que celui-ci reçoive tous les soins que nécessite sa maladie. Le recourant ne prétend pas pour le surplus que l'Etat requérant ne disposerait pas des infrastructures médicales suffisantes. Il ressort au contraire du dossier que le recourant a été suivi régulièrement par l'Unité de consultation et de soins ambulatoires auprès des personnes incarcérées (UCSA) de Fresnes. Un certificat dressé le 26 mai 2000 par un médecin de cet établissement relève déjà - à l'instar du service de médecine pénitentiaire vaudois - que l'incarcération du recourant augmente son anxiété et crée des facteurs de risque supplémentaires qui doivent être pris en compte. On peut raisonnablement penser, sans qu'il y ait à poser des réserves ou conditions sur ce point, que les autorités de poursuite françaises sauront tenir compte de l'évolution récente de l'état de santé du recourant, dès lors qu'elles en seront d'emblée informées. 
5. 
Invoquant l'art. 10 CEExtr., le recourant soutient que l'infraction d'abus de biens sociaux serait prescrite. Les faits auraient été commis de 1994 à 1997, et la prescription triennale serait applicable. 
5.1 Selon l'art. 10 CEExtr., l'extradition n'est pas accordée si la prescription de l'action ou de la peine est acquise d'après la législation soit de la Partie requérante, soit de la Partie requise. L'art. 5 al. 1 let. c EIMP impose également le refus de la collaboration internationale lorsque la prescription absolue empêche, en droit suisse, d'ouvrir l'action pénale ou d'exécuter une sanction. Cette disposition est plus favorable à l'extradition puisqu'elle ne tient pas compte de la prescription selon le droit de l'Etat requérant. Point n'est toutefois besoin de s'interroger sur une éventuelle application exclusive du droit interne car, supposé recevable, l'argument tiré de la prescription en droit français doit de toute façon être écarté. 
5.2 Les affirmations du recourant se heurtent aux déclarations de l'autorité requérante: selon l'art. 8 du code de procédure pénale, la prescription de l'action publique est de trois ans; à l'instar de ce qui est prévu pour les crimes (art. 7 du code de procédure pénale), l'interruption de la prescription a pour effet de faire courir un nouveau délai. Même si l'autorité requérante n'est pas explicite sur ce point, il y a lieu de considérer sur le vu de l'instruction pénale menée activement par le juge d'instruction français que divers actes interruptifs de prescription son intervenus depuis le début de l'enquête, en 1997, soit en tout cas la décision de mise en examen et le mandat d'arrêt international décerné contre le recourant. C'est dans ce sens que doivent être interprétées l'affirmation de l'autorité requérante selon laquelle "un examen sommaire de la chronologie des événements démontre que la prescription de l'action publique n'est pas acquise", et la mention "non couvert par la prescription" figurant dans le mandat d'arrêt. Il n'y a pas, sur ce point également, à douter de la bonne foi de l'Etat requérant. 
6. 
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit administratif doit être rejeté. Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, un émolument judiciaire est mis à la charge du recourant, dont les conclusions sont écartées. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours de droit administratif est rejeté. 
2. 
Un émolument judiciaire de 3000 fr. est mis à la charge du recourant. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant et à l'Office fédéral de la justice (B 118047). 
Lausanne, le 5 mars 2002 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le président: Le greffier: