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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1B_483/2018  
 
 
Arrêt du 6 novembre 2018  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président, 
Fonjallaz et Chaix. 
Greffière : Mme Kropf. 
 
Participants à la procédure 
 A.________, représenté par 
Me Matthieu Genillod, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens. 
 
Objet 
Détention pour des motifs de sûreté; mesures de substitution, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 20 septembre 2018 (729 PE12.007763-ARS). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le Ministère public central du canton de Vaud instruit, depuis le 13 septembre 2012, une enquête contre A.________ pour escroquerie par métier, gestion déloyale aggravée, gestion fautive, soustraction d'objets mis sous main de l'autorité et faux dans les titres.  
Par acte d'accusation du 20 février 2017, le prévenu a été renvoyé en jugement devant le Tribunal criminel correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois pour les chefs d'infraction susmentionnés. Fixés au 10 juillet 2017, les débats ont été renvoyés deux fois, la seconde à la requête de A.________ pour incapacité médicale (cf. le certificat médical du docteur B.________, psychiatre, du 11 janvier 2018). L'ouverture des débats est désormais agendée au 26 novembre 2018. 
 
A.b. Le 13 mars 2015, le Tribunal des mesures de contrainte (Tmc) a ordonné la détention provisoire du prévenu, mesure ensuite régulièrement prolongée jusqu'au 10 décembre 2016.  
La décision de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois du 23 décembre 2016, confirmant l'ordonnance de prolongation du Tmc rendue le 9 décembre 2016, a été annulée le 8 février 2017 par le Tribunal fédéral (cause 1B_26/2017). Statuant sur renvoi de la Chambre pénale de recours, le Tmc a constaté, le 27 février 2017, que les conditions de la détention pour des motifs de sûreté étaient remplies, mais a ordonné la remise en liberté de A.________, moyennant la mise en oeuvre de mesures de substitution, à savoir l'obligation de déposer, jusqu'au 20 juin 2017, l'intégralité de ses documents d'identité en mains du Ministère public central, de ne pas quitter la Suisse et de se présenter une fois par semaine à un poste de police de sa commune de domicile. Par ordonnances des 8 juin 2017 et 20 février 2018, le Tmc a prolongé les mesures de substitution, en dernier lieu le 19 août 2018. 
Le prévenu a sollicité, par requête du 20 août 2018, la levée des mesures de substitution. Le Ministère public s'est opposé à cette demande et la Présidente du Tribunal criminel a requis la prolongation des mesures de substitution. Le 3 septembre 2018, le Tmc a constaté la réalisation des conditions permettant la détention pour des motifs de sûreté et prolongé les mesures de substitution (dépôt des papiers d'identité, interdiction de quitter la Suisse et obligation de se présenter chaque semaine à un poste de police de sa commune de domicile). 
 
B.   
Le 20 septembre 2018, la Chambre des recours pénale a rejeté le recours intenté contre cette décision par A.________. Elle a constaté que le prévenu ne remettait pas en cause l'existence de soupçons suffisants de la commission d'infractions (consid. 2.1), puis a retenu l'existence d'un risque de fuite (consid. 2.3) que les mesures de substitution ordonnées à ce jour étaient propres à diminuer; le prononcé de ces mesures ne violait pas non plus le principe de proportionnalité (consid. 3.2). 
 
C.   
Par acte du 18 octobre 2018, A.________ forme un recours en matière pénale contre cet arrêt, concluant à sa réforme en ce sens que l'ordonnance rendue le 3 septembre 2018 par le Tmc soit annulée, qu'il soit constaté que les conditions de la détention pour des motifs de sûreté ne sont plus réunies et qu'il soit immédiatement libéré de toute mesure de substitution. A titre subsidiaire, il demande le renvoi de la cause à l'autorité précédente. Le recourant sollicite également l'octroi de l'assistance judiciaire. 
Invité à se déterminer, le Ministère public a conclu au rejet du recours, produisant l'échange d'écritures relatif à la demande du 23 octobre 2018 déposée par le recourant auprès du Tribunal criminel afin d'obtenir le report des débats. Quant à la cour cantonale, elle a renoncé à déposer des déterminations, se référant aux considérants de sa décision. Par courrier du 1er novembre 2018, le recourant a persisté dans ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre une décision relative aux mesures de substitution à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens de l'art. 237 CPP (arrêt 1B_211/2017 du 27 juin 2017 consid. 1). Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, le prévenu, contre qui sont ordonnées les mesures de substitution en cause, a qualité pour recourir. Le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Il y a donc lieu d'entrer en matière.  
 
1.2. Les pièces produites par le Ministère public sont ultérieures à l'arrêt attaqué et il ne démontre pas que leur production découlerait de la décision entreprise. Par conséquent, ces pièces sont irrecevables (art. 99 al. 1 LTF).  
 
2.   
Le recourant ne conteste pas l'existence de charges suffisantes pesant à son encontre (art. 221 al. 1 CPP). 
Il reproche en revanche à l'autorité précédente d'avoir retenu l'existence d'un risque de fuite. Il soutient également en substance que les mesures de substitution ordonnées à son encontre violeraient le principe de proportionnalité. 
 
2.1. Selon la jurisprudence, le risque de fuite au sens de l'art. 221 al. 1 let. a CPP doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'État qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable. Les circonstances particulières de chaque cas d'espèce doivent être prises en compte. La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 143 IV 160 consid. 4.3 p. 167 s.).  
 
2.2. La cour cantonale a rappelé que le recourant, âgé de 50 ans, ne disposait que de la nationalité suisse et avait passé presque toute sa vie en Suisse, pays dans lequel résidaient sa mère et son frère; depuis sa libération de la détention provisoire, le recourant s'était également engagé dans une activité professionnelle dont le centre se trouvait en Suisse. L'autorité précédente a cependant aussi relevé que le recourant était mis en accusation devant un tribunal criminel, autorité compétente pour connaître des causes dans lesquelles le Ministère public envisage de requérir une peine supérieure à six ans (art. 10 al. 2 de la loi vaudoise d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009 [LVCPP; RS/VD 312.01]); si le recourant devait être jugé coupable de tous les faits qui lui sont reprochés, il n'était ainsi pas exclu qu'il puise être condamné à une peine privative de liberté dont les deux tiers ne seraient pas entièrement compensés par la détention provisoire subie et qu'il doive, malgré cela, réintégrer pour plusieurs années un établissement pénitentiaire. Les juges cantonaux ont estimé en conséquence que ce risque de lourde condamnation, associé au caractère particulièrement traumatisant que la détention avait eu pour le recourant selon l'attestation de son médecin psychiatre du 11 janvier 2018, donnait sérieusement à penser que le recourant pourrait vouloir se soustraire à la procédure pénale; à cela s'ajoutait encore que, selon l'attestation médicale du 19 juillet 2018 de ce même praticien, le recourant s'était plaint d'être éloigné de son amie, domiciliée en France. L'autorité précédente a donc retenu qu'il existait un risque concret que le recourant, s'il disposait de ses papiers d'identité, en profite pour se rendre à l'étranger, notamment en France auprès de son amie; certes, il serait alors exposé à une procédure d'extradition, mais cela dans la mesure où il n'acquérait pas par mariage la nationalité française.  
 
2.3. Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique et le recourant ne développe aucun argument permettant de le remettre en cause. En particulier, il ne reproche pas à l'autorité précédente d'avoir ignoré lors de son appréciation certains éléments le liant à la Suisse (nationalité, âge, famille, travail). Il ne conteste pas non plus que sa compagne réside en France et que l'hypothèse d'un mariage avec celle-ci pourrait exclure une procédure d'extradition. Enfin, le recourant ne cache pas que, s'il obtenait la restitution de ses papiers d'identité, il entreprendrait des voyages à l'étranger, certes selon ses allégations dans un cadre uniquement professionnel. Ces éléments suffisent dès lors à confirmer l'existence d'un risque de fuite.  
Eu égard au stade de la procédure, ce danger n'est pas non plus dénué de toute intensité. En effet, au regard de la date de l'audience de jugement - le 26 novembre 2018 -, la perspective d'une possible lourde condamnation si les graves faits reprochés au recourant devaient être retenus paraît se concrétiser. Le recourant semble ainsi se trouver dans la même situation que celle qui prévalait au moment où le Tmc a rendu son ordonnance du 27 février 2017 et redoutait un "coup de tête" de sa part à la veille des audiences de jugement prévues en juillet 2017. Vu l'échéance susmentionnée, le respect des mesures de substitution ordonnées ou l'écoulement du temps ne permettent pas non plus de retenir que le risque de fuite se serait en l'occurrence amenuisé. 
Le recourant prétend encore que le risque de fuite n'existerait plus dès lors que la peine encourue devrait être de toute façon réduite de manière importante au regard des 648 jours de détention subis dans des conditions illicites (cf. arrêt 1B_325/2017 du 14 novembre 2017) et du syndrome de stress post-traumatique allégué développé en raison de la détention subie; il serait ainsi douteux de retenir qu'il devrait retourner purger une peine en prison. Il n'appartient cependant pas au juge de la détention de déterminer quelle pourrait être l'éventuelle réparation que le recourant pourrait obtenir pour les deux motifs susmentionnés et les arguments à cet égard pourront être développés devant le juge du fond, autorité qui examine les possibles conséquences des violations constatées, par exemple par le biais d'une indemnisation fondée sur l'art. 431 CPP ou, le cas échéant, par une réduction de la peine (ATF 142 IV 245 consid. 4.1 p. 248). Dans le cadre du contrôle de la détention, seule est donc déterminante la peine concrètement encourue au vu des - nombreuses - infractions reprochées, parfois avec des circonstances aggravantes, au recourant; pour effectuer cette appréciation, l'autorité de jugement devant qui le recourant est renvoyé constitue d'ailleurs également un indice de la peine qui pourrait être prononcée, à savoir une peine supérieure à six ans. On ne saurait dès lors retenir que le solde de la peine susceptible d'être exécuté serait si infime, voire inexistant, que le recourant n'aurait aucun intérêt à ne pas tenter de s'y soustraire. 
En retenant l'existence d'un risque de fuite, la cour cantonale n'a donc pas violé le droit fédéral et ce grief peut être écarté. 
 
2.4. Conformément au principe de la proportionnalité ancré à l'art. 36 al. 3 Cst., le juge de la détention doit ensuite examiner les possibilités de mettre en oeuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention. Cette exigence est concrétisée par l'art. 237 al. 1 CPP, qui prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention. Le juge de la détention n'est en particulier pas limité par la liste énoncée à l'art. 237 al. 2 CPP et peut également, le cas échéant, assortir la/les mesure (s) de substitution de toute condition propre à en garantir l'efficacité (ATF 142 IV 367 consid. 2.1 p. 370).  
Le recourant soutient que les mesures de substitution ordonnées à son encontre - dont l'impossibilité de disposer de ses papiers d'identité afin de pouvoir se rendre à l'étranger - entraveraient sa réinsertion socio-professionnelle, notamment en lui faisant encourir le risque de perdre son emploi. 
La cour cantonale n'a pas ignoré les désagréments liés aux mesures de substitution ordonnées, tant sur le plan de l'avenir professionnel du recourant que sur celui de l'atteinte alléguée à sa santé. Elle a cependant considéré, à juste titre, que vu le risque de fuite existant et l'absence d'autres mesures moins incisives propres à le pallier - le recourant n'en proposant au demeurant aucune autre -, ces mesures demeuraient proportionnées. En tout état de cause, le principe de proportionnalité ne saurait être violé du seul fait que les mesures ordonnées entraînent pour le recourant certaines contraintes, caractéristique inhérente à leur prononcé vu le but poursuivi, à savoir empêcher ou réduire un risque existant. Le principe susmentionné est d'autant moins violé par leur mise en oeuvre qu'elles tendent aussi à prévenir et à réduire les atteintes à la liberté personnelle qui découlent d'un placement en détention avant jugement. On relève en outre que les mesures en cours n'empêchent pas le recourant de suivre les traitements nécessaires à son état de santé. I l n'a pas non plus dû mettre un terme à son activité professionnelle à la suite d'un premier refus de restitution de ses papiers d'identité en septembre 2017 (cf. les courriers relatifs aux démarches entreprises dans ce sens); le recourant ne prétend d'ailleurs pas que son employeur - a priori un ami proche (cf. l'ordonnance du Tmc du 27 février 2017 consid. 9 p. 6) - aurait ignoré au moment de l'engager sa situation particulière, respectivement les limites que celle-ci pouvait impliquer. 
 
2.5. Au regard des considérations précédentes, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en retenant l'existence d'un risque de fuite et en prolongeant les mesures de substitution mises en oeuvre afin de le réduire.  
 
3.   
Il s'ensuit que le recours est rejeté. 
Le recourant a demandé l'octroi de l'assistance judiciaire (art. 64 al. 1 LTF). Vu les circonstances particulières du cas d'espèce (cf. notamment le risque retenu et la nationalité en cause), il y a lieu d'admettre cette requête, de désigner Me Matthieu Genillod en tant qu'avocat d'office et de lui allouer une indemnité à titre d'honoraires, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF), ni alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
La requête d'assistance judiciaire est admise. Me Matthieu Genillod est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public central du canton de Vaud et à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 6 novembre 2018 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Merkli 
 
La Greffière : Kropf