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[AZA] 
C 180/99 Mh 
 
IIIe Chambre  
 
composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; 
Frésard, Greffier 
 
Arrêt du 4 mai 2000  
 
dans la cause 
 
Secrétariat d'Etat à l'économie, Bundesgasse 8, Berne, 
recourant, 
 
contre 
 
S.________, intimée, 
 
et 
 
Tribunal administratif du canton de Berne, Berne 
 
    A.- S.________ a travaillé au service de la société 
W.________ SA. Son contrat de travail ayant été résilié par 
l'employeur pour le 31 mars 1998, elle a fait valoir un 
droit à l'indemnité de chômage à partir du 1er avril 1998. 
Par la suite, elle a été engagée pour la période du 
27 avril 1998 au 10 juillet 1998 par l'entreprise 
D.________ SA, pour un salaire horaire de 16 fr., plus une 
indemnité de vacances égale à 9,5 pour cent du salaire 
brut. Le 7 juillet 1998, les parties ont conclu un nouveau 
contrat de travail, cette fois de durée indéterminée, pre- 
nant effet le 3 août 1998. Le salaire convenu était de 
3000 fr. par mois. 
    L'entreprise a été fermée du 13 juillet 1998 au 
31 juillet 1998, pour cause de vacances annuelles. 
    Par décision du 24 août 1998, la Caisse de chômage du 
canton de Berne (succursale de Bienne et du Jura bernois) a 
refusé de verser à l'assurée des indemnités de chômage pour 
la période du 13 au 31 juillet 1998. Selon la caisse, la 
pratique consistant à engager un salarié pour une durée 
déterminée jusqu'au début des vacances de l'entreprise, 
puis de le réengager ensuite, pour une durée indéterminée, 
après les vacances, devait être qualifiée d'abusive. Le 
travailleur dont le droit aux vacances ne couvre pas toute 
la durée des vacances de l'entreprise peut demander à son 
employeur de lui fournir du travail durant le laps de temps 
restant. Si l'employeur refuse, il se trouve en demeure et 
est tenu de payer le salaire. Par conséquent, l'assurée 
n'avait en l'occurrence subi aucune perte de travail 
susceptible d'être indemnisée. 
 
    B.- S.________ a recouru contre cette décision. Par 
jugement du 22 avril 1999, le Tribunal administratif du 
canton de Berne (Cour des affaires de langue française) a 
admis le recours. Il a considéré que l'assurée avait en 
principe droit à l'indemnité de chômage durant la période 
de vacances de l'entreprise. Il a annulé la décision liti- 
gieuse et il a renvoyé la cause à la caisse de chômage afin 
qu'elle examine (éventuellement en soumettant le cas à 
l'autorité compétente pour cet examen) si l'assurée rem- 
plissait par ailleurs toutes les conditions du droit à 
l'indemnité pour la période du 13 juillet 1998 au 31 juil- 
let 1998. 
    C.- L'Office fédéral du développement économique et de 
l'emploi (actuellement Secrétariat d'Etat à l'économie 
[seco]) interjette un recours de droit administratif dans 
lequel il conclut à l'annulation du jugement cantonal et 
demande au Tribunal fédéral des assurances de dire que 
l'assurée n'a pas droit à l'indemnité de chômage durant la 
période de vacances en cause. 
    S.________ et le tribunal administratif concluent au 
rejet du recours. Quant à la caisse de chômage du canton de 
Berne, elle conclut implicitement à son admission. 
 
Considérant en droit  
:  
 
    1.- Le recourant fait valoir que l'administration 
n'est pas liée par la forme juridique sous laquelle les 
faits apparaissent. Aussi bien un assuré ne saurait-il se 
prévaloir d'actes simulés pour en déduire des droits en 
matière d'assurance sociale, de sorte que sa situation doit 
être examinée à la lumière de sa volonté réelle. Dans le 
cas particulier, les rapports de travail se sont poursui- 
vis, pour une durée indéterminée, à partir du 3 août 1998, 
soit immédiatement après les vacances de l'entreprise. Il y 
a lieu de considérer qu'on se trouve, dès le 27 avril 1998, 
en présence d'un seul et même contrat de travail de durée 
indéterminée, en dépit de l'interruption des rapports de 
travail durant la fermeture annuelle de l'entreprise. 
D'après le recourant, il ne fait aucun doute que, pour 
l'employeur, la conclusion de rapports de travail de durée 
déterminée jusqu'au 10 juillet 1998 visait à éluder le 
droit au salaire durant les vacances de l'entreprise. Le 
droit aux vacances acquis par l'assurée jusqu'au 10 juillet 
1998 n'étant que de 4,3 jours (2,56 mois de travail 
x 1,67 jours de vacances par mois = 4,3), il est vraisem- 
blable que l'employeur ait voulu limiter ses risques au 
maximum. Le choix d'un contrat de travail de durée détermi- 
née n'avait d'autre but que de servir les intérêts propres 
de l'employeur et ne reflétait pas la volonté réelle des 
parties de conclure des rapports de travail pour une durée 
indéterminée. En conséquence, il appartient à l'administra- 
tion ou au juge de requalifier le contrat de travail en 
retenant l'existence d'un contrat de travail de durée indé- 
terminée à partir du 27 avril 1998. Dès lors, ni la condi- 
tion de chômage selon l'art. 8 al. 1 let. a LACI ni la 
condition de perte de travail à prendre en considération 
selon l'art. 11 LACI ne sont remplies. L'assurée ne peut 
ainsi prétendre une indemnité durant la période du 13 juil- 
let 1998 au 31 juillet 1998. 
    Le recourant souligne par ailleurs que la décision de 
la caisse est conforme à une directive qu'il a publiée à ce 
sujet en 1985 dans le Bulletin AC 85/5, fiche 7, directive 
qui a été ultérieurement reprise dans le Bulletin AC 98/1, 
fiche 62. 
    Le premier juge a retenu, quant à lui, que l'intimée 
avait bel et bien subi une perte de travail à prendre en 
considération, indépendamment d'un éventuel comportement 
abusif de l'employeur. Mais comme elle n'a pas offert ses 
services durant la période de vacances en cause, elle n'a 
plus de prétention à faire valoir contre son employeur. Sur 
le plan de l'assurance-chômage, elle pourrait tout au plus 
être sanctionnée par le biais d'une suspension de son droit 
à l'indemnité pour avoir renoncé à faire valoir des préten- 
tions de salaire ou d'indemnisation envers son employeur, 
au détriment de l'assurance (art. 30 al. 1 let. b LACI). 
 
    2.- a) L'assuré a droit à l'indemnité de chômage si, 
entre autres conditions, il est sans emploi ou partielle- 
ment sans emploi (art. 8 al. 1 let. a LACI) et s'il subit 
une perte de travail à prendre en considération (art. 8 
al. 1 let. b LACI). Selon l'art. 11 LACI, il y a lieu de 
prendre en considération la perte de travail lorsqu'elle se 
traduit par un manque à gagner et dure au moins deux jour- 
nées de travail consécutives (al. 1); n'est pas prise en 
considération la perte de travail pour laquelle le chômeur 
a droit au salaire ou à une indemnité pour cause de rési- 
liation anticipée des rapports de travail (al. 3). 
 
    b) Aux termes de l'art. 334 al. 1 CO, le contrat de 
travail de durée déterminée se définit comme celui qui 
prend fin sans qu'il soit nécessaire de donner le congé. La 
durée déterminée du contrat résulte de la loi, de la nature 
du contrat ou de la convention des parties. Celles-ci 
peuvent fixer soit un terme, soit une durée, soit un laps 
de temps objectivement déterminable (par exemple une 
saison). Dans tous les cas, elles doivent être en mesure de 
connaître de façon suffisamment précise la fin des rapports 
de travail (message du Conseil fédéral du 9 mai 1984 con- 
cernant l'initiative populaire "pour la protection des tra- 
vailleurs contre les licenciements dans le droit du contrat 
de travail" et la révision des dispositions sur la résilia- 
tion du contrat de travail dans le code des obligations, FF 
1984 II 615; Brunner/Bühler/Waeber, Commentaire du contrat 
de travail, 2ème édition, 1996, notes 1 et 2 ad art. 334 
CO). Inversement, sont des contrats de durée indéterminée 
au sens de l'art. 335 CO, tous les contrats dont l'échéance 
n'est pas fixée à l'avance par les parties, de sorte qu'une 
résiliation est nécessaire pour mettre fin aux rapports de 
travail (Brunner/Bühler/Waeber, op. cit., note 2 ad 
art. 335 CO). 
 
    c) Le droit suisse autorise en principe les parties à 
passer un nouveau contrat de durée déterminée à la suite 
d'un contrat de même nature (message précité, p. 617). 
Néanmoins, l'art. 2 al. 2 CC, qui prohibe la fraude à la 
loi, s'oppose à la conclusion de "contrats en chaîne" 
("Kettenverträge") dont la durée déterminée ne se justifie 
par aucun motif objectif et qui ont pour but d'éluder l'ap- 
plication des dispositions sur la protection contre les 
congés ou d'empêcher la naissance de prétentions juridiques 
dépendant d'une durée minimale des rapports de travail 
(message précité, p. 617 sv.; ATF 119 V 48 consid. 1c; 
Rehbinder, Schweizerisches Arbeitsrecht, 14ème édition, 
§ 12, p. 134; Brunner/Bühler/Waeber, op. cit., note 6 ad 
art. 334 CO; Staehelin, Commentaire zurichois, note 5 ad 
art. 334 CO). Cependant, en règle ordinaire, il n'y a pas 
d'abus de droit dans la succession de deux contrats seule- 
ment de durée déterminée (arrêts non publiés du Tribunal 
fédéral dans les causes M. du 20 juillet 1999 [4C.51/1999], 
G. du 18 août 1995 [4P.127/1995] et B. du 20 août 1992 
[4C.34/1992]). 
    En l'occurrence, les parties ont conclu  un seul con-  
trat de durée déterminée, avant de conclure un contrat de 
durée indéterminée. Déjà pour cette raison d'ordre purement 
quantitatif, il est pour le moins douteux que la travail- 
leuse aurait pu faire valoir une prétention de salaire 
durant la période de vacances en cause, en invoquant un 
abus de droit et la demeure de son employeur (art. 324 CO). 
Ensuite, s'il est indéniable que la conclusion d'un contrat 
de durée déterminée permettait à l'employeur d'éviter de 
payer un salaire pendant la période de fermeture de l'en- 
treprise, on ne saurait conclure d'emblée qu'il s'agissait 
d'un but frauduleux ou abusif et ce d'autant moins que 
l'intimée a perçu des indemnités de vacances, en plus de 
son salaire, entre avril et juillet 1998. 
 
    d) Dans ces conditions, on ne peut tenir pour acquis 
l'existence d'un droit au salaire de l'intimée pendant la 
durée de la fermeture annuelle de l'entreprise. En tout 
état de cause, la situation juridique n'était pas suffisam- 
ment claire pour que la caisse pût refuser d'indemniser 
l'assurée : elle aurait dû, si elle estimait que celle-ci 
avait un droit au salaire pendant cette période, procéder 
conformément à l'art. 29 al. 1 LACI. Selon cette disposi- 
tion, si la caisse a de sérieux doutes quant au droit qu'a 
l'assuré de faire valoir, pour la durée de la perte de 
travail, des prétentions de salaire ou d'indemnisation au 
sens de l'art. 11 al. 3 LACI, envers son ancien employeur, 
ou s'il y a doute sur la satisfaction de ces prétentions, 
elle verse les prestations prévues à l'art. 7 al. 2 let. a 
ou b LACI. En opérant le versement, la caisse se subroge à 
l'assuré dans tous ses droits, y compris le privilège 
légal, jusqu'à concurrence de l'indemnité journalière 
versée par la caisse (art. 29 al. 2, première phrase, 
LACI). 
    L'application de cette disposition suppose l'existence 
de doutes fondés, découlant notamment d'une situation juri- 
dique peu claire. En revanche, lorsqu'il s'avère d'emblée 
que les prétentions du salarié sont justifiées ou qu'elles 
ne sont pas contestées par l'employeur, la caisse applique- 
ra l'art. 11 al. 3 LACI et refusera de reconnaître le droit 
aux indemnités (pour plus de détails, voir DTA 1999 no 8 
p. 30 et la jurisprudence citée; cf. aussi Thomas Nuss- 
baumer, Arbeitslosenversicherung, in : Schweizerisches 
Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, ch., 
365 ss; Charles Munoz, La fin du contrat individuel de 
travail et le droit aux indemnités de l'assurance-chômage, 
thèse Lausanne 1992, p. 194). Par ailleurs, la caisse n'a 
pas le droit de réclamer à l'assuré le remboursement de 
prétentions de salaire qu'elle n'a pas pu faire valoir avec 
succès, à la suite de la subrogation légale (Munoz, op. 
cit., p. 198 sv. et la jurisprudence citée). 
    Dans le cas particulier, on l'a vu, il n'est pas pos- 
sible d'affirmer - en tout cas pas au premier examen - que 
l'intimée aurait pu invoquer la demeure de son employeur. 
Dès lors, de deux choses l'une : ou bien la caisse admet- 
tait que l'assurée n'avait pas de prétention à faire valoir 
durant la période de vacances; ou bien elle était fondée à 
éprouver des doutes sérieux au sens l'art. 29 al. 1 LACI
Dans un cas comme dans l'autre, elle était tenue de verser 
les prestations, pour autant - comme le retient le premier 
juge - que toutes les conditions, non examinées ici, du 
droit à l'indemnité fussent remplies. 
    e) Enfin, le recourant se réfère vainement à l'arrêt 
publié dans DTA 1953 no 22 p. 21. Comme l'a déjà relevé le 
premier juge, cette jurisprudence se rapporte à d'anciennes 
dispositions du droit de l'assurance-chômage et ne saurait 
sans plus être transposée dans le régime de la LACI. 
 
    3.- Il s'ensuit que le recours de droit administratif 
est mal fondé. Quant à la question, évoquée par le tribunal 
administratif, d'une éventuelle suspension du droit de 
l'intimée à l'indemnité en application de l'art. 30 al. 1 
let. b LACI, elle ne se pose plus, compte tenu de la 
solution adoptée dans le présent arrêt. En effet, une 
suspension de ce genre suppose l'existence d'une prétention 
de salaire ou d'indemnisation clairement établie (DTA 
1996/1997 no 21, p. 120 consid. 7a; Nussbaumer, op. cit., 
ch. 699), condition non réalisée en l'espèce. 
 
    Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances 
 
p r o n o n c e  
:  
 
I. Le recours est rejeté.  
 
II. Il n'est pas perçu de frais de justice.  
 
III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-  
    bunal administratif du canton de Berne, Cour des af- 
    faires de langue française, et à l'Office cantonal de 
    l'industrie, des arts et métiers et du travail, Divi- 
    sion caisse d'assurance-chômage, du canton de Berne. 
 
 
Lucerne, le 4 mai 2000 
 
Au nom du 
Tribunal fédéral des assurances 
Le Président de la IIIe Chambre : 
 
Le Greffier :