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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_33/2022  
 
 
Arrêt du 15 janvier 2024  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président, 
Kölz et Hofmann. 
Greffière : Mme Nasel. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me André Gossin, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton du Jura, Le Château, 2900 Porrentruy, 
intimé. 
 
Objet 
Ordonnance de classement; indemnité, 
 
recours contre la décision de la Chambre pénale des recours du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 14 juillet 2022 (CPR 60+61/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 9 octobre 2019, une instruction a été ouverte contre A.________ notamment pour contrainte, menaces, utilisation abusive d'une installation de télécommunication et dommages à la propriété, au motif qu'il aurait, entre le 31 août et le 8 octobre 2019, suivi quotidiennement B.________ (ci-après: la plaignante) en voiture; il l'aurait également suivie jusque devant chez un ami, devant chez elle et sur son lieu de travail, lui aurait envoyé de nombreux messages, aurait tenté de lui téléphoner à plusieurs reprises, lui aurait dit "si tu n'arrives pas à payer tes factures, tu peux demander une avance à celui qui t'a baisée tout le week-end" et aurait rayé son véhicule. 
Le 18 février 2021, la procédure pénale a été suspendue, la plaignante ayant donné son accord le 12 février 2021 à une suspension de la procédure pour une durée de six mois s'agissant des infractions de contrainte et de menaces. La procédure a été reprise le 25 août 2021, à la demande de la plaignante. 
Par courrier du 24 janvier 2022, la plaignante a renoncé à la reprise de la procédure pénale contre A.________. Le 29 mars 2022, la plaignante a accepté que la procédure soit classée, moyennant un engagement de la part de A.________ à ne pas prendre contact avec elle. Le 22 avril 2022, A.________ a consenti au projet de classement, pour autant que les frais soient mis à la charge de l'Etat avec une indemnité de dépens équitable pour ses frais de défense, refusant pour le reste la demande de la plaignante tendant à lui interdire tout contact avec elle. 
 
B.  
Par ordonnance du 12 mai 2022, la procédure ouverte contre A.________ a été classée. Aucune indemnité n'a été allouée à ce dernier et les frais ont été laissés à la charge de l'Etat. Le 23 mai 2022, A.________ a recouru partiellement contre cette ordonnance de classement, concluant à ce qu'une indemnité de 7'821 fr. lui soit octroyée pour ses frais de défense. 
Par décision du 14 juillet 2022, la Chambre pénale des recours du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura (ci-après: la cour cantonale ou l'autorité précédente) a rejeté le recours formé par A.________ contre l'ordonnance de classement susmentionnée et a mis les frais de la procédure menée devant elle à la charge de celui-ci, y compris l'indemnité versée à son défenseur. 
 
C.  
Par acte du 14 septembre 2022, A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre la décision précitée. Il conclut, en substance, à sa réforme, en ce sens qu'une indemnité complète lui soit allouée à charge de l'Etat pour ses frais de défense devant le Ministère public (à hauteur de 7'921 fr.) ainsi qu'en seconde instance (à hauteur de 1'399 fr.), et que les frais judiciaires de seconde instance soient mis à la charge de l'Etat. Il sollicite par ailleurs le bénéfice de l'assistance judiciaire "gratuite totale", respectivement la désignation de son avocat en qualité de mandataire d'office. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF) dans une cause pénale, le recours est en principe recevable comme recours en matière pénale au sens des art. 78 ss LTF. Le recourant, qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente, conteste en particulier le refus de cette autorité de lui allouer une indemnité pour ses frais de défense en première et seconde instance. Il dispose à cet égard de la qualité pour recourir, conformément à l'art. 81 al. 1 LTF (cf. ATF 138 IV 248 consid. 2; arrêts 6B_459/2022 du 20 mars 2023 consid. 2; 6B_1458/2020 du 7 avril 2021 consid. 2). Le recours a pour le surplus été déposé en temps utile (art. 46 al. 1 let. b et 100 al. 1 LTF), si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
Le recourant débute son écriture par un "résumé des faits essentiels". Une telle démarche, dans la mesure où certains éléments exposés divergent de ceux constatés dans la décision attaquée ou les complètent, sans qu'il soit indiqué qu'ils seraient manifestement inexacts ou arbitraires, est irrecevable, le Tribunal fédéral n'étant pas une instance d'appel (cf. ATF 148 IV 356 consid. 2.1; 147 IV 73 consid. 4.1.2). 
 
3.  
Le recourant soutient ensuite que le refus d'indemnisation fondé sur la prétendue commission de tous les actes qui lui sont reprochés, alors qu'ils ne seraient pas établis et que l'administration des preuves aurait été effectuée de manière incomplète, violerait l'art. 426 CPP, la présomption d'innocence (art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH), son droit d'être entendu (art. 29 Cst.) et son droit à un procès équitable (art. 6 CEDH), ainsi que l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.). 
 
3.1.  
 
3.1.1. En vertu de l'art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l'objet d'une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci. En outre, l'autorité pénale peut réduire ou refuser l'indemnité lorsque le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure ou a rendu plus difficile la conduite de celle-ci (art. 430 al. 1 let. a CPP), cette dernière disposition constituant, selon la jurisprudence, le pendant de l'art. 426 al. 2 CPP en matière de frais. Lorsqu'une non-entrée en matière ou un classement est prononcé sur la base des art. 52 à 55a CP, une mise à la charge du prévenu des frais peut s'avérer justifiée (LAURENT MOREILLON, in Commentaire romand, Code pénal I, 2 e éd. 2021, n o 31 ad art. 55a CP, qui se réfère à l'ATF 144 IV 202).  
La condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais doit respecter la présomption d'innocence, consacrée par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH. Celle-ci interdit de rendre une décision défavorable au prévenu libéré en laissant entendre que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées. Une condamnation aux frais n'est ainsi admissible que si le prévenu a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours. A cet égard, seul entre en ligne de compte un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés. Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO. Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement (ATF 144 IV 202 consid. 2.2). Une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit d'ouvrir une enquête. Elle est en tout cas exclue lorsque l'autorité est intervenue par excès de zèle, ensuite d'une mauvaise analyse de la situation ou par précipitation; la mise des frais à la charge du prévenu en cas d'acquittement ou de classement de la procédure doit en effet rester l'exception (ATF 144 IV 202 consid. 2.2; arrêt 6B_672/2023 du 4 octobre 2023 consid. 3.1.1). Le juge ne peut fonder sa décision que sur des faits incontestés ou déjà clairement établis (ATF 112 Ia 371 consid. 2a; arrêt 7B_18/2023 du 24 août 2023 consid. 3.1.1; 6B_1321/2022 du 14 mars 2023 consid. 2.1; 6B_1003/2021 du 8 septembre 2022 consid. 1.1). 
 
3.1.2. La condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais peut en principe se fonder sur l'art. 28 CC (arrêts 6B_672/2023 du 4 octobre 2023 consid. 3.1.2; 6B_414/2016 du 29 juillet 2016 consid. 2.4; 6B_832/2014 du 24 avril 2015 consid. 1.3 et la référence citée; 6B_87/2012 du 27 avril 2012 consid. 1.4.1). Selon cette disposition, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité peut agir en justice pour sa protection contre toute personne qui y participe (al. 1); une atteinte est illicite, à moins qu'elle ne soit justifiée par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant privé ou public, ou par la loi (al. 2). La garantie de l'art. 28 CC s'étend à l'ensemble des valeurs essentielles de la personne qui lui sont propres par sa seule existence et peuvent faire l'objet d'une atteinte (ATF 134 III 193 consid. 4.5 in fine et les références citées).  
 
3.2.  
 
3.2.1. En l'espèce, la cour cantonale a observé que le Ministère public avait classé la procédure dirigée contre le recourant en considérant que les infractions qui lui étaient reprochées avaient été réalisées dans un contexte général de conflit ayant suivi la séparation du couple; cette même autorité avait prononcé un classement en vertu de l'art. 55a al. 5 CP pour les infractions de contrainte et menaces; les infractions de dommages à la propriété et d'utilisation abusive d'une installation de télécommunication, qui n'étaient pas directement concernées par cette dernière disposition, avaient également été classées; le Ministère public avait tenu compte notamment de l'écoulement du temps, de la gravité des infractions en cause, de la connexité des faits évoqués avec ceux susceptibles de faire l'objet d'un classement fondé sur l'art. 55a CP et de l'accord de la partie plaignante. L'autorité précédente s'est ensuite référée à la jurisprudence qu'elle a citée en lien avec le classement en vertu de l'art. 55a al. 5 CP et à celle relative à un classement pour opportunité; elle a considéré qu'au vu des faits qui étaient reprochés au recourant dans le cadre de la présente procédure pénale, force était d'admettre que le Ministère public aurait dû mettre les frais de la procédure à la charge de celui-là, en application de l'art. 426 al. 2 CPP, en plus de lui refuser une indemnité selon l'art. 430 al. 1 let. a CPP. Toutefois, le recours étant limité à la contestation du refus d'une indemnité, elle a observé qu'il ne lui appartenait pas d'examiner si les conditions de l'art. 426 al. 2 CPP étaient en l'espèce réalisées. Cela étant, l'autorité précédente a relevé qu'il était suffisamment établi, au vu des faits recueillis et rappelés dans sa décision (cf. arrêt entrepris, p. 1 ss), que par ses très nombreux messages SMS et WhatsApp et appels téléphoniques à la plaignante (soit 24 messages WhatsApp, 2 SMS, 24 appels WhatsApp et une vingtaine de tentatives d'appels téléphoniques entre le 31 août et le 11 septembre 2019 [cf. arrêt entrepris, p. 2 et 10]), ainsi que sa surveillance exercée sur celle-ci, à toute heure, le recourant avait eu un comportement fautif; or ce comportement fautif, réprimé par les dispositions civiles protégeant des atteintes illicites à la personnalité (art. 28 ss CC), avait provoqué l'ouverture d'une procédure pénale à son égard et les actes d'enquête effectués.  
 
3.2.2. Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique. Contrairement à ce que prétend le recourant, l'autorité précédente n'a pas appliqué une présomption selon laquelle tout classement intervenant selon l'art. 55a CP impliquerait obligatoirement que tous les faits reprochés soient avérés. Elle ne s'est pas non plus basée uniquement sur des soupçons, respectivement sur les seules allégations de la plaignante. Elle s'est au contraire fondée sur d'autres éléments de preuves, en particulier les déclarations de trois témoins (cf. arrêt entrepris, p. 3 s.) ainsi que le contenu du téléphone portable de la plaignante, pour parvenir à la conclusion que le recourant avait eu un comportement fautif à l'égard de la prénommée.  
Le recourant prétend que la cause n'aurait pas été suffisamment instruite. Il n'indique toutefois pas précisément quels faits n'auraient pas été élucidés, quels moyens de preuves il entendrait voir administrés, et moins encore quelle incidence cela aurait eu sur la décision attaquée (art. 97 al. 1 LTF). 
Cela étant, le comportement reproché au recourant constitue, quoi qu'il en dise, une atteinte à la personnalité de la plaignante au sens de l'art. 28 CC. Le recourant procède de manière appellatoire (cf. ATF 148 IV 356 consid. 2.1; 147 IV 73 consid. 4.1.2) en affirmant le contraire. Il en va en particulier ainsi en tant qu'il affirme que son comportement et celui de la plaignante (elle aurait également vainement essayé de l'atteindre à trois reprises entre le 8 et le 11 septembre 2019) démontreraient qu'il y aurait eu un besoin réciproque de régler certains éléments liés à leur séparation, respectivement qu'il n'y aurait eu aucune utilisation du téléphone dépassant l'admissible (cf. recours, p. 9 et 11). 
On ne discerne pour le surplus aucun défaut de motivation, la cour cantonale ayant suffisamment décrit le comportement illicite et fautif du recourant, ainsi que le lien de causalité entre l'acte et l'ouverture de la procédure pénale. 
 
3.3. En définitive, la cour cantonale n'a nullement violé le droit fédéral, en particulier l'art. 426 al. 2 CPP ou l'art. 430 al. 1 let. a CPP, dont les conditions sont en l'espèce réalisées, ni d'une autre manière le droit conventionnel en confirmant le refus d'allouer au recourant une indemnité pour ses frais de défense. Elle n'a en particulier pas violé la présomption d'innocence, dans la mesure où aucune faute n'est reprochée au recourant sur le plan pénal, mais que son comportement, réprimé sur le plan civil, a amené la plaignante, de manière justifiée, à déposer une plainte pénale et les autorités pénales à ouvrir et poursuivre une procédure pénale contre le recourant. C'est en outre à juste titre que l'autorité précédente s'est limitée à traiter la question d'une indemnité au sens de l'art. 430 al. 1 let. a CPP, dès lors que, en application de l'art. 391 al. 2 CPP, la mise à la charge de l'Etat des frais de procédure était acquise au recourant.  
 
4.  
Enfin, le recourant requiert "qu'autant les frais de la procédure, que l'indemnisation du défenseur d'office selon la taxation intervenue devant l'Autorité intimée, soient mis à la charge de l'État". Ce faisant, le recourant ne s'en prend d'aucune manière à la motivation cantonale fondée sur l'art. 428 CPP (cf. décision entreprise, p. 10), laquelle ne prête pas non plus le flanc à la critique. 
 
5.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme il était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Ces frais seront toutefois fixés en tenant compte des circonstances et de sa situation financière, laquelle n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 600 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de la République et canton du Jura et à la Chambre pénale des recours du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura. 
 
 
Lausanne, le 15 janvier 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Abrecht 
 
La Greffière : Nasel