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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_682/2020  
 
 
Arrêt du 3 novembre 2021  
 
IIe Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Stadelmann et Truttmann, Juge suppléante. 
Greffier : M. Berthoud. 
 
Participants à la procédure 
Caisse de pensions de l'Etat de Vaud, 
rue Caroline 11, 1003 Lausanne, 
représentée par Me Alexandre Bernel, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
intimée. 
 
Objet 
Prévoyance professionnelle, 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 22 septembre 2020 (PP 9/18 - 27/2020). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ a travaillé en qualité d'enseignante à 60 % dès le 15 août 2015, puis à 58 % à partir du 1 er août 2016 au service de l'école B.________. A ce titre, elle était assurée auprès de la Caisse de pensions de l'Etat de Vaud (ci-après: la CPEV) depuis le 1 er août 2015 pour la prévoyance professionnelle.  
 
L'assurée a été en arrêt de travail à 100 % pour cause de maladie depuis le 6 février 2017. La CPEV l'a mise au bénéfice d'une pension d'invalidité temporaire à partir du 28 mars 2017. Le 21 août 2017, la CPEV a fait savoir à son assurée qu'elle mettait fin au versement des prestations avec effet au 31 juillet 2017, date de la fin des rapports de service. A.________ s'y étant opposée, la CPEV a mandaté le docteur C.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. Dans son rapport du 9 janvier 2018, ce médecin a posé les diagnostics, ayant des répercussions sur la capacité de travail, de trouble anxieux généralisé (F41.1) et d'épisode dépressif encore léger (en rémission) (F32.0), à l'origine de l'incapacité de travail totale attestée depuis le 7 mars 2017. Selon le docteur C.________, l'assurée pouvait reprendre son activité d'enseignante, d'abord à 50 % (50 % de 60 %), puis à 80 % (80 % de 60 %) depuis le 1 er mars 2018, et à 100 % à compter du 1 er avril 2018. Le 26 avril 2018, le Conseil d'administration de la CPEV a confirmé que le versement de la rente temporaire n'était pas possible au-delà du 31 juillet 2017.  
 
De son côté, l'Office de l'assurance-invalidité du canton du Valais (ci-après: l'office AI) a mis en oeuvre une expertise pluridisciplinaire auprès du Centre d'expertises médicales (CEMed) qui a été réalisée par les docteurs D.________, spécialiste en oto-rhino-laryngologie, E.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, et F.________, spécialiste en neurologie. Dans leur synthèse, les experts ont retenu une capacité de travail dans l'activité habituelle de 0 % dès février 2017, de 20 % dès février 2018 et de 40 % dès janvier 2019. En cas de rémission des troubles psychiques, et après rééducation vestibulaire, la capacité de travail dans une activité adaptée resterait de 80 % en raison de la pathologie ORL (rapport du 25 février 2019). Par décision du 21 janvier 2020, l'office AI a alloué à l'assurée une rente entière d'invalidité du 1 er février 2018 au 31 mars 2019, fondée sur un degré d'invalidité de 80 %, puis trois-quarts de rente à compter du 1 er avril 2019 en raison d'un taux d'invalidité de 60 %.  
 
B.  
Entre-temps, le 24 mai 2018, A.________ a ouvert action devant le Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, en concluant implicitement à l'octroi de prestations d'invalidité définitive au-delà du 31 juillet 2017 par la CPEV. Cette dernière a conclu au rejet de la demande. 
 
Par jugement du 22 septembre 2020, la juridiction cantonale a admis la demande en ce sens que la CPEV a été condamnée à verser mensuellement à l'assurée, avec effet au 1 er août 2017, une rente d'invalidité de 1327 fr. 95, valeur au 31 août 2015, et une rente-pont AI de 445 fr. 25, montants qu'il conviendra d'adapter au 1 er août 2017, sous déduction de la rente de l'assurance-invalidité versée à la demanderesse.  
 
C.  
La CPEV interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement. A titre principal, elle en demande la réforme en ce sens que la demande du 24 mai 2018 soit rejetée. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation du jugement et au renvoi de la cause aux premiers juges, pour nouvelle instruction au sens des considérants de l'arrêt du Tribunal fédéral, sur la capacité de travail de l'assurée antérieurement au 6 février 2017, et nouveau jugement. Plus subsidiairement, elle conclut à la réforme du jugement, en ce sens que la rente d'invalidité définitive soit fixée à 65,52 % dès février 2018 et à 31,03 % dès le 1 er janvier 2019. Encore plus subsidiairement, elle demande l'annulation du jugement et le renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle instruction dans le sens des considérants de l'arrêt du Tribunal fédéral sur la capacité de travail de l'assurée dès février 2018 et nouveau jugement.  
 
L'intimée conclut implicitement au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Avec sa réponse, l'intimée a déposé un bordereau de "Documents nouveaux". En tant que ces moyens de preuve ne résultent pas de la décision de l'autorité précédente, ils sont irrecevables (art. 99 al. 1 LTF). 
 
2.  
Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire (ATF 136 II 304 consid. 2.4; 135 II 145 consid. 8.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La violation peut consister en un état de fait incomplet, car l'autorité précédente viole le droit matériel en n'établissant pas tous les faits pertinents pour l'application de celui-ci (ATF 134 V 53 consid. 4.3). La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées. A défaut d'une telle motivation, il n'est pas possible de prendre en considération un état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision attaquée, ni des faits qui n'y sont pas contenus (ATF 136 I 184 consid. 1.2; 133 IV 286 consid. 1.4 et 6.2). 
 
3.  
 
3.1. Le litige porte sur le droit de l'intimée à une rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle dès le 1 er août 2017, à charge de l'institution de prévoyance professionnelle recourante.  
 
A cet égard, le jugement entrepris expose correctement les règles applicables en matière de prestations d'invalidité de la prévoyance professionnelle (art. 23 let. a LPP; ATF 143 V 434 consid. 2.2 et les références), notamment le double critère de la connexité matérielle et temporelle entre l'incapacité de travail et l'invalidité exigé par la jurisprudence pour fonder l'obligation de prester d'une institution de prévoyance à laquelle un assuré est affilié (ATF 136 V 65 consid. 3.1 et les arrêts cités). Il suffit d'y renvoyer. 
 
3.2. Les constatations de la juridiction cantonale relatives à l'incapacité de travail résultant d'une atteinte à la santé (survenance, degré, durée, pronostic) relèvent d'une question de fait et ne peuvent être examinées par le Tribunal fédéral que sous un angle restreint dans la mesure où elles reposent sur une appréciation des circonstances concrètes du cas d'espèce (art. 97 al. 1 et 105 al. 1 et 2 LTF). Les conséquences que tire la juridiction cantonale des constatations de fait quant à la connexité temporelle sont en revanche soumises au plein pouvoir d'examen du Tribunal fédéral (arrêt 9C_503/2013 du 25 février 2014 consid. 3.3, in SVR 2014 BVG n° 38 p. 143 et la référence).  
 
4.  
Les premiers juges ont constaté que l'intimée ne présentait pas une capacité de travail diminuée de plus de 20 % avant son engagement à l'Etat de Vaud en se fondant sur le rapport du CEMed du 25 février 2019. Les experts avaient examiné la capacité de travail de l'intimée de 2010 à 2017, relevant qu'à la suite d'une incapacité de travail survenue en 2011, l'intimée avait pu suivre des cours de graphiste à 80 % en février 2013 et obtenir un poste à 50 % comme coordinatrice de création en méthodologie. En 2014, elle avait remporté un concours lui ayant permis de séjourner à l'étranger avant d'être engagée à l'école B.________ au taux contractuel de 60 % puis 58 %. Selon l'instance judiciaire cantonale, il n'apparaissait pas que l'intimée n'aurait pas été en mesure d'assumer le taux contractuel des différents emplois qu'elle avait exercés, ni qu'elle aurait choisi ces activités à des taux réduits pour des raisons de santé, ces emplois à temps partiel lui ayant été proposés par l'employeur en fonction des heures de cours disponibles. Hormis une brève interruption de deux semaines en octobre 2016, l'intimée s'était pleinement acquittée de ses tâches et n'avait pas présenté d'incapacité de travail de plus de trois mois entre 2015 et 2017. 
 
Les juges cantonaux ont encore constaté que l'anxiété généralisée provoquée par l'activité au sein de l'école B.________ avait conduit à l'incapacité totale de travail à partir de février 2017, ce qui suffisait, conformément à la jurisprudence (cf. ATF 144 V 58 consid. 4.4 et 4.5), à interrompre le lien de causalité temporelle. Quant au lien de connexité matérielle, la juridiction cantonale a également nié son existence s'agissant du trouble anxieux généralisé apparu en février 2017 mais l'a admis pour le trouble vestibulaire présent depuis 2010. Dans ces conditions, l'art. 23 let. a LPP ne permettait pas à la CPEV de refuser d'allouer ses prestations. 
 
5.  
 
5.1. La CPEV conteste le point de vue de la juridiction cantonale, à qui elle reproche d'avoir occulté quasiment toutes les mentions, dans le rapport d'expertise du CEMed du 25 février 2019, des difficultés que l'intimée avait rencontrées de 2013 à 2015 (perte d'énergie, présence d'idées suicidaires, angoisses, troubles de l'équilibre, vertiges). Elle demande ainsi de compléter le jugement attaqué en application des art. 95, 97 et 105 LTF, affirmant que celui-ci est de plus manifestement inexact, respectivement qu'il a été établi contrairement au droit, en tant qu'il retient que les taux d'activités de 60 % et de 58 % découlent uniquement des propositions de l'employeur en fonction des heures de cours disponibles. A son avis, on ne saurait en déduire que l'intimée était disposée et apte à travailler davantage, car elle souffrait bien avant son engagement par l'Etat de Vaud et pendant toute la relation de travail d'agoraphobie avec trouble panique ainsi que d'un "Persistent Postural-Perceptual Dizziness", lui-même en lien avec un état anxieux, causant une incapacité de travail. Selon la recourante, l'incapacité de travail était d'au moins 20 % depuis 2013 dans une activité adaptée, soit par définition supérieure à 20 % dans les activités habituelles; elle invoque à cet égard l'avis du docteur G.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, qui avait attesté que sa patiente n'avait jamais pu travailler à un taux d'activité supérieur à 80 % depuis une incapacité totale de travail durant une année en 2010-2011 (cf. rapport du 21 juin 2018). La recourante en déduit qu'il existe un lien de connexité non seulement matériel mais aussi temporel entre les affections préexistantes au début de la couverture d'assurance de l'intimée, de sorte qu'elle est en droit de refuser d'allouer ses prestations, conformément à l'art. 23 LPP.  
 
5.2. Contrairement à ce que demande la recourante, il n'y a pas lieu d'ordonner un complément d'instruction portant sur l'existence d'une éventuelle incapacité de travail en 2015 et durant les années précédentes, ni de compléter le jugement attaqué à ce sujet, car le rapport d'expertise du CEMed du 25 février 2019 a force probante et permet de statuer en connaissance de cause. Dans l'anamnèse, les experts ont en effet clairement relaté l'évolution de l'état de santé depuis 2010 en mentionnant les affections psychiques et somatiques dont l'intimée avait été atteinte. S'ils ont attesté que l'incapacité totale de travail avait commencé en février 2017 en raison des troubles psychiques, les experts n'ont en revanche pas indiqué que ces affections auraient entraîné une incapacité de travail supérieure à 20 %, tant au début des rapports de service en août 2015 que durant la période qui l'avait précédé. On ajoutera que le docteur C.________ n'a pas non plus fait état d'une incapacité de travail d'origine psychique antérieurement au mois de mars 2017 dans son rapport du 9 janvier 2018, en précisant que l'anamnèse psychiatrique était vide.  
 
Dans ce contexte, il faut rappeler que si la preuve d'une limitation de la capacité fonctionnelle de travail déterminante sous l'angle du droit de la prévoyance professionnelle (ATF 134 V 20 consid. 3.2.2) ne suppose pas forcément l'attestation médicale d'une incapacité de travail "en temps réel" ("echtzeitlich"), des considérations subséquentes et des suppositions spéculatives, comme par exemple, une incapacité médico-théorique établie rétroactivement après bien des années, ne suffisent pas. L'atteinte à la santé doit avoir eu des effets significatifs sur les rapports de travail; en d'autres termes, la diminution de la capacité fonctionnelle de travail doit s'être manifestée sous l'angle du droit du travail, notamment par une baisse des prestations dûment constatée, un avertissement de l'employeur ou une accumulation d'absences du travail liées à l'état de santé (arrêt 9C_556/2019 du 4 novembre 2019 consid. 4.3 et la référence). De tels éléments ne sont pourtant pas établis en l'espèce. En outre, les seuls problèmes d'ordre psychiatrique mentionnés par les experts du CEMed sur la base du dossier concernent un déconditionnement psychique survenu en février 2013, soit bien avant le début de l'activité au service de l'école B.________, le 1 er août 2015. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la recourante, rien ne permet d'admettre que l'intimée aurait d'emblée restreint son activité professionnelle en raison de son état de santé, lorsqu'elle a accepté l'emploi à temps partiel qui a commencé le 1 er août 2015 (à 60 % puis à 58 %). Quant à l'évaluation de la capacité de travail par le docteur G.________ (cf. rapport du 21 juin 2018), invoquée par la recourante, elle porte sur une période antérieure de plusieurs années au début de son mandat et n'est donc pas décisive.  
 
Vu ce qui précède, l'instance cantonale a admis à juste titre que l'activité déployée d'août 2015 à février 2017 avait interrompu le lien de connexité temporelle entre une éventuelle incapacité de travail pour troubles psychiques qui aurait existé avant le 1 er août 2015 et celle qui est survenue en février 2017 (cf. ATF 144 V 58 consid. 4.4 et consid. 4.5), elle-même à l'origine de l'invalidité durable. C'est donc sans violation de l'art. 23 let. a LPP ainsi que des art. 59 et 60 du Règlement des prestations de la Caisse de pensions de l'Etat de Vaud que l'obligation de la recourante de verser des prestations d'invalidité définitive à compter du 1 er août 2017 a été reconnue. Sur ce point, le recours est mal fondé.  
 
6.  
 
6.1. A titre subsidiaire, la recourante reproche aux juges cantonaux de n'avoir pas pris en considération l'amélioration de la capacité de travail de l'intimée dès février 2018, de sorte que le taux de la rente d'invalidité qu'elle doit servir à compter de ce moment-là, puis de janvier 2019, serait trop élevé.  
L'intimée n'a pas abordé ce point dans sa réponse. 
 
6.2. Le jugement attaqué ne tient pas compte de la modification de la capacité de travail mise en évidence par les experts du CEMed. Toutefois, il faut rappeler que l'assurance-invalidité avait de son côté reconnu à l'intimée le droit à une rente entière d'invalidité à partir du 1 er février 2018, puis à trois quarts de rente dès le 1 er avril 2019 (cf. décision du 21 janvier 2020). Ce n'est donc qu'à partir de cette date que la rente de la CPEV pourrait être adaptée (cf. art. 24 al. 1 LPP). Il sied donc de renvoyer la cause aux premiers juges afin qu'ils examinent le droit à la rente à compter du 1 er avril 2019 et statuent à nouveau sur ce point.  
 
7.  
Vu l'issue du litige, il sied de répartir les frais de la procédure entre les parties (art. 66 al. 1 LTF), à raison de trois quarts à charge de la recourante et un quart à l'intimée. 
 
La recourante n'a pas droit aux dépens qu'elle demande, vu l'art. 68 al. 3 LTF
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis. Le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 22 septembre 2020, est annulé en tant qu'il porte sur le montant de la rente d'invalidité due à compter du 1 er avril 2019, la cause lui étant renvoyée pour qu'il statue à nouveau sur ce point. Le recours est rejeté pour le surplus.  
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis pour 600 fr. à la charge de la recourante et pour 200 fr. à la charge de l'intimée. 
 
3.  
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 3 novembre 2021 
 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Berthoud