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[AZA 0] 
 
1A.203/2000 
 
Ie COUR DE DROIT PUBLIC 
********************************************** 
 
13 octobre 2000 
 
Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président, 
Féraud et Favre. Greffier: M. Parmelin. 
 
_________ 
 
Statuant sur le recours de droit administratif 
formé par 
C.________, au nom de qui agit sa mère S.________, représentée par Me Vincent Spira, avocat à Genève, 
 
contre 
l'arrêt rendu le 23 mai 2000 par le Tribunal administratif du canton de Genève, dans la cause qui oppose la recourante à l'Instance d'indemnisation de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions du canton de Genève; 
 
(art. 12 al. 2 LAVI; tort moral) 
 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- Le 30 novembre 1997, D.________ a été agressé sur un parking près de la douane de Moillesulaz par une de ses connaissances, qui l'a roué de coups de poing et de pied, l'a piétiné, puis lui a tapé à plusieurs reprises la tête contre un muret, après avoir vainement tenté de le faire basculer dans le ruisseau voisin; D.________ est décédé des suites de ses blessures le 3 décembre 1997. Par arrêt du 6 novembre 1998, devenu définitif, la Cour d'assises du canton de Genève a condamné l'auteur de l'agression pour assassinat, à la peine de quinze ans de réclusion. 
 
B.- Le 20 juin 1994, D.________ avait reconnu C.________, née le 13 mai 1994 de sa brève union avec S.________. Il ne vivait pas avec sa fille, mais la voyait à intervalles réguliers. Il était décrit comme un homme calme et bon qui aimait être entouré d'amis. 
 
C.- Le 26 novembre 1999, C.________, représentée par sa mère, a déposé auprès de l'instance cantonale d'indemnisation (ci-après, l'instance cantonale d'indemnisation) instituée en vertu de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions, du 4 octobre 1991 (LAVI; RS 312. 5), une requête en indemnisation visant à l'octroi d'une somme de 23'603. 75 fr. en réparation du préjudice matériel subi, d'une part, et d'une somme de 100'000 fr. à titre de réparation morale, d'autre part. 
 
Par ordonnance du 26 janvier 2000, l'instance cantonale d'indemnisation a alloué intégralement à S.________, pour le compte de sa fille C.________, la somme requise au titre de la réparation du préjudice matériel. Elle lui a en revanche octroyé une indemnité de 30'000 fr. à titre de réparation morale. 
 
D.- C.________ a recouru au Tribunal administratif du canton de Genève (ci-après, le Tribunal administratif ou la cour cantonale) contre cette décision en tant qu'elle concernait le tort moral, en concluant à l'allocation à ce titre d'une indemnité de 100'000 fr. Elle soutenait qu'une mort survenue dans des circonstances aussi atroces que celles de son père s'apparentait plutôt à une invalidité permanente et que le montant de l'indemnité auquel elle avait droit à titre de réparation morale devait en conséquence s'inspirer des cas d'invalidité, bien davantage que de ceux traitant de mort d'homme. 
 
Par arrêt du 23 mai 2000, le Tribunal administratif a rejeté le recours et confirmé la décision attaquée, après avoir notamment considéré que la situation de C.________ ne pouvait être comparée à celle d'une personne directement touchée par un acte illicite et handicapée à vie. 
 
E.- Agissant par la voie du recours de droit administratif, C.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de condamner l'Etat de Genève à lui verser une indemnité de 100'000 fr. ou avoisinant cette somme, à titre de réparation morale; subsidiairement, elle demande le renvoi de la cause au Tribunal administratif pour qu'il statue à nouveau dans le sens des considérants. Invoquant l'art. 12 al. 2 LAVI, elle tient pour inadéquate la somme de 30'000 fr. qui lui a été allouée en réparation du tort moral, en considération des souffrances qu'elle endurera au cours de son existence en raison de l'assassinat de son père. 
 
Le Tribunal administratif et l'instance cantonale d'indemnisation se réfèrent à leur décision respective. L'Office fédéral de la justice a présenté des observations aux termes desquelles il tenait pour équitable l'indemnité pour tort moral de 30'000 fr. allouée à C.________ au regard des sommes versées en des cas semblables. Invitées à se déterminer, la recourante et les autorités cantonales ont persisté dans leur position. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- La décision attaquée a été rendue en dernière instance cantonale en application de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions. La démarche de la recourante tend uniquement à l'obtention d'une indemnité pour tort moral, fondée sur l'art. 12 al. 2 LAVI, situation dans laquelle le recours de droit administratif est ouvert (ATF 126 II 237 consid. 1a p. 239 et les arrêts cités). Il n'est pas contesté que cette loi est applicable. En particulier, la qualité de victime de la recourante, au sens de l'art. 2 al. 1 LAVI, que le Tribunal fédéral examine librement (ATF 126 IV 147 consid. 1 p. 149 et l'arrêt cité), ne fait pas de doute (cf. art. 2 al. 2 LAVI; Gomm/Stein/Zehntner, Kommentar zum Opferhilfegesetz, Berne 1995, p. 52/53). Dirigé contre une décision (art. 5 PA) ne relevant pas des exceptions prévues aux art. 99 ss OJ (ATF 125 II 230 consid. 1a p. 232) et émanant de l'autorité cantonale de recours prévue à l'art. 17 LAVI, le recours de droit administratif est recevable (ATF 123 II 548 consid. 1 et les arrêts cités). 
 
 
2.- a) L'art. 12 al. 2 LAVI institue le principe de la réparation morale de la victime qui a subi une atteinte grave dans des circonstances particulières; en revanche, la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions ne fixe pas de critères quant à l'estimation de cette indemnité pour tort moral. A cet égard, la jurisprudence du Tribunal fédéral s'inspire par analogie des principes déduits des art. 47 et 49 CO, tout en rappelant que le système d'indemnisation du dommage et du tort moral prévu par la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions répond à l'idée d'une prestation d'assistance et non pas à celle d'une responsabilité de l'Etat (ATF 125 II 554 consid. 2a p. 555/556 et les arrêts cités). 
 
Le législateur n'a pas voulu l'octroi par l'Etat d'une réparation morale dans tous les cas. Par l'usage d'une formulation potestative et le recours à une notion juridique indéterminée, le texte légal laisse une importante marge d'appréciation à l'autorité, quant au principe et à l'étendue de l'indemnité pour tort moral. Celle-ci peut être accordée en plus de la réparation du dommage matériel ou, au contraire, dans les cas où aucune indemnité n'a été versée à ce titre. 
Malgré la formulation de l'art. 12 al. 2 LAVI, il n'est pas fait totalement abstraction de considérations matérielles, car la réparation morale peut, dans certains cas, permettre d'atténuer les rigueurs du système (notamment les limites de revenus), par exemple dans les cas où le dommage matériel n'est pas important, mais dans lesquels le versement d'une somme d'argent à titre de réparation se justifie, comme en cas d'infractions d'ordre sexuel. En définitive, le versement d'une indemnité pour tort moral fondée sur la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions se rapproche d'une allocation ex aequo et bono et justifie que l'on tienne compte de la situation de la victime dans son ensemble (ATF 125 II 169 consid. 2b/bb p. 174 et les références citées). 
 
Pour la détermination du montant de l'indemnité due à titre de réparation du tort moral, la LAVI ne pose aucune limite supérieure, même si le maximum fixé dans l'ordonnance sur l'aide aux victimes d'infractions, du 18 novembre 1992 (OAVI), à un montant de 100'000 fr. pour le dommage matériel, doit aussi servir de ligne directrice en ce qui concerne la somme allouée à titre de réparation morale (FF 1990 II 939; ATF 121 II 369 consid. 6b p. 377). L'estimation de cette dernière entre dans le large pouvoir d'appréciation de l'instance cantonale d'indemnisation, qui doit observer les principes de l'égalité de traitement et de l'interdiction de l'arbitraire, en suivant pour l'essentiel la pratique en matière de responsabilité civile, ce qui doit contenir dans de justes limites les indemnités pour tort moral octroyées selon la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (Gérard Piquerez, La nouvelle loi sur l'aide aux victimes d'infractions: 
quels effets sur la RC et la procédure pénale ? in RJJ 1996, p. 56 n. 3; Gomm/Stein/Zehntner, op. cit. , n. 26, p. 185). 
 
 
b) Il appartient en conséquence au Tribunal fédéral de vérifier si le Tribunal administratif était fondé à considérer que l'instance cantonale d'indemnisation n'avait pas excédé son pouvoir d'appréciation en fixant à 30'000 fr. la réparation morale à laquelle la recourante peut prétendre en vertu de l'art. 12 al. 2 LAVI. De façon générale, la fixation de la réparation morale devrait s'effectuer en deux phases, la phase objective principale permettant de rechercher le montant de base au moyen de critères objectifs, et la phase d'évaluation faisant intervenir les facteurs d'augmentation ou de réduction du tort moral. Ces principes, admis dans la jurisprudence civile pour l'application des art. 47 et 44 CO, peuvent être transposés dans le domaine de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions, dans les cas d'homicides et de lésions corporelles (Klaus Hütte, Genugtuung - eine Einrichtung zwischen Zivilrecht, Strafrecht, Sozialversicherungsrecht und Opferhilfegesetz in Collezione Assista, Genève 1998, p. 273/274). 
 
c) Dans le cas particulier, l'instance cantonale d'indemnisation a retenu qu'un montant de 30'000 fr. au titre de réparation morale tenait suffisamment compte du traumatisme subi par la jeune C.________ du fait de la perte de son père, avec lequel elle ne vivait pas et qu'elle ne voyait que dans le cadre de visites, par comparaison avec d'autres décisions prises dans des situations semblables. Sur recours, le Tribunal administratif a considéré que l'indemnité pour tort moral de 30'000 fr. reposait sur des critères pertinents et qu'elle était conforme à l'équité. Il a relevé en particulier que la situation de l'enfant ne pouvait être comparée à celle d'une personne directement touchée par un acte illicite et handicapée à vie, malgré les circonstances atroces du décès de son père. 
 
En dépit de l'argumentation succincte du Tribunal administratif, qui renvoie aux brèves considérations de l'instance cantonale d'indemnisation, les juges cantonaux n'ont pas commis un excès ou un abus de leur pouvoir d'appréciation dans la fixation de la réparation morale. La référence à des décisions rendues dans des situations semblables peut être considérée comme la recherche d'un point de départ objectif pour la détermination du tort moral, correspondant par exemple à la moyenne pour les accidents mortels survenus en 1995 et ayant causé le décès d'un parent, moyenne se situant entre 15'000 et 30'000 fr., ou à celle résultant de cas d'homicides intentionnels, variant de 10'000 à 30'000 fr., avec une situation particulière ayant donné lieu au paiement d'une indemnité de 40'000 fr. (Klaus Hütte/Petra Ducksch/ Alexandre Gross, Le tort moral, Zurich 1996, I/35a, n. 6.11 et tableaux IV). 
 
En l'espèce, les autorités cantonales ont pu arrêter le montant de 30'000 fr. en se référant non seulement aux cas de perte de soutien dus à des infractions par négligence, mais aussi en comparant la situation qui leur était soumise à différentes hypothèses de meurtres, dans lesquelles l'indemnité pour tort moral variait de 10'000 à 40'000 fr. (Klaus Hütte/Petra Ducksch/Alexandre Gross, op. cit. , tableaux IV/4, IV/5, IV/1 et IV/2). Ainsi, la mesure adoptée par l'instance cantonale d'indemnisation et confirmée par le Tribunal administratif se situe dans l'ordre de grandeur des indemnisations consenties au titre de la réparation morale dans des cas analogues. Le seul cas dépassant le montant de 30'000 fr., qui présente certaines similitudes avec celui de la recourante, en est toutefois différent en ce que le parent assassiné était la mère d'une petite fille de deux ans et demi et non pas le père, qui ne vivait pas en ménage commun avec sa fille et ne la voyait qu'à l'occasion de ses visites. 
Dans ces conditions, ni l'instance cantonale d'indemnisation, ni le Tribunal administratif n'ont abusé de leur large pouvoir d'appréciation en fixant à 30'000 fr. l'indemnité pour tort moral à laquelle la recourante avait droit au titre de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions. Ils pouvaient notamment, sans violer le droit fédéral, ne pas voir dans les conditions atroces dans lesquelles le père de la recourante avait trouvé la mort une circonstance particulière justifiant de s'écarter, en faveur de celle-là, des indemnités allouées en cas de mort d'homme. 
 
3.- Le recours doit en conséquence être rejeté. Les conditions de l'art. 152 al. 1 OJ étant réunies, il convient de faire droit à la demande d'assistance judiciaire présentée par la recourante et de statuer sans frais. Me Vincent Spira est désigné comme défenseur d'office de C.________ pour la présente procédure et une indemnité lui sera versée (art. 152 al. 2 OJ), à la charge de la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Rejette le recours. 
 
2. Admet la demande d'assistance judiciaire et désigne Me Vincent Spira en qualité d'avocat d'office de la recourante. 
 
3. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 
 
4. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera au mandataire de la recourante une indemnité de 1'000 fr. à titre d'honoraires. 
 
5. Communique le présent arrêt en copie au mandataire de la recourante, à l'Instance d'indemnisation de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions et au Tribunal administratif du canton de Genève, ainsi qu'à l'Office fédéral de la justice. 
 
____________ 
Lausanne, le 13 octobre 2000 PMN/col 
 
Au nom de la Ie Cour de droit public 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, 
 
Le Greffier,