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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_152/2023  
 
 
Arrêt du 14 novembre 2023  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Viscione et Métral. 
Greffière : Mme Elmiger-Necipoglu. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par ASSUAS, Association Suisse des Assurés, 
recourante, 
 
contre  
 
Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève, rue des Gares 12, 1201 Genève, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 31 janvier 2023 (A/449/2022 ATAS/47/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, née en 1981, exerçait l'activité de garde d'enfants à domicile et d'aide soignante de personnes âgées et handicapées. Elle a déposé une demande de prestations auprès de l'Office d'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'office AI) sur la base d'une incapacité totale de travail depuis le 1er novembre 2019.  
 
A.b. Sur avis du médecin SMR préconisant la réalisation d'une expertise bidisciplinaire neurologique et psychiatrique avec bilan neuropsychologique, l'office AI a mandaté le 30 juin 2021 le Bureau d'expertises médicales (BEM), et plus particulièrement les doctoresses B.________, spécialiste FMH en neurologie, et C.________, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. L'expertise a été réalisée le 25 août 2021. Sur demande des expertes, D.________, psychologue FSP à Lausanne, a effectué le 4 octobre 2021 un bilan psychologique. Puis le 12 octobre 2021, E.________, psychologue, spécialiste en neuropsychologie FSP à Genève, a évalué l'assurée dans son cabinet et a établi un rapport neuropsychologique à l'attention du BEM. Tous deux rapports ont été intégrés dans le rapport d'expertise en tant que documents annexes. Le 4 novembre 2021, les expertes ont transmis leur rapport à l'office AI, concluant à une pleine capacité de travail de l'expertisée dans l'activité professionnelle habituelle et dans une activité adaptée. Le 8 novembre 2021, le SMR a proposé à l'office AI de suivre les conclusions des expertes B.________ et C.________, selon lui claires, motivées et cohérentes. Par projet de décision du 11 novembre 2021, puis par décision du 7 janvier 2022, l'office AI a rejeté la demande AI.  
 
B.  
A.________ a recouru contre cette décision devant la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et a déposé des rapports de sa psychiatre traitante. Dans sa réponse du 11 mai 2022, se fondant notamment sur l'avis du SMR du 8 avril 2022, l'office AI a reconsidéré sa décision en ce sens que l'intéressée ne pouvait plus exercer son activité habituelle de garde d'enfants et d'auxiliaire de santé, mais avait une capacité de travail de 60 % dès août 2020 puis de 100 % à partir d'août 2021 dans une activité adaptée, ouvrant ainsi le droit à un quart de rente limité dans le temps de février à novembre 2021. 
Par arrêt du 31 janvier 2023, la cour cantonale a partiellement admis le recours et a réformé la décision en ce sens que l'assurée avait droit à un quart de rente d'invalidité du 1er février au 30 novembre 2021. Elle a confirmé la décision pour le surplus. 
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant principalement à sa réforme en ce sens que qu'elle a droit aux prestations de l'assurance-invalidité, notamment à une rente d'invalidité à 100 % dès le 1er février 2021. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt suivie du renvoi de la cause à l'office AI pour instruction complémentaire. 
L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.  
 
1.2. Saisi d'un recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF), le Tribunal fédéral exerce un pouvoir d'examen limité. Il applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF) et statue sur la base des faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il peut néanmoins rectifier ou compléter d'office l'état de fait du jugement entrepris si des lacunes ou des erreurs manifestes lui apparaissent aussitôt (art. 105 al. 2 LTF). Il examine en principe seulement les griefs motivés (art. 42 al. 2 LTF) et ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Le recourant ne peut critiquer la constatation des faits importants pour le sort de l'affaire que si ceux-ci ont été établis en violation du droit ou de façon manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF).  
 
2.  
Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d'invalidité dès le 1er février 2021, plus précisément sur le point de savoir si celle-ci peut prétendre à une rente supérieure à un quart de rente, sans limitation dans le temps. 
 
3.  
 
3.1. Dans le cadre du "développement continu de l'AI", la LAI, le RAI et la LPGA - notamment - ont été modifiés avec effet au 1er janvier 2022 (RO 2021 705; FF 2017 2535). Compte tenu cependant du principe de droit intertemporel prescrivant l'application des dispositions légales qui étaient en vigueur lorsque les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 148 V 174 consid. 4.1; 144 V 210 consid. 4.3.1), le droit matériel applicable reste, en l'occurrence, celui qui était en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021, dès lors que le droit à la rente a pris naissance avant cette date.  
S'agissant des règles de procédure relatives à l'administration d'une expertise, les nouvelles exigences posées par l'art. 44 LPGA depuis le 1er janvier 2022 sont en principe applicables aux procédures en cours dès l'entrée en vigueur de cette disposition (ATF 148 V 21 consid. 5.3; 129 V 115 consid. 2.2). En l'espèce, toutefois, l'expertise administrative mise en cause par la recourante a été ordonnée et administrée avant le 31 décembre 2021, de sorte qu'elle était régie par les règles de procédure en vigueur jusqu'à cette date. 
 
3.2. Selon l'art. 44 LPGA, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021, si l'assureur doit recourir aux services d'un expert indépendant pour élucider les faits, il donne connaissance du nom de celui-ci aux parties. Du point de vue de l'assuré, la communication du nom de l'expert doit lui permettre de reconnaître s'il s'agit d'une personne à l'encontre de laquelle il pourrait disposer d'un motif de récusation (ATF 146 V 9 consid. 4.2.1). Ce droit à la communication, en tant que droit de participation de l'assuré à la procédure d'expertise, constitue un aspect du droit d'être entendu (cf. arrêt 8C_741/2009 du 11 mai 2010 consid. 3.3, Revue de l'avocat 9/2010 p. 376). Comme la connaissance du nom des experts doit permettre à l'intéressé de faire valoir un motif de récusation, le défaut de communication constitue un vice de procédure, dont la personne concernée doit faire état le plus tôt possible, conformément au principe de la bonne foi en procédure (arrêt 8C_805/2018 du 21 février 2019 consid. 7.3.5). L'invocation d'un vice de forme trouve en effet ses limites dans le principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.), qui oblige celui qui s'estime victime d'une violation de son droit d'être entendu ou d'un autre vice de procédure de le signaler immédiatement, à la première occasion possible (ATF 143 V 66 consid. 4.3; arrêt 9C_557/2021 du 20 octobre 2022 consid. 5.3.2 et les arrêts cités). En particulier, la partie qui a connaissance d'un motif de récusation doit l'invoquer aussitôt, sous peine d'être déchue du droit de s'en prévaloir ultérieurement (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3 et les arrêts cités). Il est en effet contraire aux règles de la bonne foi de garder en réserve le moyen tiré d'une suspicion de prévention pour ne l'invoquer qu'en cas d'issue défavorable (ATF 148 V 225 consid. 3.2; arrêt 8C_358/2022 du 12 avril 2023 consid. 4.2.6).  
 
3.3. Le point de savoir si une expertise réalise les exigences de l'art. 44 LPGA constitue une question de droit que le Tribunal fédéral examine librement (ATF 146 V 9 consid. 4.1).  
 
4.  
 
4.1. Invoquant une violation de l'art. 44 LPGA, la recourante reproche aux premiers juges de ne pas avoir eu la possibilité de formuler des objections quant aux domaines concernés (neuropsychologie et psychologie) et aux choix des psychologues avant les examens effectués aux cabinets de celles-ci ni d'avoir pu faire valoir d'éventuels motifs de récusation contre elles.  
 
4.2. Dans le cadre de l'expertise, la recourante a été convoquée dans les cabinets respectifs de la psychologue D.________ et de la neuropsychologue E.________ les 4 et 12 octobre 2021, où elle a été évaluée. Elle a donc nécessairement eu connaissance de l'identité des (neuro) psychologues, ainsi que de leur domaine de spécialisation avant la réalisation de ces examens et aurait déjà pu, à ce moment-là, récuser les expertes pour des raisons pertinentes et présenter des contre-propositions. Ce n'est finalement que le 17 mars 2022, dans son complément de recours, que la recourante s'est plainte de ne pas avoir pu exercer son droit d'être entendue, tant à propos des domaines concernés (neuropsychologie et psychologie) que sur le choix des expertes. Aussi, en vertu du principe de la bonne foi, si elle estimait avoir des objections quant aux domaines de spécialisation ou des motifs de récusation contre la neuropsychologue E.________ ou la psychologue D.________, elle aurait dû s'en prévaloir immédiatement, sous peine d'en être déchue. Au demeurant, comme l'ont dûment constaté les premiers juges, la recourante n'a toujours pas exposé quels motifs de récusation elle aurait souhaité soulever, ni pour quels motifs des examens psychologiques et neuropsychologiques n'auraient pas dû être ordonnés.  
 
4.3. En ce qui concerne le grief de l'absence de traducteur pour les examens auxiliaires, on rappellera que la question de savoir si, dans un cas concret, un examen médical doit se dérouler dans la langue maternelle de l'assuré ou avec l'assistance d'un interprète, est en principe laissée à la libre appréciation de l'expert, responsable de la bonne exécution du mandat (arrêts 9C_295/2021 du 23 novembre 2021 consid. 4.1.1; 9C_509/2010 du 4 février 2011 consid. 4.1.1). En l'occurrence, l'examen neuropsychologique a été effectué en italien, soit dans la langue maternelle de la recourante. Quant à l'examen psychologique, il est établi et non contesté que lors de l'examen, la recourante était assistée de sa soeur qui était chargée d'assumer la traduction. Sur ce point, l'experte a précisé dans son rapport que la recourante s'exprimait dans un français approximatif et qu'il a été possible de se comprendre sans traducteur externe. Même s'il n'est dans ce contexte pas idéal que la soeur de la recourante ait été chargée de cette tâche, cela ne suffit pas pour nier d'emblée la valeur probante du rapport établi par la psychologue. On relèvera au demeurant que la recourante ne soutient pas que, dans le cadre de l'expertise, ses propos auraient été mal retranscrits ou de manière lacunaire, ni qu'elle n'aurait pas compris certaines questions.  
 
5.  
 
5.1. On rappellera que selon le principe de la libre appréciation des preuves, le juge apprécie les preuves médicales qu'il a recueillies sans être lié par des règles formelles. En ce qui concerne la valeur probante d'un rapport médical, il est déterminant que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l'expert soient dûment motivées. Au demeurant, l'élément déterminant pour la valeur probante n'est ni l'origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 125 V 351 consid. 3a et les références). S'agissant d'une expertise mise en oeuvre dans le cadre d'une procédure administrative au sens de l'art. 44 LPGA, la jurisprudence a précisé que le tribunal peut lui accorder une pleine valeur probante aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de son bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4; 125 V 351 consid. 3b/bb).  
 
5.2.  
 
5.2.1. Dans leur rapport d'expertise, les doctoresses B.________ et C.________ ont diagnostiqué, sur le plan somatique, des céphalées tensionnelles chroniques et, sur le plan psychique, une anxiété généralisée (CIM-10 F41.1) ainsi qu'un trouble mixte de la personnalité évitante et schizoïde (CIM-10 F61.0). Elles ont indiqué que la capacité de travail de l'expertisée - tant sur le plan somatique que psychique - était entière depuis toujours dans l'activité professionnelle habituelle et dans une activité adaptée, en précisant que les seules limitations fonctionnelles mises en évidence étaient le fait qu'elle ne pouvait pas effectuer les travaux de nuit à des horaires irréguliers.  
 
5.2.2. Le SMR a d'abord proposé à l'office AI de suivre les conclusions claires, motivées et cohérentes des expertes B.________ et C.________. En procédure de recours toutefois, après notamment avoir pris connaissance des derniers rapports de la psychiatre traitante de la recourante, faisant état d'une évolution positive depuis août/septembre 2022 avec une capacité de travail de 80 % à 100 % dans une activité adaptée, le SMR a modifié son appréciation. Dans son avis du 8 avril 2022, il a retenu que la capacité de travail de la recourante était nulle dans l'activité habituelle dès le 1er novembre 2019. Dans une activité adaptée, elle était de 60 % dès août 2020, puis entière dès août 2021, en respectant les limitations fonctionnelles suivantes: les activités habituelles de garde d'enfants et d'auxiliaire de santé, qui impliquent une responsabilité, la capacité de prendre des décision et peuvent impliquer un certain niveau de stress ne sont plus exigibles, l'assurée ne pouvant exercer qu'une activité en tant qu'exécutante.  
 
5.3. A juste titre, les premiers juges ne se sont pas limités à constater que les réquisits jurisprudentiels pour accorder pleine valeur probante à l'expertise des doctoresses B.________ et C.________ étaient remplis. En effet, le fait d'accorder pleine valeur probante à un rapport médical ne délie pas le juge de son obligation d'apprécier librement les preuves (art. 61 let. c LPGA), notamment en confrontant les conclusions des divers rapports médicaux versés au dossier (cf. arrêt 8C_711/2020 consid. 4.3 du 2 juillet 2021; publié in SVR 2022 UV n° 18 p. 75). C'est bien ce à quoi la cour cantonale a procédé. Après avoir passé en revue les rapports des différents médecins traitants de la recourante et comparé les conclusions des expertes avec celles du SMR du 8 avril 2022, les premiers juges ont retenu que ces dernières ne remettaient pas en cause la pleine valeur de l'expertise, mais qu'elles s'en écartaient sur deux seuls points: premièrement, l'évolution de l'état de santé et la capacité de travail de la recourante avant les examens cliniques du 25 août 2021 (effectués par lesdites expertes), soit sur des circonstances dont celles-ci ne pouvaient pas avoir une connaissance directe, et, deuxièmement, la prise en compte des limitations fonctionnelles, celles retenues par le SMR tenant notamment compte des difficultés et limites de la recourante au plan cognitif. Se fondant sur les conclusions du SMR ainsi que du psychiatre traitant, les premiers juges ont retenu l'existence d'une amélioration sensible de l'état de santé et de la capacité de travail de la recourante à partir d'août 2021.  
En affirmant qu'elle peinait à comprendre comment les juges cantonaux pouvaient accorder pleine valeur probante au rapport d'expertise des doctoresse C.________ et B.________, alors que les conclusions du SMR s'en écartaient sur des points essentiels, la recourante passe sous silence l'appréciation des preuves minutieuse à laquelle ont procédé les juges cantonaux et ne parvient pas à démontrer que celle-ci serait contraire au droit fédéral. On précisera dans ce contexte que les premiers juges ont dûment exposé pour quels motifs ils ne tenaient pas pour probantes les dernières attestations de la psychiatre traitante (jugement entrepris consid. 10.4.5), sans que la recourante soulève de grief précis sur ce point. 
 
6.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 14 novembre 2023 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
La Greffière : Elmiger-Necipoglu