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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
6B_244/2015  
   
   
 
 
 
Arrêt du 29 septembre 2015  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Jametti. 
Greffière : Mme Kropf. 
 
Participants à la procédure 
1. X.________, 
2. Y.________ Ltd., 
3. Z.________ Ltd., 
tous les trois représentés par 
Me Pierre-Dominique Schupp, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
1. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD, 
2. A.________, représenté par 
Me Jacques Michod, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
Ordonnance de classement (escroquerie, etc. ), 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 12 décembre 2014. 
 
 
Faits :  
 
A.   
La société de A.________, B.________ Ltd., a acheté plusieurs centaines de milliers d'actions de C.________ Holdings, société localisée en Chine et cotée sur le Marché Libre de Paris depuis le 25 février 2008; ces titres ont été acquis auprès du fondateur de C.________ Holdings, principal détenteur de ceux-ci, ou sur le marché. Entre octobre 2010 et janvier 2011, le cours de ces actions a très fortement augmenté, passant d'environ EUR 6.- à EUR 30.-. 
Entre la fin 2010 et le début 2011, A.________ a conseillé à plusieurs personnes physiques et morales d'investir dans C.________ Holdings. Dans ce cadre, différents documents confidentiels de la banque D.________ SA ont été remis aux personnes intéressées; en particulier, y figuraient (1) une étude financière de C.________ Holdings ("Information Memorandum") réalisée en mai 2010 afin d'organiser alternativement un placement privé ou la vente de tout ou partie des actions C.________ Holdings, ainsi que (2) quatre lettres d'intention d'institutions financières confirmant leur intérêt à une possible reprise de ces actions. Par l'intermédiaire de A.________, ainsi que de sa société, différents investisseurs ont acquis des titres de l'entreprise chinoise. En particulier, entre le 28 janvier et le 15 février 2011, Y.________ Ltd. a acheté à B.________ Ltd. 160'727 actions (environ 5 millions d'euros). Le 15 février 2011, Z.________ Ltd. a procédé de même pour 40'000 titres (environ un million d'euros). En février 2011 toujours, E.________ et sa société ont fait l'acquisition de 40'000 actions (environ EUR 900'000.-), dont la moitié auprès de B.________ Ltd. Entre octobre 2010 et mars 2011, X.________ et ses associés ont acquis en bourse 47'915 titres de C.________ Holdings (environ EUR 348'000.-). Le cours de l'action C.________ Holdings s'est effondré à l'été 2011. 
 
B.   
A la suite de la plainte pénale déposée le 22 novembre 2011 par E.________, le Ministère public central du canton de Vaud, division entraide, criminalité économique et informatique, a ouvert, le 29 suivant, une instruction pénale contre A.________ pour abus de confiance (art. 138 CP), escroquerie (146 CP) et gestion déloyale (art. 158 CP). Y.________ Ltd., X.________ et Z.________ Ltd. ont également porté plainte les 15, 23 février et 4 avril 2012, pour escroquerie (art. 146 CP) et manipulation de cours (art. 161bis CP). Il était en substance reproché au prévenu d'avoir, de connivence avec le fondateur de C.________ Holdings, fait monter artificiellement le cours de l'action C.________ Holdings pour vendre ses titres au meilleur prix tout en sachant que ce cours allait ensuite s'effondrer rapidement. 
Par ordonnance du 26 mai 2014, le Procureur a classé la procédure dirigée contre A.________. Il a notamment retenu que les dispositions pénales relatives à la manipulation de cours ou à l'exploitation de la connaissance de faits confidentiels n'étaient pas applicables dès lors que la société C.________ Holdings était uniquement cotée à Paris. Le magistrat a ensuite considéré que les éléments constitutifs de l'escroquerie n'étaient pas réunis. Il a ainsi relevé l'authenticité des documents de la banque, les raisons ayant entrainé la résiliation par cette dernière du mandat qui lui avait été confié par C.________ Holdings (refus de cette société de faire rédiger le contrat de vente par une firme juridique internationalement connue) et la connaissance par les investisseurs, d'une part, de l'achat d'actions C.________ Holdings détenues par la société de A.________, ainsi que, d'autre part, des démêlés de ce dernier avec la justice française. Sur la base de ces éléments, le Ministère public a conclu qu'il n'était pas établi que le prévenu aurait astucieusement trompé les parties plaignantes; la condition du dessein d'enrichissement illégitime faisait également défaut, vu que le prévenu ne savait pas que le cours de l'action C.________ Holdings allait s'effondrer et qu'il détenait, au 27 juin 2012, encore 75'777 titres de ladite société. 
 
C.   
Le 12 décembre 2014, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours intenté contre cette décision par E.________, X.________, Y.________ Ltd. et Z.________ Ltd. Elle a en particulier considéré que le recours des trois derniers susmentionnés tendait uniquement à démontrer une possible escroquerie réalisée à leur encontre par A.________. Elle a ensuite relevé que, faute de tromperie astucieuse et de dessein d'enrichissement illégitime, l'ordonnance de classement devait être confirmée. 
 
D.   
Par acte du 6 mars 2015, X.________, Y.________ Ltd. et Z.________ Ltd. (ci-après : les recourants) forment un recours en matière pénale contre cet arrêt, concluant à son annulation, à celle de l'ordonnance de classement du 26 mai 2014 et au renvoi de la cause au Ministère public afin qu'il engage l'accusation devant le tribunal compétent. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4). 
En l'espèce, les recourants se prétendent les victimes d'escroquerie de la part de l'intimé; sur la base de documents bancaires, ce dernier les aurait poussés à acquérir, auprès de sa propre société, les titres de C.________ Holdings, tout en sachant que la valeur de ceux-ci allait chuter. Les recourants soutiennent que le dommage résultant de ces agissements - allégués illicites - équivaudrait aux investissements consentis, soit EUR 1'326'152.- pour X.________, cinq millions d'euros s'agissant de Y.________ Ltd. et un million d'euros pour Z.________ Ltd. Dans le cadre de la recevabilité, ces explications suffisent, n'étant pas contesté que les recourants aient acquis des actions de C.________ Holdings et que le cours de celles-ci ait chuté, entraînant vraisemblablement pour eux une perte financière importante. 
Pour le surplus, les autres conditions de recevabilité étant remplies, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.   
Invoquant le principe "in dubio pro duriore", les recourants reprochent à l'autorité précédente d'avoir retenu que les conditions d'application de l'art. 146 CP ne seraient pas remplies, notamment la tromperie astucieuse, ainsi que le dessein d'enrichissement illégitime. 
 
2.1. Aux termes de l'art. 146 CP, se rend coupable d'escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, a astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, ou l'a astucieusement confortée dans son erreur et a de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.  
 
Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit pas. Il faut encore qu'elle soit astucieuse. L'astuce est réalisée lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manoeuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire (ATF 135 IV 76 consid. 5.2 p. 81 s. et les arrêts cités). L'astuce sera également admise lorsque l'auteur exploite un rapport de confiance préexistant propre à dissuader la dupe d'effectuer certaines vérifications (ATF 126 IV 165 consid. 2a p. 171). L'astuce n'est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est cependant pas nécessaire qu'elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu'elle ait recouru à toutes les mesures de prudence possibles pour éviter d'être trompée. L'astuce n'est exclue que si la dupe est coresponsable du dommage parce qu'elle n'a pas observé les mesures de prudence élémentaires qui s'imposaient. Une coresponsabilité de la dupe n'exclut l'astuce que dans des cas exceptionnels (ATF 135 IV 76 consid. 5.2 p. 81). 
Sur le plan subjectif, l'escroquerie est une infraction intentionnelle, l'intention devant porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction. L'auteur doit en outre agir dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (ATF 134 IV 210 consid. 5.3 p. 213 s.). 
 
2.2. En l'occurrence, les recourants soutiennent que l'intimé les auraient incités à acheter, notamment auprès de sa propre société B.________ Ltd. - information qu'il n'aurait par ailleurs pas communiquée -, des titres de C.________ Holdings; or, l'intimé aurait été au courant que le cours de ces actions allaient fortement chuter dans les mois à venir. Les recourants prétendent également que, pour les convaincre de procéder à ces achats, l'intimé aurait utilisé des documents de D.________ SA, tout en sachant que celui-ci avait, en septembre 2010, mis un terme au mandat la liant à la société chinoise et ne l'autorisait pas à faire usage desdites pièces.  
Tout d'abord, il est peut-être possible que les motifs ayant poussé le D.________ SA à résilier son mandat ne se limitent pas au seul désaccord relatif au choix d'une étude d'avocats pour la poursuite de la procédure (cf. notamment le témoignage du banquier F.________ du 13 septembre 2012 ainsi que le courrier électronique du 9 septembre 2010]). Il n'en résulte pas pour autant que la banque aurait soupçonné le fondateur de C.________ Holdings ou celle-ci de malversations pénalement répréhensibles, leur étant reproché, en substance et à titre principal, un manque de transparence dans la gestion de la société. Il paraît ensuite avéré que l'intimé a eu connaissance de cette résiliation dès septembre 2010 (cf. l. 25 s. du procès-verbal du 4 septembre 2013). En revanche, peu importe à quel moment et par qui les recourants en ont été informés, dès lors, ainsi qu'eux-mêmes le déclarent, ce seraient les documents de la banque - et non pas la participation de cette dernière - qui auraient eu un rôle essentiel dans leur processus décisionnel. De plus, tel que relevé par la juridiction précédente, le représentant de Y.________ Ltd. a confirmé la poursuite des investissements postérieurement à cette information, prétendant certes - eu égard à sa qualité de partie plaignante - que tel n'aurait été le cas qu'en raison des arguments alors donnés par l'intimé (cf. l. 43 s. du procès-verbal du 13 novembre 2013). 
Quant à l'interdiction d'utilisation desdits documents, la cour cantonale a retenu à juste titre que l'instruction n'avait pas permis d'établir que l'intimé en aurait été informé préalablement au courrier de la banque du 20 janvier 2011. Si les recourants prétendent le contraire, ils ne citent pas pour autant d'élément au dossier qui viendrait appuyer cette thèse. Il ne résulte en particulier pas de la connaissance de ce fait par le frère de l'intimé que tel serait nécessairement le cas de ce dernier; les recourants ne l'affirment d'ailleurs pas et n'établissent aucun arbitraire quant aux faits retenus en instance cantonale. 
Sans remettre directement en cause la véracité du contenu des pièces bancaires, les recourants prétendent que l'intimé aurait été au courant du réel état financier de la société C.________ Holdings, notamment en raison de ses relations avec le fondateur de celle-ci. Ces allégations sont toutefois à nouveau dénuées de toute référence au dossier qui permettrait d'étayer leur version. La juridiction cantonale pouvait donc retenir sans arbitraire que, même au moment de l'interdiction d'utilisation formulée à l'attention de l'intimé par la banque en janvier 2011, celui-ci ne pouvait pas imaginer que les éléments figurant dans le "Information Memorandum" pourraient ne pas correspondre à la réalité de la situation économique de la société chinoise. Par conséquent, dans le cadre de la recherche d'investisseurs, la production de documents bancaires - qu'on rappellera de plus qualifiés de déterminants par les recourants - ne paraît pas dénuée de toute pertinence. Au demeurant, l'intimé, par l'intermédiaire de sa société, a également investi massivement dans C.________ Holdings jusqu'en décembre 2010 et, lors de la chute des cours, n'avait pas revendu l'ensemble des actions. 
Au vu des considérations précédentes, il apparaît que l'achat par la société B.________ Ltd. - dont les recourants semblent finalement reconnaître qu'ils n'ignoraient pas appartenir à l'intimé (cf. ad 17 du mémoire de recours) - d'actions C.________ Holdings, l'utilisation des pièces bancaires dans le cadre des démarches entreprises auprès des recourants et finalement la vente à ces derniers à un cours avantageux d'un grand nombre de titres constituent uniquement une opération de spéculation réussie pour l'intimé. En effet, n'ayant pas été établi que celui-ci aurait eu connaissance préalablement à ces actes de l'inconsistance de la société C.________ Holdings, ces démarches ne peuvent être considérées comme faisant partie d'un montage tendant à s'enrichir de manière illicite au détriment des recourants. Cela vaut d'autant plus que ceux-ci sont des professionnels de la finance, qui n'ont pas pu manquer l'avertissement donné par l'auteur du rapport bancaire sur l'absence de vérification de ses sources, ni procéder à des investissements importants sur la seule mention par l'intimé de possibles relations avec la famille G.________. 
C'est donc à juste titre que la Chambre des recours pénale a retenu que deux des conditions nécessaires à la réalisation de l'infraction d'escroquerie (art. 146 CP) - la tromperie astucieuse et le dessein d'enrichissement illégitime - n'étaient pas réalisées en l'espèce. Partant, elle pouvait confirmer, sans violer le droit fédéral ou le principe "in dubio pro duriore" (ATF 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91), le classement prononcé par le Ministère public (art. 319 al. 1 let. b CPP). 
 
3.   
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. 
Les recourants, qui succombent, supportent solidairement les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF), l'intimé A.________ n'ayant notamment pas été invité à procéder. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 29 septembre 2015 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Denys 
 
La Greffière : Kropf