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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
6B_615/2017  
 
 
Arrêt du 2 mai 2018  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Jametti. 
Greffière : Mme Kistler Vianin. 
 
Participants à la procédure 
X.________, 
représenté par Me Gaétan Droz, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
intimé. 
 
Objet 
Ordonnance sur opposition (défaut); droit à un procès équitable, etc., 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 6 avril 2017 (P/13079/2012 ACPR/230/2017). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par ordonnance pénale du 14 avril 2016, le Ministère public genevois a condamné X.________ pour blanchiment aggravé d'argent à une peine privative de liberté de six mois avec sursis pendant cinq ans et a ordonné la confiscation de l'intégralité des avoirs se trouvant sur le compte n° xxx dont la fondation A.________ était titulaire auprès de la banque B.________ (environ 3'100'000 USD). 
 
B.   
Le 25 avril 2016, la fondation A.________ et X.________ ont formé opposition à l'ordonnance pénale du 14 avril 2016. 
Par mandat de comparution adressé, le 11 juillet 2016, à son domicile élu chez son conseil à Genève, X.________ a été convoqué à une audience, fixée au lundi 5 septembre 2016, pour être entendu personnellement, en qualité de prévenu, au sujet de son opposition à l'ordonnance pénale; il était précisé que sa présence était indispensable et qu'en cas d'absence non excusée de sa part à l'audience, l'opposition à l'ordonnance pénale serait réputée retirée. 
 
Le 31 août 2016, le conseil de X.________ a sollicité du Ministère public genevois le report de l'audience du 5 septembre 2016. Il expliquait que son mandant était convoqué le 6 septembre 2016, à 7h45, auprès du consulat général d'Allemagne à Istanbul, ce qui était incompatible avec sa comparution à Genève la veille dans l'après-midi. Son client s'était en effet senti légitimé à prendre d'autres engagements malgré sa convocation à l'audience du 5 septembre 2016, car il avait été informé du report de l'audience pour la fondation A.________ et du fait qu'il était des plus probables qu'une demande de sa part serait également admise. En outre, il lui paraissait que le caractère contradictoire de l'instruction s'imposait. Enfin, il relevait que son mandant étant domicilié à l'étranger, les conséquences d'un défaut auxquelles il était fait référence sur le mandat de comparution étaient inefficaces. 
 
Par télécopie du 2 septembre 2016, le Ministère public genevois a informé le conseil de X.________ que les motifs de sa demande ne justifiaient pas le report de l'audience du 5 septembre 2016, qui était donc maintenue. 
 
Par un courrier du 3 septembre 2016, X.________ a informé son conseil qu'il avait réservé son vol pour venir à l'audience, mais que celui-ci avait été ajourné, car il n'avait pas de visa suisse valide. 
 
Par fax du 4 septembre 2016, le conseil de X.________ a encore sollicité le report de l'audience et informé le Ministère public qu'il représenterait son mandant. 
 
Lors de l'audience du 5 septembre 2016, le conseil de X.________ s'est présenté à l'audience, sans son mandant. Le Ministère public a constaté le défaut de ce dernier. 
 
C.   
Par ordonnance du 27 septembre 2016, le Ministère public genevois a constaté le retrait de l'opposition que X.________ avait formée contre l'ordonnance pénale. 
 
D.   
Par arrêt du 6 avril 2017, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise a rejeté le recours formé par X.________. 
 
E.   
Contre ce dernier arrêt, X.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut à ce que son opposition soit déclarée recevable et à ce que le Ministère public entre en matière sur l'opposition. 
 
Invités à se déterminer sur le recours, la cour cantonale y a renoncé, alors que le ministère public a déposé des observations et conclu au rejet du recours. Celles-ci ont été communiquées au recourant qui a répliqué. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recourant fait valoir que la décision de retrait fictif de l'opposition fondée sur l'art. 355 al. 2 CPP est inadmissible du fait de son domicile en Turquie. En outre, il allègue qu'il ne pouvait pas être retenu que son comportement, dans son ensemble, démontrait qu'il s'était désintéressé de la suite de la procédure.  
 
La cour cantonale a considéré que sa convocation ne violait pas la souveraineté de la Turquie où le recourant résidait, dès lors qu'elle lui avait été valablement adressée à son adresse de notification à l'étude genevoise de son conseil. Dès lors qu'il n'ignorait pas la convocation à l'audience ni les conséquences d'un défaut, le recourant ne pouvait se prévaloir de l'ATF 140 IV 82 et du fait que son comportement ne démontrait pas qu'il s'était désintéressé de la suite de la procédure. 
 
1.2. Selon l'art. 355 CPP, en cas d'opposition à l'ordonnance pénale, le ministère public administre les autres preuves nécessaires au jugement de l'opposition (al. 1). Si l'opposant, sans excuse, fait défaut à une audition malgré une citation à comparaître, son opposition est réputée retirée (al. 2).  
 
L'ordonnance pénale est une proposition de résolution extrajudiciaire d'une affaire pénale, qui ne respecte pas les garanties minimales de procédure, en particulier l'accès à un juge indépendant. Elle n'est admissible que si le prévenu l'accepte en ne formulant pas d'opposition et qu'il renonce par là à son droit à un examen par un tribunal. Compte tenu de l'importance fondamentale de l'opposition, la fiction de son retrait posée à l'art. 355 al. 2 CPP doit être interprétée de manière restrictive (ATF 140 IV 82 consid. 2.3 p. 84; arrêt 6B_152/2013 du 27 mai 2013, consid. 4.5; cf. CHRISTIAN DENYS, Ordonnance pénale: questions choisies et jurisprudence récente, in SJ 2016 II 125, 132 s.). 
 
Selon la jurisprudence, il faut d'abord que le prévenu ait eu une connaissance effective de la convocation à l'audience et des conséquences du défaut, l'abus de droit étant réservé (ATF 140 IV 82 consid. 2.7 p. 86; arrêt 6B_397/2015 du 26 novembre 2015 consid. 1.2). En outre, selon une interprétation conforme à la Constitution, la fiction légale du retrait de l'opposition ne peut s'appliquer que si l'on peut déduire du défaut non excusé un désintérêt pour la suite de la procédure pénale (ATF 140 IV 86 consid. 2.6; ATF 140 IV 82 consid. 2.5; arrêt 6B_152/2013 du 27 mai 2013 consid. 4.5.4). 
La jurisprudence a précisé, en outre, que l'art. 355 al. 2 CPP n'avait pas d'effet à l'étranger. Lorsque le prévenu est domicilié à l'étranger, les autorités suisses ne peuvent pas lui faire parvenir une citation à comparaître assortie de menaces de sanctions; si elles le font, elles violent la souveraineté de l'Etat étranger. Ce que les personnes résidant dans un autre Etat doivent faire ou éviter de faire est défini par l'Etat en question. Dans la mesure où les autorités suisses veulent atteindre un prévenu séjournant à l'étranger, elles ne peuvent le faire qu'avec la collaboration et l'accord de l'Etat étranger. Elles doivent par conséquent demander l'entraide judiciaire (cf. ATF 140 IV 86 consid. 2.4 p. 89; arrêt 6B_404/2014 du 5 juin 2015 consid. 1.3, in SJ 2016 I 61). Les citations que les autorités suisses font parvenir à un prévenu séjournant à l'étranger représentent une invitation dans la procédure à laquelle le prévenu peut donner suite ou non sans en subir de préjudice; la fiction de retrait de l'opposition à l'ordonnance pénale est ainsi inopérante (cf. ATF 140 IV 86 consid. 2.4 et 2.5 p. 91; arrêt 6B_404/2014 du 5 juin 2015 consid. 1.3, in SJ 2016 I 61). Une notification par voie édictale (cf. art. 88 CPP) ne permet pas de déroger à cette solution en cas de domicile à l'étranger, sans compter qu'un tel mode de citation n'implique pas une connaissance effective de la convocation et des conséquences du défaut (cf. arrêt 6B_404/2014 du 5 juin 2015 consid. 1.3, in SJ 2016 I 61). 
 
1.3. En l'espèce, le recourant était domicilié en Turquie. Partant, la fiction de retrait de l'opposition à l'ordonnance pénale fondée sur l'art. 355 al. 2 CPP est inopérante, quel que soit le mode de communication. C'est à tort que la cour cantonale a considéré que le mandat de comparution assorti de menaces de sanctions était valable, au motif qu'il n'avait pas été notifié à l'étranger, mais qu'il avait été envoyé à l'adresse de notification de l'étude genevoise. En effet, la souveraineté de l'Etat étranger est violée, non pas parce qu'une citation à comparaître a franchi la frontière, mais parce que la personne qui séjourne à l'étranger est soumise à une contrainte. Ainsi, le Tribunal fédéral a jugé qu'une notification par voie édictale ne permettait pas de déroger aux principes posés à l'ATF 140 IV 86, alors même que, dans ce cas, aucune citation à comparaître n'avait, par définition, franchi la moindre frontière. Pour le surplus, l'arrêt cité par la cour cantonale (arrêt 6B_673/2016 du 19 octobre 2016) n'est pas pertinent, car, en l'espèce, l'opposant était sans domicile fixe, et non domicilié à l'étranger. Le recours doit donc être admis déjà pour ce motif.  
En outre, c'est à tort que la cour cantonale a retenu que le recourant n'ignorait pas la convocation à l'audience ni les conséquences d'un défaut, de sorte que l'art. 355 al. 2 CPP était applicable. Selon la jurisprudence précitée, la fiction légale de retrait de l'opposition suppose que l'opposant ait conscience des conséquences de son omission et qu'il renonce à ses droits en connaissance de cause. Or en l'espèce, on ne peut pas admettre que le recourant a montré, par son comportement, un désintérêt pour la suite de la procédure. En effet, le conseil du recourant a d'abord demandé le report de l'audience. A la suite du refus du Ministère public, le recourant a réservé un vol pour Genève, mais celui-ci a été ajourné à défaut de visa suisse valide. Le conseil du recourant a donc sollicité un nouveau report d'audience, mais en vain. Le jour de l'audience, le conseil du recourant était présent. Par son comportement, le recourant a marqué au contraire son intérêt pour la procédure pénale dirigée contre lui. En confirmant le constat du retrait de l'opposition dans ces conditions, la cour cantonale a donc violé l'art. 355 al. 2 CPP. Le recours doit donc également être admis pour ce second motif. 
 
2.   
Le recours doit donc être admis pour ces deux motifs, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs soulevés par le recourant. 
 
Le recourant qui obtient gain de cause ne supporte pas de frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et peut prétendre à une indemnité de dépens à la charge du canton de Genève (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
 
1.  
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le canton de Genève versera au recourant la somme de 3000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours. 
 
 
Lausanne, le 2 mai 2018 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Denys 
 
La Greffière : Kistler Vianin