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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1C_152/2019  
 
 
Arrêt du 26 juin 2019  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
M. et Mme les Juges fédéraux Chaix, Président, 
Muschietti et Pont Veuthey, Juge suppléante. 
Greffière : Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Olivier Carrel, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Commission des mesures administratives en matière de circulation routière de l'Etat de Fribourg, route de Tavel 10, 1700 Fribourg. 
 
Objet 
Restitution du permis de conduire après un retrait préventif; conditions mises au maintien du droit de conduire, 
 
recours contre l'arrêt de la IIIe Cour administrative 
du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, 
du 14 février 2019 (603 2018 187 - 603 2018 188). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le 6 juin 2018, à 01h50, A.________ a été intercepté en Ville de Bulle, alors qu'il circulait au volant d'un véhicule automobile en état d'ébriété qualifiée (contrôle à l'éthylomètre: 0.81 mg/l et à l'éthylotest: 0.89 et 0.87 mg/l). Son permis de conduire a été saisi sur-le-champ. Le 11 juin 2018, la Commission des mesures administratives en matière de circulation routière de l'Etat de Fribourg (ci-après; la CMA) a prononcé le retrait préventif du permis de conduire et a exigé qu'il se soumette à une expertise médicale. 
Dans son rapport d'expertise du 5 octobre 2018, le Dr B.________, médecin consultant en alcoologie à Romont, a considéré que l'intéressé était apte à la conduite de véhicules à moteur. En raison cependant d'antécédents d'élévation du marqueur de la GGT constatée par son médecin traitant en 2016, il a proposé de subordonner la restitution du permis de conduire au respect de la condition suivante: l'intéressé devra effectuer "une expertise capillaire à la recherche d'éthylglucuronide sur une mèche de cheveu de 6 cm après 6 mois d'abstinence de toute consommation d'alcool pour démontrer son aptitude à la conduite d'un véhicule à moteur et durant une période de 12 mois". 
Invité à se déterminer sur le rapport d'expertise, A.________ a répondu le 11 novembre 2018 en demandant la restitution de son permis de conduire sans condition. 
 
B.   
Par décision du 22 novembre 2018, la CMA a révoqué la mesure préventive ordonnée le 11 juin 2018 et a prononcé le retrait de permis de conduire pour une durée de cinq mois - mesure déjà exécutée - pour conduite en état d'ébriété avec un taux d'alcoolémie qualifié. Par décision séparée du même jour, elle a subordonné le maintien du droit de conduire de l'intéressé aux conditions suivantes énumérées au ch. 3: 
 
"- Suivi attesté auprès d'un médecin de votre choix pour une durée de douze mois. Ce dernier confirmera votre aptitude à la conduite des véhicules du 1 er groupe.  
- Abstinence de toute consommation d'alcool durant une période supérieure ou égale à douze mois au moins contrôlée cliniquement et biologiquement en vous soumettant à deux examens toxicologiques par analyses capillaires (deux fois six centimètres de cheveux; recherche d'éthylglucoronide - EtG). Un premier rapport d'analyse attestant de cette abstinence devra ainsi nous parvenir sans autre au plus tard le 30 mai 2019, le second six mois plus tard". 
Par arrêt du 14 février 2019, la IIIe Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de Fribourg (ci-après: le Tribunal cantonal) a admis partiellement le recours de A.________ en confirmant la seconde condition à la réadmission de la circulation du recourant posée par la CMA (l'abstinence de toute consommation d'alcool durant une période supérieure ou égale à douze mois au moins contrôlée cliniquement et biologiquement par deux examens toxicologiques par analyses capillaires) et en annulant la première condition (le suivi médical pour une durée de douze mois). 
 
C.   
A.________ a formé un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral le 13 mars 2019, en concluant au maintien de son droit de conduire sans aucune condition, le tout avec suite de frais et dépens. 
Le Tribunal cantonal et l'Office fédéral des routes concluent au rejet du recours. 
Par ordonnance du 8 avril 2019, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la requête d'effet suspensif, présentée par le recourant. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
La voie du recours en matière de droit public au sens des art. 82 et ss L TF est ouverte contre les décisions prises en dernière instance cantonale au sujet des mesures administratives du retrait du permis de conduire. Aucun motif d'exclusion au sens de l'art. 83 LTF n'entre en considération. Déposé en temps utile par le destinataire de l'arrêt attaqué qui a un intérêt digne de protection à son annulation, le présent recours est recevable au regard de l'art. 89 al. 1 LTF
 
2.   
Le mémoire de recours doit contenir les conclusions et les motifs à l'appui de celles-ci (art. 42 al. 1 LTF) sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF). Les conclusions doivent indiquer sur quels points la décision est attaquée et quelles sont les modifications demandées (ATF 133 III 489 consid. 3.1). Les motifs doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit (art. 42 al. 2 LTF). Pour satisfaire à cette exigence, il appartient au recourant de discuter au moins brièvement les considérants de la décision litigieuse et d'expliquer en quoi ceux-ci seraient contraires au droit (ATF 140 III 86 consid. 2 p. 91). En outre, les griefs de violation des droits fondamentaux sont soumis à des exigences de motivation accrues (art. 106 al. 2 LTF), le recourant devant alors citer les principes constitutionnels qui n'auraient pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces principes auraient été violés (ATF 142 II 369 consid. 2.1 p. 372). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368). 
 
3.   
Le recourant soutient que l'atteinte portée par la mesure imposée à sa liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) ne respecterait pas le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.). Il prétend aussi que le Tribunal cantonal a versé dans l'arbitraire (art. 9 Cst.) en retenant qu'il avait fait preuve d'une consommation excessive d'alcool en 2016 et que la consommation du 6 juin 2018 était la preuve d'une addiction, excluant ainsi que l'événement du 6 juin 2018 puisse avoir été une aberration unique, ce que constateraient le résultat du test capillaire du 10 décembre 2018 et le rapport du Dr B.________ du 5 octobre 2018. Ces griefs se confondent, de sorte qu'ils seront examinés ensemble. 
 
3.1. Le recourant ne conteste pas, avec raison, que la restitution du droit de conduire après un retrait de sécurité prononcé en raison d'une dépendance à l'alcool puisse être soumise à des conditions. L'art. 17 al. 3 LCR prévoit en effet qu'après un tel retrait, le permis pourra être restitué à son titulaire, passé l'éventuel délai d'épreuve prévu par la loi ou imparti par l'autorité, à certaines conditions.  
Suivant la pratique du Tribunal fédéral, la restitution du permis de conduire après un retrait de sécurité prononcé en raison d'une dépendance à l'alcool peut être subordonnée à une abstinence contrôlée médicalement, limitée dans le temps, afin de s'assurer de la guérison durable de l'intéressé et de diminuer le risque de récidive pour quelque temps encore après la réadmission à la conduite (cf. arrêt 1C_238/2013 du 27 août 2013 consid. 3.4). L'autorité administrative dispose sur la question de la durée de l'abstinence contrôlée d'un important pouvoir d'appréciation (ATF 129 II 82 consid. 2.2 p. 84; arrêt 1C_243/2010 du 10 décembre 2010 consid. 2.2). En référence à la doctrine médicale, la jurisprudence a admis qu'une guérison durable d'une dépendance à l'alcool requérait une thérapie et des contrôles durant quatre à cinq ans après la restitution du permis de conduire ainsi qu'une abstinence totale médicalement contrôlée durant trois ans au moins (arrêt 6A.77/2004 du 1er mars 2005 consid. 2.1 et les références citées, repris à l'arrêt 1C_342/2009 du 23 mars 2010 consid. 2.4) même si des délais plus courts sont usuels (CÉDRIC MIZEL, Droit et pratique illustrée du retrait du permis de conduire, 2015, ch. 77.3.2, p. 568). En outre, l'autorité qui a mis en oeuvre une expertise est liée par l'avis de l'expert et ne peut s'en écarter que si elle a de sérieux motifs de le faire. En particulier, il faut que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l'expert soient dûment motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 p. 232; 125 V 351 consid. 3a; arrêt 1C_106/2016 du 9 juin 2016 consid. 3.1.2). 
 
3.2. Le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.) exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité); en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts; ATF 136 IV 97 consid. 5.2.2 p. 104 et les arrêts cités).  
 
3.3. En l'occurrence, le Dr B.________ a recommandé l'instauration de contrôles capillaires à une fréquence de six mois sur une période d'une année pour confirmer l'abstinence de toute consommation d'alcool. La cour administrative ne pouvait s'écarter de cet avis qu'en présence de raisons valables et sérieuses pour ce faire (ATF 140 II 334 consid. 3 p. 338; arrêt 1C_320/2017 du 9 janvier 2018 consid. 2.3). Ni l'absence d'infractions aux règles de la circulation routière avant l'épisode du 6 juin 2018, ni le fait que le recourant ait été jugé apte à la conduite ne suffisent à le libérer du contrôle d'abstinence. En effet, les antécédents d'élévation des marqueurs de la GGT et de la GOT, constatés par son médecin traitant, signalent une consommation à risque dont l'autorité précédente, suivant l'avis de l'expert, devait s'assurer qu'elle ne réapparaîtrait pas à l'avenir.  
A cet égard, le recourant soutient que ces analyses, qui ont eu lieu en avril 2016, ne sauraient plus signifier quoi que ce soit sur son état de santé au mois de juin 2018. Il affirme que d'autres facteurs pouvaient expliquer l'augmentation du taux de GGT lors de la prise de sang effectuée en avril 2016, élément qui, selon lui, n'a pas été pris en compte par l'autorité inférieure qui serait ainsi tombée dans l'arbitraire. La cour cantonale a souligné que le recourant se gardait bien d'indiquer quel autre facteur aurait pu provoquer, chez lui, une augmentation de ces taux. Or, il est notoire qu'après une forte consommation d'alcool le taux de GGT augmente de manière significative et durant quelque temps. Le recourant ne pouvait se contenter de soutenir que, de façon théorique, d'autres facteurs pouvaient entrer en ligne de compte sansexpliquer quel était, chez lui, le facteur qui aurait pu provoquer une telle augmentation de la valeur du marqueur précité. Dès lors, la cour cantonale n'a fait preuve d'aucun arbitraire en suivant les conclusions de l'expert dont le recourant n'a pas indiqué qu'il existait des motifs sérieux de s'écarter, se contentant de critiquer l'appréciation de l'autorité inférieure, critique qui est partant irrecevable. 
Le recourant reproche encore à l'instance précédente de ne pas avoir suffisamment tenu compte du test capillaire effectué volontairement le 10 décembre 2018 auprès de l'Unité de toxicologie et de chimie forensiques du Centre universitaire romand de médecine légale, dont il a produit en cours de procédure cantonale le compte-rendu d'analyse et qui atteste d'une abstinence complète à l'alcool durant six mois. Il estime ainsi avoir largement prouvé l'absence de consommation pathologique d'alcool. La cour cantonale a expliqué les raisons pour lesquelles la production de cet examen n'était pas pertinente. En effet, les conditions posées par la CMA n'ont pas pour finalité de prouver que le recourant est apte à conduire - ce que l'expertise incriminée confirme - mais ont pour but de s'assurer que l'aptitude à la conduite se maintiendra dans la durée. Dès lors, un contrôle effectué 10 jours après la notification de la décision de la CMA ne peut à l'évidence remplir ce rôle, contrairement aux simples allégations du recourant sur ce point. 
Enfin, le recourant soutient que le laps de temps entre la prise de sang de 2016 et la conduite en état d'ébriété de 2018 est suffisamment important pour exclure une abstinence médicalement constatée. Or, comme l'a souligné la cour cantonale, il ne faut pas perdre de vue que, lors de l'événement du 6 juin 2018, le recourant conduisait son véhicule avec un taux d'alcoolémie de 0.81 mg/l, équivalent à 1.62 pour mille. Or, ce taux correspond à la limite fixée à l'art. 15d let. a LCR pour justifier un examen de l'aptitude à la conduite. L'autorité précédente a relevé que ce taux correspondait à l'ingestion, pour un homme de constitution moyenne, de 2,5 litres de bière ou un litre de vin en deux heures. Des concentrations aussi élevées d'alcool sont l'indice d'un problème de consommation abusive, voire d'addiction. Ajouté à cela l'augmentation significative en 2016 des taux de GGT et de la GOT, il est conforme aux exigences légales de soumettre le recourant à une abstinence médicalement constatée durant douze mois. Les critiques du recourant sur ce point sont de nature purement appellatoire et partant irrecevables. 
 
3.4. Compte tenu du danger indiscutable que représente la conduite sous l'influence de l'alcool pour les usagers de la route, il est justifié d'exiger que cette preuve soit rapportée par une abstinence contrôlée sur une certaine durée afin d'éviter une éventuelle rechute. A cet égard, la soumission à deux contrôles capillaires à un intervalle de six mois constitue une mesure appropriée qui n'apparaît ni invasive, ni excessive, notamment au regard de la pratique du Tribunal fédéral. Il convient en effet de s'assurer que l'aptitude à la conduite du recourant se maintiendra durablement. Ainsi, la condition imposée par la CMA constitue une mesure raisonnable et apte à garantir la sécurité routière, ce d'autant plus si l'on se réfère à la jurisprudence du Tribunal fédéral permettant des périodes de contrôles bien plus longues (cf. arrêts 1C_342/2009 du 23 mars 2010 consid. 2.4 et 6A.77/2004 du 1er mars 2005 consid. 2.1). Cette solution a aussi le mérite de réadmettre le recourant à la circulation et de ne pas porter trop lourdement atteinte à sa personnalité. Elle n'est en conséquence nullement disproportionnée.  
En définitive, l'exigence d'une abstinence contrôlée sur une période d'une année imposée au recourant comme condition au maintien de son droit de conduire les véhicules automobiles du 1er groupe procède d'une appréciation - non arbitraire - des circonstances du cas d'espèce; elle repose sur une base légale suffisante, répond à un intérêt public majeur lié à la sécurité routière et n'est pas disproportionnée. 
 
4.   
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité, aux frais du recourant qui succombe (66 al. 1 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 francs, sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à la Commission des mesures administratives en matière de circulation routière de l'Etat de Fribourg, au Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, III e Cour administrative, et à l'Office fédéral des routes.  
 
 
Lausanne, le 26 juin 2019 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Chaix 
 
La Greffière : Tornay Schaller