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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_2/2023  
 
 
Arrêt du 25 septembre 2023  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Stadelmann et Scherrer Reber. 
Greffier : M. Berthoud. 
 
Participants à la procédure 
Office de l'assurance-invalidité 
du canton de Neuchâtel, 
rue Chandigarh 2, 2300 La Chaux-de-Fonds, 
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 29 novembre 2022 (CDP.2022.157-AI/yr). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, né en août 1994, titulaire d'un Master en droit obtenu en 2021, a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité le 8 septembre 2020. 
L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel (ci-après: l'office AI) a confié un mandat d'expertise psychiatrique au centre B.________. Dans un rapport du 2 décembre 2021, complété le 19 janvier 2022, le docteur C.________, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie et la doctoresse D.________, médecin assistante, ont posé le diagnostic de schizophrénie indifférenciée (F20.3). Ils ont attesté que le début d'une symptomatologie polymorphe avec un retentissement important sur son fonctionnement et la construction psychique pouvait être identifié vers l'âge de 13 ans et correspondait à la première hospitalisation en milieu psychiatrique. L'incapacité de travail était de 100 % dans toute activité en milieu économique en raison d'angoisses psychotiques avec manifestations cognitives, somatiques et dissociatives, en regard d'une désorganisation du comportement avec des rituels para-kinésies incontrôlables, sans perspective d'amélioration permettant la reprise d'une activité lucrative. Les experts ont précisé que le début de l'incapacité de travail pouvait être situé vers la fin de ses études, le mois d'octobre (recte: septembre) 2020 coïncidant avec la demande de prestations d'invalidité. Le Service médical régional Suisse romande (SMR) s'est rallié à l'opinion des experts du centre B.________ (avis du docteur E.________ du 22 février 2022). 
Par décision du 9 mai 2022, l'office AI a alloué à son assuré une rente entière d'invalidité fondée sur un taux d'invalidité de 100 % à compter du 1 er septembre 2021, d'un montant mensuel de 1'195 francs. Dans le calcul de la rente, l'office AI a tenu compte d'un revenu annuel moyen déterminant de 5'736 fr., d'une durée de cotisations de 6 ans et de l'échelle de rente 44 (rente complète).  
 
B.  
A.________ a déféré cette décision à la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, en concluant à ce que la rente soit calculée sur le salaire moyen d'un avocat, métier auquel il se destinait. 
Par arrêt du 29 novembre 2022, la juridiction cantonale a admis le recours, réformé la décision administrative en ce sens que le montant de la rente devait être majoré à 133 1/3 % du montant minimum de la rente complète correspondante et renvoyé la cause à l'office AI pour nouvelle décision au sens des considérants. 
 
C.  
L'office interjette un "recours de droit public" contre cet arrêt dont il demande l'annulation. Il conclut principalement à la confirmation de sa décision 9 mai 2022, subsidiairement à ce que la date de la survenance de l'invalidité soit modifiée, ou que la cause soit renvoyée pour fixer la survenance de l'invalidité. 
L'intimé n'a pas répondu. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
L'arrêt entrepris, qui ne met pas fin à la procédure, constitue une décision incidente qui ne peut être déférée immédiatement au Tribunal fédéral que si la condition du préjudice irréparable prévue par l'art. 93 al. 1 let. a LTF est réalisée ou pour éviter une procédure probatoire longue et coûteuse au sens de l'art. 93 al. 1 let. b LTF. Selon la jurisprudence, une autorité qui devrait, à la suite d'une décision de renvoi, rendre une nouvelle décision qui, de son point de vue, serait contraire au droit sans pouvoir par la suite la remettre en cause devant l'instance supérieure, est réputée subir un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (cf. ATF 144 V 280 consid. 1.2; 133 V 477 consid. 5.2). 
Cette éventualité est réalisée en l'espèce, dès lors que la cause a été renvoyée à l'office recourant afin qu'il calcule le montant de la rente en tenant compte d'un supplément de 133 1 /3 %, ce qu'il juge contraire au droit.  
 
2.  
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral fonde son raisonnement sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 143 I 310 consid. 2.2; 140 III 264 consid. 2.3) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Il applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être lié ni par les motifs de l'autorité précédente, ni par les moyens des parties. Le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, pour autant que les manquements ne soient pas manifestes (ATF 144 V 173 consid. 1.2 et les références). 
 
3.  
 
3.1. Le litige porte uniquement sur le montant de la rente entière ordinaire d'invalidité allouée à partir du 1 er septembre 2021.  
 
3.2. Les premiers juges ont exposé de manière complète les règles applicables à la solution du litige, si bien qu'il suffit d'y renvoyer.  
On ajoutera qu'aux termes de l'art. 4 al. 2 LAI, l'invalidité est réputée survenue dès qu'elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération. Le moment de la survenance de l'invalidité doit être déterminé objectivement, d'après l'état de santé; des facteurs externes fortuits n'ont pas d'importance. Il ne dépend en particulier ni de la date à laquelle une demande a été présentée, ni de celle à partir de laquelle une prestation a été requise, et ne coïncide pas non plus nécessairement avec le moment où l'assuré apprend, pour la première fois, que l'atteinte à sa santé peut ouvrir droit à des prestations d'assurance (ATF 140 V 246 consid. 6.1 et les arrêts cités). En outre, selon l'art. 28 al. 1 LAI, l'assuré a droit à une rente s'il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d'au moins 40 % en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) et si au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40 % au moins (let. c). 
D'après l'art. 37 al. 2 LAI, lorsqu'un assuré comptant une durée complète de cotisations n'a pas encore accompli sa vingt-cinquième année au moment de la survenance de l'invalidité, la rente d'invalidité lui revenant et les rentes complémentaires éventuelles s'élèvent au moins à 133 1/3 % du montant minimum de la rente complète correspondante. 
 
4.  
La juridiction cantonale a admis que la situation de l'intimé correspond à celle des assurés devenus invalides au cours de leurs jeunes années, soit après l'achèvement de leur formation professionnelle, de sorte qu'il convenait de déterminer s'il pouvait bénéficier de l'augmentation de la rente conformément à l'art. 37 al. 2 LAI. Elle a constaté que l'intimé a achevé sa formation en droit à 27 ans révolus. La durée d'étude a été de 9 ans (18 semestres, de septembre 2012 à novembre 2021), alors que le plan d'études prévoit 9 semestres (6 pour le Bachelor et 3 pour le Master). Pour savoir à partir de quand l'atteinte à la santé avait entravé le cours normal des études dans une mesure de 40 % au moins sur une année, les premiers juges se sont fondés sur l'avis des experts du centre B.________ et du SMR qui ont retenu que l'intimé avait présenté des symptômes invalidants depuis ses treize ans et que les troubles psychiques avaient retardé l'achèvement de la formation. Ils ont dès lors admis que, dès cet âge, le cursus de formation s'était prolongé en raison de la maladie, à tout le moins à 40 %, de sorte qu'on ne pouvait exclure, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l'intimé aurait terminé ses études avant sa vingt-cinquième année sans sa maladie. Les conditions d'une augmentation du montant de la rente en application de l'art. 37 al. 2 LAI étaient par conséquent réunies. 
 
5.  
L'office recourant fait valoir qu'aucun élément du dossier ne permet de fixer le cas d'assurance - autrement dit la survenance de l'invalidité - en lien avec l'octroi d'une rente d'invalidité à un moment différent du mois de septembre 2020, au degré de la vraisemblance prépondérante. Bien que les experts psychiatres mentionnent que les troubles psychiques, évoluant depuis l'âge de treize ans, ont retardé le cursus de formation, le recourant est d'avis qu'on ne saurait arrêter le moment de la survenance du risque avant les vingt-cinq ans de l'assuré sur la base de cet unique élément, ce qui exclut le supplément de rente prévu par l'art. 37 al. 2 LAI
Par ailleurs, le recourant relève qu'en l'absence d'injonctions précises concernant le moment de la survenance du cas d'assurance, la réforme de sa décision du 9 mai 2022 telle qu'exigée par la juridiction cantonale ne serait pas possible. Afin de calculer le montant de la rente conformément à l'art. 37 al. 2 LAI, il soutient qu'il aurait fallu lui renvoyer la cause pour établir le moment de la survenance du cas d'assurance, soit le fixer de manière claire et précise à une époque où l'intimé n'avait pas encore atteint ses vingt-cinq ans. 
 
6.  
 
6.1. Pour avoir droit au supplément de rente litigieux dont il est question à l'art. 37 al. 2 LAI, l'intimé aurait dû présenter une incapacité de travail d'au moins 40 % en moyenne durant une année sans interruption notable (cf. art. 28 al. 1 let. b LAI), cela au plus tard lorsqu'il avait accompli sa vingt-cinquième année, soit en août 2019 (cf. ATF 137 V 417 consid. 2.3). Il faut ainsi déterminer à partir de quand l'atteinte à la santé psychique, qui a évolué depuis l'adolescence de l'intimé, l'a entravé dans la mise à profit de sa capacité de travail ou l'accomplissement de ses travaux habituels à hauteur de 40 % au moins durant une année (cf. art. 28 al. 1 let. b et c, 28a al. 2 LAI; art. 26bis RAI).  
 
6.2. En retenant que les troubles psychiques ont retardé l'achèvement de la formation de l'intimé avant l'âge de vingt-cinq ans et que le cursus normal de formation s'est prolongé en raison de la maladie, dans une mesure de 40 % au moins sur une année, les premiers juges n'ont pas apprécié la situation de façon insoutenable. Leur décision n'est pas contredite par un avis médical. En effet, si les troubles psychiques de l'intimé, qui existent depuis ses treize ans, ne l'ont pas empêché d'achever sans retard une formation bilingue gymnasiale en juillet 2012, puis de poursuivre ses études dans le domaine juridique à l'université F.________ (l'intimé y a obtenu son Bachelor en droit en février 2016 en travaillant à temps partiel auprès de la bibliothèque de cet établissement en qualité d'auxiliaire de juillet 2015 à février 2016), il en est allé différemment pour le Master en droit qu'il avait entrepris en 2016. L'intimé ne l'a achevé qu'en février 2021, ayant eu besoin de cinq ans alors que le plan d'études prévoit trois semestres. La durée inhabituellement longue de cette dernière formation s'explique, au degré de la vraisemblance prépondérante (cf. ATF 139 V 176 consid. 5.3), en raison de l'incidence délétère des troubles psychiques sur la capacité de l'intimé d'accomplir ses travaux habituels (c'est-à-dire la préparation du Master en droit), ces troubles ayant considérablement retardé le cursus de cette formation. L'atteinte à la santé a présenté un caractère progressivement déficitaire, aboutissant à une incapacité totale de travailler dès le mois de septembre 2020 selon les experts du centre B.________, qui ne l'ont toutefois pas quantifiée pour la période précédente.  
En se limitant à alléguer que les médecins consultés avaient indiqué qu'une incapacité (totale) de travail avait débuté en septembre 2020, sans aborder la durée des études du Master, le recourant ne démontre pas que la constatation des premiers juges, qui retiennent une aggravation progressive de l'état de santé de l'assuré déjà bien avant ses vingt-cinq ans, était manifestement erronée, voire arbitraire. Cette constatation lie le Tribunal fédéral (cf. consid. 1; ATF 142 V 178 consid. 2.4 avec les références). Il s'ensuit que l'invalidité au sens de l'art. 4 al. 2 LAI est survenue avant que l'intimé ait atteint l'âge de vingt-cinq ans. 
 
6.3. Les constatations de l'instance précédente sont en revanche très imprécises sur le moment à partir duquel la maladie a prolongé le cursus de formation. En effet, elle a simplement retenu que l'intimé "présente des symptômes invalidants depuis ses 13 ans et que les troubles psychiques ont retardé l'achèvement de sa formation", ajoutant que "on peut donc admettre que dès cet âge, le cursus de formation s'est prolongé en raison de la maladie, à tout le moins à 40 %".  
Cet élément temporel doit pourtant être connu pour savoir si et comment la rente d'invalidité doit être majorée en vertu de l'art. 37 al. 2 LAI, car la loi requiert que l'assuré ait compté une durée complète de cotisations au moment de la survenance de l'invalidité. La survenance du cas d'assurance est déterminante pour calculer le montant de la rente. Il sied par conséquent de renvoyer la cause au recourant afin qu'il puisse établir ce moment et statuer à nouveau. L'éventualité d'une majoration en application de l'art. 40 al. 3 LAI est réservée. En ce sens, la conclusion subsidiaire du recours est bien fondée. 
 
7.  
Vu les circonstances, il sied de renoncer à percevoir des frais de procédure (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis. L'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, du 29 novembre 2022, ainsi que la décision de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel, du 9 mai 2022, sont annulés, la cause étant renvoyée audit office pour instruction complémentaire et nouvelle décision. Le recours est rejeté pour le surplus. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 25 septembre 2023 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Berthoud