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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_175/2023  
 
 
Arrêt du 6 février 2024  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président, 
Koch et Hurni. 
Greffier : M. Tinguely. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Kathrin Gruber, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
Office central du Ministère public du canton du Valais 
case postale 2305, 1950 Sion 2, 
intimé, 
 
Office des sanctions et des mesures d'accompagnement du canton du Valais, case postale 478, 1951 Sion. 
 
Objet 
Libération conditionnelle de l'internement, 
 
recours contre l'ordonnance du Juge unique de la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais du 31 mai 2023 (P3 23 114). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par arrêt du 3 septembre 2007, la Cour pénale II du Tribunal cantonal valaisan a condamné A.________, né en 1968, pour diverses violations de la LCR et viol aggravé au sens de l'art. 190 al. 3 CP à 4 ans de réclusion, sanction complémentaire à quatre autres peines dont une pour viol et actes d'ordre sexuel avec un enfant, sous déduction de la détention préventive subie dès le 5 janvier 2006. Elle a, en outre, prononcé un internement au sens de l'art. 64 al. 1 CP
Par arrêt du 9 janvier 2008 (6B_604/2007), le Tribunal fédéral a rejeté le recours en matière pénale de A.________. 
 
B.  
 
B.a. Par décision du 3 avril 2023, le Tribunal de l'application des peines et mesures du canton du Valais a refusé de libérer conditionnellement A.________ de son internement et a constaté que les conditions d'une mesure thérapeutique institutionnelle n'étaient pas réunies.  
 
B.b. Par ordonnance du 31 mai 2023, la Chambre pénale du Tribunal cantonal du Valais a rejeté le recours de A.________ contre la décision du 3 avril 2023. Elle s'est en particulier fondée sur les éléments suivants:  
 
- le rapport d'expertise psychiatrique du 6 août 2020 du psychiatre B.________ et de la psychologue C.________, de l'Unité d'expertises psychiatriques du Centre M.________, leur rapport complémentaire du 6 novembre 2020 et l'audition du 9 décembre 2020 de l'expert B.________; 
- le rapport de prise en charge établi le 5 décembre 2022 par D.________, médecin-cheffe auprès du Service de médecine pénitentiaire de l'Hôpital N.________, et par la psychologue E.________ à l'attention de l'Office valaisan des sanctions et des mesures d'accompagnement (OSAMA); 
- le préavis négatif de l'OSAMA du 13 janvier 2023; 
- le préavis négatif de la Commission pour l'examen de la dangerosité du 3 février 2023; 
- l'audition de A.________ réalisée le 14 mars 2023 par le juge de l'application des peines et mesures. 
 
C.  
Par acte du 3 juillet 2023, A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'ordonnance du 31 mai 2023. Il conclut, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens principalement que la mesure d'internement soit levée et qu'il soit mis en liberté, subsidiairement que l'internement soit remplacé par une mesure thérapeutique institutionnelle et qu'il soit immédiatement déplacé dans un établissement approprié. A titre plus subsidiaire, il conclut à l'annulation de l'ordonnance attaquée et au renvoi du dossier à l'autorité précédente pour nouveau jugement. Il demande en outre qu'il soit constaté que les conditions de détention à la Prison O.________, à U.________, sont illicites. Il sollicite enfin l'octroi de l'assistance judiciaire. 
Invité à se déterminer sur le recours, l'OSAMA présente des observations. La Chambre pénale indique pour sa part qu'elle n'a pas d'observations à formuler. Quant au Ministère public, il ne se détermine pas. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Selon l'art. 78 al. 2 let. b LTF, sont notamment sujettes au recours en matière pénale les décisions sur l'exécution des peines et des mesures rendues par une autorité cantonale de dernière instance (art. 80 al. 1 LTF; arrêt 7B_502/2023 du 6 septembre 2023 consid. 1 et l'arrêt cité). Le recourant, qui s'oppose au refus de la levée de la mesure d'internement le visant, dispose d'un intérêt juridique à obtenir l'annulation ou la modification de la décision querellée (art. 81 al. 1 let. a et b LTF), laquelle met un terme au litige (art. 90 LTF). Pour le surplus, le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF). Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
 
2.1. Le recourant conteste le refus de la cour cantonale de mettre en oeuvre une nouvelle expertise indépendante au titre des art. 56 al. 4 et 64b al. 2 let. b CP, alors que la dernière expertise réalisée - celle du psychiatre B.________ et de la psychologue C.________ - ne serait plus d'actualité, dès lors qu'elle date du mois d'août 2020.  
 
2.2.  
 
2.2.1. Selon l'art. 64b al. 1 let. b CP, l'autorité compétente examine, d'office ou sur demande, au moins une fois tous les deux ans et pour la première fois avant le début de l'internement, si les conditions d'un traitement thérapeutique institutionnel sont réunies et si une demande en ce sens doit être faite auprès du juge compétent (art. 65 al. 1 CP).  
Selon l'art. 59 al. 1 CP, un traitement thérapeutique institutionnel peut être ordonné en faveur d'une personne souffrant d'un grave trouble mental si elle a commis un crime ou un délit en relation avec ce trouble (let. a) et s'il est à prévoir que cette mesure la détournera de nouvelles infractions en relation avec ce trouble (let. b). En présence d'un trouble psychiatrique, l'internement constitue une mesure subsidiaire par rapport à une mesure institutionnelle au sens de l'art. 59 CP. En tant qu'ultima ratio, en raison de la gravité de l'atteinte à la liberté personnelle qu'il représente (cf. ATF 140 IV 1 consid. 3.2.4; 134 IV 121 consid. 3.4.4), l'internement n'entre pas en considération tant qu'une mesure institutionnelle apparaît utile (ATF 137 IV 59 consid. 6.2). 
 
2.2.2. Le seul fait que l'intéressé soit désireux et apte à suivre un traitement institutionnel ne suffit toutefois pas à éviter l'internement ou son maintien. L'art. 59 al. 1 let. b CP subordonne le prononcé d'un traitement institutionnel à la condition qu'il soit à prévoir que cette mesure ou ce traitement détournera l'intéressé de nouvelles infractions en relation avec son trouble. Tel est le cas lorsqu'au moment de la décision, il est suffisamment vraisemblable qu'un traitement institutionnel entraînera, dans les cinq ans de sa durée normale, une réduction nette du risque que l'intéressé commette, en raison de son trouble mental, un crime prévu à l'art. 64 CP. La possibilité vague d'une diminution du risque ou l'espoir d'une diminution seulement minimale de ce risque ne sont en revanche pas suffisants (cf. ATF 141 IV 1 consid. 3.2.4; 134 IV 315 consid. 3.4.1).  
 
2.2.3. Cela ne signifie pas qu'un condamné souffrant d'un trouble mental ne pourra pas recevoir l'assistance nécessaire, mais seulement que la mesure préconisée par l'art. 59 CP n'est pas adéquate, tout au moins dans l'état des choses, au moment où la décision est rendue. La personne soumise à l'internement peut bénéficier d'un traitement psychiatrique (art. 64 al. 4 CP). Plus généralement, même si elles ne visent pas prioritairement l'amélioration du pronostic, respectivement si elles ne sont pas aptes à l'améliorer nettement à cinq ans de vue, des possibilités thérapeutiques doivent être offertes, tout au moins dans la perspective, même éloignée, de la fin de l'internement (arrêts 6B_1483/2021 du 3 octobre 2022 consid. 3.1; 6B_823/2018 du 12 septembre 2018 consid. 1.1; 6B_130/2018 du 27 juin 2018 consid. 3.1.1).  
 
2.2.4. Le pronostic doit être posé en tenant compte du comportement du condamné dans son ensemble et plus particulièrement de sa collaboration face aux traitements prescrits par les médecins, de la prise de conscience des actes à la base de sa condamnation, de ses aptitudes sociales et, notamment, de ses capacités à vivre en communauté et à résoudre des conflits potentiels. Il est difficile d'évaluer à sa juste valeur la dangerosité d'un détenu, dès lors que celui-ci évolue précisément dans un milieu conçu aux fins de le neutraliser (ATF 136 IV 165 consid. 2.1.2; arrêt 6B_580/2021 du 22 septembre 2021 consid. 5.3). En matière de pronostic, le principe in dubio pro reo ne s'applique pas (ATF 137 IV 201 consid. 1.2; arrêt 6B_580/2021 du 22 septembre 2021 consid. 5.3).  
 
2.2.5. Aux termes de l'art. 64b al. 2 CP, l'autorité prend la décision selon l'al. 1 en se fondant sur un rapport de la direction de l'établissement (let. a), une expertise indépendante au sens de l'art. 56 al. 4 CP (let. b), l'audition d'une commission au sens de l'art. 62d al. 2 CP (let. c) et l'audition de l'auteur (let. d).  
Selon la jurisprudence, le juge peut se fonder sur une expertise qui figure déjà au dossier si celle-ci est encore suffisamment actuelle. L'élément déterminant pour trancher de cette question n'est pas le temps qui s'est écoulé depuis le moment où l'expertise a été établie, mais plutôt l'évolution qui s'est produite dans l'intervalle. Il est ainsi parfaitement concevable de se fonder sur une expertise relativement ancienne si la situation ne s'est pas modifiée entre-temps (ATF 134 IV 246 consid. 4.3; plus récemment arrêt 6B_272/2022 du 18 janvier 2023 consid. 3.8.1). Savoir si les circonstances se sont modifiées depuis la première expertise relève du fait (ATF 106 IV 236 consid. 2a). Déterminer si les circonstances nouvelles dûment constatées imposent de réitérer l'expertise est une question d'appréciation, soit de droit (ATF 105 IV 161 consid. 2; arrêt 6B_272/2022 du 18 janvier 2023 consid. 3.8.1). 
 
2.3.  
 
2.3.1. En l'espèce, dans leur rapport du 6 août 2020, complété le 6 novembre 2020, les experts avaient exprimé l'avis que la mesure d'internement (art. 64 CP) devait être maintenue, dès lors que le recourant, atteint d'un trouble envahissant du développement (CIM 10: F84.8) et d'un trouble organique de la personnalité (CIM 10: F07.0), présentait toujours un risque élevé pour des infractions de même nature que celles pour lesquelles il avait été condamné. Sur le plan comportemental, les deux troubles constatés, dont la conjonction était d'une sévérité importante, entraînaient chez le recourant une difficulté à contrôler ses pulsions (y compris sexuelles) ainsi qu'une certaine inadaptation à la vie autonome en dehors d'un cadre structurant et sécurisant.  
Selon les experts, la question d'une conversion en une mesure thérapeutique institutionnelle au sens de l'art. 59 CP "devrait être examinée plus tard". A cet égard, ils avaient néanmoins relevé que le recourant, alors détenu à l'Établissement pénitentiaire de P.________, bénéficiait d'une thérapie qui correspondait en quelque sorte déjà à une prise en charge institutionnelle en milieu carcéral. Alors qu'ils avaient constaté une légère amélioration de son comportement, ils ont estimé qu'il était "encore un peu tôt" pour en tirer des conclusions, dès lors que c'était seulement depuis une année et demie que le recourant adhérait véritablement à la thérapie (cf. rapport d'expertise du 6 août 2020, Réponses aux questions, p. 23 s.). 
 
2.3.2. Dans l'ordonnance attaquée, la cour cantonale a relevé qu'au regard du rapport de prise en charge réalisé le 6 décembre 2022 par la psychiatre D.________ et la psychologue E.________, l'unique évolution qui semblait s'être produite depuis 2020 résidait dans le fait que désormais le recourant "reconnai[ssait] les actes délictueux", les thérapeutes précitées exposant néanmoins qu'il "pein[ait] à s'approprier entièrement sa responsabilité" puisqu'il avait toujours "tendance à projeter les causes de ses actes sur des éléments externes". Aussi, la cour cantonale a estimé qu'il n'y avait pas matière à l'administration d'une nouvelle expertise, la modification de la situation ayant été bien trop ténue (cf. ordonnance attaquée, p. 5 s.).  
 
2.4.  
 
2.4.1. La brève motivation présentée par la cour cantonale au moment de refuser la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise, respectivement d'un complément d'expertise, n'apparaît pas pleinement convaincante.  
Il est en particulier constant qu'après son transfert à la Prison de U.________, intervenu le 13 novembre 2020, le recourant a poursuivi de manière satisfaisante, avec d'autres thérapeutes, son adhésion au processus psychothérapeutique initialement mis en place, apparemment depuis le début de l'année 2019, à l'Établissement pénitentiaire de P.________ (cf. ordonnance attaquée, p. 3; rapport d'expertise du 6 août 2020, p. 24: "depuis une année et demie"). Or cette circonstance était propre à infirmer les constats et prévisions des experts, lesquels avaient estimé, en août 2020, que les évolutions positives observées "semblaient tributaires d'une relation thérapeutique dans laquelle le thérapeute [de P.________, soit le psychologue F.________] [était] idéalisé", ce qui les rendait "éphémères et superficielles" (cf. rapport d'expertise du 6 août 2020, p. 21; cf. également le complément d'expertise du 6 novembre 2020, p. 4: "la relation thérapeutique [semble] davantage s'inscrire dans une forme d'idéalisation infantile par [le recourant] de son thérapeute actuel que dans une véritable alliance thérapeutique"). De même, si, à teneur du rapport de prise en charge du 6 décembre 2022, il fallait certes également nuancer le constat selon lequel désormais le recourant "reconnai[ssait] les actes délictueux", il semble néanmoins que cet élément pourrait dénoter une amorce de prise de conscience susceptible d'apporter un certain optimisme quant aux résultats à attendre du suivi thérapeutique mis en oeuvre. A teneur de ce même rapport, les thérapeutes avaient d'ailleurs souligné que, dans le cadre de leurs interventions, le recourant se montrait "sensible au lien" et "respectueux envers chacun", sans jamais faire preuve d'agressivité (cf. ordonnance attaquée, p. 3). 
 
2.4.2. Cela étant relevé, on rappellera que la collaboration du condamné face aux traitements prescrits par les médecins, de même que la prise de conscience des actes à la base de sa condamnation, constituent des éléments à prendre en considération dans le cadre du pronostic à établir en vertu de l'art. 59 al. 1 let. b CP (cf. consid. 2.2.4 supra). Dans ce contexte, et dès lors que les derniers rapports d'expertise avaient été établis il y a plus de deux ans et demi au moment de l'ordonnance attaquée, la cour cantonale ne pouvait pas se dispenser de mettre en oeuvre une nouvelle expertise ou, à tout le moins, un complément d'expertise en vue de déterminer s'il était à prévoir, en particulier au vu du processus thérapeutique entrepris depuis le début de l'année 2019, qu'un traitement institutionnel - le cas échéant en milieu fermé (cf. art. 59 al. 3 CP) - entraîne, dans les cinq ans de sa durée normale, une réduction nette du risque que l'intéressé commette, en raison de son trouble mental, un crime prévu à l'art. 64 CP.  
Une telle actualisation se justifiait d'autant plus en l'espèce que, par les termes utilisés dans leurs rapports, les experts avaient laissé entendre que la perspective d'une conversion de l'internement en une mesure thérapeutique institutionnelle pourrait être envisagée dans un avenir relativement proche (cf. rapport d'expertise du 6 août 2020, p. 24: "il est encore un peu tôt pour en tirer des conclusions"), alors que par ailleurs, selon les experts, le régime de détention du recourant, âgé de 55 ans et en détention depuis janvier 2006, s'apparentait déjà de facto à celui décrit à l'art. 59 al. 3 CP (cf. rapport d'expertise du 6 août 2020, p. 24).  
 
3.  
Il s'ensuit que le recours doit être admis dans le sens des conclusions prises à titre principal par le recourant dans son recours cantonal (cf. ordonnance attaquée, p. 4). L'ordonnance attaquée sera annulée et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision. Il n'y a au surplus pas matière à examiner les autres griefs développés par le recourant - soit ceux portant sur le caractère inapproprié de son établissement de détention et sur le caractère disproportionné de sa privation de liberté - attendu que ceux-ci ont déjà été traités dans l'arrêt 6B_1483/2021 du 3 octobre 2022, sans qu'à ces égards, le recourant fasse état d'éléments nouveaux dans son recours en matière pénale. 
Le recourant obtient gain de cause avec l'assistance d'une mandataire professionnelle et a donc droit à des dépens à la charge du canton du Valais (art. 68 al. 1 LTF). Il ne sera pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 1 et 4 LTF). La requête d'assistance judiciaire déposée par le recourant doit donc être déclarée sans objet. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. L'ordonnance de la Chambre pénale du Tribunal cantonal du Valais du 31 mai 2023 est annulée et la cause renvoyée à cette autorité pour nouvelle décision. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Une indemnité de dépens, fixée à 2'500 fr., est allouée à la mandataire du recourant à la charge du canton du Valais. 
 
4.  
La requête d'assistance judiciaire est sans objet. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Tribunal de l'application des peines et mesures du canton du Valais et au Juge unique de la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais. 
 
 
Lausanne, le 6 février 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Abrecht 
 
Le Greffier : Tinguely