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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_1396/2022  
 
 
Arrêt du 7 juin 2023  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, van de Graaf et Koch. 
Greffière : Mme Musy. 
 
Participants à la procédure 
1. D.C._________, 
2. E.C._________, 
tous les deux représentés par 
Me Vincent Kleiner, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
Parquet général du canton de Berne, 
Nordring 8, case postale, 3001 Berne, 
intimé. 
 
Objet 
Fraude électorale, 
 
recours contre le jugement de la Cour suprême 
du canton de Berne, 2e Chambre pénale, du 19 octobre 2022 (SK 21 178-179). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 5 février 2021, le Tribunal régional Jura bernois-Seeland a reconnu E.C._________ et D.C._________ coupables de fraude électorale. E.C._________ a été condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à 120 fr., en tant que peine complémentaire à celle prononcée par décision du Ministère public du canton de Berne du 18 juillet 2017, avec sursis et délai d'épreuve de 2 ans, ainsi qu'à une amende additionnelle de 1'800 fr., la peine privative de liberté de substitution ayant été fixée à 15 jours. D.C._________ a été condamnée à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à 30 fr., avec sursis et délai d'épreuve de 2 ans. 
 
B.  
Par jugement du 19 octobre 2022, la 2e Chambre pénale de la Cour suprême du canton de Berne a rejeté l'appel formé par E.C._________ et D.C._________ et confirmé le jugement de première instance. Elle s'est fondée en substance sur les faits suivants. 
Entre le 22 mai 2017 (date d'envoi du matériel de vote) et le 18 juin 2017, E.C._________ et D.C._________ ont pris part à la votation du 18 juin 2017 sur l'appartenance cantonale de la ville de U._________, alors qu'ils n'avaient pas leur domicile politique dans cette commune. En effet, E.C._________ et D.C._________ avaient leur centre de vie à V._________, où ils vivaient depuis de très nombreuses années, ceci alors qu'ils avaient déplacé leurs papiers à U._________ depuis le 11 décembre 2009 à la suite d'un conflit avec la commune de V._________, en indiquant pour adresse l'immeuble occupé par B.A._________, frère de D.C._________. En 2019, après le décès du prénommé, E.C._________ et D.C._________ ont à nouveau déposé leur papiers à V._________. 
 
C.  
E.C._________ et D.C._________ forment un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 19 octobre 2022. Ils concluent, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens qu'ils sont libérés du chef de prévention de fraude électorale. Subsidiairement, ils concluent à l'annulation du jugement attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les recourants contestent avoir participé sans droit au vote du 18 juin 2017 sur l'appartenance cantonale de U._________. Est litigieuse la question de savoir si les recourants étaient titulaires des droits politiques dans la commune de U._________. 
 
1.1.  
 
1.1.1. L'art. 282 CP fait partie des délits contre la volonté populaire (art. 279-284 CP). Il vise à protéger l'exactitude de la constatation de la volonté populaire. Il prévoit notamment que celui qui, sans en avoir le droit, aura pris part à une élection, à une votation ou signé une demande de référendum ou d'initiative sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (ch. 1 al. 2). Cette disposition érige en fraude électorale les actes par lesquels l'auteur prend part à une votation ou à une élection à laquelle il n'est pas autorisé à participer selon les dispositions légales et qui ont pour effet de modifier le résultat de l'opération électorale quant au nombre d'électeurs qui y ont pris part. Tel est le cas lorsque l'auteur n'est pas titulaire du droit politique en cause en raison de son domicile, de son âge ou de sa nationalité, ou qu'il exerce une deuxième fois un droit qu'il avait déjà épuisé (ATF 138 IV 70 consid. 1.1.1 p. 71 s. et les références citées).  
 
1.1.2. Conformément à l'art. 39 al. 2 Cst., les droits politiques, cantonaux et communaux, s'exercent au lieu du domicile. L'art. 39 al. 3 Cst. pose le principe de l'unicité du domicile politique, qui veut que l'on ne puisse pas exercer ses droits politiques simultanément à plusieurs endroits. Valable au niveau fédéral, ce principe doit aussi être respecté dans les législations cantonales, car il découle de l'exigence d'égalité (arrêt 1C_297/2008 du 4 novembre 2008 consid. 3.2 et la référence citée). La législation cantonale définit le domicile politique en matière cantonale. Conformément à l'art. 39 al. 2 Cst., elle peut prévoir des exceptions au principe du vote au domicile. Faute de disposition contraire dans le droit cantonal ou communal, le domicile politique est en principe identique au domicile civil au sens des art. 23 ss CC (ATF 111 Ia 251 consid. 3b p. 254; 109 Ia 41 consid. 4 et 5 p. 48 ss; arrêts 2C_413/2011 du 13 avril 2012 consid. 3.1; 1C_297/2008 du 4 novembre 2018 consid. 3.1).  
L'art. 7 al. 1 de la loi cantonale bernoise sur les droits politiques (RSB; RS/BE 141.1) prévoit que la commune où l'électeur habite est le domicile politique. 
 
1.1.3. Selon l'art. 23 al. 1 CC, le domicile d'une personne est au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir. Cette disposition fait dépendre la constitution du domicile de deux conditions: d'une part, la résidence, soit un séjour d'une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits et, d'autre part, l'intention de se fixer pour une certaine durée au lieu de sa résidence, intention qui doit être reconnaissable pour les tiers et donc ressortir de circonstances extérieures et objectives. Cette intention implique la volonté manifestée de faire d'un lieu le centre de ses relations personnelles et professionnelles. Le domicile d'une personne se trouve ainsi au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l'ensemble des circonstances (ATF 141 V 530 consid. 5.2; 136 II 405 consid. 4.3; 135 I 233 consid. 5.1). Le lieu où les papiers d'identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales constituent des indices qui ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé (ATF 141 V 530 consid. 5.2; 136 II 405 consid. 4.3 p. 409 et les références).  
Le lieu où la personne réside (élément objectif) et son intention de s'établir (élément subjectif) relèvent de l'établissement des faits, que le Tribunal fédéral ne corrige qu'en cas d'arbitraire (art. 97 al. 1 LTF, en relation avec l'art. 9 Cst.). En revanche, les conclusions à en déduire sous l'angle de l'art. 23 al. 1 CC quant à l'intention de s'établir ressortissent au droit, dont le Tribunal fédéral revoit librement l'application (ATF 136 II 405 consid. 4.3; 120 III 7 consid. 2a et la référence citée; arrêt 5A_539/2022 du 13 septembre 2022 consid. 4.1.2). 
 
1.1.4. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1). Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 143 IV 500 consid. 1.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1).  
 
1.2. Selon les faits établis par la cour cantonale, qui ne sont pas contestés, les recourants ont acquis leur maison familiale de V._________ en 1982, où ils ont vécu avec leurs deux enfants, nés respectivement en 1985 et 1988. Le recourant a eu l'occasion d'occuper différentes positions administratives dans cette commune comme secrétaire communal puis comme maire. Le 10 décembre 2009, les recourants ont déplacé leurs papiers, ainsi que ceux de leurs enfants, de la commune de V._________ à celle de U._________, en indiquant le domicile du frère de la recourante, soit à la rue W._________ x, comme adresse à U._________. L'immeuble en question faisait partie de l'hoirie de la famille A._________ dont la recourante était membre. En déposant leurs papiers à U._________, les recourants voulaient faire en sorte que la commune de V._________ ne perçoive plus leurs impôts, après que les autorités communales avaient décidé de retirer le portefeuille d'assurance de la commune au recourant, courtier en assurance, pour le confier à un tiers. Il n'est ainsi pas discuté qu'en 2009, les recourants n'avaient pas pensé à déplacer leurs papiers en vue d'avoir leur domicile politique à U._________, mais que leur décision trouvait son origine dans un conflit avec les autorités communales de V._________ (jugement entrepris, consid. 12 p. 7).  
 
1.3. La cour cantonale a retenu qu'après avoir déposé leurs papiers à U._________, les recourants ont néanmoins continué de vivre dans leur maison familiale de V._________. En substance, elle s'est fondée sur le fait que les recourants étaient constamment vus à leur domicile de V._________, que l'Intendance des impôts du canton de Berne avait rendu une décision le 12 décembre 2016 aux termes de laquelle le domicile fiscal des recourant était fixé à V._________ à partir de l'année fiscale 2014, et que les problèmes de santé du frère de la recourante ne justifiaient pas que les intéressés, qui lui apportaient une aide ponctuelle, dormissent la plupart du temps dans la même maison que lui, à U._________. De surcroît, il était peu crédible que les recourants aient souhaité abandonner leur maison familiale de V._________, d'une valeur incendie de 680'000 fr. avec piscine et un terrain de 1'100 m2 (cf. jugement de première instance, consid. 2.3.2 p. 19, par renvoi du jugement entrepris, consid. 10 p. 7), pour s'établir dans une maison en bord de route cantonale à U._________, décrite par des témoins comme "dans son jus". L'autorité précédente observait encore que, lors de l'inscription de la société à responsabilité limitée "F._________ Sàrl" au registre du commerce, en fin d'année 2016, soit à peine quelques mois avant la votation litigieuse, le recourant avait mentionné à titre d'indication personnelle le concernant être domicilié à V._________. De plus, lorsqu'il avait été amené à s'expliquer sur sa situation de domicile par-devant la commission de gestion et de surveillance le 12 novembre 2018, le recourant s'était trompé quant au numéro d'immeuble à la rue W._________ où était censé se trouver son domicile de U._________, l'intéressé ne se cachant pas, du reste, qu'il vivait à V._________ tout en ayant ses papiers à U._________. Enfin, la cour cantonale a considéré que les déclarations des recourants étaient émaillées de propos tenus pour les besoins de la cause - notamment, la raison liée à la santé de feu B.A._________ n'était apparue qu'au fur et à mesure de l'avancement de la procédure pénale - si bien qu'elles n'étaient pas crédibles.  
En résumé, il était évident pour la cour cantonale que les recourants, quoi qu'ils en disent, avaient bien leur centre de vie et, partant, leur domicile principal dans la commune de V._________ au moment de la votation litigieuse (cf. jugement entrepris, consid. 11-15 pp. 7-14). 
 
1.4. Les recourants déclarent vouloir démontrer point par point les différents éléments qui établissent que leur domicile politique était à U._________, contrairement à ce que la cour cantonale a retenu. En cela, ils rediscutent de manière générale les constatations de fait de la cour cantonale, sans pour autant invoquer, ni a fortiori motiver un grief d'arbitraire dans l'établissement des faits ou l'appréciation des preuves. Dès lors qu'ils allèguent librement des faits qui ne ressortent pas du jugement entrepris, respectivement s'écartent de l'appréciation des moyens de preuve de la cour cantonale sans chercher à en démontrer le caractère arbitraire, leur grief est appellatoire et, dans cette mesure, irrecevable (cf. consid.1.1.4 supra).  
Pour le surplus, il y a lieu de considérer ce qui suit. 
 
1.5. Les recourants se prévalent des engagements politiques de E.C._________ dans la commune de U._________, en tant que conseiller de ville et de membre de la commission de gestion et de surveillance. Ils soutiennent que non seulement les autorités communales, mais également le corps électoral de U._________ avaient reconnu qu'il était bien un citoyen u._________ en l'élisant au sein de l'organe législatif communal.  
Il est admis que le recourant a exercé deux mandats comme conseiller de ville en 2011-2014 et 2015-2018 à U._________ et a fait partie de la commission de surveillance et de gestion en même temps. Le recourant s'était également présenté pour un troisième mandat mais avait retiré sa candidature à la suite d'une séance de la commission de gestion et de surveillance du 12 novembre 2018, lors de laquelle des questions en relation avec le domicile effectif de l'intéressé avaient été soulevées (jugement entrepris, consid. 15 pp. 13-14 et jugement de première instance, consid. 2.3.1 p. 19). 
Inscrit dans le registre électoral de U._________ après y avoir déposé ses papiers, le recourant a pu, sur la base de ce critère formel, se faire élire à des fonctions politiques au sein de la commune. Cela ne signifie pas encore que la condition matérielle du domicile, à savoir le lieu où se trouvait son centre de vie, ait été satisfaite à U._________. On ne saurait non plus en déduire une forme de légitimation de son domicile politique par les autorités et les citoyens u._________, étant souligné que, selon les constatations cantonales - qui ne sont pas discutées sous l'angle de l'arbitraire par les recourants -, la question de leur domiciliation avait soulevé des questionnements de la part de citoyens et conseillers communaux en 2014. Tout au plus le fait que le recourant ait exercé des fonctions politiques à U._________ peut-il être pris en considération comme un élément de fait parmi d'autres dans l'examen des liens que celui-ci entretenait avec cette commune. 
 
1.6. Les recourants soutiennent que la décision de l'Intendance des impôts cantonale du 12 décembre 2016 se comprend en ce sens qu'ils résidaient alternativement à U._________ et à V._________. C'était du reste exclusivement sur la base de l'analyse de la consommation d'eau des deux immeubles des années 2015 que l'autorité avait fixé leur domicile fiscal à V._________; or cette consommation n'était pas déterminante pour divers motifs. Les recourants se prévalent également d'échanges de correspondance avec la commune de V._________ postérieurs à la décision fiscale. Enfin, ils mettent en exergue les certificats d'origine décernés par le Contrôle des habitants u._________ en mars 2017 (et octobre 2018) sur lesquels il est indiqué que leur domicile se trouve à U._________.  
L'appréciation personnelle que font les recourants de la décision de l'Intendance des impôts, fondée sur des faits qu'ils allèguent librement, est irrecevable (cf. consid. 1.1.4 supra). Pour le surplus, il sied de considérer que le domicile fiscal se trouve, comme le domicile politique, au lieu où les relations des intéressés sont les plus étroites (cf. ATF 132 I 29 consid. 4.2 p. 36; 131 I 145 consid. 4.2 p. 150; arrêt 2C_323/2021 du 8 mars consid. 2.2.1). En l'espèce, il ressort de la décision de l'Intendance des impôts "[...] qu'il pouvait être considéré comme avéré que les époux C._________ ne séjournent qu'occasionnellement à [l'adresse de U._________]" et qu'"[...] en résumé, il est établi que l'ensemble des éléments objectifs montrent clairement que le centre des intérêts vitaux des époux C._________ se trouve à V._________". Étant donné que la décision fiscale trouve son fondement dans des critères qui sont également pertinents en l'espèce, il se justifiait de la prendre en considération dans l'examen de la question litigieuse.  
Par ailleurs, les certificats d'origine délivrés par la commune de U._________ ne sont d'aucun secours aux recourants, dès lors que, selon la jurisprudence, l'intention de la personne de s'établir en un lieu peut se concrétiser sans égard au statut de celle-ci du point de vue du contrôle des habitants, des autorités fiscales ou des assurances sociales (cf. consid 1.1.3 supra). L'indication du domicile sur lesdits documents ne saurait ainsi revêtir une importance capitale, dans la mesure où elle ne produirait d'effet sur le domicile que si elle est confirmée par des faits extérieurs et reconnaissables par des tiers manifestant de façon objective la volonté des recourants de rester à U._________ et d'y faire le centre de gravité de leur existence (ce dont il sera question au consid. 1.7 infra). Pour le surplus, la cour cantonale a relevé que lesdits certificats portaient - sous l'intitulé "certificat d'origine" - la mention d'une certification de domicile fiscal et légal à U._________, qui était manifestement incorrecte compte tenu de la décision de l'Intendance des impôts précitée rendue peu auparavant. L'autorité précédente a également constaté de manière pertinente qu'il n'y avait pas eu d'échange de vue entre les communes sur la question du domicile politique des recourants, qui ne saurait être déterminé à l'issue de quelques courriers et courriels relatifs à un autre sujet.  
 
1.7. Enfin, les recourants affirment que leur centre d'intérêts se trouvait bien à U._________. Ce faisant, ils développent une argumentation fondée sur leur propre présentation des faits, qui s'écarte, sur nombre de points, des faits constatés par la cour cantonale, de sorte qu'elle est irrecevable (cf. consid. 1.1.4 supra).  
Au reste, il ressort des faits retenus dans le jugement entrepris, lesquels ne sont pas remis en cause par les recourants, que la secrétaire de feu B.A._________ avait déclaré n'avoir jamais aperçu les recourants dans la maison lorsqu'elle arrivait tous les matins à 8h15 ni pu constater que ceux-ci dormaient dans cette maison, qu'il n'existait aucune indication objective quant à la dégradation de l'état de santé de feu B.A._________, mise à part le prononcé d'un placement à des fins d'assistance en fin d'année 2017, et que l'intéressé ne s'était pas référé à eux lorsque, dans le cadre de cette mesure, il avait nommé les personnes susceptibles de l'aider. Il n'est pas contesté non plus que les recourants étaient fréquemment aperçus par des habitants de V._________ en train de sortir de chez eux le matin ou d'y rentrer le soir, alors qu'aucune constatation de cette sorte n'a été faite en ce qui concerne U._________ (où le recourant travaillait). Dans ce contexte, il n'était pas insoutenable de considérer que les recourants ne passaient pas la moitié de leurs nuits dans l'immeuble de U._________, comme ils l'alléguaient, mais dormaient la très grande majorité de leur temps à leur domicile familial à V._________, et que l'aide apportée à leur frère, respectivement beau-frère, demeurait ponctuelle. Par ailleurs, c'est sans arbitraire que la cour cantonale a relevé qu'il était peu crédible que les recourants aient souhaité abandonner leur maison familiale de V._________, avec jardin et piscine, pour s'établir dans une maison peu entretenue, en bord de route cantonale à U._________, dans laquelle habitait et travaillait le frère de la recourante. Il peut encore être rappelé que la maison de V._________ et celle de U._________ étaient situées à 5 minutes en voiture l'une de l'autre, de sorte qu'il n'était pas nécessaire, pour s'adonner à quelque activité sociale, professionnelle ou autre à U._________, de s'installer durablement dans cette commune, plutôt que de faire le trajet depuis le village de V._________. 
En définitive, l'état de fait du jugement entrepris apparaît dénué d'arbitraire. 
 
1.8. Sur le fondement de ce qui précède, c'est à bon droit que la cour cantonale a retenu que les recourants entretenaient des rapports étroits et durables à V._________, lesquels faisaient état d'une volonté manifeste de faire de ce lieu le centre actuel de leurs relations personnelles.  
Partant, en concluant que le domicile politique des recourants se trouvait à V._________, la cour cantonale n'a pas interprété indûment cette notion. 
Il s'ensuit que les recourants ont pris part sans droit à la votation du 18 juin 2017 sur l'appartenance cantonale de la ville de U._________, faute de disposer de l'exercice des droits politiques dans cette commune. 
 
2.  
Les recourants soutiennent qu'ils n'ont, quoi qu'il en soit, pas pu se rendre coupables de l'infraction de fraude électorale dans la mesure où le vote communal du 18 juin 2017, auquel il leur est reproché d'avoir participé sans droit, a été annulé par décision du 2 novembre 2018 de la Préfecture du Jura bernois, confirmée par jugement du Tribunal administratif du canton de Berne du 23 août 2019. 
 
2.1. L'infraction à l'art. 282 ch. 1 al. 2 CP est consommée avec la participation non autorisée, sans qu'il soit nécessaire que le résultat du scrutin soit faussé (ATF 138 IV 70 consid. 1.1.1 p. 71 s. et les références citées). Peu importe également que la participation non autorisée soit découverte à temps et que le bulletin de vote correspondant soit déclaré nul ou encore que l'attestation du droit de vote soit refusée en cas de référendum ou d'initiative (ATF 112 IV 82 consid.1b; Stefan Wehrle, Basler Kommentar Strafrecht, 4e éd., 2019, n° 8 ad art. 282 CP et les références citées).  
 
2.2. En vertu de ce qui précède, l'infraction reprochée aux recourants a été consommée à l'instant où ceux-ci ont participé sans droit à la votation. Ce qui a pu se produire ensuite - en l'espèce, annulation du vote - est sans influence sur la réalisation des éléments constitutifs de la fraude électorale au sens de l'art. 282 ch. 1 al. 2 CP. Partant, les recourants ne sont pas fondés à se prévaloir de l'annulation du vote communal litigieux pour s'opposer à leur condamnation.  
 
3.  
Invoquant, à titre subsidiaire, une erreur sur l'illicéité, les recourants soutiennent qu'ils étaient fondés à croire que leur domicile se trouvait à U._________ compte tenu des mandats politiques que E.C._________ avait endossés au sein de cette commune sans que personne n'y trouve rien à redire. Les certificats d'origine délivrés par le préposé du Contrôle des habitants u._________ étaient également propres à les conforter dans cette erreur. De plus, il était pertinent de considérer que le recourant avait décidé de retirer sa candidature aux élections communales du 25 novembre 2018 après qu'un citoyen u._________ avait émis un doute sur sa domiciliation à U._________ et donc sa qualité pour être élu, car cela confirmait qu'il avait de toute bonne foi considéré jusqu'alors qu'il pouvait prendre part aux votations, aux élections, et recourir contre un scrutin (il avait pris part au recours contre le résultat du vote du 18 juin 2017). Enfin, ce n'était pas parce que la votation du 18 juin 2017 était particulièrement importante et sensible que les recourants auraient subitement dû se poser de manière plus intense une éventuelle question s'agissant de leur légitimité à participer au vote. C'était précisément le contraire, soit le fait d'avoir participé sans que cela ne pose le moindre problème à quiconque à des votations et des élections sur une très longue période de 7 ans dans la ville de U._________ qui avait rendu leur erreur sur leur domiciliation politique inévitable. 
 
3.1. L'infraction à l'art. 282 CP est intentionnelle. L'intention doit porter sur tous les éléments objectifs de celle-ci. Le dol éventuel suffit (arrêt 6B_604/2017 du 18 avril 2018 consid. 2.1 et les références citées).  
Selon l'art. 12 al. 2 CP, agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté. L'auteur agit déjà intentionnellement lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où celle-ci se produirait. 
En vertu de l'art. 13 al. 1 CP, quiconque agit sous l'influence d'une appréciation erronée des faits est jugé d'après cette appréciation si elle lui est favorable. Agit sous l'emprise d'une erreur sur les faits celui qui n'a pas connaissance ou qui se base sur une appréciation erronée d'un élément constitutif d'une infraction pénale. L'intention de réaliser la disposition pénale en question fait alors défaut. Dans une telle configuration, l'auteur doit être jugé selon son appréciation erronée, si celle-ci lui est favorable. Par opposition, l'erreur sur l'illicéité (art. 21 CP) vise le cas où l'auteur agit en ayant connaissance de tous les éléments constitutifs de l'infraction, et donc avec intention, mais en croyant par erreur agir de façon licite (arrêts 6B_814/2022 du 11 octobre 2022 consid. 1.3; 6B_943/2019 du 7 février 2020 consid. 4.1 non publié in ATF 146 IV 126; cf. ATF 129 IV 238 consid. 3.1). La délimitation entre erreur sur les faits et erreur de droit ne dépend pas du fait que l'appréciation erronée porte sur une question de droit ou des faits. Il s'agit au contraire de qualifier d'erreur sur les faits, et non d'erreur de droit, non seulement l'erreur sur les éléments descriptifs, mais également l'appréciation erronée des éléments de nature juridique constitutifs de l'infraction (arrêts 6B_943/2019 précité consid. 4.1; 6B_220/2015 du 10 février 2016 consid. 3.4.1). 
 
3.2. En l'espèce, en affirmant avoir cru de bonne foi que leur domicile politique se trouvait à U._________, les recourants se prévalent, en réalité, d'une erreur sur les faits au sens de l'art. 13 CP, et non d'une erreur de droit selon l'art. 21 CP.  
 
3.3. Le grief des recourants repose sur la prémisse selon laquelle personne n'avait jamais remis en doute leur domiciliation jusqu'en 2018, et qu'à l'instant où il avait été interpellé sur cette question, le recourant avait immédiatement réagi en retirant sa candidature aux élections législatives. Or cette assertion s'écarte de manière inadmissible des faits retenus dans le jugement cantonal, dont il ressort que la problématique liée au domicile des recourants à U._________ avait été soulevée par des citoyens et élus communaux, et abordée par les autorités à différentes reprises, ce depuis le début de l'année 2012 à tout le moins. Il s'en était notamment ensuivi la décision du 12 décembre 2016 de l'Intendance des impôts fixant le domicile fiscal des recourants à V._________. Dans ce contexte, il n'était pas insoutenable de considérer que cette décision, rendue quelques mois avant la votation litigieuse et qui s'attachait à établir le lieu de vie effectif des recourants, devait à tout le moins conduire ces derniers à s'interroger sur leur légitimité à participer au vote, notoirement sensible, concernant l'appartenance cantonale de U._________. L'inscription de la société du recourant au registre du commerce avec l'indication que celui-ci était domicilié à V._________, et le fait qu'il ne cachait pas habiter dans cette commune, sont également des indices pertinents dans la détermination de la perception des recourants sur leur domiciliation. Par ailleurs, c'est sans arbitraire que la cour cantonale a retenu que les recourants n'étaient pas fondés à accorder le moindre crédit aux certificats d'origine, dès lors qu'ils portaient la mention d'une certification de domicile fiscal et légal à U._________, qui était manifestement incorrecte au regard de la décision de l'Intendance des impôts. Enfin, comme l'autorité précédente l'a relevé, les interrogations liées à la domiciliation fictive de certaines personnes à l'approche du vote en question avaient fait l'objet de nombreuses discussions dans la région. Dans ce contexte particulier, c'est sans arbitraire que la cour cantonale a retenu que les recourants étaient conscients qu'ils n'étaient pas domiciliés politiquement à U._________, de sorte qu'ils se savaient prendre part à une votation sans en avoir le droit, ou s'en doutaient fortement à tout le moins, et s'en étaient accommodés. Cela exclut une erreur sur les faits au sens de l'art. 13 CP.  
 
3.4. Il résulte de ce qui précède que la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en reconnaissant les recourants coupables de fraude électorale au sens de l'art. 282 ch. 1 al. 2 CP.  
 
4.  
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Les recourants, qui succombent, supporteront les frais judiciaires, solidairement entre eux (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour suprême du canton de Berne, 2e Chambre pénale. 
 
 
Lausanne, le 7 juin 2023 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Musy