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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_311/2023  
 
 
Arrêt du 9 janvier 2024  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Stadelmann et Moser-Szeless. 
Greffier : M. Cretton. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Charlène Laville, avocate, 
recourante, 
 
contre  
 
Office de l'assurance-invalidité 
du canton de Neuchâtel, 
rue Chandigarh 2, 2300 La Chaux-de-Fonds, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité (rente d'invalidité), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 22 mars 2023 (CDP.2022.108-AI/der). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, née en 1970, a travaillé comme vendeuse jusqu'au 31 décembre 2018 et bénéficié d'indemnités de chômage par la suite. Elle a requis des prestations de l'assurance-invalidité le 5 août 2019. 
Après avoir recueilli les avis des médecins traitants (en particulier celui de la doctoresse B.________, médecin-cheffe du centre C.________, spécialiste en rhumatologie [rapport du 16 octobre 2020]) et les avoir soumis au docteur D.________ de son Service médical régional (SMR; rapport du 4 mars 2021), l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel (ci-après: l'office AI) a informé l'assurée qu'il envisageait de lui allouer une rente entière d'invalidité du 1er mars au 31 décembre 2020 (projet de décision du 22 avril 2021). Prévenu de l'existence d'un suivi psychiatrique, l'office AI a repris l'instruction. Il a notamment sollicité l'avis de la doctoresse E.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie (rapport du 7 juin 2021), et un complément d'information de la doctoresse B.________ (rapport du 18 octobre 2021). Après avoir soumis ces rapports au docteur D.________ (rapport du 22 novembre 2021), l'administration a confirmé son projet de décision et octroyé à A.________ une rente entière d'invalidité du 1er mars au 31 décembre 2020 (décision du 11 mars 2022). 
 
B.  
Saisie d'un recours de l'assurée contre cette décision, à l'appui duquel ont notamment été déposés les rapports des doctoresses B.________ du 3 mars 2022 et E.________ du 23 avril 2022, la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel l'a rejeté (arrêt du 22 mars 2023). 
 
C.  
A.________ forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont elle requiert l'annulation. Elle conclut à titre principal à l'octroi d'une rente entière d'invalidité dès le 1er mars 2019 (recte: 2020) et, à titre subsidiaire, au renvoi de la cause au tribunal cantonal pour instruction complémentaire sous la forme d'une expertise pluridisciplinaire. 
L'office AI conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public (au sens des art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit (circonscrit par les art. 95 et 96 LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est limité ni par l'argumentation de la partie recourante ni par la motivation de l'autorité précédente. Il statue sur la base des faits établis par cette dernière (art. 105 al. 1 LTF). Cependant, il peut rectifier les faits ou les compléter d'office s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant ne peut critiquer les faits que s'ils ont été constatés de façon manifestement inexacte ou contraire au droit et si la correction d'un tel vice peut influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). 
 
2.  
Le litige porte sur le maintien au-delà du 31 décembre 2020 de la rente entière d'invalidité octroyée à la recourante à partir du 1er mars 2020. Compte tenu des motifs et des conclusions du recours, il s'agit singulièrement d'examiner si la cour cantonale a fait preuve d'arbitraire dans son appréciation de la capacité de travail de l'assurée dans une activité adaptée au regard des rapports de la doctoresse E.________. 
 
3.  
 
3.1. Dans le cadre du "développement continu de l'AI", la LAI, le RAI et la LPGA - notamment - ont été modifiés avec effet au 1er janvier 2022 (RO 2021 705; FF 2017 2535). Compte tenu cependant du principe de droit intertemporel prescrivant l'application des dispositions légales qui étaient en vigueur lorsque les faits juridiquement déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1), le droit applicable reste, en l'occurrence, celui qui était en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021 dès lors que le litige porte sur le maintien de la rente de la recourante à partir du 1er janvier 2021.  
 
3.2. L'arrêt attaqué expose les normes et la jurisprudence nécessaires à la résolution du litige, en particulier celles portant sur la notion d'invalidité (art. 6 à 8 LPGA en lien avec l'art. 4 al. 1 LAI), l'échelonnement des rentes selon le taux d'invalidité (art. 28 al. 2 LAI) et l'application des principes de la révision à l'octroi des rentes limitées dans le temps (art. 17 al. 1 LPGA; art. 88a al. 1 RAI; ATF 145 V 209 consid. 5.3; 141 V 9 consid. 2.3; 134 V 131 consid. 3). Il expose en outre les principes jurisprudentiels relatifs au rôle des médecins en matière d'assurance-invalidité (ATF 140 V 193 consid. 3.2) et à la valeur probante de leurs rapports (ATF 134 V 231 consid. 5.1), y compris ceux provenant des médecins des SMR (art. 59 al. 2bis LAI; art. 49 RAI; ATF 142 V 58 consid. 5.1). Il suffit d'y renvoyer.  
 
3.3. On ajoutera que le Tribunal fédéral annule une décision au titre de l'arbitraire dans l'appréciation des preuves ou la constatation des faits uniquement si la décision litigieuse est manifestement insoutenable, si elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle viole gravement une disposition légale ou un principe juridique indiscuté ou si elle heurte de façon choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Pour parvenir à une telle solution, non seulement la motivation, mais aussi le résultat de la décision doivent être arbitraires. L'existence d'une autre solution, même préférable à celle retenue, ne saurait suffire (cf. ATF 140 III 264 consid. 2.3; 139 III 334 consid. 3.2.5 et les références).  
 
4.  
Le tribunal cantonal a confirmé la décision administrative litigieuse, c'est-à-dire le droit de l'assurée à une rente entière d'invalidité pour la période limitée allant du 1er mars au 31 décembre 2020. Il a considéré que cette période limitée était justifiée par une incapacité totale de travail dans l'activité habituelle depuis le 1er mars 2019 et le recouvrement d'une capacité totale de travail dans une activité adaptée depuis le 29 septembre 2020. 
Pour parvenir à cette conclusion, la juridiction cantonale a notamment retenu que l'appréciation de la capacité de travail effectuée par l'office intimé était convaincante et n'était pas valablement remise en cause par les griefs soulevés devant elle par la recourante. Elle a précisé que l'appréciation de la capacité de travail reposait essentiellement sur le rapport du docteur D.________ du 22 novembre 2021, qui se fondait lui-même largement sur les conclusions de la doctoresse B.________. Elle a constaté que, dans ses rapports du 18 octobre 2021 et du 16 octobre 2020, la rhumatologue traitante avait fait état de différentes pathologies (cervicobrachialgies, épicondylalgies, arthrose du coude, lombalgies, gonalgies bilatérales, diverticulite) qui avaient empêché l'assurée d'exercer son métier de vendeuse depuis le 1er mars 2019 mais lui permettaient de reprendre une activité adaptée à 80 %, voire à 100 %, depuis une consultation du 29 septembre 2020. 
Les premiers juges ont en outre précisé que l'appréciation du médecin du SMR tenait compte du rapport de la doctoresse E.________ du 7 juin 2021, dans lequel celle-ci avait diagnostiqué un épisode dépressif moyen avec syndrome somatique et attesté une incapacité totale de travail "en se référant aux problèmes d'arthrose découverts trois ans auparavant" ou en "[renvoyant] aux médecins somaticiens concernant la capacité de travail". Ils ont par ailleurs considéré que le rapport de la psychiatre traitante du 23 avril 2022 ne remettait pas sérieusement en cause les conclusions du docteur D.________ (et, par conséquent, celles de la doctoresse B.________) dès lors qu'il n'était pas possible de déterminer si l'incapacité totale de travail attestée était justifiée par des motifs psychiques ou physiques et que l'espacement des consultations annoncé laissait supposer une amélioration de la situation. 
 
5.  
La recourante reproche à la juridiction cantonale d'avoir procédé à une lecture erronée des rapports de la doctoresse E.________ et, par conséquent, de les avoir appréciés de manière arbitraire. 
Elle soutient en substance que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal cantonal, sa psychiatre traitante ne s'était pas contentée de se référer aux conclusions des médecins somaticiens concernant la capacité de travail mais avait clairement attesté une incapacité totale de travail liée à l'épisode dépressif moyen avec syndrome somatique diagnostiqué. Elle relève à cet égard que, dans son rapport du 7 juin 2021, la doctoresse E.________ avait évoqué des limitations fonctionnelles liées à l'inhibition du fonctionnement dépressif actuel en plus de celles liées à l'arthrose et mentionné des symptômes sous forme de troubles de l'attention, de la concentration et de la mémoire. Elle considère en outre que la conclusion de sa psychiatre traitante, selon laquelle la capacité résiduelle de travail devait être déterminée par les médecins somaticiens "dès que la symptomatologie dépressive soit surmonter", ne saurait être comprise comme un simple renvoi à l'appréciation des médecins somaticiens mais constitue une attestation d'incapacité totale de travail d'ordre psychique en cours lors de l'établissement du rapport du 7 juin 2021. Elle relève encore que d'autres médecins, dont la doctoresse B.________, avaient évoqué sa détresse psychique. Elle soutient également que, contrairement à ce qu'ont indiqué les premiers juges, le rapport de la doctoresse E.________ du 23 avril 2022 remettait valablement en cause l'appréciation du docteur D.________. En effet, selon elle, la doctoresse E.________ y confirmait l'évaluation faite dans son rapport du 7 juin 2021 alors que le docteur D.________ se fondait sur une appréciation erronée du rapport du 7 juin 2021. Elle conteste enfin que l'espacement des consultations puisse constituer un signe d'amélioration de son état de santé dans la mesure où, à part cet élément, la psychiatre traitante avait décrit une situation inchangée. 
Elle considère dès lors que ces éléments indiquent clairement une incapacité totale de travail et que, si le tribunal cantonal ne les trouvait pas assez clairs, il ne pouvait pas les écarter sans mettre en oeuvre des investigations complémentaires, compte tenu singulièrement de l'absence d'avis médical contradictoire. 
 
6.  
 
6.1. Cette argumentation est fondée en tant qu'elle démontre une constatation manifestement inexacte des faits et une appréciation arbitraire des preuves par la cour cantonale. Comme le soutient la recourante, dans son rapport du 7 juin 2021, la doctoresse E.________ a diagnostiqué un épisode dépressif moyen avec syndrome somatique. Elle a évoqué des limitations fonctionnelles liées à l'inhibition du fonctionnement dépressif actuel, ainsi que des symptômes tels que notamment des troubles de l'attention, de la concentration et surtout de la mémoire. Elle a en outre attesté une incapacité de travail de "100 % depuis trois ans jusqu'à présent" affectant aussi bien les activités professionnelles que les tâches ménagères. Elle a encore indiqué que son pronostic était réservé, que les ressources de sa patiente lui "semblaient peu exploitables dans ce moment", qu'elle ne pouvait pas l'imaginer retourner dans son domaine professionnel "vu ses difficultés actuels physiques et psychiques" et que le nombre d'heures exigible dans une activité qui tenait compte de l'atteinte à la santé était "à voir avec les médecins somaticiens dès que la symptomatologie dépressive soit surmonter".  
Dans ces circonstances, il était manifestement insoutenable de la part du tribunal cantonal de retenir que la psychiatre traitante avait simplement renvoyé aux médecins somaticiens concernant la capacité de travail. En effet, si la doctoresse E.________ a certes laissé entendre que la pathologie dépressive diagnostiquée pouvait s'amender, elle a toutefois très clairement indiqué que cette pathologie était présente au moment de son dernier examen du 7 juin 2021 et empêchait l'exercice de toute activité, y compris celles adaptées aux limitations fonctionnelles d'ordre somatique. Ce n'est qu'au moment de l'amendement de l'épisode dépressif que la capacité résiduelle de travail de sa patiente ne dépendrait plus que des limitations fonctionnelles d'ordre somatique. 
 
6.2. Compte tenu de la date à laquelle la psychiatre traitante a attesté l'existence d'une pathologie psychique totalement incapacitante (le 7 juin 2021) et celle à laquelle la décision administrative litigieuse a été rendue (le 11 mars 2022), l'office intimé et la juridiction cantonale devaient intégrer ladite pathologie dans leur appréciation de la capacité de travail de la recourante au moment où la décision administrative litigieuse a été rendue (sur l'état de fait déterminant pour juger de la légalité des décisions administratives, cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1) mais ils ne l'ont pas fait.  
La doctoresse E.________ ne motive pas les raisons pour lesquelles elle a fait remonter l'incapacité totale de travail qu'elle atteste à trois ans environ avant le début du suivi psychiatrique qu'elle a mis en place le 18 mai 2021. Il n'est dès lors pas possible de déterminer si cette incapacité de travail (remontant approximativement à la période à laquelle l'incidence des troubles somatiques sur la capacité de travail s'était manifestée selon la doctoresse B.________) était justifiée par des motifs d'ordre psychique ou d'ordre somatique. Dans son rapport du 10 mai 2021, le docteur F.________, spécialiste en médecine interne générale, met toutefois en évidence que l'assurée n'avait pas présenté de troubles significatifs de l'humeur avant "la réception de la décision de l'AI", soit avant le projet de décision du 22 avril 2021, compte tenu de la date d'établissement de son rapport. Ces éléments permettent ainsi d'exclure l'existence d'un trouble psychique incapacitant au moment de l'amélioration de l'état de santé somatique de l'assurée en septembre 2020. Ils ne permettent en revanche pas de se prononcer de manière fiable sur l'incidence du trouble dépressif diagnostiqué en juin 2021 et justifiant un suivi psychiatrique depuis le 18 mai précédent. Il convient dès lors de confirmer l'arrêt attaqué ainsi que la décision administrative litigieuse en tant qu'ils portent sur la suppression de la rente d'invalidité à partir du 1er janvier 2021 mais de les annuler en tant qu'ils portent sur l'appréciation de la situation psychique depuis le mois de mai 2021. La cause doit être renvoyée à l'office intimé pour qu'il complète l'instruction sur l'état de santé psychiatrique de la recourante depuis le mois de mai 2021 et rende une nouvelle décision concernant son droit à une rente d'invalidité. 
 
7.  
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires sont répartis par moitié entre les parties (art. 66 al. 1 LTF). La recourante a droit à une indemnité de dépens réduite à la charge de l'office intimé (art. 68 al. 1 LTF). La cause est renvoyée à la juridiction cantonale pour nouvelle décision sur les frais et les dépens de la procédure antérieure (art. 67 et 68 al. 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis. L'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, du 22 mars 2023 et la décision de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel du 11 mars 2022 sont annulés. La cause est renvoyée à cet office pour qu'il complète l'instruction dans le sens des considérants et rende une nouvelle décision. Le recours est rejeté pour le surplus. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis pour 400 fr. à la charge de la recourante et pour 400 fr. à la charge de l'intimé. 
 
3.  
L'intimé versera à la recourante la somme de 1'400 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, pour nouvelle décision sur les frais et les dépens de la procédure antérieure. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 9 janvier 2024 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Cretton