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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
6B_256/2012 
 
Arrêt du 27 septembre 2012 
Cour de droit pénal 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Schneider, Juge présidant, Jacquemoud-Rossari et Denys. 
Greffier: M. Vallat. 
 
Participants à la procédure 
X.________, représenté par Me Charles Poncet, avocat, 
recourant, 
 
contre 
 
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD, 
intimé. 
 
Objet 
Publication de débats officiels secrets (art. 293 CP); liberté d'expression (art. 10 CEDH), 
 
recours contre le jugement du Président de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 21 février 2012. 
 
Faits: 
 
A. 
Par jugement du 15 juin 2011, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a constaté que X.________ s'est rendu coupable de publication de débats officiels secrets et l'a condamné à une amende de 5000 fr., substituable par 50 jours de privation de liberté. En bref, ce jugement repose sur l'état de fait suivant. 
 
X.________, né en 1965, est journaliste dans la presse écrite. Le 28 janvier 2009, il a publié dans le magazine L'Illustré un article intitulé « Un père révolté dénonce les jeux pervers d'un abuseur d'enfants ». Il y faisait largement état des éléments d'une enquête alors en cours, instruite par le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne. Cet article retranscrivait une partie des déclarations d'une plaignante à la police de sûreté vaudoise et de l'argumentation du recours du Ministère public contre la décision du magistrat instructeur, du 31 mars 2008, de mettre un terme à la détention préventive. Le journaliste a eu connaissance des pièces auxquelles il faisait référence par l'intermédiaire du père de l'une des victimes présumées, Y.________, dont l'identité lui avait été communiquée par un ami de ce dernier. X.________ savait que les documents auxquels il se référait n'étaient pas publics en raison de l'enquête en cours. Il était conscient de commettre une violation de l'art. 293 CP en les portant à la connaissance du public. En accord avec sa rédaction, il a néanmoins écrit son article et l'a publié, estimant qu'il était de son devoir moral d'informer les lecteurs afin que d'autres éventuelles victimes puissent sortir de l'ombre. 
 
B. 
Saisi d'un appel du condamné, le Président de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois l'a rejeté, par arrêt du 8 août 2011, après avoir écarté la requête de suspension présentée le 23 septembre 2011 par l'appelant. 
 
C. 
X.________ forme un recours en matière pénale contre cet arrêt. Il conclut à sa réforme dans le sens de son acquittement. A titre subsidiaire, il demande l'annulation de la décision querellée et le renvoi de la cause à l'autorité précédente. 
 
Par ordonnance du 14 mai 2012, le Président de la cour de céans a rejeté les requêtes du recourant tendant à l'octroi de l'effet suspensif et à la suspension de la procédure jusqu'à droit connu dans l'affaire X.________ contre la Suisse (requête 56925/08) pendante devant la Cour européenne des droits de l'Homme. 
 
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Dans le recours en matière pénale, les constatations de fait de la décision entreprise lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), sous les réserves découlant des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de l'arbitraire (v. sur cette notion: ATF 137 I 1 consid. 2.4 p. 5) dans la constatation des faits. Les critiques appellatoires sont irrecevables (cf. ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356). La recevabilité de tels griefs suppose l'articulation de critiques circonstanciées (ATF 136 II 101 consid. 3, p. 105), claires et précises répondant aux exigences de motivation accrues déduites de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287). 
 
En l'espèce, le recourant n'articule expressément aucun grief de ce type. Il n'y a donc pas lieu d'examiner les développements présentés dans la partie de son mémoire intitulée « rappel des faits essentiels ». 
 
On doit encore relever, dans ce contexte, que la décision querellée a été rendue sur appel d'un jugement portant condamnation pour une contravention (v. art. 293 al. 1 en corrélation avec l'art. 103 CP). Le pouvoir d'examen de la cour cantonale était ainsi limité aux critiques relatives à l'application du droit fédéral et à celles tendant à démontrer que les faits avaient été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit (art. 398 al. 4 du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0). En rappelant ces principes, la décision entreprise (consid. 2.1) renvoie implicitement au jugement de première instance en ce qui concerne les faits déterminants. Il s'ensuit que la cour de céans est également liée (art. 105 al. 1 LTF) par ceux ressortant de cette première décision. Enfin, dans la mesure où ni le jugement ni la décision de deuxième instance ne restituent en son entier le contenu de l'article litigieux, on complétera néanmoins, au besoin, en application de l'art. 105 al. 2 LTF, l'état de fait sur ce point en se référant au texte de la publication, qui n'est pas contesté et figure au dossier de la cause. 
 
2. 
Conformément à l'art. 293 CP (Publication de débats officiels secrets), celui qui, sans en avoir le droit, aura livré à la publicité tout ou partie des actes, d'une instruction ou des débats d'une autorité qui sont secrets en vertu de la loi ou d'une décision prise par l'autorité dans les limites de sa compétence sera puni d'une amende (al. 1). La complicité est punissable (al. 2). Le juge pourra renoncer à toute peine si le secret livré à la publicité est de peu d'importance (al. 3). 
 
Selon la jurisprudence, cette disposition procède d'une conception formelle du secret. Il suffit que les actes, débats ou instructions concernés aient été déclarés secrets par la loi ou une décision de l'autorité, autrement dit, que l'on ait voulu en exclure la publicité, indépendamment de la classification choisie (p. ex « top secret » ou confidentiel). Le secret au sens matériel suppose, en revanche, que son détenteur veuille garder un fait secret, qu'il y ait un intérêt légitime, et que le fait ne soit connu ou accessible qu'à un cercle restreint de personnes (ATF 126 IV 236 consid. 2a, p. 242 et 2c/aa, p. 244). L'entrée en vigueur de l'alinéa 3 de cette disposition, le 1er avril 1998 (RO 1998 852 856; FF 1996 IV 533) n'y a rien changé. Cette règle n'a en effet pas trait à des secrets au sens matériel, mais à des cachotteries inutiles, chicanières ou exorbitantes (ATF 126 IV 236 consid. 2c/bb, p. 246). Pour exclure l'application de cet alinéa 3, le juge doit donc examiner à titre préjudiciel les raisons qui ont présidé à la classification du fait comme secret. Il ne doit cependant le faire qu'avec retenue, sans s'immiscer dans le pouvoir d'appréciation exercé par l'autorité qui a déclaré le fait secret. Il suffit que cette déclaration apparaisse encore soutenable au regard du contenu des actes, de l'instruction ou des débats en cause. Le point de vue des journalistes sur l'intérêt à la publication n'est, pour le surplus, pas pertinent (ATF 126 IV 236 consid. 2d, p. 246). Dans l'affaire Stoll c. Suisse, la Cour européenne des droits de l'Homme a confirmé que cette conception formelle du secret n'était pas contraire à l'art. 10 CEDH, dans la mesure où elle n'empêchait pas le Tribunal fédéral de contrôler la compatibilité d'une ingérence avec l'art. 10 CEDH, en procédant, sous l'angle de l'examen de l'art. 293 al. 3 CP, à un contrôle de la justification de la classification d'une information, d'une part, et à une mise en balance des intérêts en jeu, d'autre part (arrêt Stoll c. Suisse, du 10 décembre 2007, Requête No 69698/01, §§ 138 et 139). 
 
2.1 Le recourant ne conteste plus devant la cour de céans que les informations révélées étaient soumises au secret de l'enquête. Il ne soutient plus, en particulier, que l'art. 73 al. 2 CPP lui serait applicable à titre de droit nouveau plus favorable. On peut, sur ce point, renvoyer aux considérants convaincants de la cour cantonale (arrêt entrepris, consid. 4.2 p. 8 s.), en relevant qu'en l'espèce la nature des faits révélés par l'enquête aurait, de toute manière, justifié d'imposer le silence sur la procédure et les personnes impliquées dans un but de sauvegarde d'intérêts, privés tout au moins, au sens de l'art. 73 al. 2 CPP
 
2.2 Conformément à l'art. 184 du Code de procédure pénale du canton de Vaud (CPP/VD; en vigueur jusqu'au 31 décembre 2010), toute enquête demeure secrète jusqu'à sa clôture définitive (al. 1). Le secret s'étend aux éléments révélés par l'enquête elle-même ainsi qu'aux décisions et mesures d'instruction non publiques (al. 2). La loi précise en outre que sont tenus au secret tant les magistrats ou collaborateurs judiciaires (sous réserve de l'hypothèse où la communication est utile à l'instruction ou justifiée par des motifs d'ordre public, administratif ou judiciaire; art. 185 CPP/VD), que les parties, leurs proches et familiers, leurs conseils, les collaborateurs, consultants et employés de ceux-ci, ainsi que les experts et les témoins, envers quiconque n'a pas accès au dossier, la révélation faite aux proches ou familiers par la partie ou son conseil n'étant cependant pas punissable (art. 185a CPP/VD). La loi aménage enfin diverses exceptions. Ainsi, en dérogation à l'article 185, le juge d'instruction cantonal et, avec l'accord de celui-ci, le juge chargé de l'enquête ou les fonctionnaires supérieurs de police spécialement désignés par le Conseil d'Etat (art. 168, al. 3) peuvent renseigner la presse, la radio ou la télévision sur une enquête pendante, lorsque l'intérêt public ou l'équité l'exige, notamment lorsque la collaboration du public s'impose en vue d'élucider un acte punissable, lorsqu'il s'agit d'une affaire particulièrement grave ou déjà connue du public ou lorsqu'il y a lieu de rectifier des informations fausses ou de rassurer le public (art. 185b al. 1 CPP/VD). 
 
On se trouve donc dans l'hypothèse où le secret est imposé par la loi et non par une décision d'autorité. 
 
2.3 L'existence d'un tel secret de l'enquête, que connaissaient la plupart des procédures pénales cantonales avant l'entrée en vigueur de la procédure pénale unifiée, est, en règle générale, motivée par les nécessités de protéger les intérêts de l'action pénale, en prévenant les risques de collusion, ainsi que le danger de disparition et d'altération de moyens de preuve. On ne peut cependant méconnaître les intérêts du prévenu, notamment sous l'angle de la présomption d'innocence, et, plus généralement de ses relations et intérêts personnels (HAUSER, SCHWERI ET HARTMANN, Schweizerisches Strafprozessrecht, 6e éd., 2005, § 52, n. 6, p. 235; GÉRARD PIQUEREZ, Traité de procédure pénale suisse, 2e éd. 2006, § 134, n. 1066, p. 678; le même, Procédure pénale suisse, Manuel, 2e éd., 2007, n. 849, p. 559 s.) ainsi que la nécessité de protéger le processus de formation de l'opinion et de prise de décision au sein d'un organe de l'Etat (ATF 126 IV 236 consid. 2c/aa, p. 245). La Cour européenne des droits de l'Homme a déjà eu l'occasion de juger que de tels buts étaient en soi légitimes. Il s'agit de garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire selon la terminologie de l'art. 10 al. 2 CEDH, qui mentionne en outre notamment la protection de la réputation et des droits d'autrui (v. arrêt CEDH Weber c. Suisse, du 22 mai 1990, requête No 11034/84, § 45; arrêt CEDH Dupuis et autres c. France, du 7 juin 2007, requête No 1914/02, § 32; arrêt CEDH Tourancheau et July c. France, du 24 novembre 2005, requête No 53886/00, § 63). Enfin, on ne peut ignorer non plus certains autres intérêts privés (cf. art. 73 al. 2 CPP; GÉRARD PIQUEREZ / ALAIN MACALUSO, procédure pénale suisse, 3e éd., 2011, n. 1687 p. 575). Ainsi, au titre de la protection de la réputation et des droits d'autrui doivent aussi compter les intérêts légitimes d'autres parties à la procédure, tels les lésés, les plaignants et, tout particulièrement les victimes, dont la vie privée et familiale est garantie par l'art. 8 CEDH. Ces dernières bénéficient, en outre, d'une protection accrue de leur personnalité à tous les stades de la procédure pénale (ancien art. 34 LAVI dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2010; cf. depuis le 1er janvier 2011: art. 117 et 152 CPP), à fortiori si celle-ci a pour objet des infractions contre l'intégrité sexuelle (ancien art. 35 LAVI; art. 153 CPP) et que les victimes sont des enfants (anciens art. 41 ss LAVI; art. 154 CPP). On peut rappeler, dans ce contexte, que les règles de la LAVI relatives à la protection de la personnalité des victimes avaient précisément pour but de protéger celles-ci contre la publication dans les médias de leurs noms et d'autres données personnelles lorsque cette diffusion n'était justifiée ni par les intérêts de la poursuite pénale ni par un besoin légitime d'information de la part du public. Il s'agissait de renforcer leur protection face à certains médias avides de sensationnalisme (Message concernant la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions [LAVI] et l'arrêté fédéral portant approbation de la Convention européenne relative au dédommagement des victimes d'infractions violentes, du 25 avril 1990, FF 1990 II 909 ss, spéc. ch. 212.13 ad art. 5 du projet). Il ne fait ainsi aucun doute que, dans les cantons connaissant le principe du secret de l'instruction, cette règle concrétisait aussi, depuis l'entrée en vigueur de la LAVI tout au moins, les buts spécifiques de cette loi en matière de protection de la personnalité des victimes. 
 
2.4 En l'espèce, sous le titre « Un père révolté dénonce les jeux pervers d'un abuseur d'enfants », la publication litigieuse faisait état des éléments d'une enquête pénale dans une affaire de moeurs. L'article brossait le portrait d'un régisseur immobilier « présumé pédophile », gérant des milliers de logements dans le canton de Vaud. Il décrivait de manière détaillée les faits qui lui étaient reprochés, respectivement ce qu'avaient subi les victimes, ainsi que les déclarations de la plaignante, mère de l'une de celles-ci et compagne du prévenu. L'article abordait, par ailleurs, la question de la remise en liberté de ce dernier, décidée par le juge d'instruction, ainsi que celle de la poursuite de ses relations avec la plaignante. Ces éléments ne peuvent plus être considérés comme de peu d'importance au sens de l'art. 293 al. 3 CP. La gravité des motifs justifiant l'enquête, soit les chefs de prévention d'actes d'ordre sexuel avec des enfants, d'actes d'ordre sexuel avec des personnes dépendantes et de contrainte sexuelle pouvaient déjà justifier matériellement le maintien du secret en faveur du prévenu. La circonstance que l'enquête faisait état du maintien des rapports entre ce dernier et sa compagne après qu'elle eut déposé plainte pouvait justifier le maintien du secret en faveur de cette dernière quant aux faits relevant de sa vie privée. Enfin, et surtout, la nature des actes commis sur les victimes justifiait le maintien du secret en faveur de ces dernières. Il n'est, par ailleurs, pas contesté que ces éléments n'étaient connus que d'un nombre restreint de personnes, que le juge chargé de l'instruction était lui-même tenu au secret (art. 185 CPP/VD) et qu'il n'a pas fait usage des possibilités offertes par l'art. 185b al. 1 CPP/VD. Il faut ainsi admettre qu'il avait également la volonté de maintenir le secret. Il s'ensuit que, en plus du caractère formel du secret, les conditions d'un secret matériel sont données. 
 
2.5 Il est constant que l'article litigieux a été diffusé. Le recourant ne conteste, par ailleurs, pas avoir su que les documents dont il faisait état n'étaient pas publics en raison de l'enquête en cours. Il connaissait parfaitement cette confidentialité et a déclaré avoir été conscient de commettre une violation de l'art. 293 CP en les portant à la connaissance du public (arrêt entrepris, consid. 2.1 p. 4). Il s'ensuit que les conditions d'application de l'art. 293 CP sont réalisées. 
 
3. 
Le recourant, invoquant la violation de l'art. 10 CEDH, soutient que sa condamnation, en tant qu'elle constitue une ingérence dans sa liberté d'expression, ne serait pas justifiée par un besoin social impérieux. 
 
3.1 Conformément à l'art. 10 CEDH, toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière [...] (par. 1). L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire (par. 2). 
 
Dans sa jurisprudence, la Cour européenne des droits de l'Homme rappelle que la liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique. Les garanties à accorder à la presse revêtent donc une importance particulière. La presse joue un rôle éminent dans une société démocratique. Si elle ne doit pas franchir certaines limites, tenant notamment à la protection de la réputation et aux droits d'autrui ainsi qu'à la nécessité d'empêcher la divulgation d'informations confidentielles, il lui incombe néanmoins de communiquer, dans le respect de ses devoirs et de ses responsabilités, des informations et des idées sur toutes les questions d'intérêt général. En particulier, l'on ne saurait penser que les questions dont connaissent les tribunaux ne puissent, auparavant ou en même temps, donner lieu à discussion ailleurs, que ce soit dans des revues spécialisées, la grande presse ou le public en général. A la fonction des médias consistant à communiquer de telles informations et idées s'ajoute le droit, pour le public, d'en recevoir. Toutefois, il convient de tenir compte du droit de tout un chacun de bénéficier d'un procès équitable tel que garanti par l'art. 6 de la Convention, ce qui, en matière pénale, comprend le droit à un tribunal impartial. Comme la Cour européenne l'a déjà souligné, « les journalistes doivent s'en souvenir, qui rédigent des articles sur des procédures pénales en cours, car les limites du commentaire admissible peuvent ne pas englober les déclarations qui risqueraient, intentionnellement ou non, de réduire les chances d'une personne de bénéficier d'un procès équitable ou de saper la confiance du public dans le rôle tenu par les tribunaux dans l'administration de la justice pénale ». D'une manière générale, la « nécessité » d'une quelconque restriction à l'exercice de la liberté d'expression doit se trouver établie de manière convaincante. Elle doit correspondre à un « besoin social impérieux » susceptible de justifier cette restriction. Lorsqu'il y va de la presse, il convient de prendre en considération l'intérêt de la société démocratique à assurer et à maintenir la liberté de la presse et il convient d'accorder un grand poids à cet intérêt lorsqu'il s'agit de déterminer, comme l'exige le paragraphe 2 de l'article 10 CEDH, si la restriction était proportionnée au but légitime poursuivi. Il faut donc considérer l'ingérence à la lumière de l'ensemble de l'affaire pour déterminer si les motifs invoqués à l'appui de la restriction de la liberté d'expression pour la justifier apparaissent « pertinents et suffisants ». Aux fins de l'exercice de mise en balance de ces intérêts concurrents, il faut aussi tenir compte du droit que l'art. 6 par. 2 de la Convention reconnaît aux individus d'être présumés innocents jusqu'à ce que leur culpabilité ait été légalement établie. Il convient donc de déterminer si l'ingérence correspondait à un besoin social impérieux, si elle était proportionnée au but légitime poursuivi et si les motifs la justifiant apparaissent « pertinents et suffisants » (v. p. ex.: arrêt CEDH Tourancheau et July, précité, §§ 64 à 69). 
 
3.2 Le recourant soutient, en contestant l'existence d'un besoin social impérieux à restreindre la liberté d'expression, qu'il ne serait pas démontré que les buts légitimes justifiant le secret de l'enquête aient été mis concrètement en danger par la publication litigieuse. Les procès-verbaux en question étaient, selon lui, de toute manière appelés à être évoqués en audience publique, ce qui exclurait le risque de collusion. Il ne serait pas démontré non plus que les informations publiées (déclarations d'une plaignante et argumentation du Ministère public), à une seule reprise, auraient pu perturber le processus de formation de l'opinion et de prise de décision d'un organe de l'Etat constitué de juges professionnels. La condamnation pénale portant exclusivement sur la publication de certaines informations soumises au secret, le ton général de l'article, appréhendé dans sa globalité, ne pourrait pas justifier de sanctionner la diffusion des informations incriminées au titre de la protection de la présomption d'innocence. Cet élément pourrait, tout au plus, être pris en compte dans la pesée des intérêts. 
 
3.3 Ces objections sont infondées. Tant le contenu, la forme de l'article que l'optique adoptée (le point de vue du père de l'une des victimes) présentaient d'emblée l'auteur présumé comme coupable en laissant aussi entendre que d'autres victimes seraient demeurées inconnues. Les critiques adressées au juge d'instruction, désigné nommément dans la publication, en relation avec la libération de la détention préventive, laissant entendre que celle-ci était justifiée par le statut social de l'accusé, étaient de nature à influencer, dans la suite, ce magistrat et, surtout, à discréditer sa décision ainsi que, plus généralement, son action voire celle des autorités pénales vaudoises aux yeux des lecteurs. On peut aussi relever, dans ce contexte, que le tribunal de police, au moment de fixer la peine, a dû prendre en considération, à décharge, le fait « que l'accusé a beaucoup perdu, plus particulièrement sur un plan professionnel du fait notamment du lynchage médiatique et de la campagne de dénigrement dont il a fait l'objet après les faits » (jugement du Tribunal d'arrondissement de Lausanne, du 11 mars 2010, p. 20). En ce qui concerne les intérêts de la plaignante, le premier juge a constaté que celle-ci avait requis et obtenu de l'Illustré un dédommagement conséquent ensuite de la publication (jugement, p. 13). Mais surtout, les victimes mineures pouvaient, de toute évidence, prétendre à ne pas voir les détails les plus sordides des atteintes subies à leur intégrité sexuelle étalés dans la presse, même si elles étaient présentées sous pseudonymes. Du reste, la photographie de profil du père de l'une des victimes, accompagnée du prénom réel et de l'initiale du nom de l'homme pouvaient permettre à un cercle indéterminé de personnes de l'identifier et, par là-même, de reconnaître sa fille. En affirmant que les documents litigieux étaient, de toute manière, appelés à être évoqués lors de débats publics, le recourant méconnaît, par ailleurs, la nature même de l'affaire, qui avait trait à des atteintes à l'intégrité sexuelle d'enfants. Dans de telles causes, la protection de la personnalité des victimes constitue un impératif qui s'impose aux autorités pénales à tous les stades de la procédure. Les victimes peuvent en effet prétendre à ne pas voir leur histoire et leurs souffrances les plus intimes étalées sur la place publique. Ce droit s'étend jusqu'aux débats (art. 70 al. 1 let. a CPP; art. 334 CPP/VD et 35 let. e aLAVI) et il n'appartient pas à la presse de décider ex ante de les en priver. On peut ajouter d'office (art. 105 al. 2 LTF) que, selon les pièces du dossier, les victimes mineures ont, d'entrée de cause, fait usage de leur droit de demander le huis clos lors de l'audience de jugement de l'auteur et que cette requête a été admise (procès-verbal de l'audience du 9 mars 2010 du Tribunal de Lausanne, p. 3). Il résulte de ce qui précède que la publication litigieuse a non seulement mis concrètement en péril nombre d'intérêts légitimement protégés par le secret de l'enquête mais qu'elle les a irrémédiablement atteints. Cela suffit à démontrer que la restriction apportée à la liberté d'expression était nécessaire dans une société démocratique pour protéger des intérêts légitimes. 
 
3.4 Le recourant soutient ensuite qu'il aurait poursuivi un but d'intérêt public, qui aurait prévalu sur les motifs plaidant pour le maintien du secret. Il entendait, par sa publication, donner l'occasion à d'éventuelles victimes de « sortir de l'ombre ». Les procédures relatives à des crimes d'ordre sexuel sur des enfants seraient, en outre, de nature à provoquer l'inquiétude de la population locale, de sorte que de telles publications d'information sur l'état de l'enquête répondraient à un besoin concret du public. La publicité de telles informations devrait être la règle au regard de l'art. 10 CEDH. Il faudrait, par ailleurs, tenir compte, dans la pesée des intérêts en présence qu'il avait agi de bonne foi après s'être vu confier les informations en question par le père de l'une des deux victimes, de telle manière qu'il en avait eu connaissance sans faute ni procédé déloyal, les éléments publiés étant, en outre, exacts, fiables et précis. 
3.4.1 Contrairement à ce que paraît penser le recourant, la publicité d'éléments d'une enquête ne saurait être la règle lorsque l'instruction a pour objet des infractions à l'intégrité sexuelle d'enfants. Il s'agit, au contraire, d'un domaine dans lequel les intérêts de la justice, d'une part, mais aussi ceux - opposés ou non -, du prévenu, des plaignants et victimes, d'autre part, revêtent une importance toute particulière. L'objet même de telles enquêtes et de leur contenu est susceptible de susciter une curiosité qui, à elle seule, ne saurait fonder le droit du public à recevoir des informations. On ne saurait donc reprocher à la cour cantonale d'avoir considéré que le seul fait que l'enquête avait pour objet des infractions à l'intégrité sexuelle d'enfants ne pouvait justifier un intérêt à la publication. Rien n'indique, en l'espèce, que l'affaire avait, auparavant, déjà été rendue publique et qu'elle ait fait l'objet d'un débat, moins encore qu'elle ait suscité un intérêt particulier ou des craintes dans la population. Tels qu'ils ressortent de l'article du recourant, les faits se sont déroulés dans un cadre essentiellement familial et, en tout cas très restreint, même si l'une des victimes était l'amie de la fille - elle-même victime - de la plaignante et ex-compagne de l'auteur présumé. La situation n'était, dès lors, pas comparable, à celles dans lesquelles un auteur s'en prend à des victimes qui lui sont totalement inconnues ou, au contraire, qu'il connaît en nombre en raison de sa situation sociale ou professionnelle, par exemple dans un contexte scolaire ou associatif, au risque que certaines victimes demeurent inconnues. La situation de l'auteur, décrit comme « un homme de 41 ans, qui gère des milliers de logements dans le canton de Vaud » et dont l'article précisait aussi qu'il était aisé, qu'il s'était fait construire une villa de 7 pièces, possédait un appartement dans une station valaisanne et un bateau sur le lac Léman, ne présentait non plus aucun intérêt au-delà de la simple curiosité qu'elle pouvait susciter au sein du lectorat du recourant. Rien n'indique en effet qu'il se soit agi d'un personnage connu du grand public. L'affaire en cause ne constituait guère qu'un fait divers parmi d'autres affaires du même genre. L'article a, du reste, paru sous la rubrique « Faits divers ». On comprend certes que le statut social du prévenu fondait, aux yeux du père de l'une des victimes, une critique quant à la remise en liberté de l'intéressé (« Un maçon qui aurait commis les mêmes actes serait toujours en prison dans l'attente de son procès »). Mais, hormis ces propos relayés par le recourant, aucun autre élément de la publication n'ouvre, sur cette question, un quelconque débat général. Le recourant justifie aussi l'intérêt de la publication par son intention « de faire sortir de l'ombre » d'autres victimes. Indépendamment du fait que ce but n'a pas été atteint, le recourant n'expose pas ce qui, en l'espèce, aurait pu fonder un tel soupçon, à part les suspicions du père interviewé, ni en quoi l'on aurait pu objectivement reprocher au juge chargé de l'enquête d'avoir omis de prendre des mesures en vue de découvrir de telles victimes cachées, en communiquant, par exemple, volontairement par l'intermédiaire de la presse (cf. art. 185b al. 1 CPP/VD). Or, la seule volonté d'informer du recourant ne saurait justifier une telle démarche que les autorités pénales peuvent entreprendre par elles-mêmes lorsque les besoins de l'enquête la justifient. A l'inverse, la mention des soupçons du père interviewé et de son sentiment de n'avoir pas été entendu, pouvaient faire présumer une attitude partiale ou laxiste du magistrat chargé de l'instruction qui n'aurait remis l'intéressé en liberté qu'en raison de son statut social et n'aurait pas suffisamment recherché d'éventuelles victimes demeurées inconnues. Ces éléments, ainsi présentés, étaient donc de nature à saper la confiance du public dans les autorités d'instruction vaudoises en général et, en particulier, dans le magistrat chargé de l'affaire, qui était cité nommément. 
3.4.2 On ne peut ignorer non plus, dans la pesée des intérêts, la forme de la publication, du vocabulaire utilisé, de la mise en page ainsi que des titres et sous-titres ou encore de la précision des informations (arrêt CEDH Stoll précité, §§ 146 ss, spéc. 146, 147 et 149). 
 
A cet égard, le titre « un père révolté dénonce les jeux pervers d'un abuseur d'enfants » ainsi que le sous-titre (« Il est aujourd'hui en liberté dans l'attente de son procès, ce qui scandalise le père d'une des victimes. Régisseur immobilier et présumé pédophile, un homme de 41 ans, qui gère des milliers de logements dans le canton de Vaud, a abusé de manière répétée de deux fillettes de 9 et 10 ans ») suggéraient d'emblée, sans réserve, la culpabilité de l'auteur. Dans la suite, si le recourant a indiqué que l'intéressé était présumé innocent jusqu'à son jugement, cette simple précaution rédactionnelle ne suffit pas à restituer un caractère objectif au texte. Elle était, de surcroît, immédiatement suivie de l'indication, toute d'ambiguïté, qu'il était « présumé pédophile ». On doit également souligner, dans ce contexte, la description inutilement détaillée des actes subis par les victimes ainsi que des rapports que le prévenu a continué à entretenir avec la plaignante après l'ouverture de l'enquête pénale. L'ensemble de ces éléments suggère plus une intention de sensationnalisme qu'une volonté d'informer de manière objective ou d'ouvrir un débat sur un thème de société. 
3.4.3 L'art. 293 CP réprime la seule divulgation des informations, indépendamment de la manière dont l'auteur y a eu accès et même en application de l'art. 10 CEDH, la Cour européenne n'attache pas une importance déterminante à cette circonstance lorsqu'il s'agit d'examiner si l'intéressé a respecté ses devoirs et responsabilités. Le facteur prépondérant réside plutôt dans le fait qu'il ne pouvait ignorer que la divulgation l'exposait à une sanction (arrêt CEDH Stoll, précité, § 144 et la réf. à l'arrêt Fressoz et Roire). Ce point est constant en l'espèce (supra consid. 2.5). 
 
Dans ces conditions, la manière dont le recourant a obtenu les informations et le fait qu'elles étaient vraies ne suffit pas à remettre en question la prépondérance de l'intérêt au maintien du secret. 
3.4.4 Pour le surplus, le recourant ne conteste ni la quotité de la sanction qui lui a été infligée ni les critères qui ont conduit à sa fixation, le fait, en particulier, qu'il avait des antécédents en relation avec l'application de l'art. 293 CP et qu'il semblait considérer que de telles infractions faisaient partie intégrante de son métier (jugement de première instance, p. 16). Dans la perspective de la proportionnalité de l'atteinte à la liberté d'expression, on peut se limiter à relever que l'amende infligée n'excède pas le revenu mensuel du recourant (arrêt entrepris, consid. C.1, p. 3) et n'atteint de loin pas le maximum prévu par la loi (10'000 fr.; art. 106 al. 1 CP). La sanction de la contravention reprochée au recourant ne l'a, par ailleurs, pas empêché de s'exprimer puisqu'elle est intervenue après la publication de l'article (cf. arrêt CEDH Stoll, précité, § 156). Dans ces conditions, on ne voit pas que compte tenu de la nature de l'infraction retenue (la moins grave dans la classification du Code pénal suisse), de la quotité modérée de la sanction et du moment où celle-ci est intervenue, la peine infligée au recourant puisse être appréhendée comme une sorte de censure. 
 
4. 
Le recourant succombe. Il supporte les frais judiciaires (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 4000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Président de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
Lausanne, le 27 septembre 2012 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant: Schneider 
 
Le Greffier: Vallat