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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
4A_494/2018  
 
 
Arrêt du 25 juin 2019  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, présidente, Hohl et May Canellas. 
Greffier: M. O. Carruzzo. 
 
Participants à la procédure 
X.________, 
représentée par Me Alexandre Zen-Ruffinen, ainsi que 
par Me Juan de Dios Crespo Perez, 
recourante, 
 
contre  
 
Confederación Sudamericana de Fútbol - CONMEBOL, 
représentée par Mes Alexandra Johnson, 
Luca Tarzia et Nadia Smahi, 
intimée. 
 
Objet 
arbitrage international en matière de sport, 
 
recours en matière civile contre la sentence rendue le 13 juin 2018 par le Tribunal Arbitral du Sport (TAS 2016/O/4763). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. X.________ est une société britannique spécialisée dans le consulting sportif.  
Confederación Sudamericana de Fútbol - CONMEBOL (ci-après: CONMEBOL) est une association de droit privé ayant son siège à... au Paraguay. Elle regroupe les fédérations nationales de football sud-américaines. Elle organise des compétitions et tournois internationaux de football, dont la  Copa Sudamericana, une compétition annuelle ouverte aux clubs de football professionnels du continent sud-américain.  
 
A.b. Le 12 mai 2011, la CONMEBOL et X.________ ont conclu un contrat par lequel la première a cédé à la seconde les droits d'exploitation commerciale de la publicité statique lors des éditions 2011 à 2014 de la  Copa Sudamericana. La CONMEBOL a en outre octroyé à X.________ un droit de priorité pour l'obtention de tels droits lors des futures éditions de cette compétition.  
A la suite de l'exercice dudit droit, X.________ et la CONMEBOL ont conclu un accord daté du 10 novembre 2014. Cet accord, ratifié judiciairement, conférait à X.________, pour une durée de 60 jours, le droit exclusif de conclure un nouveau contrat portant sur la cession des droits de commercialisation de la publicité statique lors des éditions 2015, 2016 et 2017 de la  Copa Sudamericana. Le 18 décembre 2014, X.________ a exercé son droit d'option.  
 
A.c. Au cours du mois de mai 2015, plusieurs actions menées en Suisse, aux Etats-Unis et dans d'autres pays, à l'encontre des autorités de la CONMEBOL, sur la base de soupçons d'actes de corruption commis au sein de cette organisation, incluant des accusations en matière pénale et des arrestations de hauts responsables de la CONMEBOL, ont été rendues publiques.  
 
A.d. En date des 24 juin et 20 juillet 2015, X.________ et la CONMEBOL ont signé un nouveau contrat (  Acuerdo de Cesión de los Derechos de Comercialización de la publicidad est  ática y de patrocinio del evento de la Copa Sudamericana), soumis au droit paraguayen, en vertu duquel la première s'est vu céder les droits d'exploitation commerciale de la publicité statique lors des éditions 2015 à 2017 de la  Copa Sudamericana moyennant le versement d'un montant total de 30'000'000 USD, soit 10'000'000 USD par compétition. L'art. 7 dudit contrat prévoit notamment ce qui suit:  
 
" 7. TERMINACION 
El presente contrato terminará : 
 
7.1 (...) 
7.2 (...) 
7.3 Por rescisión conforme a los motivos previstos en el presente contrato. 
7.4 (...) 
7.5 (...) 
7.6 (...) " 
Soit, selon la traduction de la sentence produite par X.________ devant la Cour de céans: 
 
" 7. FIN DU CONTRAT 
Le présent contrat prend fin: 
 
7.1 (...) 
7.2 (...) 
7.3 Par résiliation pour les motifs prévus dans le présent contrat. 
7.4 (...) 
7.5 (...) 
7.6 (...) " 
L'art. 12 du contrat conclu par les parties est libellé comme suit: 
 
" 12. CLAUSULA ADICIONAL 
Las partes formalizarán por una adenda a ser considerada parte integrante de este instrumento, obligaciones Antisoborno y Anticorrupci ón, tomando como base las cláusulas tipo que sobre la materia ha aprobado la Cámara de Comercio International. " 
Soit, selon la traduction fournie par X.________: 
 
" 12. CLAUSE ADDITIONNELLE 
Les parties formaliseront par un avenant à considérer comme faisant partie intégrante du présent contrat, les obligations anti-pots-de-vin et anti-corruption, sur la base des clauses types approuvées par la Chambre de Commerce Internationale en la matière. " 
Cet avenant n'a jamais été conclu par les parties. 
 
A.e. Le 19 mai 2016, X.________ a informé la CONMEBOL de sa volonté de résoudre le contrat, en précisant notamment ce qui suit:  
 
" (...) Como bien conocer án, recientes acontecimientos han afectado directa y muy gravemente a la imagen pública y reputación de la CONMEBOL y de algunos de los eventos que organiza. 
En particular, nos referimos tanto a procedimientos penales sustanciados en EEUU y Uruguay como a expedientes disciplinarios y sobre ética tramitados por la FIFA, en los que se han visto involucrados un número considerable de dirigentes de esa Confederación (Presidentes -incluyendo al signatario del contrato de referencia-, Vicepresidentes y oltros altos cargos de la misma), y referidos a la recepción, mediante una estructura criminal organizada y jerarquizada, de sobornos y prebendas por parte de dichos cargos y ofrecidos por ejecutivos de marketing deportivo en conexión con la comercialización de derechos audiovisuales y los derechos de marketing asociados a varios encuentros y competiciones de fútbol (...). 
Tales hechos (...) suponen un grave demérito del buen nombre e imagen de la CONMEBOL, especialmente en relación a la explotación de derechos de marketing y patrocinio de campeonatos organizados por esta Confederación y, en consecuencia, implican una alteración sustancial e imprevisible de las circunstancias tenidas en cuenta en la celebración del contrato de la referencia, y que hacen sobrevenida y extraordinariamente oneroso para X.________ la ejecución de dicho contrato en sus propios términos, además de contravenir las obligaciones Antisoborno y Anticorrupción que ambas partes consintieron en considerar parte integrante del mismo. " 
Soit, selon la traduction produite par X.________: 
(...) Comme vous le savez, les événements récents ont porté atteinte directement et très sérieusement à l'image publique et à la réputation de la CONMEBOL et de certains événements qu'elle organise. 
Nous nous référons en particulier aux procédures pénales menées aux USA et en Uruguay ainsi qu'aux procédures disciplinaires et éthiques menées par la FIFA, impliquant un nombre considérable de dirigeants de cette Confédération (Présidents, y compris le signataire du contrat de référence, Vice-Présidents et autres hauts dirigeants de celle-ci), et liées à l'encaissement, par le biais d'une structure criminelle organisée et hiérarchisée, de pots-de-vin et d'avantages occultes par lesdits dirigeants et offerts par des responsables de marketing sportif dans le cadre de la commercialisation des droits audiovisuels et des droits de marketing associés à divers matchs et compétitions de football (...). 
De tels faits (...) ont porté une grave atteinte à la réputation et à l'image de la CONMEBOL, notamment en ce qui concerne l'exploitation des droits de marketing et de sponsoring des championnats organisés par cette Confédération et, partant, impliquent une altération substantielle et imprévisible des circonstances prises en compte lors de la conclusion du contrat de référence, et qui rendent l'exécution dudit contrat dans ses propres termes extraordinairement onéreuse pour X.________, en plus de contrevenir aux obligations anti-pots-de-vin et anti-corruption que les deux parties sont convenues de considérer comme faisant partie intégrante de leur accord. " 
Le 26 mai 2016, la CONMEBOL a contesté la validité de la résolution unilatérale du contrat. 
Le 4 juillet 2016, la CONMEBOL a adressé à X.________ une facture d'un montant de 3'300'000 USD, correspondant à la première tranche de la somme due pour l'édition 2016 de la  Copa Sudamericana.  
Le lendemain, X.________ a répondu qu'elle avait résolu le contrat le 19 mai 2016 et qu'elle n'effectuerait dès lors aucun paiement supplémentaire. 
 
B.   
Le 18 août 2016, la CONMEBOL, se fondant sur la clause arbitrale insérée dans le contrat conclu par les parties, a déposé une requête d'arbitrage au Tribunal Arbitral du Sport (TAS), dirigée contre X.________, en vue d'obtenir le paiement de 10'000'000 USD, avec intérêts moratoires à 0,046% par jour dès le 6 juillet 2016 et de 3'300'000 USD, avec intérêts moratoires à 0,046% par jour à compter du 27 mai 2016. 
Le 4 novembre 2016, X.________ a conclu au rejet des conclusions prises par la demanderesse; reconventionnellement, elle a réclamé le paiement de 10'000'000 USD et, subsidiairement, de 7'909'778 USD au titre de gain manqué et de 10'395'280 USD pour la perte éprouvée. 
Le 16 décembre 2016, la demanderesse a adressé au TAS un mémoire de demande et de réponse à la demande reconventionnelle dans lequel elle a conclu au rejet des conclusions prises par la défenderesse. Cette dernière a déposé un contre-mémoire en date du 18 janvier 2017. 
Après avoir ordonné un nouvel échange d'écritures, la Formation a tenu audience à Buenos Aires le 19 octobre 2017. 
Statuant le 13 juin 2018, le TAS, admettant partiellement la demande principale et rejetant la demande reconventionnelle, a condamné X.________ à payer à la demanderesse la somme de 10'000'000 USD avec intérêts à 5% l'an dès le 6 juillet 2016. 
En bref, il a considéré que la demanderesse n'avait pas violé ses obligations contractuelles. La défenderesse ne pouvait ainsi pas fonder sa résiliation sur l'art. 7 du contrat. Par ailleurs, les conditions d'application de la théorie de l'imprévision (art. 672 du code civil paraguayen) n'étaient en l'occurrence pas réalisées. Partant, la Formation a estimé que la défenderesse n'avait pas respecté ses engagements contractuels et devait dès lors s'acquitter du montant de 10'000'000 USD, conformément à la clause 3.1 b) du contrat. Pour le surplus, elle a rejeté les autres prétentions de la demanderesse, afin d'éviter une surindemnisation de celle-ci. 
 
C.   
Le 14 septembre 2018, X.________ (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile au Tribunal fédéral aux fins d'obtenir l'annulation de la sentence rendue par le TAS. 
Par ordonnance du 24 septembre 2018, la Présidente de la Ire Cour de droit civil a invité la recourante à produire une traduction française légalisée ou authentifiée de la sentence attaquée, rédigée en espagnol. Ce document a été déposé le 14 novembre 2018. 
Le 13 décembre 2018, soit après l'échéance du délai fixé par la Cour de céans, le TAS a produit le dossier complet de la cause, tout en précisant ne pas déposer d'observations écrites sur le recours. 
A la demande de la CONMEBOL (ci-après: l'intimée), la Présidente de la Ire Cour de droit civil, par ordonnance du 29 janvier 2019, a imparti à la recourante un délai pour verser à la Caisse du Tribunal fédéral la somme de 70'000 fr. à titre de sûretés en garantie des dépens. La recourante s'est exécutée en temps utile. 
Dans sa réponse du 8 avril 2019, l'intimée a conclu à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, à son rejet dans la mesure de sa recevabilité. 
La recourante, dans sa réplique du 29 avril 2019, et l'intimée, dans sa duplique du 15 mai 2019, ont maintenu leurs conclusions respectives. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
D'après l'art. 54 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision est rédigée dans une autre langue (ici l'espagnol), le Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le Tribunal arbitral, celles-ci ont opté pour l'espagnol, alors que, dans la procédure fédérale, elles ont employé le français. Conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral adoptera la langue du recours et rendra son arrêt en français. 
 
2.   
Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions prévues par les art. 190 à 192 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291), conformément à l'art. 77 al. 1 let. a LTF
Le siège du TAS se trouve à Lausanne. Aucune des parties n'avait son domicile ou son siège en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont dès lors applicables (art. 176 al. 1 LDIP). 
 
3.  
 
3.1. Qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité pour recourir, du délai de recours (art. 46 al. 1 let. b et 100 LTF), des conclusions prises par la recourante ou encore des griefs soulevés dans le mémoire de recours, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose donc à l'entrée en matière. Demeure réservé l'examen, sous l'angle de leur motivation, des griefs invoqués par la recourante.  
 
3.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits constatés dans la sentence attaquée (cf. art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter d'office les constatations des arbitres, même si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 105 al. 2 LTF). Aussi bien, sa mission, lorsqu'il est saisi d'un recours en matière civile visant une sentence arbitrale internationale, ne consiste-t-elle pas à statuer avec une pleine cognition, à l'instar d'une juridiction d'appel, mais uniquement à examiner si les griefs recevables formulés à l'encontre de ladite sentence sont fondés ou non. Permettre aux parties d'alléguer d'autres faits que ceux qui ont été constatés par le tribunal arbitral, en dehors des cas exceptionnels réservés par la jurisprudence, ne serait plus compatible avec une telle mission, ces faits fussent-ils établis par les éléments de preuve figurant dans le dossier de l'arbitrage (arrêt 4A_386/2010 du 3 janvier 2011 consid. 3.2). Cependant, le Tribunal fédéral conserve la faculté de revoir l'état de fait à la base de la sentence attaquée si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (ATF 138 III 29 consid. 2.2.1 et les arrêts cités).  
 
3.3. A l'appui de leurs écritures, la recourante et l'intimée ont tour à tour produit un avis de droit. Ces deux avis de droit établis respectivement le 14 septembre 2018 par le Professeur A.________ et le 29 mars 2019 par le Professeur B.________, même s'ils portent des dates postérieures à celle de la sentence attaquée, sont recevables (ATF 138 II 217 consid. 2.4).  
 
4.   
Dans un premier moyen, la recourante, invoquant l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, dénonce une violation de son droit d'être entendue. Elle fait grief au TAS de n'avoir pas pris en compte un moyen qu'elle avait soulevé dans ses écritures. Avant d'examiner les mérites des critiques formulées par l'intéressée dans ce cadre-là, il convient de rappeler les principes juridiques applicables en la matière. 
 
4.1. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les art. 182 al. 3 et 190 al. 2 let. d LDIP, n'exige pas qu'une sentence arbitrale internationale soit motivée. Toutefois, la jurisprudence en a déduit un devoir minimum pour le tribunal arbitral d'examiner et de traiter les problèmes pertinents. Ce devoir est violé lorsque, par inadvertance ou malentendu, le tribunal arbitral ne prend pas en considération des allégués, arguments, preuves et offres de preuve présentés par l'une des parties et importants pour la sentence à rendre. Il incombe à la partie soi-disant lésée de démontrer, dans son recours dirigé contre la sentence, en quoi une inadvertance des arbitres l'a empêchée de se faire entendre sur un point important (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1 et 4.1.3).  
C'est le lieu de rappeler que toute inadvertance manifeste ne constitue pas nécessairement une violation du droit d'être entendu. En effet, une constatation fausse, voire arbitraire, ne suffit pas en elle-même à entraîner l'annulation d'une sentence arbitrale internationale. Si la sentence passe totalement sous silence des éléments apparemment importants pour la solution du litige, c'est aux arbitres ou à la partie intimée qu'il appartient de justifier semblable omission dans leurs observations sur le recours. Il leur incombe de démontrer que, contrairement aux affirmations du recourant, les éléments omis n'étaient pas pertinents pour résoudre le cas concret ou, s'ils l'étaient, qu'ils ont été réfutés implicitement par le tribunal arbitral. Cependant, les arbitres n'ont pas l'obligation de discuter tous les arguments invoqués par les parties, de sorte qu'il ne peut leur être reproché, au titre de la violation du droit d'être entendu en procédure contradictoire, de n'avoir pas réfuté, même implicitement, un moyen objectivement dénué de toute pertinence (ATF 133 III 235 consid. 5.2; arrêt 4A_692/2016, précité, consid. 5.2). 
Au demeurant, le grief tiré de la violation du droit d'être entendu ne doit pas servir, pour la partie qui se plaint de vices affectant la motivation de la sentence, à provoquer par ce biais un examen de l'application du droit de fond (ATF 142 III 360 consid. 4.1.2). 
 
4.2. Dans son mémoire de recours, l'intéressée fait grief au TAS de n'avoir pas examiné l'argument selon lequel les faits pertinents pour l'application de la théorie de l'imprévision (  clausula rebus sic stantibus) n'étaient pas ceux connus en mai 2015, mais les faits de corruption survenus entre octobre et décembre 2015. Elle soutient que les événements qui se sont produits entre les mois d'octobre et de décembre 2015 - en particulier l'extension des poursuites pénales menées par les autorités américaines à l'encontre de nombreux membres de l'intimée et l'arrestation de plusieurs hauts dirigeants de celle-ci, dont son président - auraient été totalement passés sous silence par la Formation. Selon la recourante, ces éléments qu'elle avait allégués et détaillés dans son mémoire de réponse puis dans sa duplique déposés au TAS, étaient susceptibles d'influencer le litige, raison pour laquelle la Formation aurait dû les prendre en considération au moment d'examiner si les conditions de la  clausula rebus sic stantibus étaient réalisées.  
 
4.3. Dans sa réponse, l'intimée insiste, en premier lieu, sur le caractère appellatoire des critiques formulées par la recourante. A cet égard, elle reproche à cette dernière de confondre le Tribunal fédéral avec une cour d'appel et de chercher uniquement à obtenir un réexamen de l'application du droit de fond.  
Elle s'emploie ensuite à démontrer que la Formation a bel et bien pris en compte les événements survenus entre octobre et décembre 2015. L'intéressée relève que le TAS a minutieusement résumé la position de la recourante sous n. 64 à 87 et 95 à 100 de la sentence attaquée. Elle met notamment en évidence le passage suivant, qui figure sous le n. 68 de la sentence: 
 
" La Défenderesse décrit ensuite les actes de corruption et autres crimes qui ont touché diverses personnes qui occupaient des postes au sein de la CONMEBOL ou qui étaient liées d'une autre manière à cette institution. Elle relève aussi les arrestations de plusieurs de ces personnes et divers aspects des procédures pénales engagées contre elles. " 
Selon l'intimée, ce résumé de la position exprimée par la recourante, dans son mémoire de réponse à la requête d'arbitrage et de demande reconventionnelle, vise clairement tous les événements qui se sont produits en 2015 et non pas uniquement ceux du mois de mai 2015. Procédant à une interprétation systématique, l'intimée fait valoir que le n. 68 de la sentence résume le chapitre D) de l'écriture de la recourante intitulé " De los hechos de corrupción organizada de CONMEBOL conocidos en 2015 y 2016", alors que le n. 69 de la sentence fait référence au chapitre E) de ladite écriture (" Del descrédito y devaluación de la imagen p ública y marca CONMEBOL y su afectación a la comercialización de sus productos "). L'intimée effectue la même démonstration s'agissant du résumé, figurant au n. 80 de la sentence, de la position soutenue par la recourante dans son mémoire de réponse déposé le 18 janvier 2017. Elle met aussi en exergue le passage suivant, figurant sous le n. 97 de la sentence: 
 
" La duplique de la Défenderesse rappelle que la Demanderesse persiste à ne pas contester les actes de corruption qui l'ont affectée, ni les événements policiers et judiciaires liés à ces actes, qu'elle énumère et décrit. ". 
L'intimée cherche ensuite à démontrer que la Formation, au moment d'examiner si la théorie de l'imprévision pouvait s'appliquer en l'espèce, a pris en considération non seulement les événements de mai 2015 mais aussi ceux survenus entre les mois d'octobre et de décembre de la même année. Pour ce faire, elle s'appuie essentiellement sur les considérations suivantes émises par la Formation sous n. 142 et 143 de la sentence: 
 
" 142. (...). Dans la présente affaire, les parties, connaissant la situation de grave irrégularité administrative dans laquelle se trouvait la CONMEBOL, ont signé l'Accord, dont les termes impliquaient que certains risques inhérents à l'exploitation des droits qui étaient l'objet dudit Accord incombaient à X.________. Les événements ultérieurs n'ont pas été autre chose que la matérialisation des risques prévisibles à la date de l'accord. 
143. Les actes de corruption impliquant la CONMEBOL et ses fonctionnaires n'ont pas empêché la CONMEBOL de s'acquitter des obligations essentielles qui lui incombaient en vertu de l'Accord ou de conclure et d'exécuter des accords au contenu similaire. Il n'y a donc aucune contradiction entre cette situation et le fait que les parties aient continué à mener des négociations en lien avec d'autres contrats possibles même après la conclusion de l'Accord et en pleine connaissance des faits de corruption allégués. Ces faits ont eu une incidence sur la rentabilité susceptible d'être retirée de l'Accord, mais comme indiqué au point 139 supra, ce risque était prévisible au moment de conclure l'Accord, et avait été implicitement réparti dans l'accord. " 
Selon l'intimée, la Formation a ainsi non seulement tenu compte des arguments de la recourante mais a aussi refusé, à juste titre, d'appliquer la théorie de l'imprévision, puisque les événements qui se sont produits entre octobre et décembre 2015 n'étaient pas imprévisibles au moment de la conclusion du contrat. 
 
4.4. Dans sa réplique, la recourante conteste l'interprétation - à ses yeux trop extensive - des différents passages de la sentence cités par l'intimée. Elle persiste à soutenir que la Formation a fait totalement abstraction des événements qui se sont déroulés entre les mois d'octobre et de décembre 2015. S'agissant du sens à donner aux termes " événements ultérieurs " auxquels se réfère le TAS sous n. 142 de la sentence attaquée, l'intéressée prétend que ceux-ci visent uniquement les conséquences économiques des actes de corruption survenus en mai 2015, et non pas les nouveaux faits révélés entre octobre et décembre 2015.  
 
4.5. Quant à l'intimée, elle répète, dans sa duplique, que la Formation a fondé son raisonnement sur tous les éléments de fait juridiquement pertinents que les parties lui avaient soumis. Elle réaffirme que les événements qui se sont déroulés entre octobre et décembre 2015 ont été pris en compte par le TAS, ce dernier considérant, ne serait-ce qu'implicitement, qu'ils ne revêtaient pas un caractère imprévisible permettant à la recourante de se départir du contrat.  
 
4.6. Considéré à la lumière de ce qui précède, le grief, tel qu'il est présenté, ne saurait prospérer.  
Dans la sentence attaquée, la Formation a résumé le contenu de chaque écriture déposée par les parties. Sous n. 68, 80 et 97 de la sentence, elle a notamment fait référence aux actes de corruption et aux arrestations de divers dirigeants détaillés par la recourante dans ses écritures. En outre, elle a cité, sous n. 72 de la sentence, un passage de la réponse de la recourante à la requête d'arbitrage mentionnant expressément l'arrestation et la démission de l'ancien président de l'intimée en date du 3 décembre 2015. Que le TAS n'ait pas décrit précisément toutes les affaires de corruption et les procédures engagées contre les membres de l'intimée ne signifie nullement qu'il aurait omis de prendre en considération les événements qui se sont produits entre octobre et décembre 2015. Les critiques formulées sur ce point par la recourante - au demeurant largement appellatoires - ne permettent pas d'aboutir à une conclusion différente. 
Lorsqu'elle a été amenée à se prononcer sur l'application éventuelle de la théorie de l'imprévision, la Formation a considéré que le moment déterminant pour juger du caractère imprévisible d'un événement était celui de la conclusion du contrat (sentence, n. 138). Elle a estimé que la recourante connaissait les affaires de corruption touchant différents membres de l'intimée lors de la signature du contrat et que les événements ultérieurs n'ont été que la concrétisation de risques prévisibles (sentence, n. 142: " Los hechos posteriores no fueron sino la materializaci ón de los riesgos previsibles a la fecha del Acuerdo. "). En faisant référence, sous n. 142 de la sentence attaquée, aux " événements ultérieurs " ( " los hechos "), le TAS visait nécessairement les faits postérieurs à la conclusion du contrat, et donc également les événements qui se sont déroulés entre les mois d'octobre et de décembre 2015. La thèse soutenue par la recourante selon laquelle les " événements ultérieurs " se rapporteraient exclusivement aux conséquences économiques découlant des actes de corruption de mai 2015 est par trop réductrice et n'apparaît nullement convaincante. Force est ainsi de constater que la Formation a considéré - à tout le moins de façon implicite - que les événements qui se sont produits entre octobre et décembre 2015 ne présentaient pas un caractère imprévisible au moment de la signature du contrat conclu par les parties. 
On relèvera enfin que, sous le couvert d'une prétendue violation de son droit d'être entendue, la recourante critique en réalité l'appréciation des faits juridiquement pertinents, telle qu'elle a été faite par la Formation, et cherche à provoquer par ce biais un examen de l'application du droit de fond, ce qui n'est pas admissible dans un recours en matière d'arbitrage international. 
Il s'ensuit le rejet, dans la mesure de sa recevabilité, du grief tiré de la violation du droit d'être entendu. 
 
5.   
Dans un second moyen, la recourante soutient que la sentence attaquée est incompatible avec l'ordre public matériel, motif pris que la Formation aurait gravement violé la  clausula rebus sic stantibus.  
 
5.1. Une sentence est incompatible avec l'ordre public si elle méconnaît les valeurs essentielles et largement reconnues qui, selon les conceptions prévalant en Suisse, devraient constituer le fondement de tout ordre juridique (ATF 132 III 389 consid. 2.2.3). Elle est contraire à l'ordre public matériel lorsqu'elle viole des principes fondamentaux du droit de fond au point de ne plus être conciliable avec l'ordre juridique et le système de valeurs déterminants. S'il n'est pas aisé de définir positivement l'ordre public matériel, de cerner ses contours avec précision, il est plus facile, en revanche, d'en exclure tel ou tel élément. Cette exclusion touche, en particulier, l'ensemble du processus d'interprétation d'un contrat et les conséquences qui en sont logiquement tirées en droit. De même, pour qu'il y ait incompatibilité avec l'ordre public, notion plus restrictive que celle d'arbitraire, il ne suffit pas que les preuves aient été mal appréciées, qu'une constatation de fait soit manifestement fausse ou encore qu'une règle de droit ait été clairement violée (arrêts 4A_312/2017 du 27 novembre 2017 consid. 3.1; 4A_304/2013 du 3 mars 2014 consid. 5.1.1).  
Au demeurant, qu'un motif retenu par le tribunal arbitral heurte l'ordre public n'est pas suffisant; c'est le résultat auquel la sentence aboutit qui doit être incompatible avec l'ordre public (ATF 138 III 322 consid. 4.1; 120 II 155 consid. 6a p. 167; 116 II 634 consid. 4 p. 637). 
 
5.2.   
 
5.2.1. Se prévalant de l'avis de droit établi par le Professeur A.________, produit à l'appui de son mémoire de recours, l'intéressée fait valoir que la théorie de l'imprévision est un concept largement reconnu, qui fait partie des principes transnationaux. Elle souligne que la  clausula rebus sic stantibusest rattachée aux principes de la bonne foi et de l'interdiction de l'abus de droit, qui relèvent de l'ordre public matériel. Elle en déduit que la théorie de l'imprévision entre également dans le champ d'application de l'ordre public.  
 
5.2.2. L'intimée conteste cette affirmation qu'elle qualifie de péremptoire. Se fondant notamment sur l'avis de droit rédigé par le Professeur B.________, elle soutient qu'il n'est pas exclu que la théorie de l'imprévision puisse faire partie de l'ordre public, mais à des conditions très strictes non réalisées en l'espèce.  
 
5.2.3. Dans la mesure où la  clausula rebus sic stantibus constitue une exception au principe de la fidélité contractuelle, il n'est pas inutile de rappeler que la portée dudit principe est très restreinte sous l'angle de l'ordre public matériel. En effet, le principe  pacta sunt servanda, au sens restrictif que lui donne la jurisprudence relative à l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, n'est violé que si le tribunal arbitral refuse d'appliquer une clause contractuelle tout en admettant qu'elle lie les parties ou, à l'inverse, s'il leur impose le respect d'une clause dont il considère qu'elle ne les lie pas. En d'autres termes, le tribunal arbitral doit avoir appliqué ou refusé d'appliquer une disposition contractuelle en se mettant en contradiction avec le résultat de son interprétation à propos de l'existence ou du contenu de l'acte juridique litigieux. En revanche, le processus d'interprétation lui-même et les conséquences juridiques qui en sont logiquement tirées ne sont pas régis par le principe de la fidélité contractuelle, de sorte qu'ils ne sauraient prêter le flanc au grief de violation de l'ordre public. Le Tribunal fédéral a souligné à maintes reprises que la quasi-totalité du contentieux dérivé de la violation du contrat est exclue du champ de protection du principe  pacta sunt servanda (arrêts 4A_404/2017 du 26 juillet 2018 consid. 4.1; 4A_56/2017 du 11 janvier 2018 consid. 4.1; 4A_370/2007 du 21 février 2008 consid. 5.5).  
L'intimée, suivant en cela l'avis exprimé par le Professeur B.________, soutient qu'une violation de l'ordre public matériel en lien avec la théorie de l'imprévision serait seulement envisageable dans l'hypothèse où un tribunal arbitral refuserait d'appliquer le concept de l'imprévision ou d'examiner si les éléments constitutifs en sont remplis, tout en admettant que la  clausula rebus sic stantibusest applicable. Tel serait également le cas si un tribunal arbitral appliquait la notion d'imprévision tout en estimant que celle-ci n'est pas pertinente ou sans vérifier préalablement la réalisation des conditions nécessaires à sa mise en oeuvre.  
Point n'est toutefois besoin de pousser plus avant l'examen de cette question dès lors que, dans le cas concret, le moyen invoqué doit être rejeté pour les motifs exposés ci-dessous. 
 
5.3. En l'espèce, la recourante prétend que la Formation aurait gravement méconnu la théorie de l'imprévision en ignorant purement et simplement les faits de corruption survenus entre octobre et décembre 2015. L'argumentation de l'intéressée revient ainsi à critiquer l'appréciation des faits juridiquement pertinents et à discuter les conditions de la  clausula rebus sic stantibus dans le cas d'espèce, ce qui n'est pas possible dans un recours fondé sur l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, parce que cela conduirait le Tribunal fédéral à revoir les faits et le droit comme s'il était une juridiction d'appel (arrêt 4P.277/1998 du 22 février 1999 consid. 2d). Sous le couvert d'une prétendue violation de l'ordre public, la recourante cherche en réalité à provoquer, par ce biais, un examen de l'application du droit de fond, ce qui n'est pas admissible.  
En tout état de cause, la conclusion à laquelle est parvenue la Formation, soit que les événements postérieurs à la conclusion de l'accord n'étaient pas imprévisibles et ne permettaient dès lors pas à la recourante de se départir du contrat, n'apparaît nullement incompatible avec l'ordre public. 
Le moyen tiré d'une violation de l'ordre public se révèle ainsi infondé, si tant est qu'il soit recevable. 
 
6.   
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. La recourante, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF) et verser des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF). L'indemnité allouée de ce chef à celle-ci sera prélevée sur les sûretés fournies par la recourante. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 55'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 70'000 fr. à titre de dépens; cette indemnité sera prélevée sur les sûretés déposées à la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au Tribunal Arbitral du Sport (TAS). 
 
 
Lausanne, le 25 juin 2019 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
Le Greffier : O. Carruzzo