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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1P.309/2005 /col 
 
Arrêt du 1er novembre 2005 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Féraud, Président, 
Aeschlimann et Fonjallaz. 
Greffier: M. Rittener. 
 
Parties 
B.________, 
C.________, 
recourants, 
tous deux représentés par Me Yvan Jeanneret, avocat, 
 
contre 
 
Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement du canton de Genève, case postale 22, 1211 Genève 8, intimé, 
Tribunal administratif du canton de Genève, 
case postale 1956, 1211 Genève 1. 
 
A.________, partie intéressée, 
représenté par Me Gérard Brutsch, avocat, 
 
Objet 
permis de construire; contrôle des loyers; amendes, 
 
recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 5 avril 2005. 
 
Faits: 
A. 
B.________ et C.________ sont copropriétaires, avec A.________, d'un immeuble d'habitation sis rue des Maraîchers 46 (parcelle 486, feuille 29), sur le territoire de la commune de Genève. 
Le 19 octobre 2000, le Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement du canton de Genève (ci-après: le département) a délivré une autorisation de construire pour la transformation de cet immeuble (n° DD 96628-5), à condition que le loyer des logements transformés et agrandis dans les combles (2 appartements, soit 8 pièces) n'excède pas 4'139 fr. par pièce et par an pendant 5 ans, que celui des logements déjà loués (5 appartements, soit 20 pièces) n'excède pas 2'836 fr. par pièce et par an et que celui des logements squattés ou vacants (9 appartements, soit 29 pièces) n'excède pas 3'023 fr. par pièce et par an, toujours pour une durée de 5 ans. 
Par une convention de partenariat signée le 6 décembre 2000, B.________, C.________ et A.________ ont réglé les modalités de leur projet visant à rénover et transformer l'immeuble en question afin de le mettre en location aux conditions prévues par l'autorisation de construire. Ils ont convenu que B.________ et C.________ participeraient financièrement au projet et que A.________ assurerait en sus "le pilotage et le suivi financier". B.________ se chargerait quant à lui du dossier d'ingénierie. Pour le surplus, un mandat de gestion était confié à l'agence immobilière de A.________, étant précisé que ce mandat pourrait être révoqué en cas de désaccord de la part des partenaires quant à la gestion de l'immeuble. 
B. 
Le 16 août 2002, le département a interpellé les trois copropriétaires afin d'obtenir une copie de tous les contrats de bail conclus à l'entrée des locataires de l'immeuble en question. N'ayant pas obtenu d'informations satisfaisantes malgré plusieurs rappels, le département s'est adressé directement aux locataires de l'immeuble afin qu'ils lui transmettent une copie de leurs contrats. Sur la base des renseignements obtenus, le département a constaté des violations de l'autorisation de construire. Le gain illicite réalisé par les copropriétaires de l'immeuble en percevant des loyers plus élevés que ceux autorisés a été estimé à 22'080 fr. par an, soit 110'400 fr. sur 5 ans. Il a également été constaté que le calcul du nombre de pièces avait été modifié pour certains appartements. Par décision du 20 janvier 2003, le département a ordonné aux intéressés de réadapter les loyers et de restituer le trop-perçu aux locataires, en application de l'art. 44 de la loi cantonale du 25 janvier 1996 sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (ci-après: LDTR) et de l'art. 129 de la loi cantonale du 14 avril 1988 sur les constructions et les installations diverses (ci-après LCI). Il a en outre infligé une amende de 60'000 fr. à A.________ sur la base de l'art. 137 al. 1 et 3 LCI. Quant à B.________ et C.________, ils se sont vu infliger, sur la même base, une amende de 20'000 fr. chacun, le département ayant retenu qu'ils avaient agi de manière intentionnelle et par cupidité. 
C. 
B.________ et C.________ ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif du canton de Genève, qui a transmis les recours à la Commission cantonale de recours en matière de constructions comme objet de sa compétence. Par décision du 19 mars 2004, la commission de recours a confirmé les sanctions prises à l'encontre de B.________ et C.________; elle a considéré en substance que les recourants étaient des perturbateurs, que leur qualité d'associés et de copropriétaires leur imposait de s'informer quant au respect des conditions de l'autorisation de construire, que leur comportement était fautif, qu'ils étaient en situation de récidive et que le montant des amendes était proportionné. 
B.________ et C.________ ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif, qui a rejeté le recours par arrêt du 5 avril 2005, retenant en substance que le comportement des recourants était fautif. Il a notamment considéré qu'un pouvoir de contrôle sur la gestion courante de l'immeuble découlait de la convention de partenariat, que les recourants ne pouvaient pas ignorer les conditions de l'autorisation de construire et que la diligence commandait qu'ils s'informent au sujet du respect de ces conditions. Il a également relevé que Me D.________ a toujours indiqué intervenir pour les trois copropriétaires et traduire leur position commune. Enfin, le Tribunal administratif a considéré que B.________ et C.________ pouvaient être qualifiés de perturbateurs par situation. 
D. 
Agissant par la voie du recours de droit public, B.________ et C.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt. Ils se plaignent de l'arbitraire de la décision attaquée (art. 9 Cst.). Le département a présenté ses observations et conclut au rejet du recours. Invité à se déterminer, A.________ s'en remet à justice. Le Tribunal administratif a renoncé à présenter des observations. 
E. 
Par ordonnance du 20 juin 2005, le Président de la Ire Cour de droit public a accordé l'effet suspensif au recours. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 131 II 137 consid. 1 p. 140; 130 I 312 consid. 1 p. 317 et les arrêts cités). 
Les amendes infligées aux recourants reposent exclusivement sur le droit cantonal. Seul le recours de droit public pour violation de droits constitutionnels des citoyens est ouvert, à l'exclusion de toute autre voie de droit auprès du Tribunal fédéral. Les recourants sont personnellement touchés par l'arrêt attaqué qui confirme les amendes administratives prononcées à leur encontre en première instance cantonale; ils ont un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cet arrêt soit annulé et ont, partant, qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ. Les autres conditions de recevabilité du recours de droit public sont par ailleurs réunies. 
2. 
Invoquant l'art. 9 Cst., les recourants se plaignent de l'arbitraire de l'arrêt attaqué. Ils soutiennent, en substance, avoir confié la gestion de l'immeuble sis rue des Maraîchers 46 à A.________ et n'être jamais intervenus s'agissant de sa location. De plus, ils n'auraient pas fait preuve de négligence en omettant de s'informer au sujet du respect des conditions de l'autorisation de construire, dans la mesure où ils n'avaient pas de pouvoir sur la gestion courante de l'immeuble en question, le contrôle systématique de l'activité d'un gérant immobilier professionnellement qualifié que l'on a mandaté étant de surcroît contraire aux usages. 
Selon la jurisprudence, l'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue en dernière instance cantonale que si elle est manifestement insoutenable, en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motifs objectifs, si elle méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou encore si elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice ou de l'équité. Il ne suffit pas que la motivation de la décision soit insoutenable; encore faut-il qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 131 I 217 consid. 2.1 p. 219, 57 consid. 2 p. 61; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9, 173 consid. 3.1 p. 178; 128 I 273 consid. 2.1 p. 275). 
3. 
3.1 Les recourants se sont vu infliger des amendes administratives de 20'000 fr. chacun en raison de violations des dispositions de la LDTR. Cette loi a pour but de préserver l'habitat et les conditions de vie existants ainsi que le caractère actuel de cet habitat, en apportant notamment des restrictions aux transformations et au changement d'affectation des maisons d'habitation (art. 1 LDTR). Les transformations ou rénovations, au sens de l'art. 3 LDTR, ne sont ainsi autorisées, selon l'art. 9 LDTR, qu'en présence d'un intérêt public ou général, compte tenu notamment des besoins prépondérants de la population. Selon la jurisprudence, cette politique procède d'un intérêt public important (ATF 113 Ia 126 consid. 7a p. 134; 111 Ia 23 consid. 3a p. 26 et les arrêts cités). Conformément aux art. 10 ss LDTR, le département fixe, comme condition de l'autorisation de construire, le montant maximum des loyers des logements après travaux. 
3.2 L'art. 44 LDTR, renvoie aux art. 129 à 139 LCI pour ce qui concerne la sanction des violations des dispositions précitées. Aux termes de l'art. 137 al. 1 LCI, le contrevenant est passible d'une amende de 100 fr. à 60'000 fr. Dans la fixation du montant de l'amende, il est tenu compte du degré de gravité de l'infraction, la cupidité et la récidive constituant notamment des circonstances aggravantes (art. 137 al. 3 LCI). 
Les amendes administratives prononcées en application des dispositions précitées sont de nature pénale; cela découle non seulement du caractère général et abstrait des dispositions en question, mais aussi des objectifs tant répressifs que préventifs poursuivis par le législateur (cf. ATF 121 II 22 consid. 2a p. 24; 115 Ia 406 consid. 3b/aa p. 409 et les références). Il s'ensuit que de telles sanctions supposent une faute - qui peut être une simple négligence - de l'intéressé, une répression purement objective devant être considérée comme arbitraire (ATF 101 Ib 33 consid. 3a p. 36; André Grisel, Traité de droit administratif, vol. 2, Neuchâtel 1984, p. 647; Pierre Moor, Droit administratif, vol. 2: Les actes administratifs et leur contrôle, 2e éd., Berne 2002, p. 140). Ces sanctions sont en outre soumises à la loi pénale genevoise (LPG), qui est applicable "aux actes punis par le droit pénal réservé au canton" (art. 1 al. 1 LPG) et qui renvoie largement aux dispositions générales du CP. S'agissant des contraventions, la doctrine voit dans l'art. 20 LPG une dérogation à l'art. 18 CP, à l'effet de réprimer également les contraventions commises par négligence (Charles-André Junod, Infractions administratives et amendes d'ordre, in SJ 1979 p. 165, p. 177 s.). Ainsi, celui qui contrevient aux dispositions de la LDTR précitées ne peut être sanctionné que s'il a commis une faute ou, à tout le moins, une négligence. 
3.3 Le Tribunal administratif n'a pas retenu que les recourants avaient connaissance des loyers pratiqués dans l'immeuble et n'a envisagé la culpabilité de ceux-ci que sous l'angle de la négligence. La question qui se pose en l'espèce est donc celle de savoir s'il est arbitraire de leur reprocher d'avoir omis fautivement de s'assurer du respect des conditions de l'autorisation de construire, notamment en ce qui concerne les loyers. 
4. 
4.1 L'obligation de respecter le montant des loyers maximaux fixés dans l'autorisation de construire est imposée en priorité au propriétaire de l'immeuble soumis à la LDTR, si bien qu'il lui incombe de prendre toutes les mesures utiles pour éviter un dépassement de ces loyers (Alain Maunoir, La nouvelle LDTR au regard de la jurisprudence, in: RDAF 1996 p. 328; La jurisprudence du Tribunal administratif genevois et du Tribunal fédéral concernant la législation cantonale genevoise en matière de démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation, in: Office fédéral des questions conjoncturelles, Aspects juridiques relatifs à la rénovation de l'habitat - Spécificités romandes, Berne 1996 p. 65, et les arrêts cantonaux cités). Le propriétaire de l'immeuble a donc une obligation juridique d'agir, de sorte qu'il peut réaliser une infraction à la LDTR s'il n'empêche pas l'infraction commise ou ordonnée par un tiers, alors qu'on pouvait l'attendre de lui (cf. ATF 115 Ia 406, consid. 4c p. 412 et les références). 
4.2 En tant que copropriétaires de l'immeuble litigieux, les recourants étaient donc tenus de prendre toutes les mesures utiles pour éviter un dépassement des loyers maximaux. A cet égard, il y a lieu de relever que la convention de partenariat que les recourants ont signée avec A.________ mentionne expressément l'autorisation de construire n° 96628 que le département a délivrée le 19 octobre 2000. Cette convention précise en outre qu'il est prévu de relouer l'immeuble "aux conditions 6 à 8 de l'autorisation de construire" et fait référence à "une période de 5 ans, date à laquelle les loyers pourront augmenter". Il s'ensuit que les recourants avaient manifestement connaissance des conditions de l'autorisation de construire, notamment en ce qui concerne le montant des loyers maximaux. 
Le fait qu'ils aient confié la gestion courante de l'immeuble à leur partenaire A.________ ne saurait les décharger de leur responsabilité, dans la mesure où les circonstances auraient dû les amener à contrôler attentivement cette gestion. Il ressort en effet de la décision rendue le 19 mars 2004 par la Commission cantonale de recours en matière de constructions que l'immeuble sis rue des Maraîchers 46 avait déjà fait l'objet d'une procédure administrative au cours de laquelle les recourants ont pu constater que A.________ prenait certaines libertés par rapport à l'autorisation de construire. Ces faits ont été constatés sur place en mars 2001, en présence de l'un des recourants, et ont même conduit à une interruption du chantier. Ils ont en outre valu aux trois copropriétaires, pris conjointement et solidairement, une amende de 20'000 fr., prononcée le 31 mai 2002. 
Les recourants ne sauraient dès lors affirmer qu'ils n'avaient "aucune raison de douter des compétences" de A.________ et de contrôler l'activité de ce dernier, voire de mettre un terme au mandat qu'ils lui avaient confié. Ils avaient au contraire des raisons de redoubler d'attention et c'est en tout cas sans arbitraire que l'autorité attaquée a retenu que la diligence commandait qu'ils s'informent du respect des conditions de l'autorisation de construire. 
4.3 Au demeurant, le département a ordonné la production de tous les baux par courrier du 16 août 2002, adressé à Me D.________, mandataire commun de A.________ et des recourants. A partir de ce moment, ceux-ci savaient donc que le département s'interrogeait au sujet des loyers pratiqués dans l'immeuble dont ils sont copropriétaires. De plus, ce courrier les informait du comportement de A.________, qui avait empêché les inspecteurs du département d'accéder aux sous-sols de l'immeuble ainsi qu'à la plupart des appartements. Si tant est qu'ils l'aient ignoré, les recourants ont également appris à ce moment-là que la typologie de l'appartement que les inspecteurs ont pu visiter ne respectait pas l'autorisation de construire et que tous les appartements étaient loués et occupés, alors que le permis d'habiter n'avait pas été délivré. Pour cette période au moins, les recourants ne peuvent se disculper en affirmant qu'ils n'étaient au courant de rien et qu'ils n'avaient aucune raison de se préoccuper de la question des loyers. Informés des faits exposés ci-dessus, ils n'ont pas réagi et ce n'est que le 13 novembre 2002, après deux rappels, que les baux, non signés, ont été communiqués au département. Dans l'intervalle, les recourants n'ont entrepris aucune démarche pour s'informer de la gestion courante de l'immeuble par leur partenaire, alors que celle-ci posait manifestement problème. 
4.4 Enfin, il y a lieu de relever que les recourants ont continué d'agir conjointement avec A.________, même après l'intervention du département au sujet des loyers. Déclarant agir au nom des trois copropriétaires, Me D.________ a en effet exposé dans son courrier du 13 novembre 2002 que ,"dans l'esprit de [ses] clients", les baux en question avaient un caractère provisoire. C'est donc sans arbitraire que le Tribunal administratif a retenu que les copropriétaires ont adopté une position commune, de laquelle les recourants ne sauraient se désolidariser a posteriori. 
4.5 Ainsi, c'est sans arbitraire que le Tribunal administratif a considéré qu'en omettant de s'assurer - malgré de nombreux indices d'une gestion incorrecte - que les conditions de l'autorisation de construire étaient respectées, les recourants ont violé leur devoir de diligence découlant de leur qualité de propriétaires d'un immeuble soumis à la LDTR et que, partant, ils ont été sanctionnés. L'arrêt attaqué échappe dès lors au grief tiré de l'art. 9 Cst. 
5. 
Le recours, entièrement mal fondé, doit donc être rejeté. Les recourants, qui succombent, doivent supporter les frais de la présente procédure (art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens au département cantonal, ni à la partie intéressée qui s'en est remise à justice (art. 159 al. 1 et 2 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
Un émolument judiciaire de 3000 fr. est mis à la charge des recourants. 
3. 
Il n'est pas alloué de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement et au Tribunal administratif du canton de Genève et, pour information, à la Commission cantonale de recours en matière de constructions. 
Lausanne, le 1er novembre 2005 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: