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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
4A_357/2015  
   
   
 
 
 
Arrêt du 4 décembre 2015  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, Présidente, Klett, Kolly, Hohl et Niquille. 
Greffier : M. Piaget. 
 
Participants à la procédure 
Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI), 
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
intimée. 
 
Objet 
droit des marques, enregistrement, motifs absolus d'exclusion, indication de provenance 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour II, du 3 juin 2015. 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le 19 juillet 2012, A.________ (ci-après: la déposante) a déposé auprès de l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle (ci-après: l'Institut) une demande d'enregistrement de la marque " INDIAN MOTORCYCLE " pour des produits de la classe 12 (" Motocyclettes et leurs pièces structurelles ") et de la classe 25 (" Vêtements, à savoir chemises, vestes, pantalons, gants, chapeaux, bavoirs et chaussures "). 
Suite au refus de l'Institut d'accorder à ce signe la protection à titre de marque, un échange de courriers a eu lieu avec le déposant, qui n'a toutefois pas abouti à l'enregistrement du signe. 
 
B.   
Par décision du 23 juillet 2013, l'Institut a rejeté la demande d'enregistrement de la marque " INDIAN MOTORCYCLE " pour tous les produits revendiqués, au motif que le signe, qui signifie " moto indienne ", est descriptif, qu'il est frappé d'un besoin de libre disposition absolu et qu'à défaut d'une limitation adéquate, il suggère une attente inexacte quant à la provenance. 
Par arrêt du 3 juin 2015, le Tribunal administratif fédéral a partiellement admis le recours formé par la déposante et annulé la décision attaquée en ce sens que la demande d'enregistrement du signe litigieux est admise pour les produits " Vêtements, à savoir chemises, vestes, pantalons, gants, chapeaux, bavoirs et chaussures " (classe 25), la demande étant rejetée pour les autres produits revendiqués (classe 12). 
 
C.   
L'Institut exerce un recours en matière civile contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral. Sous suite de frais et dépens, il conclut à l'annulation de la partie du dispositif de cet arrêt qui admet, pour les produits de la classe 25, la demande d'enregistrement, et au renvoi de la cause à l'autorité précédente; subsidiairement, il conclut à l'annulation de cette partie du dispositif et au rejet de la demande d'enregistrement pour l'ensemble des produits. 
La déposante (intimée) n'a pas communiqué d'observations. 
La requête d'effet suspensif sollicitée par l'Institut recourant a été admise par ordonnance présidentielle du 22 septembre 2015. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recours en matière civile est ouvert contre les décisions se rapportant à la tenue du registre des marques (art. 72 al. 2 let. b ch. 2 LTF), étant observé que l'on ne se trouve pas dans l'hypothèse où un tiers s'oppose à l'enregistrement d'une marque (cf. art. 73 LTF).  
La qualité pour recourir appartient, pour autant que le droit fédéral le prévoie, aux unités de l'Administration fédérale si l'acte attaqué est susceptible de violer la législation fédérale dans leur domaine d'attributions (art. 76 al. 2 LTF). L'art. 29 al. 3 de l'ordonnance du Conseil fédéral du 17 novembre 1999 sur l'organisation du Département fédéral de justice et police (Org DFJP; RS 172.213.1) prévoit que l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle peut recourir au Tribunal fédéral. Il résulte d'ailleurs de l'art. 2 al. 1 let. b de la Loi fédérale du 24 mars 1995 sur le statut et les tâches de l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle (LIPI, RS 172.010.31) que l'Institut recourant exécute la loi sur la protection des marques et des indications de provenance, ce qui présuppose de veiller au respect de la loi dans la tenue du registre des marques. L'Institut a donc qualité pour recourir (cf. arrêt 4A_587/2008 du 9 mars 2009 consid. 1 non publié in ATF 135 III 416). 
 
1.2. Dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu par le Tribunal administratif fédéral (art. 75 al. 1 LTF), dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF; ATF 133 III 490 consid. 3.3 et 3.4 p. 492 s.), le recours est en principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 45 al. 1 et 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.  
 
1.3. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
 
1.4. Le Tribunal fédéral applique d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal. Cela ne signifie pas que le Tribunal fédéral examine, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser. Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne traite que les questions qui sont soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation ne soit manifeste (ATF 140 III 86 consid. 2; 133 III 545 consid. 2.2).  
 
2.  
 
2.1. L'Institut a rejeté la demande d'enregistrement du signe " INDIAN MOTORCYCLE " (soit " moto indienne ") en rappelant que, selon la règle d'expérience, un signe composé d'un nom géographique éveille une attente quant à la provenance (indication de provenance) auprès du consommateur et qu'aucune des exceptions - autorisant l'utilisation du nom géographique - n'est réalisée en l'espèce.  
Cela étant, il a considéré que le signe était, pour tous les produits (classes 12 et 25), descriptif, frappé d'un besoin de libre disposition absolu (art. 2 let. a LPM) et, qu'à défaut d'une limitation adéquate, il suggérait une attente inexacte quant à la provenance (art. 2 let. c et 47 LPM). 
 
2.2. Le Tribunal administratif fédéral s'est écarté du raisonnement tenu par l'autorité inférieure s'agissant des produits de la classe 25. Il retient dans un premier temps que le signe " INDIAN " ne peut être associé au peuple autochtone des Etats-Unis d'Amérique, mais qu'il fait avant tout référence à l'Inde; il ajoute toutefois que si l'utilisation de ce signe laisse entendre que les  motos proviennent d'Inde, elle n'implique pas obligatoirement que les produits revendiqués " Vêtements, à savoir chemises, vestes, pantalons, gants, chapeaux, bavoirs et chaussures " (classe 25) aient une telle provenance. Dès lors, même si les vêtements en question sont spécifiquement conçus pour les besoins des motards, le signe " INDIAN MOTORCYCLE " ne crée pas d'attente particulière en ce qui concerne la provenance des  vêtements, bien qu'il fasse référence à une " moto indienne " (arrêt entrepris consid. 6.2.1.2.2 p. 24 s.).  
 
3.   
L'Institut recourant reproche à l'autorité précédente d'avoir violé son devoir de motivation (art. 35 al. 1 PA), déduit du droit d'être entendu au sens de l'art. 29 al. 3 [recte: 2] Cst., en n'expliquant pas pourquoi l'utilisation du signe litigieux " n'implique pas obligatoirement que les  vêtements aient une telle provenance [indienne] " et en n'indiquant pas pour quelles raisons, ce signe " ne crée pas d'attente particulière " en ce qui concerne la provenance des vêtements.  
 
3.1. La jurisprudence a notamment déduit du droit d'être entendu l'obligation, pour l'autorité, de motiver sa décision, afin que son destinataire puisse la comprendre et l'attaquer utilement s'il y a lieu (ATF 133 I 270 consid. 3.1 p. 277; 133 III 439 consid. 3.3 p. 445). Le juge n'a cependant pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties; il suffit qu'il mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 134 I 83 consid. 4.1 p. 88; 133 III 439 consid. 3.3 p. 445).  
 
3.2. En l'espèce, du bref paragraphe consacré au point litigieux (cf. supra consid. 2.2), on comprend que l'autorité précédente estime que l'adjonction du mot " motorcycle " à côté de l'élément " Indian " a pour effet d'écarter toute attente quant à la provenance des produits revendiqués (vêtements).  
Certes très succincte, la motivation contenue dans la décision attaquée permet toutefois de comprendre pour quelle raison l'autorité précédente a estimé que le signe litigieux n'était pas susceptible d'induire le public en erreur au sens de l'art. 2 let. c LPM. Il ne saurait être question d'une violation du droit d'être entendu, autre étant la question de savoir si la brève motivation présentée est erronée (cf. infra consid. 4 et 5). 
Force est d'ailleurs de constater que l'Institut a parfaitement compris le sens du paragraphe visé puisqu'il est parvenu à réduire les nombreux éléments allégués en procédure à une formulation simple exprimant précisément l'objet du litige: il s'agit de savoir si, dans les circonstances de l'espèce, " le simple fait de combiner un nom géographique avec un substantif n'ayant pas de lien avec les produits revendiqués " permet ou non d'écarter " tout risque de tromperie quant à la provenance géographique " (acte de recours n. 25 p. 6). 
Le moyen soulevé est infondé. 
 
4.  
 
4.1. A titre liminaire, force est de constater que le terme " Indian " possède plusieurs sens puisqu'il peut renvoyer au peuple autochtone des Etats-Unis d'Amérique ou à l'Inde.  
 
4.1.1. Déterminer, sur la base de l'impression d'ensemble du signe " INDIAN MOTORCYCLE ", laquelle de ces deux significations s'impose le plus naturellement à l'esprit (sur le critère: ATF 135 III 416 consid. 2.3 p. 419) présuppose, en l'espèce, de rechercher la perception du consommateur suisse moyen, question de droit que le Tribunal fédéral peut examiner librement (cf. sous l'angle de l'art. 2 let. a LPM: arrêt 4A_38/2014 du 27 juin 2006 non publié in ATF 140 III 297).  
Contrairement à l'opinion du Tribunal administratif fédéral, la Cour de céans considère que le signe litigieux est, en soi, ambivalent et qu'une des deux significations ne l'emporte pas sur l'autre. Cela étant, c'est en lien avec les produits revendiqués qu'il s'agit de déterminer laquelle des deux significations il convient de retenir. 
 
4.1.2. En rapport avec les produits de la classe 12 (" Motocyclettes et leurs pièces structurelles "), il n'y a pas lieu de trancher cette question, faute de recours de la déposante.  
Il s'agit par contre d'examiner si, en autorisant l'enregistrement de la marque litigieuse pour les produits de la classe 25 (" Vêtements "), l'autorité précédente a violé l'art. 2 let. c LPM en relation avec l'art. 47 LPM. Cela équivaut à se demander si l'élément considéré ayant une double signification - en l'occurrence, soit un nom géographique soit un renvoi au peuple autochtone des Etats-Unis d'Amérique - (ci-après, pour simplifier: " le nom géographique ") éveille une attente quant à la provenance, ou s'il constitue une désignation de fantaisie (entre autres auteurs: PHILIPPE GILLIÉRON, in Commentaire romand, Propriété intellectuelle, 2013, no 26 ad art. 47 LPM), ce qui, dans la logique du raisonnement qui précède, constitue une question de droit (arrêt 4A_508/2008 du 10 mars 2009 consid. 3.3 publié in JdT 2010 I p. 662). 
 
4.1.3. L'autorité précédente ne conteste pas en soi la validité de la règle d'expérience appliquée par l'Institut, à savoir qu'un signe composé d'un nom géographique éveille une attente quant à la provenance (cf. arrêt entrepris consid. 3.3.2.2 p. 12), mais elle opère la subsomption sans y faire référence. Elle se sert d'une formulation laconique (selon laquelle l'utilisation du signe " INDIAN MOTORCYCLE " n'implique pas obligatoirement que les vêtements proviennent d'Inde) qui révèle qu'elle n'en a pas tenu compte.  
Cela étant, il s'imposera, après un bref rappel de la notion de " risque de tromperie " dans le cadre de l'examen d'une marque contenant un nom géographique (y compris dans le cas d'une marque ayant, comme en l'espèce, une double signification) éveillant une attente auprès des consommateurs (cf. infra consid. 4.2), de rappeler la jurisprudence du Tribunal fédéral s'agissant de la règle d'expérience applicable en l'espèce (cf. infra consid. 4.3), y compris les exceptions à celle-ci (cf. infra consid. 4.4), de présenter les critères applicables lors de l'examen d'une marque composée d'un nom géographique et d'un autre élément verbal (cf. infra consid. 4.5), et de procéder à la subsomption (cf. infra consid. 5). 
 
4.2. Les signes propres à induire en erreur ne peuvent bénéficier de la protection accordée aux marques et ne peuvent donc pas être inscrits au registre (art. 2 let. c de la loi fédérale du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance [LPM; RS 232.11]). Il est de jurisprudence que la version allemande de cette règle, dont la lettre est plus restrictive (" irreführende Zeichen "), doit être comprise comme les versions française (" les signes propres à induire en erreur ") et italienne (" i segni che possono indurre in errore "), celles-ci, faisant référence à un risque abstrait de tromperie, exprimant de manière plus précise la volonté du législateur (cf. arrêt 4A.8/1994 du 25 août 1995 consid. 2b (2e par.) publié in PMMBl 1996 I p. 25; LORENZ HIRT, Der Schutz schweizerischer Herkunftsangaben, 2003, p. 63 s. et les références).  
Au stade de l'enregistrement de la marque - soit devant l'Institut qui ne dispose d'aucune information sur l'usage (effectif ou futur) du signe déposé (cf. ATF 132 III 770 consid. 3.2 p. 775) -, cela signifie qu'un signe est exclu de l'enregistrement (art. 2 let. c LPM) s'il contient une indication de provenance qui est propre à induire en erreur (cf. ATF 135 III 416 consid. 2.1 p. 418; 132 III 770 consid. 2.1 p. 772; 128 III 454 consid. 2.2 p. 460; 56 I 469 consid. 2 p. 475 et l'arrêt cité). C'est le cas s'il existe un risque abstrait qu'elle soit utilisée de manière inexacte dans le commerce, c'est-à-dire pour des produits qui proviennent d'un autre lieu (art. 47 al. 3 let. a LPM). 
A défaut d'une limitation adéquate (dès que l'indication de provenance est identifiée dans le signe), ce risque est automatiquement admis (ATF 132 III 770 consid. 3.2 p. 775 s.), raison pour laquelle, pour obtenir l'enregistrement de sa marque, le déposant est tenu de limiter sa liste des produits à des objets provenant du lieu auquel il est fait référence (ATF 132 III 770 consid. 3.2 p. 775 s.; 117 II 327 consid. 2b p. 332). Concrètement, il est précisé dans le registre, en rapport avec la marque concernée, que les produits revendiqués sont " de provenance X [pays mentionné dans le signe] ". 
L'exigence de la limitation, qui concrétise la volonté du législateur de renforcer la protection des indications de provenance (ATF 132 III 770 consid. 3.3 p. 777), a, d'une part, un effet préventif et diminue,  de facto, le risque (abstrait) de tromperie. D'autre part, la limitation, qui apparaît dans le registre, a un effet direct sur le champ de protection (  Schutzumfang) de la marque. Celui-ci est en effet intimement lié aux produits enregistrés (cf. art. 11 al. 1 LPM), soit à des produits de la provenance désignée (pays mentionné dans le signe), et l'usage effectif de la marque en rapport avec des produits provenant d'un autre pays n'équivaut pas à un usage permettant d'éviter la perte du droit à la marque (cf. art. 12 al. 1 LPM).  
A noter encore que, pour qu'une indication de provenance inexacte soit prohibée (à défaut de limitation), il n'est pas nécessaire que la production au lieu indiqué jouisse d'un prestige particulier (ATF 128 III 454 consid. 2.2 p. 461). Dès lors qu'un lien de provenance est plausible, il n'est pas indispensable qu'il y ait effectivement une production concurrente au lieu indiqué (ATF 135 III 416 consid. 2.5 p. 420). 
 
4.3. Lorsqu'une marque contient un nom géographique ou se compose exclusivement d'un nom géographique, elle incite normalement le lecteur à penser que le produit provient de l'endroit indiqué (ATF 135 III 416 consid. 2.2 p. 419 et les arrêts cités). Selon la règle d'expérience applicable en l'espèce, la désignation géographique éveille chez le consommateur l'idée que le produit qu'elle couvre provient du pays désigné (sous l'angle de l'art. 2 let. c [en lien avec l'art. 47] LPM: ATF 135 III 416 consid. 2.2 p. 419; arrêt 4A_6/2013 du 16 avril 2013 consid. 3.3.1 et 3.3.2 publié in sic! 2013 p. 532; arrêt 4A_508/2008 du 10 mars 2009 consid. 3.2; sous l'angle de l'art. 2 let. a [en lien avec l'art. 47] LPM: arrêt 4A_434/2009 du 30 novembre 2009 consid. 3.1 publié in sic! 2010 p. 162; sous l'ancien droit (soit avant 1993) : ATF 97 I 79 consid. 1 p. 80; 93 I 570 consid. 3 p. 571; 89 I 298 consid. 3 p. 301).  
La mention d'un nom géographique est donc habituellement comprise comme une indication de provenance. L'art. 47 al. 1 LPM définit de manière large la notion d'indication de provenance, ce qui signifie que la mention d'un nom géographique suffit en principe (ATF 135 III 416 consid. 2.2 p. 419). 
 
4.4. S'agissant des exceptions à la règle d'expérience, le Tribunal fédéral a établi une liste non exhaustive de six groupes dans lesquels l'utilisation d'un nom géographique est admissible.  
1) L'utilisation d'un nom géographique est admissible lorsque les clients potentiels ignorent qu'il s'agit d'un nom géographique et ne peuvent donc faire aucun lien avec l'endroit désigné (ATF 135 III 416 consid. 2.6.1 p. 421; 128 III 454 consid. 2.1.1). 
2) Un nom géographique peut être utilisé comme marque si les clients ne peuvent pas imaginer que le produit provienne de ce lieu, parce que celui-ci revêt un pur caractère symbolique ou fantaisiste (ATF 135 III 416 consid. 2.6.2 p. 421; 128 III 454 consid. 2.1.2). Ainsi, la jurisprudence a admis que des cigarettes mentholées " ALASKA " évoquaient manifestement la fraîcheur, et non pas la provenance du produit (ATF 89 I 290 consid. 5); dans un autre cas, elle n'a cependant pas admis la marque " ALASKA " pour des boissons, en considérant que le public pouvait penser que celles-ci provenaient effectivement de l'Alaska (ATF 135 III 416 consid. 2.6.2 p. 421 s. et l'arrêt cité). 
3) La jurisprudence a aussi admis que des noms géographiques puissent être utilisés pour distinguer les modèles d'une même marque, par exemple le téléphone " ASCONA " (ATF 135 III 416 consid. 2.6.3 p. 422; 128 III 454 consid. 2.1.4). 
4) L'utilisation d'un nom géographique est admissible si celui-ci s'est imposé dans l'esprit du public comme le nom d'une entreprise déterminée (ATF 128 III 454 consid. 2.1.5). D ans la jurisprudence, on trouve le cas de l'eau minérale " VALSER " (ATF 117 II 321) et de la fabrique de papier " SIHL " (ATF 135 III 416 consid. 2.6.4 p. 422; 92 II 270 consid. 2). 
En relation avec des produits, le nom d'organisations sportives (par exemple: " SWISS HOCKEY PRO ABC ") ou le renvoi à un événement sportif ou culturel (par exemple: " GENEVE HANDBALL 2016 " [fig.]) ne sont en général pas considérés comme des indications de provenance, mais, dans l'esprit du public, ils sont en principe associés à une entreprise (cf. GILLIÉRON, op. cit., no 26 ad art. 47 LPM). Les consommateurs sont en effet habitués à percevoir les produits en question (par exemple des vêtements, des véhicules,...) comme des supports sur lesquels sont apposés les références à ces organisations/événements. 
5) Un nom géographique peut également être utilisé s'il est entré dans le langage courant pour désigner une chose de genre sans que l'on ne songe plus à une indication de provenance; l'exemple classique de cette catégorie est l'eau de Cologne (ATF 135 III 416 consid. 2.6.5 p. 422; 128 III 454 consid. 2.1.6). 
6) Enfin, l'utilisation d'un nom géographique est admise lorsque celui-ci désigne un lieu inhabité ou en tout cas impropre à la production en cause, de sorte que personne ne pourrait concevoir qu'il s'agisse du lieu de provenance; on cite habituellement, à titre d'exemple, le Sahara (ATF 135 III 416 consid. 2.6.6 p. 423; 128 III 454 consid. 2.1.3). 
 
4.5. Dans l'hypothèse - examinée en l'espèce - d'un signe composé d'un nom géographique (en l'occurrence : " INDIAN ") et d'un élément verbal ("MOTORCYCLE "), l'utilisation du nom géographique est admise si l'élément ajouté influence l'impression d'ensemble de la marque de telle sorte que le destinataire ne comprend plus (pas) le nom géographique comme une indication de provenance en relation avec les produits (en l'occurrence: vêtements) concernés (cf. 4A_508/2008 déjà cité consid. 4.2; BUNDI/SCHMIDT, Kann ein an sich täuschendes Markenelement neutralisiert werden?, sic! 2009 p. 639).  
Pour trancher la question de l'impression d'ensemble de la marque contenant le nom géographique, il faut analyser les circonstances propres au cas particulier et déterminer si, pour le consommateur suisse moyen, elles excluent une référence à la provenance géographique (ATF 135 III 416 consid. 2.6 p. 421 ss; arrêt 4A_508/2008 déjà cité consid. 4.2), question de droit que le Tribunal fédéral examine librement (cf. supra consid. 4.1.1). 
Doivent en particulier être prises en compte la renommée du mot en tant qu'indication géographique et en tant que marque, l'existence d'un rapport réel ou plausible entre cette indication et les produits ainsi dénommés, de même que la présentation de la marque et les indications complémentaires qui peuvent augmenter ou écarter le danger de confusion (ATF 128 III 454 consid. 2.2 p. 460 s.; arrêt 4A.14/2006 du 7 décembre 2006 consid. 4.1 publié in sic! 2007 p. 274). 
 
4.5.1. L'existence d'un rapport réel ou plausible entre l'indication et les produits revendiqués doit être affirmée si les acheteurs potentiels s'attendent à des relations commerciales avec le pays concerné (cf. arrêt B-7412/2006 du Tribunal administratif fédéral du 1er octobre 2008 [consid. 7.2] confirmé par l'arrêt 4A_508/2008 déjà cité; EUGEN MARBACH, Markenrecht, in SIWR III/1, 2e éd. 2009, p. 180 n. 590 note de pied 766). Pour le signe " AFRI-COLA ", l'attente quant à une provenance du continent africain existe avec certains produits (notamment café, thé, cacao, sucre), mais pas avec d'autres (notamment glaces, crèmes glacées, sorbets) (cf. 4A_508/2008 déjà cité consid. 4.2; arrêt B-7412/2006 déjà cité consid. 7.2).  
 
4.5.2. En ce qui concerne l'adjonction d'éléments supplémentaires pouvant augmenter ou écarter le danger de confusion, il a déjà été observé que si le nom géographique est combiné avec un élément (verbal ou figuratif) neutre, cette adjonction ne permet pas d'écarter l'attente suscitée par l'indication de provenance. C'est le cas d'un signe comprenant, en plus du nom géographique (" CALVI "), en arrière-plan, un élément figuratif (en l'occurrence: un engrenage) qui évoque simplement les produits revendiqués (en lien avec la production métallurgique) (ATF 135 III 416 consid. 2.6.6 p. 424). C'est aussi le cas, pour tous les produits, d'un signe qui contiendrait l'expression " ATMOSPHÈRE DE BERLIN " (pour l'exemple " Berliner Luft ": FRANZISKA GLOOR GUGGISBERG, Die Beurteilung der Gefahr der Irreführung über die geographische Herkunft auf der Grundlage eines Erfahrungssatzes, sic! 2011, p. 20 et note de pied 200).  
Pour le signe " AFRI-COLA ", il a été jugé que l'élément " cola ", bien que n'étant pas neutre (puisqu'il fait référence à une chose déterminée, soit au kola [graine comestible du kolatier], ou à une boisson à base de kola), n'influence pas l'impression générale produite par le signe de manière à écarter toute attente quant à la provenance des produits (Afrique) (cf. arrêt 4A_508/2008 déjà cité consid. 4.2). 
Par contre, si l'adjonction d'un élément (verbal ou figuratif) à côté du nom géographique accorde, en lien avec les produits revendiqués, un autre sens au signe (sens qui alors domine), l'attente quant à la provenance est écartée (cf. MARBACH, op. cit., p. 125 n. 401). Si le nom géographique est le seul mot contenu dans la marque (les autres éléments ajoutés étant figuratifs), il apparaît alors plus aisément aux yeux des consommateurs et on admettra moins facilement une autre signification que s'il était entouré d'autres mots (cf. ATF 89 I 298 consid. 3 p. 301). Dans certaines circonstances, la spécificité des produits revendiqués est susceptible d'écarter, en rapport avec le signe contenant le nom géographique, toute attente quant à la provenance des produits. Ainsi, pour des services liés à la production et à la distribution d'énergie, le signe " VOLTERRA " ne renvoie pas à la petite ville italienne (Volterra), mais à l'unité de mesure (de la tension électrique) " volt " (ou une déclinaison de celle-ci) (MARBACH, op. cit., p. 125 n. 401 et la décision citée à la note de pied 530). 
 
4.6. Si une des exceptions est réalisée, la règle d'expérience ne s'applique pas, ce qui signifie que les noms et signes géographiques en question ne sont pas considérés par le consommateur suisse moyen comme une référence à la provenance des produits ou services et que ces noms et signes peuvent être utilisés comme marque ou entrer dans la composition d'une marque (cf. art. 47 al. 2 LPM).  
 
5.   
Il s'agit maintenant de déterminer si, dans les circonstances propres au cas particulier, l'élément verbal ("MOTORCYCLE ") ajouté à côté du nom géographique (" INDIAN ") influence l'impression d'ensemble de la marque de telle sorte que, en rapport avec les produits revendiqués, le destinataire ne comprend plus le nom géographique comme une indication de provenance en relation avec les produits. 
 
5.1. Il résulte des considérations qui précèdent que, lorsque l'autorité précédente retient que l'utilisation du signe litigieux (" INDIAN MOTORCYCLE ") " n'implique pas obligatoirement " que les vêtements proviennent d'Inde, pour écarter l'existence d'une indication de provenance (cf. supra consid. 3 intro.), elle n'opère pas la subsomption dans la logique du système mis en place par le législateur.  
Quant à l'"attente particulière ", à laquelle fait référence l'autorité précédente, elle pourrait suggérer une attente allant au-delà de la provenance du produit. En tant qu'il s'agirait d'exiger en plus une attente quant à la qualité des produits ou à leur renommée, le critère serait en l'espèce étranger au système des indications de provenance (cf. supra consid. 4.2). 
 
5.2. Force est de constater que le nom géographique contenu dans le signe litigieux, qui est parfaitement reconnaissable, peut en principe être interprété comme une indication de provenance (cf. ATF 135 III 416 consid. 2.3 p. 420).  
Se pose alors la question de savoir si une exception entre en ligne de compte (cf. ATF 135 III 416 consid. 2.6 p. 421), soit, en l'occurrence, si l'élément ajouté à côté du nom géographique influence l'impression d'ensemble de la marque de telle sorte qu'il exclut toute attente du consommateur suisse moyen en relation avec les produits revendiqués. 
Lu dans cette perspective, l'arrêt attaqué sous-entend qu'aucune des six exceptions à la règle d'expérience n'entre en ligne de compte en l'espèce. Il désigne toutefois implicitement une septième exception, en laissant entendre que l'adjonction du mot " MOTORCYCLE " à côté du nom géographique (" INDIAN ") empêche de susciter une attente quant à la provenance des  vêtements.  
 
5.3. En l'occurrence, le mot " INDIAN " (adjectif) est combiné avec l'élément " MOTORCYCLE " (substantif). Ce dernier élément n'est pas neutre, mais il résulte clairement de la combinaison (" moto indienne ") que le substantif définit les contours de la marque; l'adjectif " indienne ", qui porte exclusivement sur le nom " moto ", ne fait qu'apporter une précision de sens (quant à la provenance de l'objet).  
Or, le signe " INDIAN MOTORCYCLE " est revendiqué pour des vêtements (chemises, vestes, pantalons, gants, chapeaux, bavoirs et chaussures). La combinaison (" moto indienne ") présente une unité et on ne voit pas qu'elle puisse suggérer aux consommateurs que les vêtements sur lesquels cette combinaison est apposée proviendraient de l'Inde. Le signe n'est composé d'aucun autre élément qui, le cas échéant, serait susceptible de remettre en question l'unité de la combinaison et, alors, d'éveiller une association d'idées entre les produits revendiqués (les vêtements) et l'Inde. 
Force est de constater qu'en l'occurrence, le vêtement (par exemple un chapeau ou une chemise) sur lequel le signe litigieux est apposé est plutôt perçu comme un simple support et le signe considéré comme une référence à l'univers des motos ou à celui des motards (et non comme une indication de provenance du vêtement). Cela étant, on observe que le cas d'espèce éveille une attente très proche de celle qui est suscitée par le renvoi à un événement sportif ou culturel - cas qui entre dans l'une des exceptions de l'art. 47 al. 2 LPM (cf. supra consid. 4.4). 
Cela étant, l'élément verbal prédominant (" MOTORCYCLE ") influence l'impression d'ensemble de la marque de telle manière qu'une attente quant à la provenance, en lien avec les produits revendiqués (vêtements), est totalement écartée. Le résultat auquel l'instance précédente est arrivée peut donc être confirmé. 
Cela ne veut toutefois pas dire que l'utilisation d'un mot compris comme une indication de provenance doive toujours être admise lorsque ce mot est combiné avec un substantif qui ne concerne en rien directement les produits revendiqués. Il faut toujours, pour trancher la question de l'impression d'ensemble de la marque contenant le nom géographique, analyser les circonstances propres au cas particulier (cf. supra consid. 4.5). 
 
5.4. Les griefs soulevés par l'Institut recourant ne sont pas susceptibles de remettre en question cette conclusion.  
On ne saurait en effet suivre l'Institut recourant lorsque, pour valider son raisonnement, il tente de donner une portée générale à l'arrêt 4A_508/2008 (" AFRI-COLA "), en laissant entendre que l'attente quant à la provenance n'était pas exclue par l'adjonction d'un élément verbal (consid. 4.2 fin du 1er par.). Dans le précédent cité, c'est en visant explicitement la combinaison objet du litige (" AFRI-COLA ") que la Cour de céans a indiqué, dans les circonstances de l'espèce, que le signe " COLA " n'influençait pas l'impression d'ensemble de la marque de telle sorte qu'une attente quant à la provenance pouvait être exclue (arrêt 4A_508/2008 déjà cité consid. 4.2). 
S'agissant de l'exemple " PASTA ITALIANA ", donné par l'Institut pour démontrer le " préjudice futur " qui résulterait d'une confirmation de l'arrêt attaqué, on ne voit pas comment il pourrait remettre en question l'interprétation entreprise plus haut du signe " INDIAN MOTORCYCLE ". Si, par hypothèse, on admet, sur la base des explications données plus haut, que le signe " PASTA ITALIANA " peut être enregistré par l'Institut pour des casseroles, c'est que, sur la base de l'impression d'ensemble de la marque, on peut exclure toute attente quant à la provenance. On ne voit donc pas en quoi le cas d'espèce pourrait, à cet égard, créer un " préjudice " dans le futur. 
Les exemples " SWISS CHEESE ", pour du pain, et " PARIS BAGUETTE ", pour du fromage, qui paraissent d'ailleurs essentiellement théoriques, appellent le même raisonnement. 
Quant à l'exemple " SUISSE CREDIT ", pour des vêtements, il diffère du signe litigieux en ce sens que, s'il est également revendiqué pour des produits, le substantif " CREDIT " renvoie à des services (et non à des produits). D'emblée, la comparaison entre les deux signes semble douteuse et la recourante ne fournit aucun argument qui permettrait de défendre sa validité et d'infléchir le raisonnement tenu par la Cour de céans s'agissant du signe litigieux. 
 
5.5. En conclusion, on constate qu'en l'occurrence une exception à la règle d'expérience entre en ligne de compte et que le moyen soulevé par l'Institut recourant se révèle dès lors infondé.  
 
6.   
Il résulte des considérations qui précèdent que le recours en matière civile de l'Institut doit être rejeté et l'arrêt attaqué confirmé, par substitution des motifs qui précèdent. 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires (cf. art. 66 al. 4 LTF). Il ne sera pas alloué de dépens à l'intimée, par ailleurs non représentée par un avocat, qui n'a pas formulé d'observations. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.   
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal administratif fédéral, Cour II. 
 
 
Lausanne, le 4 décembre 2015 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
Le Greffier : Piaget