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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
8C_595/2018  
 
 
Arrêt du 29 novembre 2018  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges fédéraux Maillard, Président, Frésard, Heine, Wirthlin et Viscione. 
Greffier : M. Beauverd. 
 
Participants à la procédure 
Caisse cantonale de chômage, Division juridique, rue Caroline 9bis, 1014 Lausanne, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
représentée par Me Johnny Dousse, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-chômage (indemnité de chômage; perte de travail à prendre en considération), 
 
recours contre le jugement de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 21 août 2018 (ACH 220/16 - 149/2018). 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________, née en 1969, a travaillé en qualité de responsable "finances et administration" au service de la société B.________ SA à partir du 1 er septembre 2015. Elle percevait un salaire annuel fixe de 135'000 fr., alloué en treize mensualités, ainsi qu'un salaire annuel variable de 15'000 fr. calculé en fonction de la réalisation des objectifs.  
Par lettre du 29 février 2016, l'employeur a résilié les rapports de travail avec effet immédiat au motif que l'intéressée avait gravement manqué à ses obligations. En outre il indiquait lui allouer, à bien plaire, un montant de 30'000 fr. non remboursable, au titre de soutien à sa famille et afin qu'elle puisse assumer ses obligations dans l'attente de retrouver une nouvelle activité auprès d'un autre employeur. L'intéressée a requis des prestations de l'assurance-chômage à partir du 1 er mars 2016 en indiquant rechercher une activité à plein temps et en exposant avoir reçu de l'employeur une somme de 30'000 fr. lors de la résiliation des rapports de travail, au titre de prestation financière supplémentaire au salaire. Selon l'attestation de l'employeur, la durée du délai de congé était de six mois et le dernier salaire mensuel perçu de 11'000 fr. Invitée par la Caisse cantonale de chômage du canton de Vaud (ci-après: la caisse de chômage) à fournir des informations complémentaires, l'assurée a notamment indiqué qu'elle avait finalement renoncé à ouvrir une action en dommages-intérêts pour non-respect du délai de congé et que le montant de 30'000 fr. versé par l'employeur consistait en une indemnité de départ.  
Par décision du 12 mai 2016, confirmée sur opposition le 26 août suivant, la caisse de chômage a reporté le début du droit à l'indemnité de chômage du 1 er mars 2016 au 1 er juin suivant, motif pris que l'indemnité de 30'000 fr., qui correspondait à trois mois de salaire, avait pour effet de différer d'autant le début du droit dans la mesure où le délai de congé de six mois n'avait pas été respecté.  
 
B.   
Par jugement du 21 août 2018, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud a admis le recours formé par l'assurée et a annulé la décision sur opposition attaquée. Elle a retenu, en résumé, que le délai-cadre relatif à la période d'indemnisation avait commencé à courir le 1 er mars 2016, motif pris que la somme de 30'000 fr. allouée par l'employeur ne constituait pas une indemnité pour cause de résiliation anticipée des rapports de travail, mais une prestation volontaire qui, en l'occurrence, n'ouvrait pas un délai de carence.  
 
C.   
La caisse de chômage forme un recours en matière de droit public en concluant à l'annulation du jugement cantonal et en requérant l'attribution de l'effet suspensif à son recours, le tout sous suite de frais et dépens. 
L'assurée conclut au rejet du recours et s'oppose à l'octroi de l'effet suspensif, sous suite de frais et dépens. La cour cantonale et le Secrétariat d'Etat à l'économie ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.   
Le litige porte sur le point de savoir si la somme de 30'000 fr. allouée par l'employeur lors du licenciement avec effet immédiat constitue une indemnité pour cause de résiliation anticipée des rapports de travail ou une prestation volontaire de l'employeur. 
 
3.  
 
3.1. L'assuré a droit à l'indemnité de chômage si, entre autres conditions, il subit une perte de travail à prendre en considération (art. 8 al. 1 let. b LACI [RS 837.0]). Il y a lieu de prendre en considération la perte de travail lorsqu'elle se traduit par un manque à gagner et dure au moins deux journées de travail consécutives (art. 11 al. 1 LACI). Il existe un certain nombre de dispositions qui visent à coordonner les règles du droit du travail avec l'ouverture du droit à l'indemnité de chômage (sur ces questions cf. ATF 143 V 161 consid. 3).  
 
3.2. En premier lieu, la perte de travail pour laquelle le chômeur a droit au salaire ou à une indemnité pour cause de résiliation anticipée des rapports de travail n'est pas prise en considération (art. 11 al. 3 LACI). En conséquence, l'assurance ne verse en principe pas d'indemnités si le chômeur peut faire valoir des droits à l'encontre de son employeur pour la période correspondant à la perte de travail invoquée. On entend par "droit au salaire" au sens de cette disposition, le salaire dû pour la période postérieure à la résiliation des rapports de travail, soit le salaire dû en cas de non-respect du délai de congé (art. 335c CO) ou en cas de résiliation en temps inopportun (art. 366c CO). Quant à la notion de "résiliation anticipée des rapports de travail", elle vise principalement des prétentions fondées sur les art. 337bet 337c al. 1 CO (voir BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, n. 28 et 34 ad art. 11 LACI). Il peut aussi s'agir d'une prestation en espèces versée par l'employeur et destinée à compenser, pour les employés qui quittent leur fonction avant l'âge légal, la perte des avantages économiques découlant de la préretraite (voir ATF 139 V 384).  
 
3.3. Ensuite, dans le prolongement de l'art. 11 al. 3 LACI, l'art. 10h OACI (RS 837.02) contient une réglementation spécifique pour la perte de travail à prendre en considération en cas de résiliation anticipée des rapports de travail d'un commun accord. Dans ce cas, la perte de travail, pendant la période correspondant au délai de congé ou jusqu'au terme prévu par le contrat dans l'hypothèse d'un contrat à durée déterminée, n'est pas prise en considération tant que les prestations de l'employeur couvrent la perte de revenu afférant à cette période (al. 1). Lorsque les prestations de l'employeur dépassent le montant des salaires dus à l'assuré jusqu'au terme ordinaire des rapports de travail, les dispositions concernant les prestations volontaires de l'employeur selon l'art. 11a LACI sont applicables (al. 2).  
 
3.4. Enfin, selon l'art. 11a LACI, la perte de travail n'est pas prise en considération tant que des prestations volontaires versées par l'employeur couvrent la perte de revenu résultant de la résiliation des rapports de travail (al. 1). Ces prestations volontaires de l'employeur sont toutefois prises en compte pour la part qui dépasse le montant maximum visé à l'art. 3 al. 2 LACI (al. 2). Ce montant maximum est actuellement de 148'200 fr. (art. 3 al. 2 LACI en corrélation avec l'art. 22 al. 1 OLAA [RS 832.202]). Lorsqu'elles dépassent ce montant, les prestations volontaires repoussent donc dans le temps le délai cadre-d'indemnisation, ouvrant ainsi une période de carence. La notion de "prestations volontaires" de l'employeur au sens de l'art. 11a LACI est définie négativement: il faut entendre les prestations allouées en cas de résiliation des rapports de travail régis par le droit privé ou par le droit public qui ne constituent pas des prétentions de salaire ou d'indemnités selon l'art. 11 al. 3 LACI (art. 10a OACI). Il s'agit, dans un sens large, des indemnités qui excèdent ce à quoi la loi donne droit à la fin du contrat de travail, en particulier des indemnités de départ destinées à compenser les conséquences de la perte de l'emploi (sur ces divers points, voir RUBIN, op. cit., n. 5 ad art. 11a LACI; ALFRED BLESI, Abgangsentschädigungen des Arbeitgebers: Ungereimtheiten im Arbeitslosenversicherungsrecht, in: DTA 2006 p. 93).  
 
3.5. Il résulte en résumé de ce qui précède que certaines pertes de gain qui surviennent à la fin des rapports de travail n'en sont pas réellement si l'assuré peut récupérer les sommes perdues auprès de l'employeur (art. 11 al. 3 LACI et art. 10h OACI). Il s'agit d'inciter le salarié à faire valoir ses prétentions auprès de l'employeur et à empêcher ainsi que celui-ci ne fasse supporter à l'assurance-chômage les salaires ou indemnités qu'il est tenu de payer (RUBIN, op. cit, n. 2 ad art. 11 LACI). La perte de travail n'est pas non plus prise en considération si des prestations  volontaires couvrent une perte de revenu découlant de la résiliation des rapports de travail. Il s'agit, en particulier, d'éviter une indemnisation à double. Les prestations ne sont cependant prises en compte qu'à partir d'un certain seuil, afin de ne pas dissuader les employeurs de proposer des plans sociaux (RUBIN, op. cit., n. 2 ad art. 11a LACI; VINCENT CARRON, Fin des rapports de travail et droit aux indemnité de chômage; retraite anticipée et prestations volontaires de l'employeur, in: Panorama en droit du travail, Rémy Wyler [éd.], 2009, p. 679).  
 
4.  
 
4.1. Dans sa décision sur opposition du 26 août 2016, la caisse de chômage a considéré que le délai contractuel de congé de six mois n'avait pas été respecté par l'employeur en tant qu'il avait résilié les rapports de travail avec effet immédiat au 29 février 2016. Toutefois l'assurée ayant accepté que l'employeur lui alloue une indemnité de 30'000 fr. pour solde de tout compte et bien que la somme allouée, correspondant plus ou moins à trois salaires nets, ne recouvre pas entièrement le salaire dû jusqu'à la fin du délai contractuel de congé, la caisse de chômage est d'avis que ce montant constitue une indemnité pour cause de résiliation anticipée des rapports de travail au sens de l'art. 11 al. 3 LACI, ce qui a pour effet de reporter le début du délai-cadre d'indemnisation de trois mois, soit au 1 er juin 2016.  
 
4.2. De son côté la cour cantonale a considéré que le paiement par l'employeur de la somme de 30'000 fr. était indépendant de toute procédure judiciaire et consistait en une indemnité exceptionnelle, allouée à bien plaire afin de soutenir la famille de l'assurée. Ainsi la nature du licenciement avec effet immédiat n'a pas été modifiée par cette allocation et l'employeur n'a reconnu aucune responsabilité en relation avec la résiliation des rapports de travail. En outre la lettre de résiliation indique que les droits des parties sont réservées, ce qui permet d'admettre que les parties ne se sont pas engagées à renoncer à agir en justice. Etant donné la formulation de l'engagement contenu dans la lettre, il n'est pas établi que l'employeur aurait refusé de payer l'indemnité promise si l'assurée avait contesté son licenciement. C'est pourquoi la cour cantonale a retenu que l'indemnité en question est une prestation volontaire au sens de l'art. 11a LACI. Etant donné la limite maximum de 148'200 fr. (art. 3 al. 2 LACI en corrélation avec l'art. 22 al. 1 OLAA), l'indemnité de 30'000 fr. ne pouvait être prise en compte pour couvrir une perte de revenu ni ouvrir un délai de carence et la juridiction précédente est d'avis que le délai-cadre relatif à la période d'indemnisation a commencé à courir le 1 er mars 2016 au lieu du 1 er juin suivant.  
 
5.  
 
5.1. En l'occurrence le montant litigieux versé par l'employeur ne peut être qualifié d'indemnité à laquelle a droit un travailleur licencié de façon immédiate et en l'absence de justes motifs au sens de l'art. 337c al. 1 CO. D'ailleurs la recourante ne le prétend pas. En particulier, la décision de l'employeur de verser l'indemnité de 30'000 fr., non remboursable, au titre de soutien à la famille de l'assurée, dans l'attente d'une nouvelle activité, ne permet pas d'inférer que le congé avec effet immédiat n'était pas justifié. Cela étant, le versement litigieux ne peut être assimilé à une indemnité pour cause de résiliation anticipée des rapports de travail ayant pour effet de compenser en partie le salaire que l'intimée aurait perçu si les rapports de travail avaient pris fin à l'échéance du délai de congé de six mois (cf. art. 337c al. 1 CO).  
 
5.2. Par ailleurs, on ne saurait partager le point de vue de la caisse recourante, selon lequel le congé avec effet immédiat constitue une résiliation anticipée des rapports de travail par commun accord, ce qui impliquerait que pendant la période correspondant au délai de congé contractuel de six mois, la perte de travail ne devrait pas être prise en considération tant que les prestations de l'employeur couvrent la perte de revenu afférant à cette période (cf. art. 10h al. 1 OACI). D'une part, en effet, la signature apposée par l'assurée sur la lettre de congé du 29 février 2016 était un simple accusé de réception et ne signifie pas que l'intéressée entendait donner son accord à la résiliation anticipée des rapports de travail par l'employeur. D'autre part, la renonciation de l'assurée à contester le licenciement avec effet immédiat ne peut pas être interprétée comme un consentement à la résiliation anticipée du contrat. Il apparaît en effet qu'elle est en relation avec l'avertissement de l'employeur d'entamer une procédure en réparation du dommage économique imputé à l'intéressée du fait des manquements graves à ses obligations contractuelles.  
 
5.3. Vu ce qui précède, l'indemnité litigieuse n'entre pas dans le champ d'application de l'art. 11 al. 3 LACI ni dans celui de l'art. 10h OACI et doit être qualifiée de prestation volontaire de l'employeur au sens de l'art. 11a LACI. Comme elle n'atteint de loin pas le seuil requis de 148'200 fr. pour ouvrir un délai de carence avant le paiement de l'indemnité de chômage, son versement ne reporte pas la naissance du droit aux prestations de l'assurance-chômage. Le jugement attaqué n'est dès lors pas critiquable et le recours se révèle mal fondé.  
 
6.   
Etant donné l'issue du litige, la recourante supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). L'intimée, qui est représentée par un avocat, a droit à une indemnité de dépens à la charge de la partie adverse (art. 68 al. 1 LTF). 
La cause étant ainsi tranchée, la demande d'effet suspensif est devenue sans objet. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
La demande d'effet suspensif est sans objet. 
 
3.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., seront supportés par la recourante. 
 
4.   
La recourante versera à l'intimée la somme de 2'800 fr. à titre d'indemnité de dépens pour l'instance fédérale. 
 
5.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud et au Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO). 
 
 
Lucerne, le 29 novembre 2018 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Maillard 
 
Le Greffier : Beauverd