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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1B_174/2010 
 
Arrêt du 15 juin 2010 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Féraud, Président, 
Reeb et Eusebio. 
Greffière: Mme Mabillard. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Romain Jordan, avocat, 
recourant, 
 
contre 
 
Ministère public du canton de Genève, case postale 3565, 1204 Genève. 
 
Objet 
Refus de mise en liberté, 
 
recours contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du canton de Genève du 26 mai 2010. 
 
Faits: 
 
A. 
En détention préventive à la prison de Champ-Dollon depuis le 17 octobre 2007, A.________ a été condamné, par jugement du 4 novembre 2009, à six ans de peine privative de liberté pour escroqueries par métier ainsi que faux dans les titres et les certificats. Un pourvoi en cassation est actuellement pendant. 
Le 25 mai 2010, il a saisi la Chambre d'accusation du canton de Genève (ci-après: la Chambre d'accusation) d'une requête de mise en liberté. A l'audience, il a notamment allégué que la surpopulation carcérale de la prison ne respectait pas le droit à la dignité humaine. 
Par ordonnance du 26 mai 2010, la Chambre d'accusation a refusé la mise en liberté provisoire de l'intéressé. 
 
B. 
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'ordonnance de la Chambre d'accusation du 26 mai 2010 et de retourner le dossier à l'autorité cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants. Il requiert en outre l'assistance judiciaire. Il se plaint pour l'essentiel d'une violation de son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) et de sa liberté personnelle (art. 10 Cst.) ainsi que d'un déni de justice formel (art. 29 al. 1 Cst.). 
Le Ministère public cantonal conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. La Chambre d'accusation renonce à formuler des observations et fait siens les motifs avancés par le Procureur général. 
Le recourant a répliqué le 9 juin 2010. Il persiste intégralement dans ses conclusions. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Les décisions relatives au maintien en détention préventive sont des décisions en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF (cf. ATF 133 I 270 consid. 1.1 p. 273) et incidentes causant un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (arrêt 1B_114/2009 du 15 juin 2009 consid. 1). Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF), le recours en matière pénale est recevable. 
 
2. 
Le recourant se plaint tout d'abord d'une violation de son droit d'être entendu et d'un déni de justice formel. Il expose qu'à l'appui de sa requête de mise en liberté, il avait principalement fait valoir que les conditions de sa détention n'étaient plus conformes à son droit à la dignité humaine, notamment du fait de la surpopulation carcérale et de l'accès restreint à des soins médicaux. Or, la Chambre d'accusation a estimé qu'il ne lui appartenait pas de s'immiscer dans les prérogatives des pouvoirs législatif et exécutif, seuls compétents pour les questions relatives à l'extension de la prison. Le recourant est d'avis qu'elle a ainsi refusé sans motif légitime d'entrer en matière sur un grief valablement formulé. Elle aurait ainsi commis un déni de justice formel et violé les art. 29 al. 2 Cst. et 112 LTF qui lui imposent de motiver sa décision. 
En l'espèce, s'agissant des conditions matérielles de l'incarcération du recourant, la Chambre d'accusation a bel et bien répondu au grief soulevé et expliqué pourquoi elle ne pouvait, à défaut de compétence, entrer en matière. Les questions de la capacité et de l'occupation des établissements carcéraux, et en particulier celle de l'extension de la prison de Champ-Dollon, ne sont en effet pas de son ressort. En tant qu'autorité judiciaire, il lui incombe uniquement de vérifier si les conditions formelles de la détention sont remplies et si les droits fondamentaux des détenus sont respectés. En l'occurrence, la Cour cantonale ne s'est certes pas prononcée explicitement sur les plaintes du recourant relatives à sa liberté personnelle. Dans sa réponse au recours, elle a toutefois fait siens les motifs avancés par le Procureur général sur cette question dans ses observations détaillées du 3 juin 2010. Selon la jurisprudence, le défaut de motivation d'une décision peut être réparé devant le Tribunal fédéral pour autant que le recourant ait eu la possibilité de répliquer et de répondre aux motifs contenus dans la réponse de l'autorité cantonale (ATF 107 Ia 1 ss; 104 Ia 201 consid. 5f p. 214; cf. également arrêt 1P.265/2006 du 15 juin 2006 consid. 1 et les arrêts cités), comme il a pu le faire en l'espèce. Le présent grief est dès lors mal fondé et doit être rejeté. 
 
3. 
Sur le fond, le recourant invoque essentiellement sa liberté personnelle. 
 
3.1 Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 34 du code de procédure pénale genevois (CPP/GE; cf. également l'art. 27 Cst./GE). Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (cf. 34 let. a à c CPP/GE). En outre, il doit exister à l'égard du prévenu des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 5 par. 1 let. c CEDH; arrêt 1B_63/2007 du 11 mai 2007 consid. 3 non publié in ATF 133 I 168; art. 34 in initio CPP/GE). 
Avec raison, le recourant ne conteste pas que son maintien en détention repose sur une base légale suffisante, ni, au vu du jugement de condamnation du 4 novembre 2009, l'existence de charges suffisantes. Il ne discute pas non plus les motifs de sa détention, à savoir la réalisation des risques de récidive et de fuite. On peut dès lors considérer qu'il admet que son incarcération est justifiée. Par ailleurs, à juste titre aussi compte tenu de la peine à laquelle il a été condamné en première instance, il ne prétend pas que la durée de sa détention heurterait le principe de la proportionnalité. Il se plaint en fait uniquement de ce que les conditions (matérielles) de sa détention ne respecteraient pas sa dignité, ce qui devrait commander sa mise en liberté immédiate. 
 
3.2 Le recourant soutient en effet que les conditions de sa détention ne sont plus conformes à son droit à la dignité humaine, tel que garanti par les art. 3 CEDH et 7 Cst. A cet égard, il fait valoir que, dans sa cellule, d'une taille totale de 9 m2 et destinée à n'accueillir qu'une seule personne, il était accompagné de deux autres détenus. L'espace personnel dévolu à chacun était ainsi inférieur à 3 m2, ce qui violait les standards minimaux posés par la jurisprudence européenne récente. Atteint dans sa santé, il n'avait par ailleurs pas un accès décent à des soins médicaux. La possibilité de travailler était sujette à des délais variables de trois à six mois. Toutes les infrastructures de la prison étaient surchargées et des tensions y étaient quotidiennes et grandissantes. Les gardiens, le directeur de la prison et les autorités publiques reconnaissaient du reste tous le caractère intolérable et inadmissible des conditions de détention des détenus. 
Selon le courrier électronique du directeur de la prison de Champ-Dollon du 3 juin 2010, annexé aux observations du Ministère public, le recourant est placé dans la cellule 354 depuis le 3 décembre 2009. La superficie de la cellule, conçue initialement pour une personne, est de 12,24 m2. Le détenu X, qui partage actuellement la cellule avec le recourant, s'y trouve depuis le 21 avril 2010. Deux autres détenus Y et Z y ont été placés, respectivement du 1er au 3 mai et du 23 au 26 mai 2010. S'agissant de l'accès aux soins médicaux, les détenus adressent leur demande écrite au service médical par le biais d'une boîte aux lettres placée dans chaque unité. Les demandes sont traitées par ce service, indépendant hiérarchiquement de la direction de la prison. Comme le fait remarquer le Ministère public, il ressort de ce courrier que le recourant, qui n'a fourni aucune pièce pour étayer ses affirmations sur son état de santé, a accès à des soins médicaux décents. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l'intéressé, les conditions de détention à la prison de Champ-Dollon, pour difficiles qu'elles puissent être, ne sont manifestement pas inhumaines ou dégradantes. En particulier, l'occupation de la cellule, qui doit parfois accueillir un troisième occupant pour une durée de trois à quatre jours, est tout à fait compatible avec le respect de la dignité humaine des détenus. Ainsi qu'il a été retenu au consid. 4.2 de l'arrêt 1P.265/2009 du 15 juin 2006, la saturation de la prison de Champ-Dollon est connue, voire notoire. La situation n'est cependant pas telle qu'un maintien en détention dans cet établissement puisse être considéré comme constitutif d'une atteinte à la garantie de la dignité humaine consacrée par l'art. 7 Cst.; du moins le contraire n'est pas établi. Au demeurant, les autres conditions de détention (nourriture, soins, loisirs, etc.) dans cet établissement, où se trouvent essentiellement des personnes détenues préventivement, donc pour une période limitée, paraissent encore satisfaisantes; à cet égard aussi, le contraire n'est d'ailleurs pas établi, ni même allégué. Le grief de violation des art. 3 CEDH et 7 Cst. est donc infondé et doit dès lors être écarté. 
 
4. 
Il résulte de ce qui précède que le recours, entièrement mal fondé, doit être rejeté. Comme ses conclusions étaient d'emblée vouées à l'échec, l'assistance judiciaire ne peut être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant devra donc supporter les frais (cf. art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois arrêté en tenant compte de sa situation financière. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
 
2. 
La requête d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation. 
 
Lausanne, le 15 juin 2010 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: La Greffière: 
 
Féraud Mabillard