Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
4A_422/2020  
 
 
Arrêt du 2 novembre 2020  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Kiss, présidente, Niquille et May Canellas. 
Greffière: Mme Raetz. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Aurore Gaberell, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________ SA en liquidation, 
intimée. 
 
Objet 
contrat de bail; procédure de protection dans les cas clairs; expulsion du locataire; exception de compensation, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 2 juillet 2020 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (n° 292; JL20.002326-200755). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ SA (ci-après: la locataire) et B.________ SA ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur des locaux commerciaux et des places de stationnement répartis entre les nos... de l'avenue xxx, à Lausanne, pour un loyer mensuel brut de 5'850 fr., à compter du 1er janvier 2015. 
Le contrat prévoyait ce qui suit sous la rubrique " 6. Dispositions complémentaires ": 
 
" A.________ SA s'engage à investir CHF 250'000.- afin de transformer la surface louée en business center de 8 bureaux de 1 pièce d'environ 15 m² chacun, 1 bureau de 3 pièces de 100 m² et 1 bureau de 5 pièces. 
Les 8 bureaux de 1 pièce, celui de 3 pièces, les caves et les places de parking pourront être loués à des tiers, le bureau de 5 pièces sera occupé par A.________ SA. " 
 
Le Président du Tribunal d'arrondissement de Lausanne a déclaré B.________ SA en faillite avec effet à partir du 9 novembre 2018. 
Par courrier recommandé du 2 octobre 2019, B.________ SA en liquidation (ci-après: la bailleresse) a mis en demeure la locataire de verser dans un délai de 30 jours le montant de 58'500 fr., correspondant aux loyers dus pour les mois de décembre 2018 à septembre 2019. Elle a informé qu'à défaut de paiement dans un délai de trente jours, le bail serait résilié. 
Par envoi du 31 octobre 2019 à la bailleresse, la locataire a contesté l'arriéré de loyer et a annoncé qu'elle avait produit à l'encontre de la masse en faillite une créance de 250'000 fr. en capital, conformément au contrat de bail et à l'art. 260a al. 3 CO
Dans un courrier du même jour, la bailleresse a répondu que la créance compensatoire invoquée ne résistait pas à l'examen, de sorte que l'avis du 2 octobre 2019 conservait toute sa valeur. 
La locataire n'ayant pas payé l'arriéré de loyer à l'échéance du délai imparti, la bailleresse lui a notifié, par formule officielle du 11 novembre 2019, la résiliation du bail pour le 31 décembre 2019. 
Le 11 décembre 2019, la locataire a saisi la Commission de conciliation en matière de baux à loyer du district de Lausanne (ci-après: la Commission de conciliation) en demandant l'annulation du congé, subsidiairement la prolongation du bail. 
 
B.  
 
B.a. Le 13 janvier 2020, la bailleresse a déposé une requête auprès du Juge de paix du district de Lausanne, afin qu'il prononce l'expulsion de la locataire selon la procédure prévue pour les cas clairs (art. 257 CPC).  
La Commission de conciliation a suspendu la procédure en annulation du congé dans l'attente de l'issue de celle d'expulsion. 
Par ordonnance du 7 mai 2020, le Juge de paix a ordonné à la locataire de quitter les locaux loués pour le jeudi 4 juin 2020 à midi; il a également prévu des mesures visant à permettre, au besoin, l'exécution forcée de sa décision. Il a considéré que le congé donné était valable et qu'il s'agissait d'un cas clair. 
 
B.b. Statuant le 2 juillet 2020, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'appel formé par la locataire, a confirmé l'ordonnance du 7 mai 2020 et a retourné le dossier de la cause au Juge de paix afin qu'il fixe à la locataire un nouveau délai pour libérer les locaux; elle a précisé que son arrêt était exécutoire. Elle a retenu que la déclaration de compensation était intervenue en temps utile. Toutefois, le contrat de bail ne précisait pas que le montant de 250'000 fr. devait être remboursé par la bailleresse. En outre, il n'était pas établi que la locataire avait fait effectuer de quelconques travaux, ce qu'elle ne prétendait d'ailleurs même pas. Elle ne pouvait donc pas non plus se prévaloir d'une indemnité pour plus-value au sens de l'art. 260a al. 3 CO, puisque cela supposait notamment l'exécution de travaux. Ainsi, la créance compensatoire apparaissait d'emblée dépourvue de toute vraisemblance. Le premier juge était dès lors fondé à considérer que la requête en cas clair était recevable.  
 
C.  
La locataire (ci-après: la recourante) a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral, assorti d'une requête d'effet suspensif. Elle a conclu à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que la requête d'expulsion soit déclarée irrecevable. 
La bailleresse (ci-après: l'intimée) et l'autorité précédente, laquelle a produit le dossier de la cause, n'ont pas été invitées à se déterminer. 
La demande d'effet suspensif a été rejetée par ordonnance présidentielle du 26 août 2020. 
Par courrier du 22 octobre 2020, la recourante a requis du Tribunal fédéral qu'il procède à un nouvel examen de sa demande d'effet suspensif. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment celles afférentes à la valeur litigieuse minimale de 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF) et au délai de recours (art. 46 al. 1 let. b et art. 100 al. 1 LTF). 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). " Manifestement inexactes " signifie ici " arbitraires " (ATF 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références).  
 
2.2. Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est toutefois lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale; il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 144 III 462 consid. 3.2.3 et l'arrêt cité).  
 
3.  
Le litige porte sur le point de savoir si la présente cause remplit les conditions de la procédure de protection dans les cas clairs. La recourante soutient que tel n'est pas le cas puisque, notamment, la créance qu'elle a invoquée en compensation des loyers impayés n'était pas d'emblée dépourvue de vraisemblance. 
 
4.  
 
4.1. La procédure de protection dans les cas clairs prévue par l'art. 257 CPC permet à la partie demanderesse d'obtenir rapidement une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire, lorsque la situation de fait et de droit n'est pas équivoque (ATF 141 III 23 consid. 3.2 et la référence citée). En vertu de l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé (let. a) et que la situation juridique est claire (let. b). Le tribunal n'entre pas en matière sur la requête lorsque cette procédure ne peut pas être appliquée (art. 257 al. 3 CPC).  
Selon la jurisprudence, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur. Il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. 
Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes, qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1 et les arrêts cités). Fait partie de ces exceptions celle de compensation; le débiteur peut l'invoquer même si la créance est contestée (art. 120 al. 2 CO). Il faut alors et il suffit qu'elle parvienne à ébranler la conviction du juge quant au bien-fondé de la requête (arrêt 4A_142/2020 du 3 septembre 2020 consid. 3.1). A l'inverse, le cas clair doit être retenu lorsque sont émises des objections manifestement mal fondées ou inconsistantes sur lesquelles il peut être statué immédiatement (ATF 138 III 620 consid. 5.1.1; arrêt 4A_350/2014 du 16 septembre 2014 consid. 2.1). 
La situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1 et les arrêts cités). 
Si le juge parvient à la conclusion que les conditions du cas clair sont réalisées, le demandeur obtient gain de cause par une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire. Si elles ne sont pas remplies, le juge doit prononcer l'irrecevabilité de la demande (ATF 144 III 462 consid. 3.1 et les arrêts cités). 
 
4.2. Selon l'art. 257d CO, lorsque le locataire a reçu la chose louée et qu'il tarde à s'acquitter d'un terme ou de frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et lui signifier qu'à défaut de paiement dans ce délai, il résiliera le bail; ce délai doit être d'au moins trente jours pour les baux d'habitations ou de locaux commerciaux (al. 1). A défaut de paiement dans le délai fixé, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d'habitations ou de locaux commerciaux peuvent être résiliés avec un délai de congé minimum de trente jours pour la fin d'un mois (al. 2).  
Le locataire en demeure peut invoquer la compensation pour empêcher le congé extraordinaire de l'art. 257d CO. Il peut opposer à la créance de loyer une autre créance qu'il a lui-même contre le bailleur si, parmi d'autres conditions, la créance compensante est échue et exigible (cf. art. 120 al. 1 CO) et le moyen invoqué avant l'échéance du délai comminatoire de l'art. 257d al. 1 CO. Même une créance contestée peut être opposée en compensation (ATF 119 II 241 consid. 6b/bb; arrêt 4A_140/2014 du 6 août 2014 consid. 5.2; DAVID LACHAT, Le bail à loyer, 2019, p. 378 ss). 
 
4.3. Une requête en expulsion d'un locataire selon la procédure sommaire pour les cas clairs (art. 257 CPC) est admissible même lorsque le locataire a contesté en justice le congé donné par le bailleur et que cette procédure est pendante. Dans une telle situation, il appartient au juge saisi de la requête d'expulsion d'examiner à titre préjudiciel la validité de la résiliation du bail. Si cette dernière est claire au sens de l'art. 257 CPC, il peut procéder (ATF 144 III 462 consid. 3.3.1; 141 III 262 consid. 3; arrêt 4A_366/2016 du 2 septembre 2016 consid. 1.1).  
 
5.  
 
5.1. La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir constaté de manière arbitraire que la créance qu'elle a invoquée en compensation des loyers impayés apparaissait d'emblée dépourvue de vraisemblance.  
 
5.2. Selon l'art. 260a al. 3 CO, si, à la fin du bail, la chose présente une plus-value considérable résultant de la rénovation ou de la modification acceptées par le bailleur, le locataire peut exiger une indemnité pour cette plus-value; sont réservées les conventions écrites prévoyant des indemnités plus élevées. Le droit à l'indemnité naît dès la fin du contrat de bail (arrêts 4A_353/2007 du 14 mars 2008 consid. 2.3; 4C.252/2002 du 8 novembre 2002 consid. 5.2; HIGI/WILDISEN, Zürcher Kommentar, 5e éd. 2019, n° 47 ad art. 260a CO; HANS BÄTTIG,  in Das schweizerische Mietrecht, SVIT-Kommentar, 4e éd. 2018, n° 111 ad art. 260a CO).  
Par " fin du contrat de bail ", il faut entendre le moment où il doit être dissous, par résiliation (terme de résiliation), par écoulement du temps (dernier jour d'un contrat de durée déterminée) ou convention des parties. Ce moment est déterminant pour apprécier si le locataire a droit à une indemnité selon l'art. 260a CO. Le moment où le locataire a achevé les travaux, celui où le congé a été signifié, ou encore celui où le locataire a restitué les locaux (lequel peut être postérieur à la fin du contrat de bail) ne sont pas pertinents (HIGI/WILDISEN, op. cit., n° 48 s. ad art. 260a CO). 
 
5.3. En l'espèce, l'intimée a résilié le bail pour le 31 décembre 2019. La recourante a introduit une procédure en contestation du congé, laquelle est toujours pendante. Quoi qu'il en soit, la recourante a effectué la déclaration de compensation le 31 octobre 2019, dans le délai comminatoire de l'art. 257d al. 1 CO. Or, à ce moment, elle ne disposait pas d'une quelconque créance en indemnisation de la plus-value des prétendus travaux pouvant être opposée en compensation (VIKTOR AEPLI, Zürcher Kommentar, 3e éd. 1991, n° 11 ad art. 120 CO). La recourante ne pouvait invoquer une telle compensation en cours de bail. Pour ce motif déjà, l'exception qu'elle a soulevée est d'emblée inconsistante.  
 
5.4. La conclusion qui précède vaudrait également dans l'hypothèse où la recourante se serait prévalue d'une créance de 250'000 fr. sans lien avec l'art. 260a CO, mais uniquement basée sur la teneur du contrat de bail. En effet, dans ce cas de figure (également), la recourante aurait à tout le moins dû alléguer les faits fondant sa prétention, notamment la réalisation des travaux prévus par ce contrat, ce qu'elle n'a pas fait. Contrairement à ce qu'elle soutient, on ne peut en aucun cas conclure que l'intimée, dans son courrier du 31 octobre 2019, n'a pas contesté l'exécution de tels travaux, de sorte que la recourante aurait été dispensée de les alléguer.  
 
6.  
 
6.1. La recourante fait encore valoir que la cour cantonale a violé l'art. 257 CPC en retenant que les conditions du cas clair étaient réunies. Outre ses arguments en lien avec la créance qu'elle a opposée en compensation, la recourante allègue avoir contesté la validité du congé par-devant la Commission de conciliation.  
 
6.2. Le grief relatif à une prétendue créance compensante doit être d'emblée rejeté au vu des considérations qui précèdent (cf. consid. 5 supra). L'exception de compensation soulevée n'est pas propre, à elle seule, à ébranler la conviction du juge quant au bien-fondé de la requête en cas clair.  
Pour le surplus, la recourante ne peut tirer aucun argument de la procédure de contestation du congé encore pendante. En effet, selon la jurisprudence, si le cas est clair, afin d'obtenir rapidement l'évacuation forcée des locaux loués, le bailleur peut mettre en oeuvre la procédure sommaire prévue par l'art. 257 CPC alors même que le locataire a introduit une action en annulation du congé. Une telle litispendance n'est pas opposable au bailleur (cf. consid. 4.3  supra).  
La recourante n'invoque pas d'autres griefs. 
Dès lors, on doit retenir que les conditions d'application de la procédure de protection dans les cas clairs sont réalisées et que la requête en ce sens est recevable. Le résultat auquel la cour cantonale est parvenue peut ainsi être confirmé, partiellement par substitution de motifs. 
 
7.  
Au vu de ce qui précède, le recours, manifestement mal fondé aux termes de l'art. 109 al. 2 let. a LTF, doit être rejeté. 
En conséquence, la requête de reconsidération de l'ordonnance rejetant la demande d'effet suspensif se trouve privée d'objet. 
La recourante, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF). L'intimée n'ayant pas été invitée à déposer une réponse, elle n'a pas droit à l'allocation de dépens. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties (avec copie de l'act. 12 à l'intimée) et au Tribunal cantonal du canton de Vaud (avec copie de l'act. 12). 
 
 
Lausanne, le 2 novembre 2020 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
La Greffière : Raetz