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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
5A_571/2019  
 
 
Arrêt du 23 décembre 2019  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Herrmann, Président, Escher et Marazzi. 
Greffier : M. Braconi. 
 
Participants à la procédure 
1. A.A.________, 
2. B.A.________, 
recourants, 
 
contre  
 
Justice de paix de l'arrondissement de la Sarine, rue des Chanoines 1, 1700 Fribourg. 
 
Objet 
curatelle de représentation et de gestion, autorisation de plaider du curateur, action en responsabilité des organes de tutelle, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de protection de l'enfant et de l'adulte du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg du 18 juin 2019 (106 2019 18). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le 30 janvier 2014, la Justice de paix de l'arrondissement de la Sarine a transformé la curatelle volontaire au sens de l'art. 394a CC instituée en 1999 en faveur de A.A.________, né en 1945, en curatelle de représentation avec gestion du patrimoine selon l'art. 394 CC, en relation avec l'art. 395 CC. Depuis l'institution de la mesure, le mandat a été exercé par divers curateurs successifs du Service des curatelles d'adultes de la ville de Fribourg; le 16 décembre 2015, le fils de A.A.________, B.A.________, a été désigné à cette fonction. 
 
B.   
Le 6 juin 2018, B.A.________ a avisé la Justice de paix qu'il envisageait de déposer au nom de A.A.________ une demande en dommages et intérêts contre l'Etat de Fribourg et qu'il souhaitait connaître la position de cette autorité quant à la nécessité d'obtenir le consentement de la personne concernée pour entamer cette procédure, car la capacité de discernement de son père était sévèrement limitée. 
Par décision du 24 janvier 2019, la Justice de paix a rejeté la demande d'autorisation, faute de chances de succès de l'action. 
 
C.   
Parallèlement, le 15 septembre 2018, A.A.________ - représenté par B.A.________ - et son ex-épouse C.A.________ ont déposé une requête de conciliation dans le cadre de l'action en responsabilité contre l'Etat de Fribourg; ils ont conclu au paiement d'une indemnité de 30'000 fr. en faveur de celui-là et 275'000 fr. en faveur de celle-ci, intérêts compris, pour le préjudice subi à la suite d'actes commis entre 1999 et 2004 par le Service des curatelles de la ville de Fribourg et la Justice de paix. Vu l'échec de la conciliation, une autorisation de procéder a été délivrée le 30 octobre 2018 aux demandeurs. 
 
D.   
Par arrêt du 18 juin 2019, la Cour de protection de l'enfant et de l'adulte du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg a rejeté le recours interjeté par A.A.________ et B.A.________ contre la décision de la Justice de paix du 24 janvier 2019 et confirmé cette décision. 
 
E.   
Agissant "  au nom propre et au nom de A.A.________ ", B.A.________ forme un recours au Tribunal fédéral par écriture du 15 juillet 2019; en substance, il demande de confirmer l'application du nouveau droit dans la présente cause, d'octroyer l'autorisation de plaider à B.A.________ ou de dire que A.A.________ peut procéder lui-même.  
Des observations n'ont pas été requises. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recours a été déposé à temps (art. 100 al. 1 LTF) à l'encontre d'une décision finale (art. 90 LTF) - dès lors qu'elle met un terme à la procédure visant à obtenir l'autorisation de plaider (arrêt 5P.311/1992 du 22 septembre 1992 consid. 2 [  ad art. 87 OJ]) prise sur recours par un tribunal supérieur (art. 75 al. 1 et 2 LTF) en matière de protection de l'adulte (art. 72 al. 2 let. b ch. 6 LTF). Le présent litige est pécuniaire, puisque l'autorisation de plaider se rapporte à une action en paiement de dommages et intérêts au titre de la responsabilité étatique; la valeur litigieuse atteint en l'occurrence 30'000 fr., de sorte que le recours est recevable de ce chef (art. 74 al. 1 let. b LTF).  
 
1.2. Si la qualité pour recourir de la personne concernée ne prête pas à discussion (art. 76 al. 1 LTFcf. arrêt 5P.311/1992 précité consid. 1), celle du  curateur agissant en son propre nom n'est, en revanche, pas donnée. L'autorité précédente est entrée en matière sur le recours de celui-ci " en sa qualité de proche " au sens de l'art. 450 al. 2 ch. 2 CC; or, la qualité pour recourir au Tribunal fédéral s'analyse exclusivement sous l'angle de l'art. 76 al. 1 LTF (arrêt 5A_542/2019 du 30 juillet 2019 consid. 3.1, avec les références). L'acte de recours ne comporte, à ce propos, aucune explication quant à l'intérêt  personnel de l'intéressé à l'autorisation sollicitée (sur cette condition: arrêt 5A_542/2019 précité  ibid.et les arrêts cités). Il s'ensuit que le recours est irrecevable dans cette mesure (ATF 144 IV 1 consid. 1.1 et les citations).  
 
2.  
 
2.1. Après avoir souligné que l'exercice des droits civils de la personne concernée n'est pas limité, l'autorité cantonale a constaté que, selon un certificat médical du 23 juillet 2017, l'intéressé "  présente des troubles cognitifs sévères et est sévèrement limité dans sa capacité de discernement ", et qu'il se trouve de manière permanente inapte à gérer ses affaires. Aucun élément ne laisse à penser que cette situation se serait améliorée depuis lors. Au contraire, depuis l'établissement de cet acte, le curateur a constamment affirmé que la capacité de discernement de son père était sévèrement limitée, voire inexistante: il l'a déclaré dans son rapport annuel du 17 janvier 2018, puis rappelé dans le courriel du 6 juin 2018 annonçant le dépôt de l'action en responsabilité (  cfsupra, let. B); dans la requête de conciliation déposée au nom de son père le 15 septembre 2018 (  cfsupra, let. C), il a fait état de la limitation de la capacité de discernement de celui-ci et de l'impossibilité d'obtenir son consentement pour plaider cette cause; dans son rapport du 2 janvier 2019, il a enfin confirmé que son père se trouvait en état d'incapacité de discernement.  
Sur la base de ces éléments, l'autorité précédente a considéré que la capacité de discernement de l'intéressé n'est pas intacte, ni suffisante, pour lui permettre de se prononcer sur sa volonté d'ouvrir ou non une action en responsabilité contre l'Etat, sans qu'il faille mettre en oeuvre une expertise. L'art. 420 CC permet certes à l'autorité de protection, si les circonstances le justifient, de dispenser le curateur descendant de requérir son consentement pour certains actes. Cette disposition n'est toutefois pas applicable ici: d'une part, la dispense n'est pas présumée, mais doit faire l'objet d'une décision expresse; d'autre part, l'autorité de protection ne doit pas accorder automatiquement cette dispense, mais au contraire examiner la situation d'une manière approfondie. Dans le cas présent, aucune dispense n'a été accordée au curateur et, compte tenu de l'issue du recours (cantonal), elle n'est pas justifiée. 
 
2.2. Le recourant n° 1 conclut à ce que le Tribunal fédéral confirme qu'il peut " entamer lui-même " l'action en responsabilité contre l'Etat. Sur ce point, son curateur prétend que l'autorisation de plaider "  n'était a priori pas nécessaire ", car la personne concernée avait "  donné son accord à l'action et que ses droits civils n'étaient pas restreints ", tout en relevant que cette autorisation était "  surtout motivée par la difficulté d'évaluer la capacité de discernement " de l'intéressé.  
 
2.3. L'acte de recours ne comporte aucune critique motivée à l'endroit des constatations de l'autorité précédente relatives à la santé mentale de la personne concernée - qui ressortissent au fait (art. 105 al. 1 LTF; arrêt 5A_325/2017 du 18 octobre 2017 consid. 6.1.4 et les citations) -, ni de la conclusion juridique qu'elle en a déduite quant à sa capacité de discernement (ATF 134 II 235 consid. 4.3.3) et, partant, à la nécessité d'obtenir le consentement de l'autorité de protection de l'adulte (art. 416 al. 2 CC; VOGEL,  in : Basler Kommentar, ZGB I, 6e éd., 2018, n° 33 ad art. 416/417 CC). Le recours est donc irrecevable à cet égard (art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF; ATF 142 III 364 consid. 2.4, avec les nombreux arrêts cités).  
 
3.  
 
3.1. La juridiction cantonale a constaté que, à l'appui de leur action en responsabilité, les demandeurs ont mis en cause certains agissements ou omissions des divers curateurs du Service des curatelles de la ville de Fribourg, ainsi que de la Justice de paix en sa qualité d'autorité de surveillance; tous les comportements prétendument dommageables se sont produits entre 1999 et 2004, à savoir avant l'entrée en vigueur du nouveau droit de la protection de l'adulte (le 1er janvier 2013), de sorte que la situation doit être examinée à l'aune des art. 426 ss a CC. Or, si l'art. 454 al. 3n CC instaure une responsabilité exclusive du canton, la législation précédente consacrait une responsabilité des tuteurs et des membres des autorités de tutelle (art. 426a CC), à savoir de "  chaque membre de l'autorité pris individuellement ", l'art. 429a CC prévoyant, en l'absence de fraude (intention), un système en cascade. Conformément à l'art. 427 al. 1a CC, le canton assume une responsabilité uniquement  subsidiaire, qui n'est pas objective, mais pour la faute d'autrui; certes, le législateur cantonal peut prévoir une responsabilité primaire, mais tel n'est pas le cas dans le canton de Fribourg.  
En l'espèce, les demandeurs ont introduit le 15 février 2019 une action en dommages et intérêts contre l'Etat de Fribourg, invoquant certains agissements ou omissions des curateurs du Service des curatelles de la ville de Fribourg et de la Justice de paix; comme l'Etat de Fribourg n'assume qu'une responsabilité subsidiaire, en ce sens qu'il répond du dommage qui n'est pas réparé par le (s) tuteur (s) ou les membres des autorités de tutelle, il ne peut dès lors être recherché directement. Les demandeurs devaient, par conséquent, rechercher le (s) curateur (s) qui étai (en) t chargé (s) de veiller aux intérêts de la personne concernée, respectivement les membres de l'autorité tutélaire. Il s'ensuit que l'Etat de Fribourg ne dispose pas de la "  légitimation passive ", en sorte que l'action devrait être rejetée pour ce motif. Vu l'issue vraisemblable de la cause, celle-ci ne s'inscrit pas dans la sauvegarde des intérêts de la personne concernée, ce qui exclut l'autorisation de plaider.  
 
3.2. Selon le Tribunal fédéral, lorsque le comportement prétendument dommageable s'est produit avant l'entrée en vigueur du nouveau droit de la protection de l'adulte (art. 360 ss CC), la responsabilité doit être examinée au regard de l'ancien droit, ici les art. 426 ss a CC (arrêts 5A_687/2014 du 16 décembre 2014 consid. 3.1; 5A_388/2018 du 3 avril 2019 consid. 5.1 et les citations).  
Le recourant n° 1 soutient qu'un tel principe ne serait pas applicable lorsque, comme dans le cas présent (  cfsupra, let. A), la mesure a été "  reconduite au 1 er  janvier 2013". Cette opinion ne saurait être suivie. Il est vrai que, selon la doctrine, le nouveau droit s'applique "  lorsqu'une mesure de l'ancien droit continue à déployer ses effets durant trois ans [  cf. art. 14 al. 3 Tit. fin. CCaprès l'entrée en vigueur du nouveau droit " (GEISER,  in : CommFam-Protection de l'adulte, 2013, n° 18 ad art. 14 et 14a Tit. fin. CC; dans ce sens: MEIER, Droit de la protection de l'adulte, 2016, n° 340; PIOTET,  in : Commentaire romand, CC II, 2016, n° 23 ad art. 14 Tit. fin. CC; REUSSER,  in : Basler Kommentar, ZGB II, 6e éd., 2019, n° 32 ad art. 14 Tit. fin. CC), autant toutefois que "  l'ensemble du comportement dommageable se produit postérieurement à l'entrée en vigueur du nouveau droit " (GEISER, loc. cit.). Or, il ressort à cet égard des faits constatés par l'autorité cantonale (art. 105 al. 1 LTF) - qui ne sont pas remis en cause (art. 97 al. 1 et art. 106 al. 2 LTF; ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les arrêts cités) - que tous les actes incriminés se sont produits " entre 1999 et 2004". La jurisprudence fribourgeoise ne dit pas autre chose, en dépit de l'affirmation de l'intéressé: le nouveau droit n'est applicable - question qu'il n'est pas nécessaire de résoudre dans le cas présent - que si le comportement dommageable a "  débuté sous l'ancien droit et a perduré après l'entrée en vigueur de la révision " (RFJ 2015 p. 167 ss, 168 consid. 1c et les auteurs cités; dans le même sens: MEIER, loc. cit.;  contra : PIOTET, loc. cit.); cette hypothèse n'est pas davantage avérée en l'occurrence.  
L'arrêt de la Cour de droit pénal du 1er mai 2018, rendu sur recours des actuels recourants par voie de  procédure simplifiée (6B_355/2018), ne contredit pas les principes qui précèdent. Certes, cet arrêt retient que les reproches formulés à l'encontre de l'ancien Service des tutelles de la ville de Fribourg engendrent la "  responsabilité exclusive " du canton selon l'art. 454 al. 3 CC, mais cette affirmation doit être comprise en lien avec l'obligation de la partie plaignante d'expliquer les prétentions civiles qu'elle entend faire valoir pour que son recours soit recevable du chef de l'art. 81 al. 1 let. aet let. b ch. 5 LTF (consid. 2). C'est sur la base des allégations des recourants (consid. 2.1) que le Président de la Cour de droit pénal a ainsi refusé d'entrer en matière, dès lors que les prétentions (de droit public) exercées contre l'Etat ne donnent pas lieu à des "  prétentions civiles " au sens de la disposition précitée, mais sans se prononcer lui-même sur la question du droit applicable à l'action en responsabilité. Quoi qu'en dise le recourant n° 1, l'arrêt en discussion ne lui est donc d'aucun secours.  
 
3.3. Comme l'a retenu l'autorité précédente, l'absence de qualité pour défendre (légitimation passive) conduit au rejet de l'action, et non à son irrecevabilité (ATF 138 III 537 consid. 2.2.1 et les références;  cf. pour la consorité nécessaire: ATF 130 III 550 consid. 1.2). Cela étant, force est d'admettre, avec les juges cantonaux, que l'autorisation de plaider une cause dépourvue de chances sérieuses de succès ne répond pas à l'intérêt de la personne concernée. Il s'ensuit que la décision attaquée apparaît conforme au droit fédéral.  
 
4.   
En conclusion, le recours en matière civile du recourant n° 1 est rejeté dans la mesure où il est recevable et celui du recourant n° 2 déclaré irrecevable. Les frais sont à la charge des recourants, solidairement entre eux (art. 66 al. 1 et 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
 
1.1. Le recours du recourant n° 1 est rejeté dans la mesure où il est recevable.  
 
1.2. Le recours du recourant n° 2 est irrecevable.  
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis solidairement à la charge des recourants. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux recourants, à la Justice de paix de l'arrondissement de la Sarine et à la Cour de protection de l'enfant et de l'adulte du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg. 
 
 
Lausanne, le 23 décembre 2019 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
Le Greffier : Braconi