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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1A.180/2002 /svc 
 
Arrêt du 19 novembre 2002 
Ire Cour de droit public 
 
Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président du Tribunal fédéral, 
Aeschlimann, Reeb, 
greffier Zimmermann. 
 
Office fédéral du développement territorial, 3003 Berne, 
recourant, 
 
contre 
 
S.________, 
intimé, représenté par Me Serge Morosow, avocat, 
Grand-Chêne 8, case postale 2260, 1002 Lausanne, 
Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement de la République et Canton de Genève, 
rue David-Dufour 5, case postale 22, 1211 Genève 8, 
Tribunal administratif de la République et Canton de Genève, rue des Chaudronniers 3, 1204 Genève. 
 
démolition d'une construction illicite hors de la zone à bâtir, 
 
recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif de la République et Canton de Genève 
du 23 juillet 2002. 
 
Faits: 
A. 
S.________ est propriétaire des parcelles nos1016 et 1415 du Registre foncier de P.________. Ces biens-fonds sont classés dans la zone agricole régie par les art. 20ss de la loi genevoise d'application de la LAT, du 4 juin 1987 (LALAT). Sur la parcelle n°1415 est érigée la maison qu'habite le recourant. Sur la parcelle n°1016 ont été édifiés deux bâtiments, désignés sous les nos783 et 784. Il s'agit d'une maisonnette (bâtiment n°783), d'une surface de 31 m2, et d'un cabanon, d'une surface de 9 m2 (bâtiment n°784). Ces constructions ont été bâties sans autorisation, comme l'a constaté, le 21 février 1973, le Département cantonal des travaux publics (devenu dans l'intervalle le Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, ci-après: le Département cantonal). Elles ont été tolérées depuis cette époque. 
 
Le 17 août 2000, un inspecteur du Département cantonal a remarqué que des travaux de transformation des bâtiments n°783 et 784 étaient en cours sans avoir été autorisés préalablement. Le 18 août 2000, le Département cantonal a ordonné leur interruption immédiate. Le 22 août suivant, un rapport a été établi, dont il ressort que le bâtiment n°784 avait été supprimé, pour être englobé dans l'agrandissement de la maisonnette, dont la surface a ainsi été portée à 55 m2. S.________ avait également entrepris de refaire les murs et la toiture, de carreler les sols, d'installer une cuisine agencée, ainsi qu'une douche, des toilettes et deux chambres. Il était prévu de raccorder le bâtiment aux canalisations desservant la maison érigée sur la parcelle n°1415, ainsi qu'au réseau de l'électricité. 
 
Le 6 septembre 2000, le Département cantonal a ordonné à S.________ de rétablir le bâtiment n°783 dans son état antérieur et lui a infligé une amende de 20'000 fr. pour avoir entrepris les travaux sans autorisation. Le Département cantonal a relevé que les bâtiments n°783 et 784, sans être conformes à la destination de la zone agricole, pouvaient être tolérés comme « maison de week-end », mais non agrandis. Une autorisation au sens des art. 20 et 21 LALAT, ainsi que des art. 1ss de la loi cantonale sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988 (LCI), n'entrait pas en ligne de compte. En outre, le bâtiment n°783 transformé ne respectait pas les art. 69 et 73 LCI, régissant les distances aux limites de propriété et les vues droites. 
 
Le 3 octobre 2000, S.________ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif du canton de Genève (cause A/1095/2000). 
 
Le 5 mars 2001, en cours de procédure, S.________ a demandé au Conseil d'Etat du canton de Genève le maintien à titre précaire, au sens de l'art. 139 LCI, du bâtiment n°783 tel qu'il avait été agrandi. Le 21 novembre 2001, le Conseil d'Etat a rejeté cette requête. 
 
Le 14 octobre 2001, S.________ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif (cause A/1291/2001). Le 15 février 2002, il a complété ce recours. 
 
Par arrêt du 23 juillet 2002, le Tribunal administratif, après avoir joint les causes A/1095/2000 et A/1291/2001, a admis partiellement le recours A/1095/2000 en réduisant le montant de l'amende à 10'000 fr., et l'a rejeté pour le surplus. Il a également admis le recours A/1291/2001, annulé l'arrêté du Conseil d'Etat et ordonné le maintien à titre précaire de l'agrandissement du bâtiment n°783, en fixant le montant de la redevance à 10'000 fr. 
 
B. 
Agissant par la voie du recours de droit administratif, l'Office fédéral du développement territorial (ci-après: l'Office fédéral) demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 23 juillet 2002, en tant qu'il porte sur la cause A/1291/2001. Il invoque les art. 24ss LAT
 
Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt. Le Département cantonal propose l'admission du recours et la confirmation de la décision du Conseil d'Etat du 21 novembre 2001. L'intimé S.________ conclut au rejet du recours. 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
1.1 Aux termes de l'art. 34 al. 1 LAT, la voie du recours de droit administratif est ouverte contre les décisions prises par l'autorité cantonale de dernière instance à propos de la reconnaissance de la conformité à l'affectation de la zone de constructions et d'installations sises hors de la zone à bâtir et sur des demandes de dérogation selon les art. 24 à 24d LAT. Le recours de droit administratif est aussi recevable contre les décisions cantonales fondées à la fois sur le droit fédéral et sur le droit cantonal, dans la mesure où la violation de dispositions du droit fédéral directement applicables est en jeu (cf. art. 104 let. a OJ; ATF 128 I 46 consid. 1b/aa p. 49; 128 II 56 consid. 1a/aa p. 58, 259 consid. 1.2 p. 262/263, et les arrêts cités). En particulier, les décisions cantonales de dernière instance relatives au maintien ou à la démolition d'ouvrages sis hors de la zone à bâtir peuvent être attaquées par la voie du recours de droit administratif, empruntée en l'occurrence (ATF 123 II 248 consid. 4 p. 254ss; 111 Ib 213 consid. 6 p. 221ss). 
1.2 L'Office fédéral a qualité pour agir (art. 34 al. 1 LAT, mis en relation avec les art. 48 al. 4 OAT et 103 let. b OJ; cf. ATF 113 Ib 219 consid. 1b p. 221). 
1.3 La décision attaquée émanant d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris des règles essentielles de la procédure (art. 105 al. 2 OJ). 
 
1.4 Le Tribunal administratif a admis partiellement le recours dirigé contre la décision du Département cantonal. Après avoir constaté que les travaux d'agrandissement n'étaient pas conformes à la destination de la zone, le Tribunal administratif en a confirmé l'ordre de suppression. En revanche, il a tenu pour bien-fondé le grief relatif au montant de l'amende, dont il a réduit le montant de moitié. Sur ces points, l'arrêt attaqué est entré en force. Il n'y a ainsi plus lieu, dans le cadre de la présente procédure, d'y revenir. L'arrêt attaqué est remis en discussion uniquement pour ce qui concerne la décision prise par le Conseil d'Etat le 21 novembre 2001, que le Tribunal administratif a annulée en ordonnant le maintien à titre précaire de l'agrandissement du bâtiment n°783. En cela, le Tribunal administratif n'a pas donné entièrement gain de cause à S.________, qui avait demandé le maintien à titre précaire de tout le bâtiment n°783, et non point seulement de son agrandissement. Même si cela a, semble-t-il, échappé à la cour cantonale, l'objet du recours est ainsi limité à la question de savoir si les travaux d'agrandissement du bâtiment n°783 peuvent être maintenus comme l'a décidé le Tribunal administratif, ou s'ils doivent être supprimés comme le demandent l'Office fédéral et le Département cantonal. 
2. 
Il est constant que les travaux litigieux, entrepris sans autorisation, ne pouvaient être autorisés ultérieurement. Pour admettre qu'ils pouvaient néanmoins être maintenus, le Tribunal administratif s'est référé à l'art. 139 al.1 LCI. Aux termes de cette disposition, le Conseil d'Etat peut laisser subsister, à titre précaire et moyennant redevance, une construction ou une installation qui n'est pas conforme à l'autorisation ou qui, édifiée sans autorisation, n'est pas conforme aux prescriptions applicables; il faut pour cela que l'ouvrage en question ne nuise pas à la sécurité, à la salubrité ou à l'esthétique. 
2.1 Lorsque l'autorité octroie une autorisation de maintien à tire précaire selon l'art. 139 al. 1 LCI, sa décision a pratiquement pour effet d'accorder une dérogation hors de la zone à bâtir selon les art. 24ss LAT (ATF 107 Ib 170 consid. 2b p. 174, relatif à l'art. 208 de l'ancienne LCI, de teneur identique à l'actuel art. 139 al. 1 LCI; cf. aussi l'arrêt 1A.75/1991 du 13 février 1992, consid. 1b), à l'égard desquels l'art. 139 al. 1 LCI n'a pas de portée propre (arrêt 1A.75/1991, précité, consid. 2 in fine). 
2.2 A teneur de l'art. 24 LAT, des autorisations peuvent être délivrées pour de nouvelles constructions ou installations ou pour tout changement d'affectation si l'implantation de ces installations ou constructions hors de la zone à bâtir est imposée par leur destination (let. a) et si aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose (let. b). Pour qu'une construction soit imposée par sa destination, il faut toujours que des raisons objectives - techniques, économiques ou découlant de la configuration du sol - justifient la réalisation de l'ouvrage projeté à l'emplacement prévu. Il n'y a pas lieu de prendre en compte les représentations subjectives ou les considérations de convenance personnelle du constructeur (ATF 123 II 499 consid. 3b/cc p. 508, et les arrêts cités). En l'occurrence, personne ne soutient que les travaux litigieux, consistant à agrandir une maisonnette de week-end, seraient imposés par la destination de la zone agricole. 
2.3 Hors de la zone à bâtir, l'autorité compétente peut autoriser l'agrandissement mesuré d'une construction utilisée conformément à sa destination, mais qui n'est plus conforme à l'affectation de la zone, pour autant qu'elle ait été édifiée légalement; dans tous les cas, les exigences majeures de l'aménagement du territoire doivent être satisfaites (art. 24c LAT). 
 
Cette disposition ne s'applique pas en l'occurrence: le bâtiment n°783 a été construit sans autorisation et ce défaut n'a jamais été guéri. L'octroi d'une autorisation dérogatoire n'entre dès lors plus en considération. En admettant le contraire, le Tribunal administratif a donné à l'art. 139 al. 1 LCI une portée autonome, incompatible avec le droit fédéral. 
3. 
Il reste à examiner si la suppression des travaux d'agrandissement et le rétablissement de l'état antérieur ne porteraient pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété de l'intimé. 
3.1 L'ordre de démolir une construction édifiée sans permis et pour laquelle une autorisation ne pouvait être accordée n'est en principe pas contraire au principe de la proportionnalité. L'autorité renonce toutefois à une telle mesure si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit. Celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit cependant s'attendre à ce qu'elle se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4 p. 254ss; 111 Ib 213 consid. 6 p. 221ss; 108 Ia 216 consid. 4 p. 217; cf. aussi l'arrêt 1A.110/2001 du 4 décembre 2001, consid. 4-7). 
3.2 L'agrandissement en question a eu pour effet de porter la surface habitable du bâtiment n°783 de 31 à 55 m2. L'intimé objecte à cela que ces travaux auront aussi pour effet de supprimer le cabanon, ainsi qu'une autre petite construction adjacente. Il perd cependant de vue que les possibilités d'utilisation de la maisonnette seront considérablement augmentées: en plus de la cuisine et de la chambre existantes, il pourrait disposer d'une deuxième chambre, d'une douche et de toilettes. Avec le raccordement au réseau de canalisation et de l'électricité, et les travaux de rénovation effectués, ce bâtiment utilisé jusque là en fin de semaine pourrait devenir habitable en permanence. L'intérêt public lié à la préservation de la destination agricole de la zone, déjà mis à mal par la construction de ce bâtiment, s'en trouverait encore plus compromis. Pour le surplus, ces travaux ne peuvent être autorisés après coup et l'intimé ne saurait avoir agi de bonne foi. Exerçant une activité indépendante dans le domaine de la construction, il ne pouvait en effet ignorer que les travaux entrepris étaient soumis à autorisation. Il ne le prétend pas, au demeurant. 
4. 
Le recours doit ainsi être admis et l'arrêt attaqué annulé en tant qu'il accorde à S.________ l'autorisation de maintenir à titre précaire l'agrandissement du bâtiment n°783 (cause cantonale A/1291/2001). Les frais sont mis à la charge de S.________ (art. 156 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Admet le recours et annule l'arrêt attaqué en tant qu'il concerne la cause cantonale A/1291/2001. 
2. 
Met à la charge de l'intimé S.________ un émolument de 3'000 fr. N'alloue pas de dépens. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, au Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement de la République et Canton de Genève et au Tribunal administratif de la République et Canton de Genève. 
Lausanne, le 19 novembre 2002 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le président: Le greffier: