Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_498/2022  
 
 
Arrêt du 21 septembre 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix, Müller, Merz et Kölz. 
Greffier : M. Alvarez. 
 
Participants à la procédure 
Association A.________ 
et consorts, 
tous représentés par Mes Isabelle Romy et Alexandre Kirschmann, 
recourants, 
 
contre  
 
Direction générale de l'environnement du canton de Vaud, Unité droit et études d'impact, avenue de Valmont 30b, 1014 Lausanne, 
Direction générale des immeubles et du patrimoine du canton de Vaud, 
place de la Riponne 10, 1014 Lausanne, 
toutes les deux représentées par Me Laurent Pfeiffer, avocat, 
 
Municipalité de Cudrefin, Grand'Rue 2, case postale 1011, 1588 Cudrefin. 
 
Objet 
Avis de résiliation de baux de chalets de vacances, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 29 juillet 2022 (AC.2021.0178). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A partir des années 1870, une première correction des eaux du Jura a été effectuée. Dès l'année 1877, ces travaux ont entraîné l'abaissement du niveau moyen du lac de Neuchâtel de plus de 2,5 mètres. Le retrait des eaux a exondé une bande de terrain marécageux entre les falaises et la nouvelle ligne de la rive sud déplacée (cf. Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels [IFP], objet n o 1208, Rive sud du lac de Neuchâtel, ch. 2.2). Concomitamment, la rive sud du lac a été déplacée en direction du nord. L'Etat de Vaud a cédé une partie des terrains exondés à des privés ou des communes, conservant toutefois la majorité de ces surfaces qu'il destinait à l'exploitation forestière, roselière ou à la plantation d'osiers. Par la suite, les rives, s'étendant sur une longueur de 40 km entre Yverdon-les-Bains, au sud, et le canal de la Thielle, au nord, ont permis l'apparition de la "Grande Cariçaie", plus grand complexe de marais lacustre de Suisse (cf. Fiche IFP, ch. 2.1).  
La première correction n'ayant pas résolu tous les problèmes hydrauliques (crues et inondations), divers travaux ont été réalisés au cours du XX ème siècle afin de stabiliser le niveau des eaux. Ils ont en particulier consisté en la deuxième correction des eaux du Jura de 1963 à 1972.  
 
B.  
A partir des années 1920 et jusque dans les années soixante, des chalets de vacances (maisonnettes de week-end) ont été édifiées par des privés sur les terres exondées de la rive sud du lac situées sur les territoires cantonaux vaudois et fribourgeois. Dans le canton de Vaud, ces constructions ont été édifiées sur la base d'autorisations qui ont pris la forme de "concession[s] [...] à bien plaire pour usage du domaine public", signées par les concessionnaires, d'une part, et le "représentant de l'Etat", savoir l'inspecteur forestier, d'autre part, avant approbation par le chef du département compétent. Dans ce contexte, plusieurs dizaines de chalets ont été construits au lieu-dit "En Trouville", sur les territoires des Communes de Champmartin et Cudrefin. 
 
C.  
Dès l'année 1975, l'Etat de Vaud a conclu des "Contrats de superficie" avec chacun des propriétaires des chalets du lieu-dit "En Trouville"; les propriétaires étaient mis au bénéfice d'une servitude personnelle de superficie conférant le droit de construire ou maintenir une maisonnette de week-end pour une durée de trente ans contre paiement d'une "redevance annuelle". Le contrat prévoyait que les parties renonçaient au droit de préemption légal sur la construction ou sur le sol prévu par l'art. 682 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC; RS 210); à l'échéance du droit de superficie, le superficiaire devrait, à ses frais, rendre le sol libre de toute construction ou installation, nettoyer et égaliser le terrain, le tout dans un délai de trois mois maximum dès l'échéance et qu'il n'aurait droit à aucune sorte d'indemnité de ce chef. Ces servitudes ont été immatriculées au Registre foncier en tant que droits distincts et permanents (DDP). 
 
D.  
Par décision du 4 octobre 2001, le Département cantonal de la sécurité et de l'environnement a classé les réserves naturelles de la rive sud du lac de Neuchâtel (communes d'Yverdon-les-Bains, Cheseaux-Noréaz, Yvonand, Vully-les-Lacs et Cudrefin), soit notamment la Réserve des Grèves de la Motte, dans le but notamment de protéger le paysage, les écosystèmes et les biotopes. Cette décision abrogeait les plans d'extension cantonaux n os 206 et 207A (PEC) adoptés en 1965; ceux-ci prévoyaient notamment pour le périmètre des chalets "En Trouville" des zones de pavillons, soit des zones à bâtir adoptées avant l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700).  
 
E.  
Le 1 er janvier 2002, les communes de Champmartin et Cudrefin ont fusionné. Les chalets du secteur "En Trouville" sont depuis lors compris dans le périmètre des parcelles n os 1014 (40 ha) et 2664 (86 ha) de la Commune fusionnée de Cudrefin, propriétés de l'Etat de Vaud. La première est en nature de forêt (277'779 m 2) et de roselière (123'163 m 2); la seconde, en nature de forêt (104'202 m 2), de divers (705'342m²) et inculte (50'493m²).  
La Réserve des Grèves de la Motte, dont le secteur fait partie, est l'une des huit réserves de la "Grande Cariçaie". Les parcelles sont par ailleurs incluses dans différents inventaires fédéraux (notamment IFP; Inventaire fédéral des zones alluviales d'importance nationale; Inventaire fédéral des bas-marais d'importance nationale; Inventaire fédéral des sites marécageux d'une beauté particulière et d'importance nationale; Inventaire fédéral des sites de reproduction de batraciens d'importance nationale). 
 
F.  
A l'issue de la période de trente ans, soit entre les années 2000 et 2010, les droits de superficie conclus avec chacun des propriétaires des chalets ont expiré sans être renouvelés par l'Etat de Vaud. 
Le 30 avril 2021, la Direction générale de l'environnement (ci-après: DGE) et la Direction générale des immeubles et du patrimoine (ci-après: DGIP) ont adressé un "Avis de résiliation" à chacun des propriétaires de chalets situés "En Trouville". Ces courriers rappelaient que les propriétaires avaient été mis au bénéfice d'une servitude personnelle leur conférant le droit d'ériger provisoirement une maisonnette de vacances sur l'une des deux parcelles, propriétés de l'Etat de Vaud, pour une durée de trente ans, soit jusqu'au 1 er janvier 2005. Depuis cette échéance, les propriétaires avaient bénéficié d'un "bail tacite d'un terrain nu" qui ne pouvait plus être poursuivi dans la mesure où il était contraire à l'affectation de la zone. La DGE et la DGIP informaient les intéressés qu'elles y mettaient partant fin et fixaient un délai échéant le 1 er octobre 2021 à midi pour restituer les terrains libres de constructions, conformément aux contrats de superficie conclus. Ces courriers ne comportaient pas de voies de droit.  
Le 31 mai 2021, les propriétaires des chalets ont adressé une requête de conciliation au Tribunal des baux du canton de Vaud, afin de faire constater la nullité, respectivement l'inefficacité des résiliations. La procédure est toujours pendante. 
Le même jour, les propriétaires de chalets et l'Association A.________ ont également recouru contre ces "avis de résiliation" à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après également: CDAP). Par arrêt du 29 juillet 2022, la CDAP a déclaré le recours irrecevable. Les parcelles sur lesquelles s'implantaient les chalets appartenaient au patrimoine financier de l'Etat de Vaud; elles avaient été mises à disposition des recourants sous la forme de droits de superficie, si bien que le litige relevait du droit privé et était du ressort des juridictions civiles. 
 
G.  
Agissant le 13 septembre 2022 par la voie du recours en matière de droit public, les propriétaires de chalets et l'Association A.________ demandent principalement au Tribunal fédéral de réformer cet arrêt cantonal en ce sens que le recours du 31 mai 2021 est recevable, les rapports juridiques entre les recourants et les autorités cantonales relevant du droit administratif; le dossier est renvoyé à la juridiction d'instance inférieure pour qu'elle procède à l'instruction de la cause sur le fond et rende une nouvelle décision. Subsidiairement, ils concluent à l'annulation et au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Ils requièrent également l'octroi de l'effet suspensif et qu'interdiction soit faite à la DGE et à la DGIP ou à tout autre service de l'Etat de prendre toute mesure d'exécution fondée sur les "avis de résiliation" du 30 avril 2021. Par ordonnance du 13 octobre 2022, le Président de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral a déclaré irrecevable la requête d'effet suspensif et a rejeté la requête de mesures provisionnelles. 
Le Tribunal cantonal renonce à se déterminer et se réfère aux considérants de son arrêt. L'Etat de Vaud conclut au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. Au terme d'un échange ultérieur d'écritures, les parties confirment leurs conclusions respectives. Par courrier du 29 mars 2023, sans formuler ni réquisition ni conclusion, les recourants informent le Tribunal d'une convention-programme signée entre les cantons de Vaud, Fribourg et l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) ainsi que de la proposition du canton de Vaud de participer au financement des travaux de démantèlement en cas d'acceptation des résiliations dans un délai échéant au 31 mai 2023. L'Etat de Vaud s'est déterminé sur ce point le 11 mai 2023. Les recourants se sont encore exprimés à ce sujet le 23 mai 2023. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La voie de droit ouverte devant le Tribunal fédéral, recours en matière civile (art. 72 ss LTF) ou recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF), dépend de la nature civile ou publique de la créance litigieuse et non de la procédure suivie ou du type d'autorité qui s'est prononcée précédemment (ATF 137 II 399 consid. 1.8). Toutefois, lorsque la nature de la procédure était déjà litigieuse devant l'instance précédente, qui a décliné sa compétence à raison de la matière, la voie de droit ouverte devant le Tribunal fédéral se détermine en fonction de la procédure suivie sur le plan cantonal (arrêt 2C_849/2021 du 17 janvier 2023, destiné à publication). 
En l'occurrence, les recourants propriétaires de chalets se plaignent de la qualification de droit civil retenue par la CDAP - saisie d'un recours de droit administratif au sens des art. 92 ss de la loi vaudoise sur la procédure administrative du 28 octobre 2008 (LPA-VD; RS/VD 173.36) - et concluent à la recevabilité de leur recours devant la juridiction administrative cantonale (cf. ATF 128 III 250 consid. 1a). Il s'ensuit que la voie du recours en matière de droit public au Tribunal fédéral est ouverte (art. 82 ss LTF). Les recourants ont pris part à la procédure devant l'autorité précédente. En tant que destinataires de l'arrêt attaqué, qui les renvoie à agir sur le plan civil contre les avis de résiliation qui leur ont été notifiés en leur qualité de propriétaires de chalets situés "En Trouville", ils bénéficient indéniablement de la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF); la qualité pour agir de l'Association A.________ peut partant demeurer indécise. Les autres conditions de recevabilité étant au surplus réunies, il convient d'entrer en matière. 
 
2.  
Dans une première série de critiques, invoquant une violation de leur droit d'être entendus, les recourants reprochent à l'instance précédente de n'avoir pas donné suite à leurs réquisitions de preuves. Ils lui font également grief de s'être fondée sur des faits et preuves nouveaux sans leur donner la possibilité de se déterminer à leur sujet. 
 
2.1. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les arrêts cités). L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités). Le refus d'une mesure probatoire par appréciation anticipée des preuves ne peut être remis en cause devant le Tribunal fédéral qu'en invoquant l'arbitraire (art. 9 Cst.) de manière claire et détaillée (art. 106 al. 2 LTF; cf. arrêts 2D_7/2020 du 7 février 2022 consid. 5.1; 2C_974/2018 du 4 décembre 2018 consid. 3.1 et les références citées).  
 
2.2. Les recourants critiquent l'instance précédente pour s'être satisfaite de la production, par les autorités intimées, de dossiers, selon eux, incomplets malgré leurs réquisitions répétées. Ils se plaignent que les dossiers produits ne contiennent que des documents postérieurs à la conclusion des DDP dans les années 1970, à l'exclusion d'éléments antérieurs, en particulier des anciens plans d'affectation et des concessions d'usage délivrées à l'époque de la construction des chalets. Le Tribunal cantonal a pour sa part considéré que ces éléments n'étaient pas nécessaires, le dossier apparaissant suffisamment complet pour lui permettre de statuer. Les recourants critiquent cette appréciation anticipée des preuves. Cependant, en dépit des exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF, ils n'expliquent pas en quoi cette appréciation serait empreinte d'arbitraire ni n'expliquent en quoi les éléments supplémentaires requis seraient de nature à influer sur le sort de la cause: prétendre qu'il s'agit "à l'évidence des éléments essentiels pour déterminer la nature juridique des terres exondées et leur usage" est à cet égard insuffisant, si bien que cette première critique doit être écartée.  
 
2.3. Les recourants affirment encore que la cour cantonale aurait "choisi de développer sa propre analyse historique de la façon dont l'Etat aurait qualifié et traité les terres exondées dès leur exondation". Ils font grief au Tribunal cantonal de s'être fondé sur des documents d'archives disponibles sur internet ou encore sur un rapport de 2015 intitulé "Présence des chalets dans la Grande Cariçaie", signé par Claude Vaucher, Dr ès sciences, produit dans le cadre de la procédure civile. Selon eux et dans cette mesure, l'appréciation du tribunal reposerait sur des faits et preuves entièrement nouveaux sur lesquels ils déplorent de n'avoir été invités à se déterminer.  
L'essentiel des éléments d'archives sur lesquels s'est fondé le Tribunal cantonal sont issus du Bulletin du Grand Conseil vaudois (ci-après: BGC). Depuis le 1er septembre 2018, quelque 500 tomes numérisés du BGC sont accessibles sur le portail Scriptorium de la Bibliothèque cantonale universitaire (directement accessible depuis le site officiel de l'Etat de Vaud; www.vd.ch), avec qui le Secrétariat général du Grand Conseil a conclu un partenariat (cf. https://www.vd.ch/toutes-les-autorites/grand-conseil/scriptorium, consulté le 19 avril 2023). Le site internet sur lequel ces publications sont librement disponibles présente ainsi une empreinte officielle au sens de la jurisprudence (cf. ATF 149 I 91 consid. 3.4; 143 IV 380 consid. 1.1.1 et les nombreuses références; arrêts 1C_91/2018 du 29 janvier 2019; 2C_700/2022 du 25 novembre 2022 consid. 7.6.1). Il s'agit d'une source de documents officiels, qui retranscrivent les travaux du pouvoir législatif cantonal (cf. art. 148 à 153 de la loi cantonale du 8 mai 2007 sur le Grand Conseil [LGC; RS/VD 171.01]), comparable à la Feuille fédérale (FF) et aux Bulletins officiels du Conseil des Etats et du Conseil National (BO), qu'un juriste actif dans le canton de Vaud doit connaître et le cas échéant consulter. Il s'ensuit que le Tribunal cantonal pouvait se référer au BGC, accessible par l'intermédiaire du site internet officiel de l'Etat Vaud, sans avoir à interpeller préalablement les parties. Il est vrai en revanche que l'article de presse du Courrier du Léman du 19 décembre 1883, également cité par le Tribunal cantonal, ne bénéficie pas de cette aura officielle (cf. arrêt 2C_700/2022 du 25 novembre 2022 consid. 7.6.2); il n'a cependant été mentionné qu'à titre superfétatoire (cf. arrêt attaqué consid. 3, p. 18), de sorte qu'une violation éventuelle du droit d'être entendu demeurerait sans conséquence (cf. ATF 143 IV consid. 1.4.1). Il en va de même du rapport Vaucher, déposé dans le cadre de la procédure civile opposant les mêmes parties sur le même sujet - dont on peut se demander s'il ne s'agit pas d'une gerichtsnotorische Tatsache recevable (cf. arrêt 4A_37/2014 du 27 juin 2014 consid. 2.4.1 et les références) -, qui n'a lui aussi été cité par l'instance précédente qu'à titre surérogatoire (cf. arrêt attaqué, consid. 3, p. 19); et qui, à ce titre, n'influence pas l'issue du litige (cf. consid. 5 ci-dessous).  
 
2.4. En conséquence, les griefs de violation du droit d'être entendu doivent être rejetés dans la mesure où ils sont recevables.  
 
3.  
Les recourants se plaignent d'une constatation inexacte des faits en lien avec la nature des terres exondées. 
 
3.1. Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). La partie recourante ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 145 V 188 consid. 2). En matière d'établissement des faits et d'appréciation des preuves, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des conclusions insoutenables (ATF 148 I 127 consid. 4.3; 144 II 281 consid. 3.6.2).  
 
3.2. Les recourants reprochent au Tribunal cantonal d'avoir nié que les terres supportant les chalets constituaient des grèves; ils lui font plus précisément grief d'avoir nié qu'il s'agissait de grèves appartenant au domaine public, mélangeant ce faisant des aspects de fait et de droit. Quoi qu'il en soit, aux termes de son arrêt, il n'apparaît pas que le Tribunal cantonal ait établi si le secteur des chalets devait ou non être considéré comme une grève, dans l'acception factuelle du terme. Il a en revanche pris soin de décrire les caractéristiques du secteur, qui l'ont conduit à l'exclure du domaine public et à le rattacher au patrimoine financier de l'Etat, caractéristiques que les recourants remettent ici en cause. Ils contestent en particulier le caractère cultivable des terres exondées. Ils se contentent cependant de répéter leur argumentaire développé en lien avec les éléments tirés du BGC, qui doit être écarté pour les motifs déjà exposés (cf. consid. 2.3); au surplus, ils n'exposent pas que la cour cantonale aurait tiré de ces documents des constatations insoutenables. Aussi n'y a-t-il pas lieu de revenir sur le fait que ces terres sont devenues cultivables après la correction des eaux du Jura, durant la deuxième moitié du XIX ème siècle, que ce soit sous la forme de forêts, de roselières ou de champs d'osiers. Il n'est pas non plus "contraire à toute logique", comme l'affirment péremptoirement les recourants, d'avoir reconnu ce caractère cultivable malgré les fluctuations du niveau du lac: la cour cantonale a expliqué que l'exploitation des terres avaient été rendues plus difficile - et non impossible - par ces épisodes d'inondation et de crues; malgré leur récurrence, ces événements demeuraient toutefois exceptionnels, ne constituant pas le flux et le reflux ordinaires; la cour cantonale a enfin souligné que la deuxième correction des eaux avait remédié à cette problématique. Par ailleurs, puisque les épisodes d'inondation ont été dûment établis et pris en compte par l'instance précédente, on ne discerne pas que cette dernière aurait violé le droit d'être entendus des recourants en ignorant prétendument que certains chalets étaient bâtis sur pilotis - ce qui démontrerait les fluctuations du niveau du lac.  
 
3.3. Le grief est rejeté.  
 
4.  
Sur le fond, se plaignant d'arbitraire, les recourants soutiennent que ce serait en violation de l'art. 3 al. 1 LPA-VD (qui définit en substance la décision administrative), de l'ancien droit cantonal applicable lors de l'exondation des terres et de l'art. 64 du Code cantonal de droit privé judiciaire vaudois du 12 janvier 2010 (CDPJ; RS/VD 211.02) que la CDAP aurait jugé que le secteur des chalets appartenait au patrimoine financier de l'Etat et décliné sa compétence pour ce motif. Ils font également valoir une violation de la LAT et de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage du 1 er juillet 1966 (LPN; RS 451).  
 
4.1. Pour qualifier la bande de terre concernée, l'instance précédente a analysé le droit cantonal en vigueur lors de l'exondation des terres, durant la deuxième moitié du XIXème siècle. Elle a conclu que le terrain était propriété du canton et que ce dernier l'avait exploité économiquement et en avait tiré des revenus, raison pour laquelle il devait être rattaché au patrimoine financier de l'Etat. Le droit privé était donc applicable et les juridictions civiles compétentes pour juger du litige. L'octroi temporaire de "concessions à bien plaire pour usage du domaine public" n'y changeait rien. Par la signature ultérieure de droits de superficie, les bénéficiaires avaient au demeurant consenti à mettre fin à ces "concessions".  
Les recourants estiment qu'en résiliant les contrats existants, le canton aurait agi souverainement et dans l'accomplissement d'une tâche publique, savoir la protection de la Grande Cariçaie, prescrite par le droit fédéral en vertu de la LPN. Les résiliations devraient ainsi, selon eux, être qualifiées de décisions, susceptibles d'être attaquées par la voie du recours de droit administratif devant la CDAP. 
 
4.2. La question de savoir si les parcelles litigieuses font partie du patrimoine financier ou du patrimoine administratif voire du domaine public peut demeurer indécise. Il n'est pas non plus nécessaire d'examiner si la décision de classement des réserves naturelles prise le 4 octobre 2001 par le département cantonal compétent (cf. notamment art. 4, 20 et 29 de l'ancienne loi cantonale du 10 décembre 1969 sur la protection de la nature et des sites [aLPMNS; RS/VD 450.11]) constituerait à elle seule un acte d'affectation des terres litigieuses au domaine public (sur cette question, cf. PIERRE MOOR ET AL., Droit administratif, vol. III, 2e éd. 2018, n. 8.3.2.2), d'autant moins que la LPN ne fait pas de distinction entre les différentes catégories de biens: tant les surfaces faisant partie du patrimoine administratif, plus généralement du domaine public, que celles appartenant au patrimoine financier de l'Etat ou à des particuliers peuvent être soumises à des mesures protectrices au sens de la LPN (cf. p. ex. ATF 133 II 220; voir également DANIELA THURNHERR, note relative à l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Berne du 8 décembre 2017, in DEP/URP 2018, p. 235 et consid. 3.5 de cet arrêt publié in DEP/URP 2018 p. 224).  
En effet, quand bien même l'affectation au patrimoine financier devrait être niée, comme le soutiennent les recourants, cela ne commanderait en l'espèce pas de revenir sur la conclusion du Tribunal cantonal, qui a retenu la nature civile de la relation entre les parties: la mise à disposition du terrain pour l'érection et l'utilisation de chalets de vacances constitue en effet une utilisation qui peut en tant que telle aussi être soumise au droit civil (cf. PIERRE MOOR ET AL., Droit administratif, vol. I, 3 e éd. 2012, n. 2.2.4.1; PIERRE MOOR ET AL., Droit administratif, vol. III, 2 e éd. 2018, n. 8.6.1.5; HÄFELIN/MÜLLER/UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 8. Auflage 2020, n. 2214 ss et n. 2249). Ce qui a eu lieu en l'espèce. L'Etat de Vaud a conclu avec les bénéficiaires dans les années 1970 des contrats de droit de superficie et constitué des servitudes en leur faveur. L'expiration des droits de superficie au début des années 2000 a certes entraîné une modification du type de relation unissant les parties (qualifiée de bail tacite par les autorités cantonales), voire modifié les modalités d'exécution de leurs obligations respectives; en revanche, on ne voit pas en quoi cette circonstance commanderait de revenir sur le caractère civil de la relation entre l'Etat et les particuliers concernés. Dans cette mesure, le Tribunal cantonal pouvait aussi considérer que l'"avis de résiliation" de la DGE du 30 avril 2021, qui mettait fin à cette relation contractuelle, gardait un caractère civil et ne devait pas être considéré comme une décision administrative au sens de l'art. 3 LPA-VD.  
 
4.3. Les recourants se plaignent encore d'être "privés de tout contrôle juridictionnel" en raison de l'arrêt attaqué. En lien avec ce grief, ils taisent cependant que la voie devant les juridictions civiles est ouverte et que le litige relatif à la résiliation des baux des terres supportant leurs chalets est actuellement pendant devant ces juridictions. On ne se trouve ainsi pas dans le cas de figure de l'arrêt du 8 décembre 2017 du Tribunal administratif bernois (publié in DEP/URP 2018 p. 217 et objet d'une note de DANIELA THURNHERR), où la voie administrative, respectivement la reconnaissance de l'existence d'une décision (cf. art. 12 LPN) s'imposait, selon les juges cantonaux, pour assurer aux organisations de protection de la nature recourantes, qui s'opposaient à la prolongation de contrats de location pour un camping dans des zones protégées de la Grande Cariçaie, un accès au juge (à ce propos, cf. ATF 141 II 233 consid. 4 à 4.3.5). Dans le même ordre d'idée, rien dans les explications des recourants ne permet d'assimiler les résiliations des baux à un plan d'affectation approuvé, par hypothèse, au mépris des règles de la procédure prévue par la LAT, en particulier - pour peu qu'on les comprenne - au détriment de la protection juridique garantie en la matière par l'art. 33 al. 2 LAT. Dans ces conditions, on ne décèle pas où résiderait, dans le cas présent, la violation des art. 29a Cst. et 6 CEDH (RS 0.101) soulevée par les recourants; le grief est au demeurant laconique sur ce point (cf. art. 106 al. 2 LTF).  
 
4.4. En définitive, tel que motivés, les griefs portant sur la compétence de la CDAP apparaissent mal fondés et doivent être écartés. L'arrêt attaqué doit être confirmé en tant qu'il déclare irrecevable le recours de droit administratif et soumet le litige aux juridictions civiles.  
 
5.  
Sur le vu de ce qui précède, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable, aux frais des recourants, qui succombent (art. 66 al. 1 et 5 LTF). L'Etat de Vaud n'a pas droit à des dépens: l'affectation actuelle des terres litigieuses au domaine public ou au patrimoine financier de l'Etat a été laissée indécise; il n'apparaît par ailleurs pas que les résiliations contestées répondent in fine à un intérêt financier de l'Etat (cf. art. 68 al. 3 LTF).  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais de justice, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge solidaire des recourants. 
 
3.  
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourants, à la Direction générale de l'environnement du canton de Vaud, à la Direction générale des immeubles et du patrimoine du canton de Vaud, par l'intermédiaire de leur mandataire, à la Municipalité de Cudrefin ainsi qu'à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 21 septembre 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Alvarez