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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
4A_400/2017  
 
 
Arrêt du 13 septembre 2018  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, Présidente, Klett, Hohl, Niquille et May Cannellas. 
Greffier : M. Piaget. 
 
Participants à la procédure 
X.________, 
représentée par Me Serge Patek, 
recourante, 
 
contre  
 
Madame et Monsieur F.Z.________ et H.Z.________, 
intimés. 
 
Objet 
contrat de bail; contestation du loyer initial, âge d' un immeuble ancien; 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des baux et loyers, du 12 juin 2017 (C/21745/2014, ACJC/690/2017). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par contrat du 22 septembre 2014, X.________, propriétaire, a remis à bail à H.Z.________ et F.Z.________ un appartement de 4 pièces au 2e étage de son immeuble sis rue..., à Genève, à compter du 1er octobre 2014, pour une durée initiale d'un an, renouvelable ensuite tacitement d'année en année, sauf résiliation trois mois avant l'échéance. 
L'appartement est en réalité un cinq pièces selon la comptabilisation genevoise (3 chambres à coucher, un salon et une cuisine), ainsi qu'un hall, une salle de bain, un WC séparé et un réduit (112 m2 selon le plan produit par la bailleresse). 
Le loyer annuel (charges non comprises) a été fixé à 25'920 fr., soit 2'160 fr. par mois. Il était motivé par l'adaptation du loyer au loyer usuel dans la localité ou dans le quartier selon l'art. 269a let. a CO et l'art. 11 OBLF, le loyer annuel (sans les charges) payé par le précédent locataire depuis le 1er février 2003 étant de 16'908 fr., soit 1'409 fr. par mois. 
Les parties divergent sur l'année de construction de l'immeuble: 1974 pour la bailleresse, entre 1971 et 1980 pour les locataires. L'immeuble a été acquis par la bailleresse le 16 décembre 1982, par la cession des actifs et passifs d'une société dont elle était seule actionnaire. Il a été rénové en 1997 (réfection de la façade et pose d'un double vitrage). Il dispose d'un ascenseur, du chauffage central, d'une entrée sécurisée et du téléréseau collectif. Il est situé dans une rue calme et verdoyante du quartier des Eaux-Vies, à proximité des écoles, des restaurants, des commerces et des transports publics. Il est en bon état d'entretien, selon la bailleresse. 
L'appartement des locataires a été refait avant leur entrée en jouissance (peinture de tout l'appartement [murs, plafonds, boiseries, radiateurs], réémaillage de la baignoire, ponçage du parquet et vernissage et autres travaux demandés par les locataires). Les locataires ont obtenu l'autorisation d'installer un lave-vaisselle, un lave-linge et un sèche-linge. 
 
B.   
Par requête de conciliation du 22 octobre 2014, les locataires ont ouvert action en contestation du loyer initial et, suite à l'échec de la conciliation, ont déposé leur demande en justice devant le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève le 2 mars 2015, concluant à la fixation du loyer initial au montant de 16'800 fr. par an, soit 1'400 fr. par mois dès le 1er octobre 2014, puis dans leurs conclusions finales subsidiairement à 19'500 fr., soit 1'625 fr. par mois, à la restitution du trop-perçu en découlant avec intérêts et à la réduction de la garantie bancaire. Ils ont sollicité un calcul de rendement. 
La bailleresse a conclu au rejet de la demande au motif que le loyer convenu se situe dans la limite des loyers usuels dans la localité ou le quartier et est même très largement inférieur. Elle a produit un exemple comparatif. 
Le tribunal a procédé à une inspection des lieux et a entendu trois témoins. 
Par jugement du 14 juin 2016, le Tribunal des baux et loyers a rejeté l'action en contestation du loyer initial introduite par les locataires. Il a considéré qu'il s'agissait d'un immeuble ancien, pour lequel il n'y avait pas à procéder à un calcul de rendement. La bailleresse n'ayant pas produit assez d'exemples de logements comparatifs pour appliquer le critère des loyers du quartier, il s'est basé sur les statistiques genevoises et en a conclu que le loyer contesté n'était pas abusif. 
Statuant le 12 juin 2017, la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève a admis l'appel des locataires, annulé le jugement attaqué et renvoyé la cause au Tribunal des baux et loyers pour instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants. En substance, la cour cantonale a considéré qu'il ne s'agissait pas d'un immeuble ancien au sens de la jurisprudence. L'immeuble a certes été acquis en 1983, soit il y a 31 ans, mais la bailleresse, qui est un propriétaire institutionnel, devait compter avec la possibilité de devoir produire les pièces nécessaires pour effectuer un calcul de rendement; il doit être admis qu'elle est vraisemblablement en mesure de produire les documents nécessaires à cet effet. La cour cantonale a donc renvoyé la cause au Tribunal des baux et loyers pour procéder au calcul de rendement net. 
 
C.   
Contre cet arrêt, la bailleresse exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral le 17 août 2017, concluant à sa réforme en ce sens que l'action des locataires en contestation du loyer initial soit rejetée. Elle invoque la violation de l'art. 269 CO et de l'art. 958f al. 1 CO
Les locataires intimés concluent en substance au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt attaqué. La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt. La recourante a encore déposé des observations le 4 octobre 2017. 
L'effet suspensif a été attribué au recours par ordonnance présidentielle du 31 octobre 2017. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. L'arrêt cantonal n'est ni une décision finale (art. 90 LTF), ni une décision partielle (art. 91 LTF). La cour cantonale a tranché séparément la question de savoir si l'on est en présence d'un immeuble ancien ou non et a donc rendu une décision incidente ou préjudicielle au sens de l'art. 93 LTF.  
Les conditions de l'art. 93 al. 1 let. a LTF sont remplies. Aux termes de cette disposition, une décision incidente ne peut faire séparément l'objet d'un recours au Tribunal fédéral que si elle peut causer un préjudice irréparable. Cela suppose que la partie recourante soit exposée à un préjudice de nature juridique, qui ne puisse pas être ultérieurement réparé ou entièrement réparé par une décision finale qui lui serait favorable; un dommage économique ou de pur fait n'est pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 138 III 333 consid. 1.3.1; 134 III 188 consid. 2.1 p. 190 et consid. 2.2). Or, en l'espèce, au-delà de la question de savoir si l'on se trouve en présence d'un immeuble ancien ou non, c'est l'obligation pour la bailleresse de produire les pièces nécessaires à un calcul du rendement net qui est en jeu. Si la bailleresse devait être contrainte de fournir immédiatement - devant le tribunal des baux - ces pièces, cela entraînerait pour elle un inconvénient qui ne pourra pas être réparé à l'issue de la procédure d'appel, puisque, une fois qu'elle aura produit ces pièces, les parties adverses en auront pris connaissance et la bailleresse n'aura alors plus aucun intérêt à faire valoir qu'elle n'avait pas l'obligation de les produire. 
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 et 46 al. 1 let. b LTF) par la bailleresse qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF), prises, sur appel, devant l'instance précédente (art. 75 LTF), dans une affaire de bail à loyer (art. 72 al. 1 LTF), dont la valeur litigieuse est supérieure à 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF), le recours en matière civile est recevable au regard de ces dispositions. 
 
1.2. En tant que les locataires intimés concluent subsidiairement et plus subsidiairement au rejet du recours et à ce qu'il soit statué à nouveau et que le loyer soit fixé à 16'800 fr. par an, voire à 23'520 fr. par an, leurs conclusions sont irrecevables, déjà parce que, faute d'avoir interjeté un recours principal, ils ne peuvent pas prendre des conclusions en réforme au détriment de leur partie adverse.  
 
2.   
Aux termes de l'art. 270 al. 1 CO, le locataire peut contester le loyer initial et en demander la diminution lorsque son montant est abusif au sens des art. 269 et 269a CO, soit, en particulier, lorsqu'il permet d'obtenir un rendement excessif de la chose louée (art. 269 CO). N'est en règle générale pas abusif le loyer qui se situe dans les limites des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier (art. 269a let. a CO). 
 
2.1. Le contrôle de l'admissibilité du loyer initial ne peut être effectué qu'à l'aide de la méthode absolue, laquelle sert à vérifier concrètement que le loyer ne procure pas un rendement excessif au bailleur compte tenu des frais qu'il doit supporter ou des prix du marché. Dans l'application de la méthode absolue, les deux critères absolus - le loyer fondé sur les coûts (i.e. le rendement net) et le loyer fondé sur les loyers du marché (i.e. les loyers comparatifs appliqués dans la localité ou le quartier) - sont antinomiques, et partant, exclusifs l'un de l'autre (ATF 121 III 6 consid. 3c p. 11); ainsi le critère fondé sur un calcul concret et individuel du coût (i.e. le rendement net) ne peut pas être mélangé avec des facteurs liés au marché, tel qu'une valeur objectivée de l'immeuble (ATF 122 III 257 consid. 3b/cc).  
Le critère absolu du rendement net excessif, qui présuppose de déterminer les coûts d'investissement de l'immeuble financés par les fonds propres (principalement le prix d'acquisition de l'immeuble), d'y appliquer un taux de rendement admissible (qui est le taux d'intérêt hypothécaire de référence, augmenté de 0,5%) et d'y ajouter les charges immobilières annuelles, les charges courantes et les charges d'entretien, de les réévaluer en fonction de l'évolution de l'indice suisse des prix à la consommation et d'en ventiler le résultat à la chose louée (pour le calcul détaillé, cf. arrêts 4A_147/2016 du 12 septembre 2016 consid. 2 et les arrêts cités; 4A_465/2015 du 1er mars 2016 consid. 4; ATF 142 III 568 consid. 2.1 p. 575; 141 III 245 consid. 6.3), a la priorité par rapport au critère absolu des loyers usuels dans la localité ou le quartier (ATF 124 III 310 consid. 2; arrêts 4A_295/2016 du 29 novembre 2016 consid. 5.1.1 publié in SJ 2017 I 289; 4A_645/2011 du 27 janvier 2012 consid. 3.2 publié in SJ 2012 I 377. 
 
2.2. En revanche, pour les immeubles anciens, la hiérarchie des critères absolus est inversée: le critère des loyers usuels de la localité ou du quartier a la priorité sur le critère du rendement net (ATF 139 III 13 consid. 3.1.2; 124 III 310 consid. 2b  in fine).  
 
2.2.1. Pour de tels immeubles en effet, les pièces comptables nécessaires pour déterminer les fonds propres investis en vue de calculer le rendement net n'existent plus ou font apparaître des montants qui ne sont plus en phase avec la réalité économique actuelle. Comme le législateur n'a pas voulu désavantager les propriétaires qui ont acquis de longue date de tels immeubles par rapport à ceux qui les ont acquis récemment, appliquer le critère des loyers usuels de la localité ou du quartier permet une certaine harmonisation entre les anciens et les nouveaux loyers, une adaptation des loyers en fonction de ce critère étant même possible en cours de bail (ATF 140 III 433 consid. 3.1; 122 III 257 consid. 4a/bb). Pour que soit respecté le principe de l'égalité des armes, le critère des loyers usuels de la localité ou du quartier doit valoir aussi bien dans les procédures de majoration du loyer et de contestation du loyer initial que dans celles de baisse du loyer (ATF 122 III 257 consid. 4a/cc).  
Pour un immeuble ancien, le bailleur peut donc se prévaloir de la prééminence du critère des loyers usuels de la localité ou du quartier; le fait que ce critère ait la priorité ne l'empêche toutefois pas d'établir que l'immeuble ne lui procure pas un rendement excessif à l'aide du critère du rendement net. 
 
2.2.2. Pour déterminer les loyers usuels dans la localité ou le quartier, l'art. 11 OBLF prescrit de se baser soit sur des loyers de logements comparables à la chose louée quant à l'emplacement, la dimension, l'équipement, l'état et l'année de construction (al. 1), à l'exclusion des loyers découlant du fait qu'un bailleur ou un groupe de bailleurs domine le marché (al. 3), soit sur des statistiques officielles (al. 4).  
Selon la jurisprudence, le juge cantonal doit procéder à des comparaisons concrètes, à la lumière des critères de l'art. 11 OBLF. La détermination des loyers usuels ne peut pas s'effectuer sur la base d'une " impression d'ensemble ". Pour pouvoir tirer des conclusions qui offrent quelque sécurité, le juge cantonal doit pouvoir se fonder soit sur des statistiques officielles (art. 11 al. 4 OBLF), soit sur au minimum cinq logements de comparaison (ATF 141 III 569 consid. 2.2.1; arrêt 4A_295/2016 du 29 novembre 2016 consid. 5.2). 
 
2.2.2.1. Pour que le juge puisse appliquer la méthode des statistiques officielles, il faut qu'il existe de telles statistiques, satisfaisant aux exigences de l'art. 11 al. 1 OBLF. Elles doivent contenir des données chiffrées, suffisamment différenciées et dûment établies sur l'emplacement, la dimension, l'équipement et l'état de la chose louée, comme aussi sur la période de construction, et tenir compte de l'évolution récente des loyers (ATF 141 III 569 consid. 2.2.1 et 2.2.2; 123 III 317 consid. 4a p. 319; arrêt 4A_295/2016 précité consid. 5.2.1).  
Il n'existe pas à Genève de statistiques officielles au sens de l'art. 11 al. 4 OBLF (arrêts 4A_412/2009 du 15 décembre 2009 consid. 4 non publié à l'ATF 136 III 74; 4A_295/2016 précité consid. 5.2.3; 4A_645/2011 déjà cité consid. 3.5; 4A_674/2012 du 23 septembre 2013 consid. 3; 4A_472/2007 du 11 mars 2008 consid. 2.2; ATF 123 III 317 consid. 4c/cc p. 324 s.). 
 
2.2.2.2. L'application de la méthode des cinq logements de comparaison présuppose que ces cinq éléments comparatifs présentent, pour l'essentiel, les mêmes caractéristiques que le logement litigieux quant aux critères de l'art. 11 al. 1 OBLF, soit quant à l'emplacement, la dimension, l'équipement, l'état et l'année de construction, tout en tenant compte de l'évolution récente de leurs loyers au regard du taux hypothécaire et de l'indice suisse des prix à la consommation (IPC) (ATF 141 III 589 consid. 2.2.3; 136 III 74 consid. 3.1 p. 80; 123 III 317 consid. 4a p. 319 et consid. 4d p. 325).  
La preuve des loyers usuels doit être certaine (degré de la certitude ou preuve stricte;  Gewissheit) : le juge doit acquérir, en se fondant sur des éléments objectifs, la conviction de l'existence de ce fait; une certitude absolue n'est pas nécessaire, mais il faut qu'il n'y ait aucun doute sérieux ou, à tout le moins, que les doutes qui subsistent paraissent légers (ATF 141 III 569 consid. 2.2.1; arrêt 4A_295/2016 précité consid. 5.2.2; sur le degré de la preuve en général, cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2; arrêt 5C.97/2005 du 15 septembre 2005 consid. 4.4.2, publié partiellement in SJ 2006 I p. 271).  
Dans l'application de la méthode des cinq logements comparatifs, puisque la comparaison est effectuée non à l'aide de statistiques officielles établies sur la base de très nombreux appartements, mais avec seulement cinq logements de comparaison, il s'impose de se montrer particulièrement strict dans l'admissibilité des logements qui peuvent être pris en considération, dès lors que le tribunal doit pouvoir en tirer des conclusions certaines. En outre, puisqu'il s'agit pour le tribunal de comparer des logements, un certain schématisme est nécessaire pour garantir la prévisibilité du droit et l'égalité de traitement. Cela ne signifie évidemment pas que, lorsque les cinq éléments produits peuvent être schématiquement comparés à l'appartement litigieux parce qu'ils présentent des caractéristiques communes avec celui-ci, le tribunal ne puisse pas procéder encore à une pesée des avantages et inconvénients de l'appartement litigieux (ATF 141 III 569 consid. 2.2.3; 123 III 317 consid. 4d p. 325 s.; arrêt 4A_295/2016 précité consid. 5.2.2). 
Selon la jurisprudence, dans l'action en contestation du loyer initial d'un logement situé dans un immeuble ancien, le fardeau de la preuve des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier incombe au locataire (ATF 139 III 13 consid. 3.1.3). En effet, selon la théorie des normes déduite de l'art. 8 CC, l'abus de droit, à savoir le loyer abusif, invoqué par le locataire repose sur un fait dirimant, dont le fardeau de la preuve incombe à la partie adverse du titulaire du droit; ainsi quand le bailleur s'est prévalu des loyers usuels dans la formule officielle pour justifier le loyer convenu, il incombe au locataire de démontrer que le loyer est abusif (à propos de la contestation du loyer initial qui a été augmenté par rapport à celui payé par le précédent locataire, cf. ATF 139 III 13 consid. 3.1.3). 
Lorsque le loyer initial convenu a été sensiblement augmenté - à savoir, selon la jurisprudence, de 10% au moins (ATF 136 III 82 consid. 3.4) - par rapport au loyer du précédent locataire au sens de l'art. 270 al. 1 let. b CO, lequel se détermine en fonction du loyer effectivement payé par celui-ci (sans tenir compte de ce qu'il est ou non adapté, au vu de facteurs relatifs) -, il a été admis que le loyer convenu (augmenté de 43%, alors que tant le taux hypothécaire de référence que l'indice suisse des prix à la consommation n'avaient cessé de décroître) est présumé abusif, de sorte qu'il incombe au bailleur d'apporter des contre-preuves fondées sur des éléments comparatifs pour démontrer que, malgré les apparences, il s'agit d'un cas exceptionnel et que le loyer initial convenu n'est pas abusif (ATF 139 III 13 consid. 3.1.4, 3.2 et 3.3; arrêt 4A_295/2016 précité consid. 5.3.1). 
En revanche, lorsque le loyer initial convenu est le même que le loyer payé par le précédent locataire, il ne saurait être présumé abusif sur la base de statistiques générales, cantonales ou communales. On ne peut pas non plus exiger, conformément aux règles de la bonne foi (art. 52 CPC, art. 2 CC), la collaboration du bailleur à l'administration des preuves, alors qu'il ne dispose pas lui-même de ces éléments de comparaison; en effet, comme le bailleur n'est pas chargé du fardeau de la preuve des loyers comparatifs, il ne peut être contraint de se procurer auprès de tiers des exemples de comparaison (ATF 117 II 113 consid. 2; cf. 4A_475/2012 du 6 décembre 2012 consid. 2.4.3). 
 
3.   
Est seule litigieuse à ce stade la question de la qualification de l'immeuble (ancien ou non) de la bailleresse. 
 
3.1. La cour cantonale observe que " le Tribunal fédéral ne s'est à ce jour pas expressément prononcé sur l'âge minimal que devait avoir un immeuble pour être qualifié d'ancien ". Elle relève toutefois que, selon la jurisprudence, des immeubles de 26 et 27 ans ne sont pas anciens et que l'immeuble litigieux de 31 ans - qui ne présente que quatre (ou cinq) ans de différence avec ces deux précédents et qui est géré par une professionnelle de l'immobilier étant tenue de compter avec la possibilité de devoir produire les pièces permettant un calcul de rendement - appelle la même qualification, ce que les intimés rappellent dans leurs écritures. La recourante considère au contraire qu'il résulte clairement de la jurisprudence fédérale qu'un immeuble acquis il y a plus de 30 ans est ancien.  
Les parties ne contestent donc pas en soi la jurisprudence du Tribunal fédéral mais, entreprenant chacune une lecture différente de celle-ci, elles ne s'accordent pas quant à la qualification d'un immeuble de 31 ans. Dès lors que la méthode applicable pour vérifier si le loyer est abusif est fondamentalement différente si l'immeuble est ancien ou s'il ne l'est pas, il est nécessaire d'apporter une clarification quant à l'âge à partir duquel un immeuble doit être qualifié d'ancien. 
 
3.2. Initialement, la jurisprudence s'est servie d'une limite non chiffrée pour opérer la qualification : elle a ainsi considéré qu'un immeuble est " ancien " s'il a été construit ou acquis il y a " plusieurs décennies " (  vor mehreren Jahrzehnten; ATF 140 III 433 consid. 3.1.1 p. 435 s.;139 III 13 consid. 3.1.2; arrêts 4A_295/2016 du 29 novembre 2016 consid. 5.1.1; 4A_211/2015 du 8 décembre 2015 consid. 3.1; 4A_517/2014 du 2 février 2015; 4A_623/2013 du 11 avril 2014 consid. 2.2.2; 4A_645/2011 du 27 janvier 2012 consid. 3.3; 4C.323/2001 du 9 avril 2002 consid. 3a  in fine, in SJ 2002 I p. 434).  
Plus récemment, le Tribunal fédéral a considéré qu'il était conforme au droit fédéral (" il n'est pas contraire au droit fédéral ") de retenir que des immeubles construits il y a moins de 30 ans ne sont pas anciens (  in casu des immeubles de 26 et 27 ans, ATF 140 III 433 consid. 3.1.1, cité dans l'arrêt 4A_465/2015 du 1er mars 2016 consid. 4.6). En fonction de ce critère, il a ensuite retenu qu'un immeuble dont la construction ou la dernière acquisition remonte à 32 ans doit être qualifié d'ancien (arrêt 4A_147/2016 du 12 septembre 2016 consid. 2.3).  
Sur la base des précédents qui viennent d'être évoqués, qui s'inscrivent dans le prolongement du critère général reposant sur une période de " plusieurs décennies ", le Tribunal fédéral considère qu'un immeuble est ancien lorsque sa construction ou sa dernière acquisition est de 30 ans au moins au moment du début du bail (en ce sens, cf. SVIT-Kommentar, Das schweizerische Mietrecht, 4e éd. 2018, no 6 ad art. 269a CO  in initio, qui infère cette limite chiffrée de la jurisprudence actuelle; THOMAS KOLLER, Die mietrechtliche Rechtsprechung des Bundesgerichts im Jahr 2014, RSJB 152/2016 p. 31; plaidant pour une telle limite: FRANÇOIS BOHNET, in Droit du bail à loyer, Bohnet/Carron/Montini [éd.], 2e éd. 2017, no 36 ad art. 269 CO). Le délai de 30 ans commence donc à courir soit à la date de la construction de l'immeuble (  Datum der Erstellung der Liegenschaft), soit à celle de sa dernière acquisition (  Datum des letzten Erwerbs der Liegenschaft), et doit être échu au moment du début du bail (  Anfang der Miete).  
 
3.3. On ne peut rien tirer en sens inverse de l'ATF 140 III 433 consid. 3.1.2, cité par la cour cantonale, dans lequel le Tribunal fédéral n'a utilisé que le critère de la possibilité de produire les documents relatifs aux investissements pour retenir que des immeubles de 26 et 27 ans n'étaient pas anciens. Contrairement à ce qu'a considéré l'autorité précédente, on ne peut pas se baser sur la qualité de propriétaire institutionnel ou professionnel de l'immobilier du bailleur, parce que ce critère ne tient pas compte du fait que les montants au moment de la construction ou de l'achat peuvent ne plus être en rapport avec les valeurs actuelles et que, pour assurer une égalité de traitement entre les locataires de différents immeubles, l'ancienneté de l'immeuble ne peut pas dépendre de la qualité du bailleur.  
On ne saurait en outre justifier, comme semble l'envisager la cour précédente, une différence de traitement entre les bailleurs professionnels et les bailleurs " privés " au motif que les premiers seraient également soumis à une obligation de conservation de dix ans notamment pour les livres et les pièces comptables (art. 958f al. 1 CO). Cette exigence de conservation, qui complète les règles fondamentales sur l'établissement des comptes (cf. art. 958a ss CO), a pour seul but de favoriser le contrôle de la comptabilité et de la présentation des comptes (cf. art. 957a al. 3 CO; entre autres auteurs, cf. MARIE WINKLER, Nouvelle obligation de tenir une comptabilité et de présenter des comptes, L'expert fiduciaire 2/2013 p. 92). Il s'agit dès lors d'une problématique distincte de celle relevant de la protection contre les loyers abusifs (examen de la méthode permettant de contrôler l'admissibilité du loyer initial) et on ne saurait donc en inférer un quelconque indice pour éclaircir une question qui relève spécifiquement du droit du bail. 
 
3.4. En l'espèce, la bailleresse est devenue propriétaire de l'immeuble le 16 décembre 1982 et le bail a débuté le 1er octobre 2014. Il s'est ainsi écoulé plus de 31 ans entre les deux moments décisifs, de sorte que l'on se trouve bien en présence d'un immeuble ancien. Pour un tel immeuble, les chiffres de l'année d'acquisition ne sont en règle générale plus en rapport avec la réalité économique actuelle. Il s'ensuit que, pour déterminer si le loyer initial convenu est abusif, le bailleur peut se baser en priorité sur le critère des loyers usuels de la localité ou du quartier.  
 
4. Il est ainsi superflu de traiter les autres griefs de la recourante, en particulier d'examiner si elle est réellement un professionnel de l'immobilier, ce qu'elle conteste.  
 
5. Le recours doit être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour suite de la procédure. Les frais de la procédure et les dépens doivent être mis à la charge des locataires intimés qui succombent (art. 66 al. 1 et 5 et art. 68 al. 1, 2 et 4 LTF).  
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour suite de la procédure dans le sens des considérants. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis solidairement à la charge des intimés. 
 
3.   
Les intimés, débiteurs solidaires, sont condamnés à verser à la recourante une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des baux et loyers.  
 
 
Lausanne, le 13 septembre 2018 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
Le Greffier : Piaget