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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_320/2021  
 
 
Arrêt du 12 août 2021  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Juge présidant, 
Müller et Merz. 
Greffière : Mme Nasel. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
B.________, 
tous les deux représentés par Me Gilles Aebischer, 
recourants, 
 
contre  
 
Laurent Contat, 
Procureur du Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, chemin de Couvaloup 6, 1014 Lausanne, 
intimé. 
 
Objet 
Procédure pénale; récusation, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 14 janvier 2021 (39 - PE19.006084-LCT). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ SA, dont le siège social est au X.________, a pour but l'exploitation d'un laboratoire de recherche et de développement dans les biotechnologies, ainsi que l'exploitation d'un centre de recherche et d'organisation d'études précliniques. Elle fabrique en particulier des dispositifs médicaux à usage humain. C.________ a été employé par cette entreprise depuis 2009 jusqu'au 3 janvier 2018, son contrat ayant été résilié pour le 31 mars 2018, avec libération immédiate de l'obligation de travailler. 
Une enquête pénale administrative a été ouverte par l'institut Swissmedic à la suite de trois dénonciations, dont une, du 14 mars 2018, émanait de C.________, contre B.________, administrateur unique de la société A.________ SA, et quatre employés de cette société, pour infractions à la loi fédérale du 15 décembre 2000 sur les médicaments et les dispositifs médicaux (loi sur les produits thérapeutiques, LPTh; RS 812.21). 
Le 25 mars 2019, A.________ SA a déposé plainte contre inconnu pour appropriation illégitime, vol de données, violation du secret de fabrication ou du secret commercial, service de renseignements économiques et infraction à la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD; RS 241). Ses soupçons se dirigeaient vers C.________. 
Le même jour, B.________ a également déposé plainte pénale contre C.________ pour atteinte à l'honneur. Il lui reproche de l'avoir dénoncé auprès de l'institut Swissmedic pour avoir eu des comportements peu scrupuleux, voire illicites, et mettant en danger les patients et ce, de mauvaise foi et par esprit de vengeance, à la suite du retrait de ses responsabilités concernant les activités réglementaires au sein de A.________ SA. 
 
B.  
Par ordonnance du 24 août 2020, le Procureur du Ministère public d'arrondissement de Lausanne Laurent Contat a notamment prononcé le classement de la procédure pénale dirigée contre C.________ pour appropriation illégitime, violation du secret commercial, diffamation et service de renseignements économiques. 
Par actes séparés du 10 septembre 2020, A.________ SA et B.________ ont recouru contre cette ordonnance auprès de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois (Tribunal cantonal). Ils ont également demandé la récusation du Procureur Laurent Contat. 
 
C.  
Dans un arrêt du 14 janvier 2021, expédié le 7 mai 2021, le Tribunal cantonal, après avoir rejeté les demandes de récusation dirigées à l'encontre du Procureur Laurent Contat, a admis les recours formés contre l'ordonnance de classement du 24 août 2020, renvoyé le dossier de la cause au Ministère public de l'arrondissement de Lausanne (Ministère public) pour complément d'instruction, arrêté les frais d'arrêt qu'il a répartis entre les recourants et C.________ et alloué aux recourants une indemnité réduite à la charge du prénommé. 
 
D.  
Par acte commun du 8 juin 2021, A.________ SA et B.________ forment un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt, concluant principalement à l'admission de leur recours, à ce que les demandes de récusation du Procureur Laurent Contat soient admises et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour désignation d'un/e autre procureur/e et pour nouvelle décision sur les frais et les indemnités de procédure. Subsidiairement, ils demandent le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour qu'elle procède au sens des considérants et réclament une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens à la charge du canton de Vaud. 
Par ordonnance du 5 juillet 2021, le Président de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral a admis la requête d'effet suspensif présentée par les recourants. 
Invités à se déterminer, le Tribunal cantonal se réfère aux considérants de sa décision tandis que le procureur intimé conclut au rejet du recours et à la confirmation de la décision entreprise s'agissant de la demande de récusation, tout en renonçant à déposer des observations. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 145 I 239 consid. 2 p. 241).  
 
1.2. Seule est portée devant le Tribunal fédéral, la question de l'admission des demandes de récusation formées par les parties plaignantes recourantes.  
 
1.3. Conformément aux art. 78 et 92 al. 1 LTF, une décision relative à la récusation d'un magistrat pénal peut faire immédiatement l'objet d'un recours en matière pénale.  
Indépendamment des conditions posées par l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, les recourants, parties plaignantes, sont habilités à se plaindre d'une violation de leurs droits de partie équivalant à un déni de justice formel, sans toutefois pouvoir faire valoir par ce biais, même indirectement, des moyens qui ne peuvent être séparés du fond (ATF 141 IV 1 consid. 1.1; arrêt 1B_647/2020 du 20 mai 2021 consid. 1.2). Dans ce cadre, ils peuvent se prévaloir des garanties procédurales en matière d'indépendance et de partialité (arrêts 1B_647/2020 précité, ibidem; 6B_1369/2020 du 11 mars 2021 consid. 4 et 4.2 et les arrêts cités). Tel est en particulier le cas en l'espèce, dans la mesure où ils contestent la décision attaquée en tant qu'elle rejette leurs demandes de récusation concernant le procureur intimé. 
 
1.4. En outre, interjeté en temps utile contre une décision prise en dernière instance cantonale, le recours est recevable au regard des art. 80 al. 1 et 100 al. 1 LTF. Les conclusions des recourants tendant principalement à l'admission des demandes de récusation du procureur intimé et au renvoi de la cause pour désignation d'un/e autre procureur/e le sont également au regard de l'art. 107 LTF.  
 
2.  
Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins que ceux-ci n'aient été établis de façon manifestement inexacte - c'est-à-dire arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF. Si la partie recourante entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente, elle doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées et la correction du vice susceptible d'influer sur le sort de la cause (cf. art. 97 al. 1 LTF). A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui retenu dans l'acte attaqué (cf. ATF 145 V 188 consid. 2; 137 II 353 consid. 5.1). En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire (ATF 145 IV 154 consid. 1.1). 
En l'espèce, les recourants présentent, au début de leur écriture, sur environ huit pages, leur propre exposé des faits. En tant que ces éléments divergent de ceux constatés dans l'arrêt cantonal et qu'ils ne sont pas critiqués sous l'angle de l'arbitraire, il n'en sera pas tenu compte. 
 
3.  
Invoquant l'art. 56 let. f CPP en lien avec les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH, les recourants estiment que les considérations retenues par le procureur intimé dans son ordonnance de classement à l'encontre du prévenu ainsi que ses nombreux refus d'instruire donneraient objectivement l'apparence d'une prévention et feraient redouter une activité partiale de ce magistrat. Se référant aux art. 97 al. 1 LTF et 9 Cst., ils considèrent en outre que le rejet de leurs demandes de récusation serait arbitraire aussi bien dans son résultat que dans sa motivation. 
 
3.1. Un magistrat est récusable pour l'un des motifs prévus aux art. 56 let. a à e CPP. Il l'est également, selon l'art. 56 let. f CPP, " lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à le rendre suspect de prévention ". Cette disposition a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres précédentes. Elle correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 Cst. et 6 CEDH (ATF 143 IV 69 consid. 3.2). Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 144 I 159 consid. 4.3).  
Dans le cadre de l'instruction, le Ministère public est tenu à une certaine impartialité même s'il peut être amené, provisoirement du moins, à adopter une attitude plus orientée à l'égard du prévenu ou à faire état de ses convictions à un moment donné de l'enquête (ATF 138 IV 142 consid. 2.2.1). Cela est en particulier le cas lorsqu'il décide de l'ouverture d'une instruction (qui suppose l'existence de soupçons suffisants au sens de l'art. 309 al. 1 CPP) ou lorsqu'il ordonne des mesures de contrainte (arrêts 1B_348/2020 du 4 septembre 2020 consid. 3.1; 1B_315/2019 du 24 septembre 2019 consid. 3.1). Tout en disposant, dans le cadre de ses investigations, d'une certaine liberté, le magistrat reste tenu à un devoir de réserve. Il doit s'abstenir de tout procédé déloyal, instruire tant à charge qu'à décharge et ne point avantager une partie au détriment d'une autre (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2; 138 IV 142 consid. 2.2.1). 
 
3.2. Selon la jurisprudence, on ne saurait admettre systématiquement la récusation d'un procureur au motif qu'il aurait déjà rendu dans la même cause une ordonnance de non-entrée en matière ou de classement annulée par l'autorité de recours. D'une part en effet, des décisions ou des actes de procédure qui se révèlent par la suite erronés ne fondent pas en soi une apparence objective de prévention; seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs du magistrat, peuvent fonder une suspicion de partialité, pour autant que les circonstances dénotent que le juge est prévenu ou justifient à tout le moins objectivement l'apparence de prévention (ATF 143 IV 69 consid. 3.2). D'autre part, la jurisprudence considère que le magistrat appelé à statuer à nouveau après l'annulation d'une de ses décisions est en général à même de tenir compte de l'avis exprimé par l'instance supérieure et de s'adapter aux injonctions qui lui sont faites (ATF 143 IV 69 consid. 3.1; arrêt 1B_476/2019 du 27 janvier 2020 consid. 3.2.2).  
Pour ces raisons également, il n'y a pas lieu de remettre en cause la pratique consistant à faire instruire successivement par le même magistrat des plaintes réciproques, le cas échéant en suspendant l'une jusqu'à droit connu sur l'autre, même si, en traitant de la première, certaines questions sont susceptibles d'avoir une influence sur la seconde. Seules des circonstances exceptionnelles permettent dans ces cas de justifier une récusation lorsque, par son attitude ou ses déclarations précédentes, le magistrat a clairement fait apparaître qu'il ne sera pas capable d'aborder la seconde procédure en faisant éventuellement abstraction des opinions qu'il a précédemment émises (arrêts 1B_476/2019 du 27 janvier 2020 consid. 3.2.2; 1B_430/2015 du 5 janvier 2016 consid. 3.2, in SJ 2017 I 49). La jurisprudence exige cependant que l'issue de la seconde cause ne soit pas prédéterminée, mais qu'elle demeure indécise quant à la constatation des faits et à la résolution des questions juridiques (ATF 134 IV 289 consid. 6.2; arrêt 1B_13/2021 du 1er juillet 2021 consid. 3.3). 
 
3.3. Certes, ainsi que l'a retenu la cour cantonale, l'enquête en était au stade de la clôture lorsque le procureur intimé a pris position sur les éléments constitutifs de l'infraction de diffamation, respectivement considéré que cette infraction n'était pas réalisée, C.________ pouvant bénéficier de la preuve libératoire de l'art. 173 ch. 2 CP. Cette seule prise de position n'est pas propre à fonder une demande de récusation.  
Il en va différemment du ton employé par le magistrat dans son ordonnance de classement. Celui-ci apparaît en effet particulièrement péremptoire dans la mesure où il affirme qu'il " ne fait aucun doute que B.________ a eu un comportement extrêmement peu scrupuleux, n'hésitant pas à mettre en danger la santé de patients, plutôt que de risquer des pertes financières ". Ce faisant, le magistrat a manifesté, dans des termes catégoriques, sa conviction au sujet de la preuve libératoire apportée par le prévenu. Pour parvenir à cette conclusion, il s'est borné à faire une référence générale au dossier de l'enquête de Swissmedic, qui n'est pas encore clôturée, sans entendre les parties sur les questions spécifiques qu'une telle preuve libératoire soulève, respectivement sans s'appuyer sur des passages précis des auditions effectuées dans le cadre de l'instruction dirigée par Swissmedic ni sur des éléments concrets ayant décidé cet institut à ouvrir une enquête (cf. arrêt attaqué p. 19). La prise de position du procureur intimé est d'autant plus problématique en l'espèce, au vu de la décision du Tribunal cantonal de renvoyer le dossier au Ministère public pour qu'il instruise davantage la question de l'éventuelle preuve libératoire dont se prévaut le prévenu. Dans ces circonstances particulières, il apparaît justifié de redouter - au vu des apparences données - une activité partiale du magistrat dans la perspective de cette instruction, ce qui suffit à sceller le sort du recours. Il n'y a ainsi pas lieu d'examiner les autres critiques des recourants soulevées à l'encontre du magistrat intimé. 
 
4.  
Par conséquent, le recours doit être admis. La demande de récusation est également admise et la cause renvoyée à la cour cantonale afin qu'un autre procureur soit désigné pour la suite de la procédure. Conformément à l'art. 68 al. 2 LTF, il y a lieu d'allouer aux recourants une indemnité de dépens, à la charge du canton de Vaud. Le montant est fixé par le Tribunal fédéral en fonction de l'importance et de la difficulté de la cause ainsi que selon le travail effectué (art. 2 al. 1 et 6 du règlement du 31 mars 2006 sur les dépens alloués à la partie adverse et sur l'indemnité pour la représentation d'office dans les causes portées devant le Tribunal fédéral [RS 173.110.210.3]). Les circonstances de l'espèce ne commandent pas de s'écarter du montant habituellement octroyé à ce titre. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). Il appartiendra aussi au Tribunal cantonal de statuer à nouveau sur les frais et indemnités de la procédure cantonale (cf. art. 68 al. 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis; la décision attaquée est annulée et la demande de récusation du Procureur Laurent Contat est admise. La cause est renvoyée à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois pour désignation d'un autre procureur et pour nouvelle décision sur les frais et indemnités de la procédure cantonale. 
 
2.  
Une indemnité de dépens de 2'000 fr. pour la procédure fédérale est allouée aux recourants, à la charge du canton de Vaud. 
 
3.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, à l'intimé, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, et à C.________, pour information. 
 
 
Lausanne, le 12 août 2021 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Chaix 
 
La Greffière : Nasel