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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_17/2022  
 
 
Arrêt du 18 juillet 2023  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président, 
Koch et Kölz. 
Greffière : Mme Kropf. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. B.________, 
toutes les deux représentées par Me Stéphane Penet, avocat, 
recourantes, 
 
contre  
 
C.________, 
représentée par Me Stefan Disch, avocat, 
intimée, 
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
Procédure pénale; séquestre, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 29 novembre 2022 (ACPR/840/2022 - P/1754/2020). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Les 13 et 20 janvier 2020, D.________ a déposé plainte pénale, au motif que les trente-deux tableaux dont sa femme, C.________, avait hérité et qu'elle lui avait donnés avaient été transférés à Genève en vue de l'obtention d'un crédit lombard, mais seraient prochainement mis en vente à la suite d'un montage ourdi, pour spolier le couple, par E.________ - par l'intermédiaire de la société F.________ SA - avec la participation de G.________, de la société H.________ Sàrl (Paris), et du directeur de la banque contactée à Genève.  
 
A.b. Une des oeuvres a été retrouvée le 14 janvier 2020 au Tessin et, à la suite de la fixation du for à Genève, le Ministère public de la République et canton de Genève (ci-après : le Ministère public) a ordonné son séquestre par ordonnance du 6 mai 2020, qui a été confirmée le 19 janvier 2021 par la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après : la Chambre pénale de recours; ACPR/__/2021). Les perquisitions ordonnées le 28 janvier 2020 des locaux où les autres oeuvres devaient être exposées à Genève ont permis le séquestre à des fins conservatoires de vingt-quatre autres tableaux.  
 
A.c. Selon la documentation de l'entrepositaire, cinq tableaux se trouvaient en Belgique, en mains de la société A.________, à savoir trois oeuvres du peintre I.________ et deux du peintre J.________; quant au tableau du peintre K.________, il se trouvait à Paris, détenu par B.________; ces six peintures avaient été vendues par H.________ Sàrl, présentée comme leur propriétaire.  
Le 30 janvier 2020, deux commissions rogatoires internationales ont été adressées à Paris, respectivement en Belgique, afin de séquestrer ces tableaux - ce qui a été fait sans indication du motif - et d'entendre les acquéreurs. 
L'administrateur et actionnaire principal de A.________ a expliqué le 18 juin 2020 aux autorités belges avoir acquis en copropriété avec B.________ les cinq tableaux saisis en Belgique, lesquels avaient été payés en novembre-décembre 2019 (EUR 212'500.-). Assurant en substance de sa bonne foi, il a indiqué supposer que les tableaux avaient été achetés par l'intermédiaire de H.________ Sàrl, mais lui-même ne connaissait pas G.________. 
Le 19 octobre 2021, les autorités françaises ont procédé à l'audition du gérant et associé unique de B.________. Celui-ci a déclaré avoir acquis le tableau K.________ par l'intermédiaire de G.________ en août 2019 pour le prix de EUR 350'000.-, attestant par pièces du paiement de EUR 325'000.-; G.________ lui avait exhibé un mandat de vente émanant des héritiers du propriétaire et lui-même avait obtenu un certificat d'authenticité; après avoir fait restaurer la peinture, il l'avait mise en vente dans la galerie de A.________ en octobre 2020en échange de dix oeuvres d'un autre artiste valant EUR 263'000.- et d'une soulte de EUR 87'000.-; il avait ensuite acquis pour EUR 450'000.-, montant partagé par moitié avec A.________, les cinq tableaux se trouvant en Belgique, qui avaient également été proposés par G.________; ces oeuvres étaient répertoriées dans les catalogues raisonnés des artistes concernés. 
 
A.d. Selon les rapports de police des 21 février 2020 et 24 août 2021, les tableaux avaient donné lieu aux entrées de fonds suivantes, en provenance de H.________ Sàrl :  
 
- sur un compte bancaire dont D.________ était l'ayant droit économique, à Genève, ont été versés (i) le 15 octobre 2019 EUR 200'000.- pour le tableau K.________; et (ii) les 18 et 19 novembre 2019 EUR 329'997.- pour les trois tableaux I.________; 
- sur un compte bancaire détenu par E.________, à Genève, a été crédité, le 13 décembre 2019, 24'354 fr. - montant équivalant à EUR 25'000.- [recte EUR 22'500.-; cf. pièces 353'059 verso et 401'121] - pour les deux tableaux J.________. 
Les montants versés pour les trois I.________ et le tableau K.________ correspondaient aux montants indiqués dans les factures par lesquelles D.________ remettait ces tableaux à H.________ Sàrl. Cette société avait reçu EUR 350'000.- [recte EUR 325'000.-] pour le K.________ de la part de B.________ (soit EUR 125'000.- de plus), respectivement EUR 400'000.- pour les trois I.________ (soit EUR 70'000.- de plus). Enfin, le montant reçu par H.________ Sàrl pour la vente des deux J.________ (EUR 25'000.-) était supérieur de EUR 2'500.- au prix d'acquisition versé à E.________. 
Selon l'inventaire de l'entrepositaire genevois - lequel se fondait sur les valeurs annoncées par D.________, sous la signature de E.________ -, les trois I.________ valaient EUR 250'000.-, EUR 250'000.- et EUR 200'000.-, les deux J.________ EUR 25'000.- chacun et le K.________ EUR 150'000.-. Sur une liste non datée et non signée destinée à "la banque", ces valeurs étaient de EUR 650'000.- chacun pour deux des I.________, de EUR 1'100'000.- pour le troisième I.________, de EUR 70'000.- pour l'un des J.________ et de EUR 60'000.- pour le second. Enfin, sur une énumération d'oeuvres en vue d'une exposition à une date inconnue en Italie - dont une copie était signée par F.________ SA le 15 juillet 2019 -, deux des I.________ étaient répertoriés pour EUR 650'000.- chacun et les deux J.________ pour EUR 150'000.- chacun. 
 
A.e. Les 28 février et 14 juillet 2020, le Ministère public a mis E.________ en prévention d'abus de confiance, d'escroquerie, de faux dans les titres et de gestion déloyale, pour avoir disposé sans droit des tableaux confiés par D.________ et falsifié à cette fin un document autorisant leur vente.  
Le 14 juin 2021, la police a entendu G.________ en qualité de prévenu d'abus de confiance, d'escroquerie et de faux dans les titres. Celui-ci a déclaré avoir estimé entre EUR 7 et 9 millions la totalité des oeuvres dont souhaitait se défaire C.________; par l'intermédiaire de H.________ Sàrl, il s'était porté acquéreur de certaines d'entre elles - dont les tableaux litigieux - au prix du marché et après avoir demandé des estimations à une maison de vente aux enchères, cela dans le but de les revendre à des clients qu'il avait généralement déjà approchés. Il a indiqué avoir traité avec E.________, mandataire du couple D.________-C.________; si les oeuvres avaient été vendues par l'intermédiaire de la maison de vente aux enchères, les commissions prélevées auraient atteint 30 % pour l'acheteur et 10 % pour le vendeur; lui-même s'était contenté de moins. Il a affirmé n'avoir jamais participé à un crédit lombard sur des oeuvres d'art, mais avait compris que D.________ souhaitait nantir une maison en Italie. 
La police a relevé qu'aucune demande de prêt destiné à être garanti par le nantissement de tableaux ne ressortait de la documentation bancaire obtenue par le Ministère public. La personne active en son temps au sein de la banque pressentie a déclaré lors de son audition que les époux D.________-C.________ souhaitaient vendre les tableaux rapidement; l'estimation entre EUR 10 et 12 millions, donnée devant elle par G.________, avait fait se récrier C.________, qui en attendait EUR 29 millions. E.________ a quant à elle affirmé que le seul crédit lombard accordé à D.________ l'avait été par une autre banque - ce qui avait été confirmé par la police - pour l'acquisition d'un chalet, moyennant le nantissement d'obligations, et que la maison en Italie devait servir à obtenir un crédit hypothécaire. 
Par ordonnance du 21 mars 2022, le Ministère public a formellement admis C.________ en tant partie plaignante. 
 
A.f. Après un premier refus du Ministère public de lever les séquestres portant sur les cinq tableaux saisis en Belgique, A.________ et B.________ ont sollicité le 22 mars 2022 la levée de cette mesure sur sept tableaux, parmi lesquels figuraient les trois I.________, les deux J.________ et le K.________; elles ont en particulier invoqué leur bonne foi lors de l'acquisition de ces oeuvres.  
Après avoir obtenu l'accès aux pièces relatives à l'exécution des deux commissions rogatoires, puis à l'ensemble du dossier, C.________ s'est déterminée le 30 juin 2022. E.________ n'a pas déposé d'observations dans le délai qui lui avait été imparti. 
Par ordonnance du 24 août 2022, le Ministère public a levé les séquestres portant sur le tableau sis à Paris (K.________) et sur les cinq tableaux saisis en Belgique (trois I.________ et deux J.________). Il a maintenu cette mesure par rapport à un septième tableau. 
 
B.  
Par arrêt du 29 novembre 2022 (ACPR/840/2022), la Chambre pénale de recours a admis le recours formé par C.________ contre cette ordonnance, qu'elle a annulée. 
 
C.  
Par acte du 28 décembre 2022, A.________ et B.________ (ci-après : les recourantes) forment un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt, en concluant principalement à sa réforme dans le sens de la confirmation de l'ordonnance de levée partielle du séquestre du 24 août 2022. A titre subsidiaire, elles concluent à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. 
Invitée à se déterminer, la cour cantonale s'est référée aux considérants de sa décision, sans formuler d'observations. Quant au Ministère public, il a appuyé le recours, renvoyant aux motifs retenus dans son ordonnance du 24 août 2022; le 21 mars 2023, il a en particulier précisé que l'avocat des recourantes avait cessé de représenter les intérêts de G.________ le 23 décembre 2022. C.________ (ci-après : l'intimée) a en substance conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. Le 3 mars 2023, respectivement le 31 mars 2023, les recourantes et l'intimée ont persisté dans leurs conclusions respectives. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
L'arrêt attaqué, qui ordonne le maintien du séquestre sur six tableaux, est un prononcé rendu en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF
Le séquestre pénal étant une décision à caractère incident, le recours n'est recevable que si l'acte attaqué est susceptible de causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF; ATF 140 IV 57 consid. 2.3). En matière de séquestre, un tel préjudice est généralement reconnu au détenteur qui se trouve privé temporairement de la libre disposition de l'objet et/ou des valeurs saisis (ATF 128 I 129 consid. 1). Tel est le cas des recourantes, même si les circonstances entourant l'acquisition par celles-ci des tableaux séquestrés sont a priori litigieuses. L'argumentation soulevée par l'intimée ne tend d'ailleurs pas à remettre en cause les éventuels droits des recourantes sur les objets saisis, mais à démontrer que le maintien du séquestre ne leur causerait aucun préjudice, dès lors que la mesure ne porte pas sur des objets dont l'usage est nécessaire au quotidien ou dont la vente s'imposerait au regard de difficultés financières (cf. ch. 3 p. 3 de sa réponse du 7 février 2023). La décision entreprise ordonnant le maintien du séquestre sur les six tableaux litigieux, les recourantes disposent d'un intérêt juridique à obtenir son annulation ou sa modification (cf. art. 81 al. 1 let. a et b LTF; ATF 133 IV 278 consid. 1.3; arrêt 1B_623/2022 du 1er juin 2023 consid. 2). 
Pour le surplus, les autres conditions de recevabilité - dont le dépôt en temps utile du recours (cf. art. 46 al. 2 let. a et 100 al. 1 LTF; ATF 143 IV 357 consid. 1.2.1) - sont réalisées, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
Invoquant des violations des art. 263 et 267 CPP et 70 CP, les recourantes reprochent à l'autorité précédente d'avoir considéré en substance qu'elles n'étaient pas de bonne foi lors de l'acquisition des six tableaux litigieux et que les prix de vente versés à H.________ Sàrl ne constituaient pas une contre-prestation adéquate. A l'appui de leur argumentation, les recourantes se prévalent d'une estimation effectuée par la maison de vente aux enchères, laquelle démontrerait que les montants payés pour l'achat des tableaux étaient conformes à la valeur du marché; la cour cantonale aurait d'ailleurs considéré de manière arbitraire que cette expertise n'avait pas été versée au dossier. 
 
2.1.  
 
2.1.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 148 IV 409 consid. 2.2 et les arrêts cités). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 143 IV 500 consid. 1.1; arrêt 6B_1017/2022 du 7 juin 2023 consid. 7.1.3).  
Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 148 IV 356 consid. 2.1). 
 
2.1.2. Selon l'art. 263 al. 1 CPP, des objets et des valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être mis sous séquestre lorsqu'il est probable qu'ils seront utilisés comme moyens de preuves (let. a), qu'ils seront utilisés pour garantir le paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités (let. b), qu'ils devront être restitués au lésé (let. c) ou qu'ils devront être confisqués (let. d). En outre, l'autorité d'instruction peut placer sous séquestre, en vue de l'exécution d'une créance compensatrice, des valeurs patrimoniales appartenant à la personne concernée; le séquestre ne crée pas de droit de préférence en faveur de l'Etat lors de l'exécution forcée de la créance compensatrice (art. 71 al. 3 CP).  
Un séquestre - au sens des art. 263 al. 1 CPP ou 71 al. 3 CP - est une mesure fondée sur la vraisemblance (ATF 143 IV 357 consid. 1.2.3 et les arrêts cités); elle porte sur des objets dont on peut admettre, prima facie, qu'ils pourront être confisqués en application du droit pénal fédéral. Tant que l'instruction n'est pas achevée et que subsiste une probabilité de confiscation, de créance compensatrice ou d'une allocation au lésé, la mesure conservatoire doit être maintenue (ATF 141 IV 360 consid. 3.2; 140 IV 57 consid. 4.1.1); l'intégralité des fonds doit demeurer à disposition de la justice aussi longtemps qu'il existe un doute sur la part de ceux-ci qui pourrait provenir d'une activité criminelle (arrêt 1B_398/2022 du 13 décembre 2022 consid. 5.3). Un séquestre ne peut donc être levé que dans l'hypothèse où il est d'emblée manifeste et indubitable que les conditions matérielles d'une confiscation ne sont pas réalisées et ne pourront pas l'être (ATF 140 IV 133 consid. 4.2.1; 139 IV 250 consid. 2.1.; arrêt 1B_527/2022 du 21 avril 2023 consid. 2.1). Cependant, les probabilités d'une confiscation, respectivement du prononcé d'une créance compensatrice, doivent se renforcer au cours de l'instruction (ATF 122 IV 91 consid. 4; arrêt 1B_398/2022 du 13 décembre 2022 consid. 5.3). L'autorité doit pouvoir statuer rapidement (cf. art. 263 al. 2 CPP), ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 141 IV 360 consid. 3.2; arrêt 1B_527/2022 du 21 avril 2023 consid. 2.1). 
Un séquestre peut apparaître disproportionné lorsque la procédure dans laquelle il s'inscrit s'éternise sans motifs suffisants (ATF 132 I 229 consid. 11.6). Cela s'examine notamment au vu du stade de l'enquête, de la complexité de l'affaire, du nombre de parties, des éléments d'extranéité et des mesures d'instruction en cours (arrêt 1B_117/2022 du 18 mai 2022 consid. 4.1 et les arrêts cités). Il faut en outre que la quotité de cette mesure reste en rapport avec le produit de l'infraction poursuivie (ATF 130 II 329 consid. 6; arrêt 1B_143/2022 du 30 août 2022 consid. 4.1). 
 
2.1.3. Aux termes de l'art. 70 CP, le juge prononce la confiscation des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits (al. 1); la confiscation n'est pas prononcée lorsqu'un tiers a acquis les valeurs dans l'ignorance des faits qui l'auraient justifiée, et cela dans la mesure où il a fourni une contre-prestation adéquate ou si la confiscation se révèle d'une rigueur excessive (al. 2).  
Selon la jurisprudence, les règles sur la confiscation doivent être appliquées de manière restrictive lorsque des tiers non enrichis sont concernés (arrêts 6B_1017/2022 du 7 juin 2023 consid. 7.1.2; 1B_343/2019 du 23 janvier 2020 consid. 4.1). L'esprit et le but de la confiscation excluent en effet que la mesure puisse porter préjudice à des valeurs acquises de bonne foi dans le cadre d'un acte juridique conforme à la loi (ATF 115 IV 175 consid. 2b/bb; arrêt 6B_1017/2022 du 7 juin 2023 consid. 7.1.2 et les arrêts cités). 
Les conditions posées à l'art. 70 al. 2 CP - soit d'une part la bonne foi du tiers et d'autre part la contre-prestation adéquate ou la rigueur excessive d'une éventuelle confiscation ultérieure - sont cumulatives (arrêt 6B_1017/2022 du 7 juin 2023 consid. 7.1.2). Si elles ne sont pas réalisées, la confiscation peut être prononcée alors même que le tiers a conclu une transaction en soi légitime, mais a été payé avec le produit d'une infraction (arrêt 6B_67/2019 du 16 décembre 2020 consid. 5.3). 
Pour qu'un séquestre puisse être refusé à ce stade de la procédure en application de l'art. 70 al. 2 CP, il faut qu'une confiscation soit d'emblée et indubitablement exclue, respectivement que la bonne foi du tiers soit clairement et définitivement établie. La notion de bonne foi pénale du tiers porte sur l'ignorance des faits qui justifieraient la confiscation, soit de son caractère de récompense ou de produit d'une infraction. Selon la jurisprudence, elle ne se rapporte pas à la notion civile consacrée à l'art. 3 CC. La confiscation ne peut ainsi pas être prononcée si le tiers sait simplement qu'une procédure pénale a été ouverte contre son partenaire commercial, mais ne dispose pas d'informations particulières. Il faut que le tiers ait une connaissance certaine des faits qui auraient justifié la confiscation ou, à tout le moins, considère leur existence comme sérieusement possible, soit qu'il connaisse les infractions d'où provenaient les valeurs ou, du moins, ait eu des indices sérieux que les valeurs provenaient d'une infraction. En d'autres termes, la confiscation à l'égard d'un tiers ne sera possible que si celui-ci a une connaissance - correspondant au dol éventuel - des faits justifiant la confiscation. La violation d'un devoir de diligence ou d'un devoir de se renseigner ne suffit pas pour exclure la bonne foi du tiers (arrêt 1B_343/2019 du 23 janvier 2020 consid. 4.1). 
S'agissant de la contre-prestation, elle doit avoir été fournie avant que le tiers reçoive les valeurs d'origine illégale. C'est en tenant compte de toutes les circonstances du cas d'espèce qu'il faut décider si une contre-prestation adéquate existe, sans se limiter à une appréciation de pur droit civil. En particulier, elle n'est pas adéquate lorsque les valeurs patrimoniales ont été remises à titre gratuit. Quant à la clause de rigueur, elle n'a qu'une portée limitée. Il ne suffit pas que la mesure de confiscation à l'égard du tiers soit disproportionnée. A teneur du texte légal, il faut que la mesure frappe de manière particulièrement incisive le tiers dans sa situation économique (arrêt 6B_1017/2022 du 7 juin 2023 consid. 7.1.2 et les arrêts cités). 
 
2.2.  
 
2.2.1. L'autorité précédente a tout d'abord constaté que le but des séquestres portant sur les tableaux était leur conservation en tant qu'éventuels produits des infractions examinées; en outre, dès lors que l'intimée ne les revendiquait pas, le Ministère public n'avait pas à rendre une décision en application de l'art. 267 al. 5 CPP (cf. consid. 2.3 p. 9 de l'arrêt attaqué; sur cette dernière disposition, voir notamment arrêts 6B_831/2021 du 26 janvier 2023 consid. 1.2; 1B_117/2022 du 18 mai 2022 consid. 4.1; 1B_667/2021 du 19 avril 2022 consid. 2.2; 1B_573/2021 du 18 janvier 2022 consid. 3.1).  
En l'occurrence, le motif du séquestre n'est pas remis en cause et les recourantes ne développent pas non plus d'argumentation spécifique visant à contester l'existence de soupçons suffisants de la commission d'infractions (cf. art. 197 al. 1 let. b CPP). Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner si la levée des séquestres portant sur les six tableaux concernés par la présente procédure s'imposait en application notamment de l'art. 267 al. 1 CPP. Seule est litigieuse la question de savoir si les conditions permettant le séquestre en vue de la confiscation de ces six objets appartenant à des tiers sont réunies (cf. art. 70 al. 2 CP). 
 
2.2.2. Dans le cadre de cet examen, la Chambre pénale de recours a considéré que la bonne foi des recourantes, en tant que professionnelles du marché de l'art, n'était pas démontrée. Selon la juridiction précédente, cette conclusion découlait notamment des montants versés par les recourantes à H.________ Sàrl et des marges dont cette dernière avait dès lors bénéficié (cf. en particulier la revente des trois I.________ [EUR 70'000.-] et du K.________ [EUR 125'000.-]); en sus du prix indiqué sur l'estimation en vue d'une assurance pour l'un des I.________ (EUR 1'100'000.-), les montants cumulés de l'évaluation relative aux deux autres I.________ (EUR 650'000.- chacun) atteignaient le quadruple des montants inscrits sur la facture établie par l'intimée pour les trois oeuvres (EUR 330'000.-). S'agissant des J.________, la cour cantonale a relevé que le prix de vente (EUR 25'000.-) n'avait pas été versé à l'intimée - ou à son mari -, mais à la prévenue E.________, sans que le dossier révèle pourquoi, notamment quant à un dessaisissement du couple D.________-C.________ en faveur de la prévenue, laquelle n'avait pas été interrogée à ce propos; ces tableaux étaient en outre estimés, au minimum, au triple chacun par rapport aux montants retenus dans la facture émise au nom de E.________.  
La cour cantonale a considéré que la présomption d'inadéquation émergeait des chiffres susmentionnés, des estimations - basses - données par G.________ à l'intimée, des montants supérieurs obtenus par celui-ci des recourantes à l'insu de l'intimée et des estimations considérablement plus élevées des oeuvres figurant dans d'autres documents versés au dossier (listes et inventaires). Elle a finalement relevé que les deux prévenus pouvaient avoir eu un intérêt à vendre les tableaux à des prix supérieurs à ceux de leur acquisition. Il restait cependant plausible que les recourantes puissent les avoir acquis à des conditions plus avantageuses que celles du marché et, "sauf à être de connivence", qu'elles aient exploité à leur profit le défaut d'expérience dans le domaine pictural de la prévenue E.________, gérante de fortune, et du prévenu G.________, lequel apparaissait "plus comme un courtier en art contemporain qu'un expert des peintres concernés", sans quoi il n'aurait pas consulté la maison de vente aux enchères. 
 
2.3. Le raisonnement de la cour cantonale peut être confirmé.  
 
2.3.1. Certes, il n'est pas d'emblée évident de comprendre dans quel but et à la demande de qui les différentes listes figurant au dossier ont été effectuées (assurances, banque, exposition), respectivement si elles étaient connues de l'intimée au moment de la "remise" de ses tableaux à H.________ Sàrl ou à la prévenue E.________; il appartiendra, le cas échéant, à l'autorité d'instruction d'examiner ces problématiques. Au stade du séquestre, il apparaît toutefois que les prix d'acquisition des tableaux - notamment les trois I.________ (EUR 400'000.-) et les deux J.________ (EUR 25'000.-) - par les recourantes sont inférieurs aux valeurs les plus basses qui y sont relevées (cf. l'inventaire de l'entrepositaire). Il ne saurait donc être retenu, à ce stade, que les contre-prestations assurées par les recourantes, professionnelles du marché des oeuvres d'art, auraient été adéquates.  
 
2.3.2. Cette conclusion s'impose également par rapport aux marges dont aurait bénéficié le prévenu G.________. En effet, les recourantes, qui invoquent pour les justifier des frais de restauration ou d'établissement des certificats d'authenticité, ne donnent toutefois aucune référence précise à des pièces du dossier qui permettraient d'étayer de telles affirmations (cf. p. 8 des observations du 3 mars 2023). Elles n'expliquent pas non plus pourquoi le tableau K.________ a pu leur être facturé par H.________ Sàrl le 4 octobre 2019, alors que le versement de cette société à D.________ a été effectué uniquement le 15 octobre 2019, respectivement que la facture de L.________ Limited n'a été adressée à cette société que le 24 octobre 2019 (cf. ad ch. 50 p. 11 des observations de l'intimée du 7 février 2023 et ad let. b p. 3 de celles du 31 mars suivant).  
 
2.3.3. L'appréciation susmentionnée quant à une éventuelle inadéquation des contre-prestations n'est pas non plus remise en cause par le "rapport d'expertise" de la maison de vente aux enchères, lequel a effectivement été produit devant l'instance précédente (cf. pièce 26 du bordereau du 21 octobre 2022).  
Au regard de sa date (21 février 2020), ce rapport ne semble en effet pas pouvoir être à l'origine des valeurs que le prévenu G.________ aurait pu indiquer à l'intimée en 2019; il n'était ainsi pas arbitraire de considérer que le cité n'avait pas versé au dossier les estimations reçues de cette société pour établir le prix du marché au moment de l'acquisition des tableaux (cf. les propos tenus lors de son audition [ad let. B.i p. 4 de l'arrêt attaqué]). Les montants retenus dans ce document ne suffisent au demeurant pas pour remettre en cause l'appréciation émise ci-dessus (cf. en particulier les valeurs inférieures retenues pour les trois I.________ [EUR 70'000.- + EUR 150'000.- + EUR 200'000.-] et, a fortiori, celles supérieures). 
 
2.3.4. En tout état de cause et en lien avec la condition de la bonne foi, il ne peut pas non plus être ignoré que l'avocat des recourantes assurait également préalablement la défense du prévenu G.________. Cette configuration particulière ne permet donc pas d'écarter l'hypothèse que, préalablement, les recourantes puissent avoir bénéficié d'une connaissance des circonstances entourant l'estimation et l'achat des tableaux par le prévenu plus large que celle avancée (cf. notamment p. 8 du recours). Selon l'avancement de l'instruction, la direction de la procédure ne manquera pas, le cas échéant, de vérifier si la poursuite de ce mandat en faveur des recourantes demeure conforme aux obligations incombant à leur avocat (cf. art. 12 let. c [conflit d'intérêts] et 13 [secret professionnel] de la loi du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats [LLCA; RS 935.61]; voir notamment ATF 145 IV 218 consid. 2.1 et 2.2).  
 
2.3.5. Au vu des considérations précédentes, la Chambre pénale de recours n'a ainsi pas violé le droit fédéral en confirmant le maintien des séquestres sur les six tableaux litigieux.  
 
3.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. 
Les recourantes, qui succombent, supporteront, de manière solidaire, les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 et 5 LTF). L'intimée, qui procède avec l'assistance d'un mandataire professionnel, a droit à des dépens, lesquels seront mis à la charge des recourantes, solidairement entre elles (cf. art. 68 al. 1 et 4 LTF). 
 
 
 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, fixés à 4'000 fr., sont mis à la charge des recourantes, solidairement entre elles. 
 
3.  
Une indemnité de dépens, arrêtée à 3'000 fr., est allouée à l'intimée à la charge des recourantes, solidairement entre elles. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 18 juillet 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Abrecht 
 
La Greffière : Kropf