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[AZA 0] 
 
1A.117/2000 
 
Ie COUR DE DROIT PUBLIC 
********************************************** 
 
26 avril 2000 
 
Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président, 
Féraud, Jacot-Guillarmod, Catenazzi et Favre. Greffier: 
M. Kurz. 
 
____________ 
 
Statuant sur le recours de droit administratif 
formé par 
X.________ et E.________ S.A., tous deux représentés par Me Henri Nanchen, avocat à Genève, 
 
contre 
la décision rendue le 15 mars 2000 par l'Office fédéral de la police; 
 
(entraide judiciaire avec l'Italie; délégation de la 
poursuite pénale) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- Au mois d'avril 1995, l'Italie a présenté une demande d'entraide judiciaire pour les besoins d'une procédure ouverte par le Procureur de Latina notamment contre X.________, marchand d'art italien domicilié à Rome, prévenu de vol, de recel, d'appropriation de découvertes, de faux dans les titres et d'exportation illicite d'objets appartenant au patrimoine culturel national. La demande tendait notamment à la remise, en vue de leur confiscation, d'objets se trouvant dans les locaux de la société E.________, dont X.________ est l'ayant droit, au Port franc de Genève. 
 
Le 13 septembre 1995, le Juge d'instruction du canton de Genève a fait procéder à la perquisition des locaux. 
La saisie des objets a été ordonnée. Des photographies de l'ensemble des oeuvres ont été remises aux enquêteurs italiens, présents à la perquisition. 
 
Le 20 septembre 1995, une procédure pénale a été ouverte à Genève, contre inconnu, pour recel. Dans ce cadre, le juge d'instruction genevois a ordonné, le 9 octobre 1995, la saisie conservatoire de l'ensemble des objets se trouvant dans les locaux de E.________, et en a interdit l'accès tant que leur provenance ne pourrait pas être établie. Cette décision a été confirmée par la Chambre d'accusation du canton de Genève (ci-après: la Chambre d'accusation), par ordonnance du 18 janvier 1996. 
 
B.- Le 15 novembre 1995, le Procureur de Latina a adressé au juge d'instruction genevois une nouvelle demande d'entraide. L'examen des photographies avait permis d'identifier trois chapiteaux appartenant à la commune de Rome. L'autorité requérante désirait obtenir tous les documents saisis au Port franc. Elle demandait le maintien de la saisie et des scellés, jusqu'à ce que la provenance des objets ait pu être déterminée. Le 15 mars 1996, elle a complété sa demande en produisant un rapport selon lequel presque tous les biens saisis, d'une grande valeur archéologique et couvrant une vaste période, proviendraient de vols dans les zones archéologiques du Latium. La provenance illicite de ces objets serait confirmée par l'étude des photographies: de nombreux objets porteraient des traces de terre attestant un enlèvement récent; ces traces, et l'endommagement de certains objets, seraient dus à des fouilles illicites. L'autorité requérante demandait la remise de l'ensemble de ces pièces, et leur prise en charge par une société de transports internationaux. 
 
C.- Par ordonnance du 4 juin 1996, après avoir, le 3 juin 1996, levé le séquestre pénal, le juge d'instruction est entré en matière: il a ordonné le transfert des objets saisis, à disposition de l'autorité judiciaire italienne. Même si X.________ proposait de prouver l'acquisition régulière de certains objets, leur origine délictueuse antérieure n'était pas à exclure. Seule une analyse directe des oeuvres permettrait d'en déterminer la provenance. 
 
Le 22 novembre 1996, la Chambre d'accusation du canton de Genève a annulé cette décision. La provenance délictueuse des pièces saisies n'était pas hautement vraisemblable, et une remise à titre de produit de l'infraction n'était pas possible. Il fallait donner la priorité à la procédure pénale nationale, à l'issue de laquelle il serait statué sur l'octroi de l'entraide. 
 
Par arrêt du 5 juin 1997, le Tribunal fédéral a rejeté un recours de droit administratif de l'OFP (ATF 123 II 268). Si une remise en vue de confiscation n'était pas envisageable en l'état de la procédure étrangère, faute d'un jugement de confiscation exécutoire en Italie, le Tribunal fédéral a réservé la possibilité d'une remise à titre probatoire. 
La procédure pénale nationale pouvait être instruite parallèlement à l'exécution de l'entraide requise (ATF 123 II 268 consid. 5 p. 278). 
 
D.- Le 23 décembre 1997, l'Italie a présenté une nouvelle demande d'entraide pour les besoins de la procédure, transmise entre-temps au Procureur de Rome. La demande tendait à la saisie des objets se trouvant dans les locaux de E.________, ainsi qu'à l'examen de ces objets par des experts italiens, en vue de leur identification. 
 
Le 29 janvier 1998, le Juge d'instruction genevois est entré en matière. Il a ordonné la saisie des objets se trouvant dans les locaux de la société, et a autorisé les experts italiens à examiner les pièces saisies, sous contrôle des autorités genevoises. 
 
Cette décision a été confirmée le 19 juin 1998 par la Chambre d'accusation, et le 21 juillet 1998 par le Tribunal fédéral. 
 
E.- Les pièces saisies ont fait l'objet d'un rapport établi le 2 juillet 1999 par les trois experts commis par le Procureur de Rome. X.________ a pour sa part produit deux expertises, l'une de A.________ du mois de mai 1999, l'autre de B.________ du mois de juin 1999. 
 
Par décision du 14 septembre 1999, le juge d'instruction a ordonné, par voie d'exécution simplifiée, la transmission aux autorités italiennes de ces différents rapports et de leurs annexes, ainsi que de divers documents et disquettes photographiques. X.________ et E.________ ont donné leur accord le 15 décembre 1999. Le 23 décembre 1999, ils ont repris possession des objets dont la provenance n'était manifestement pas illicite. 
 
F.- Le 3 mars 2000, le Procureur général genevois s'est adressé à l'OFP en relevant que la poursuite pénale genevoise avait été suspendue dans l'attente du résultat de l'expertise. X.________ étant de nationalité italienne et domicilié en Italie, il se justifiait de déléguer aux autorités italiennes la poursuite pénale ouverte à Genève. Le 13 mars 2000, le Procureur général a présenté une demande formelle de délégation, estimant que les conditions de l'art. 88 EIMP étaient réunies. Le centre de gravité de l'affaire se trouvait en Italie, et la délégation permettrait d'éviter des décisions contradictoires, et une violation de la règle "ne bis in idem". Compte tenu du volume des documents et du nombre des pièces saisies, les autorités italiennes devraient, en cas d'acceptation de la délégation, prendre contact avec le Ministère public afin d'organiser la remise. 
 
Par lettres des 15 et 16 mars 2000, X.________ et E.________ ont contesté les allégations du Procureur genevois, en relevant que, sur la base de leurs propres expertises, il n'était pas possible d'affirmer qu'une grande partie des objets saisis proviendraient de fouilles illicites récentes en Italie. Les principaux objets avaient été acquis hors d'Italie, en Suisse ou dans d'autres pays, ou lors de ventes aux enchères publiques internationales. 
 
Le Procureur genevois répondit qu'il était désormais dessaisi de la procédure. L'OFP fit savoir que la délégation avait été ordonnée le 15 mars 2000, étant précisé que seule la personne poursuivie ayant sa résidence habituelle en Suisse avait qualité pour recourir contre cette délégation. 
 
Le 22 mars 2000, la Direction générale des affaires pénales du Ministère italien de la justice a formé une requête de poursuite pénale à l'encontre de X.________. Une procédure pénale est en cours contre ce dernier pour vol et exportation illicite de biens appartenant au patrimoine archéologique de l'Etat. Considérant qu'il pourrait s'agir d'actes de recel commis sur le territoire suisse, l'autorité judiciaire compétente en Italie est requise de procéder à l'encontre de X.________ pour ces faits. 
 
G.- X.________ et E.________ forment un recours de droit administratif contre la décision de l'OFP du 15 mars 2000. Ils en demandent l'annulation en tant qu'elle autorise la remise aux autorités italiennes des pièces se trouvant au Port franc de Genève, et en tant qu'elle ne respecte pas le principe de la spécialité. 
 
Il n'a pas été demandé de réponse. 
 
H.- Un recours de droit public formé par X.________ et E.________ contre la demande de délégation adressée le 13 mars 2000 par le Procureur genevois à l'OFP, a été déclaré irrecevable par arrêt du 25 avril 2000. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité du recours de droit administratif (ATF 125 II 497 consid. 1a p. 499). 
 
 
a) La décision attaquée est une délégation, par la Suisse, de la procédure pénale à un Etat étranger. Elle est fondée sur l'art. 88 de la loi fédérale sur l'entraide judiciaire en matière pénale (EIMP, RS 351. 5), ainsi que sur l'art. 21 (dénonciation aux fins de poursuite) de la Convention européenne d'entraide judiciaire (CEEJ, RS 0.351. 1) à laquelle l'Italie et la Suisse sont parties. En vertu de l'art. 30 al. 2 EIMP, l'OFP est l'autorité compétente pour former une telle demande, à la requête de l'autorité cantonale. 
 
Au contraire de la requête adressée par cette dernière à l'OFP, qui ne constitue qu'une simple proposition, ou prise de position, l'acte de délégation de l'OFP est une décision, au sens de l'art. 5 PA, rendue par l'autorité fédérale. 
Toutefois, selon la règle spéciale de l'art. 25 al. 2 EIMP, le recours dirigé contre une demande suisse adressée à un Etat étranger en vue de lui faire assumer la poursuite pénale ou l'exécution d'un jugement, ne peut être formé que par la personne poursuivie qui possède sa résidence habituelle en Suisse. Cette disposition a été ajoutée lors de la révision de l'EIMP, entrée en vigueur le 1er février 1997. Dans la version précédente de l'EIMP, le législateur avait prévu de limiter le droit de recours à l'inculpé ou au condamné ayant sa résidence habituelle en Suisse, mais cette limitation avait disparu par inadvertance du texte promulgué (cf. par exemple ATF 112 Ib 137 consid. 3a p. 141). La nouvelle version de l'art. 25 al. 2 EIMP ne fait que réparer cette omission (FF 1995 III 20). 
 
b) Les recourants ne contestent pas en l'espèce que X.________, qui fait l'objet de la procédure pénale ouverte en Italie du chef de vol et exportation d'objets culturels, a sa résidence habituelle à Rome. Il en découle que le recours de droit administratif n'est en principe pas ouvert. Les recourants l'admettent d'ailleurs, puisqu'ils déclarent ne pas remettre en cause la décision de délégation en tant que telle. 
 
c) Toutefois, lorsque l'intéressé soutient, comme en l'espèce, que la délégation ordonnée par la Suisse permettrait la remise des objets saisis, sans que les conditions fixées aux art. 74 et 74a EIMP ne soient réalisées, il y a lieu de reconnaître la possibilité de faire valoir ces arguments par la voie du recours de droit administratif. Dans ce cas en effet, l'argument soulevé consiste à dire que la délégation, et la remise de l'ensemble des objets en tant que pièces à conviction au sens de l'art. 90 in fine EIMP, constitue un cas d'entraide déguisée, privant les intéressés de la protection juridique accordée dans ce domaine (arrêt du 7 novembre 1996 dans la cause R., publié in SJ 1997 193). L'intéressé doit toutefois justifier de sa qualité pour recourir en établissant que les actes transmis le touchent directement. 
Tel paraît être le cas en l'espèce puisque les pièces saisies se trouvent dans des locaux loués par E.________, et que X.________ s'en prétend acquéreur de bonne foi. 
 
2.- Les recourants se plaignent d'une violation des art. 74 et 74a EIMP. Selon eux, une remise des pièces saisies ne serait possible qu'aux conditions fixées dans ces dispositions. 
Une remise en vue de confiscation ne pourrait avoir lieu que sur la base d'un jugement définitif rendu en Italie, et une remise à titre de moyens de preuve ne pourrait être ordonnée que par le juge d'instruction saisi de la demande d'entraide italienne, au terme d'une pesée soigneuse des intérêts en présence, compte tenu notamment du principe de la proportionnalité. La remise de ces pièces, sous couvert d'une transmission du dossier pénal, près de quatre ans après l'ouverture de la procédure pénale en Suisse, serait uniquement destinée à éluder ces conditions. L'art. 90 EIMP prévoirait la remise du dossier pénal et des pièces à conviction et ne pourrait servir de base légale à la remise de l'ensemble des pièces saisies. Le respect du principe de la spécialité ne serait pas assuré, et la garantie de la propriété serait violée, faute d'une base légale adéquate et d'un intérêt public prépondérant. 
 
a) Prévue à l'art. 21 CEEJ, la dénonciation aux fins de poursuite ne fait pas l'objet de conditions particulières. 
La communication doit se faire entre Ministères de la justice et l'Etat requis doit informer l'Etat requérant des suites données à la dénonciation en communiquant, le cas échéant, la décision rendue. L'art. 6 al. 2 CEExtr. , qui consacre la règle "aut dedere, aut judicare", prévoit que lorsqu'une partie requise n'extrade pas son ressortissant, elle doit, sur demande de la partie requérante, soumettre l'affaire aux autorités compétentes afin que des poursuites judiciaires puissent être exercée. 
 
Figurant dans la quatrième partie de l'EIMP (délégation de la poursuite pénale), section 2 (délégation à l'étranger), l'art. 88 EIMP permet à l'OFP d'inviter un Etat étranger à assumer la poursuite pénale d'une infraction relevant de la juridiction suisse si la législation de cet Etat permet la répression de cette infraction et si la personne poursuivie réside dans cet Etat, son extradition à la Suisse étant exclue ou inopportune. Selon l'art. 90 EIMP, en sus des documents visés à l'art. 28 al. 3 EIMP (cf. aussi art. 11 OEIMP), la demande est accompagnée du dossier pénal et, le cas échéant, des pièces à conviction. L'art. 8 OEIMP fixe les principes applicables au choix de la procédure selon l'art. 19 EIMP. Les critères énumérés (les relations de la personne poursuivie avec la Suisse et l'Etat étranger, une administration rationnelle de la justice et la nécessité d'un jugement d'ensemble en cas de pluralité d'infractions) peuvent aussi être retenus, par analogie, à la décision de délégation. 
 
 
b) En l'espèce, les recourants ne contestent pas que les conditions posées à l'art. 88 EIMP sont respectées: ressortissant italien, X.________ réside en Italie, d'où son extradition est, sinon exclue, du moins inopportune. En effet, il a à répondre devant les juridictions italiennes des infractions principales de vol et d'exportation de biens culturels. 
Compte tenu du caractère accessoire de l'infraction de recel et de la provenance des pièces archéologiques, le Procureur genevois et, à sa suite, l'OFP, pouvaient considérer à juste titre que le rattachement de la procédure pénale se trouvait davantage en Italie qu'en Suisse. L'infraction de recel est également connue du droit pénal italien, et l'Etat requis a d'ores et déjà accepté la délégation, en enjoignant à l'autorité compétente d'étendre les poursuites à cette infraction. 
On ne saurait, dans ces conditions, tenir la décision de l'OFP pour un prétexte à la transmission des pièces saisies. 
 
c) Les recourants soutiennent que cette transmission ne pouvait avoir lieu que sur la base d'un jugement de confiscation définitif et exécutoire rendu en Italie; la transmission à titre de moyens de preuve devrait par ailleurs être précédée d'une décision de clôture du juge d'instruction. Les recourants perdent toutefois de vue que ces considérations, émises par le Tribunal fédéral dans ses précédents arrêts, ont été faites dans la perspective de l'octroi de l'entraide judiciaire requise par l'Italie. Le principal obstacle à une remise consistait alors dans la procédure pénale pendante à Genève: d'une part, l'art. 74a al. 4 let. d permettait de retenir en Suisse les objets ou valeurs nécessaires à une procédure pénale pendante en Suisse ou susceptible d'y être confisqués; d'autre part, le principe de la proportionnalité s'opposait à une transmission comme moyens de preuve, au regard des nécessités de l'enquête genevoise et aux risques liés au transport des pièces, de sorte qu'une consultation à Genève paraissait préférable. Cet obstacle est aujourd'hui levé puisqu'en raison de la décision de délégation, les autorités répressives suisses sont dessaisies, et qu'en vertu du principe "ne bis in idem", une poursuite pénale est dorénavant exclue en Suisse (cf. art. 89 EIMP). 
 
Par ailleurs, les recourants soutiennent en vain que les objets saisis ne seraient pas de provenance illicite. Une telle argumentation à décharge, qui n'est recevable ni dans une procédure d'extradition, ni dans le cadre de l'exécution d'une demande d'entraide judiciaire, a moins encore sa place dans un recours relatif à une décision de délégation. C'est à l'autorité pénale italienne qu'il appartiendra d'en juger, puisqu'elle est désormais appelée à connaître de l'ensemble des infractions poursuivies dans ce cadre. 
 
d) Les recourants soutiennent aussi que l'art. 90 EIMP, qui prévoit la transmission du dossier et des pièces à conviction à l'appui de la demande de délégation, serait une simple règle de procédure se rapportant à la documentation qui doit accompagner la demande. Ce point de vue ne peut être partagé: la documentation à produire avec la demande de délégation est déjà mentionnée aux art. 27 à 29 EIMP, auxquels renvoie l'art. 11 OEIMP. Compte tenu de la spécificité de la demande de délégation, l'art. 90 EIMP prévoit, en plus de la documentation à l'appui de la demande, la remise du dossier pénal, ainsi que des pièces à conviction. Cette remise est la conséquence logique du dessaisissement consécutif à la délégation: 
l'Etat requérant doit remettre à l'Etat requis tout ce qui peut être utile à la poursuite des infractions déléguées, afin de lui permettre de mener à bien sa mission. 
 
La notion de pièces à conviction au sens de l'art. 90 EIMP correspond à celle de moyens de preuve au sens des art. 59 EIMP (remise accessoire à l'extradition) ou 74 EIMP (entraide judiciaire). Les objets remis à ce titre doivent simplement présenter un rapport avec la procédure pénale déléguée (ATF 115 Ib 517 consid. 7d p. 534-535), l'autorité délégataire limitant son examen à l'"utilité potentielle" des pièces remises (cf. ATF 122 II 367 consid. 2c p. 371). Dans ce sens, les recourants ne contestent pas que la remise aux autorités de poursuite italiennes des pièces archéologiques saisies au Port franc de Genève apparaît indispensable, puisque ces pièces constituent l'objet même des infractions poursuivies. 
Il s'agit de pièces à conviction essentielles: la question centrale - et délicate - de la procédure est en effet celle de leur provenance, illicite ou non, et les différentes expertises produites à ce sujet aboutissent à des résultats divergents. La remise des pièces à l'autorité italienne correspond dès lors à la lettre et à l'esprit de l'art. 90 EIMP. Elle correspond également aux buts de la Convention n° 141 du Conseil de l'Europe, du 8 novembre 1990, relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, entrée en vigueur le 1er septembre 1993 pour la Suisse et le 10 mai 1994 pour l'Italie (RS 0.311. 53). 
 
 
e) Il ne serait certes pas admissible que l'autorité suisse procède à la délégation de la poursuite dans le seul but de permettre la transmission de pièces alors que les conditions des art. 74 et 74a EIMP ne sont pas réalisées. On ne se trouve toutefois pas en présence d'un tel abus en l'espèce: 
la procédure pénale pour recel a été ouverte à Genève indépendamment des mesures prises par les autorités italiennes, et le séquestre des pièces archéologiques a été ordonné principalement dans ce cadre; dans son arrêt du 5 juin 1997, le Tribunal fédéral a retenu que si la priorité était donnée à cette procédure nationale, cela n'empêchait pas d'effectuer simultanément les actes d'entraide (ATF 123 II 268 consid. 4c p. 277). Par la suite, la procédure pénale a été suspendue dans l'attente de l'expertise effectuée à la requête de l'Italie. C'est à l'issue de cette expertise que la délégation a été requise par le Procureur genevois. Compte tenu de cette chronologie, on ne saurait reprocher aux autorités de poursuite genevoises d'avoir ouvert une procédure pénale, puis de l'avoir déléguée dans le seul but d'éluder les règles relatives à la transmission par voie d'entraide judiciaire. 
 
f) Lorsque les moyens de preuve à transmettre constituent, comme en l'espèce, des objets de valeur, une protection juridique suffisante doit être garantie. Selon les art. 59 al. 2 et 74 al. 2 EIMP, lorsqu'un acquéreur de bonne foi, une autorité ou le lésé habitant la Suisse font valoir des droits sur les objets ou valeurs pouvant servir de moyens de preuve, leur remise peut être subordonnée à la condition que l'Etat requérant garantisse leur restitution au terme de sa procédure. L'engagement de l'Etat requérant est alors assuré par une remise conditionnelle selon les formes prévues à l'art. 80p EIMP
 
 
Cette réglementation doit aussi s'appliquer, par analogie, à la décision de délégation de la poursuite pénale, en tout cas lorsque, comme dans le cas particulier, l'Etat qui se voit déléguer la poursuite avait auparavant tenté d'obtenir la restitution des biens culturels en question. Il apparaît toutefois que ni X.________, ni E.________ n'ont la qualité de tiers au sens des dispositions précitées. En effet, le premier est la personne poursuivie, tant dans la procédure pénale italienne que dans la procédure ouverte à Genève: même s'il n'a pas été inculpé et si la procédure genevoise a été ouverte contre inconnu, X.________ apparaissait comme la seule personne susceptible d'être inculpée dans ce cadre (cf. la lettre du Procureur général genevois du 3 mars 2000). Quant à E.________, cette société est dominée par X.________ et ne possède pas l'indépendance nécessaire pour se voir reconnaître la qualité de tiers (cf. ATF 123 II 595 consid. 6a p. 611-612). Quant à la protection des droits de propriété de la personne poursuivie, elle apparaît suffisamment assurée dans l'Etat requérant, comme cela est relevé ci-dessous. 
 
3.- Les recourants invoquent enfin la garantie de la propriété. Ils estiment que la mesure de transmission ne reposerait pas sur une base légale suffisante, et ne répondrait pas à un intérêt public suffisant dès lors que l'examen des pièces par les experts et enquêteurs italiens a déjà eu lieu et qu'une confiscation n'a pas été ordonnée en Italie. 
 
L'argument est toutefois manifestement mal fondé. La décision de délégation ne se prononce nullement sur les droits de propriété attachés aux objets saisis. L'entrave à l'exercice du droit de propriété résulte des décisions de saisie prises auparavant, mais non de la transmission des pièces dans l'Etat délégatoire. C'est à ce dernier qu'il appartiendra, désormais, de statuer sur la restitution ou au contraire sur la confiscation de tout ou partie des objets saisis, et il ne fait pas de doute que X.________ y disposera des garanties de procédure propres à tout Etat démocratique. 
L'Italie a en effet - au contraire de la Suisse - ratifié le Protocole additionnel à la CEDH, qui garantit à son art. 1 la protection de la propriété. Par ailleurs, l'Italie a ratifié le 11 octobre 1999 la Convention d'UNIDROIT sur les biens culturels volés ou illicitement exportés, du 24 juin 1995; l'entrée en vigueur pour ce pays a eu lieu le 1er avril 2000. 
Cette convention prévoit notamment la restitution des biens culturels volés ou illégalement exportés (art. 3), mais aussi une indemnisation équitable versée au possesseur de bonne foi (art. 4 et 6). La protection accordée à ce dernier n'est guère différente de celle qui est reconnue, en droit suisse, aux art. 3 al. 2 et 934 CC (Pierre Lalive, La Convention d'UNIDROIT sur les biens culturels volés ou illicitement exportés (du 24 juin 1995), RSDIE 7/1997 p. 13-66, notamment 32/33 et 35-40; ATF 123 II 134 consid. 7c p. 144; concernant la compatibilité du système de la Convention avec la garantie de la propriété, cf. JAAC 62/IV n° 78). 
 
4.- Les recourants invoquent enfin la protection de la bonne foi et l'interdiction de l'arbitraire, mais ces griefs, sans portée propre par rapport à leur argumentation principale, doivent être rejetés dans la même mesure. 
 
5.- Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit administratif doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
Un émolument judiciaire est mis à la charge solidaire des recourants, qui succombent (art. 156 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Rejette le recours dans la mesure où il est recevable. 
 
2. Met à la charge solidaire des recourants un émolument judiciaire de 5000 fr. 
 
3. Communique le présent arrêt en copie au mandataire des recourants et à l'Office fédéral de la police (B 100 302). 
 
__________ 
Lausanne, le 26 avril 2000 KUR/col 
 
Au nom de la Ie Cour de droit public 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, 
 
Le Greffier,