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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1C_439/2008/col 
 
Arrêt du 6 novembre 2008 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Eusebio. 
Greffier: M. Parmelin. 
 
Parties 
A.________, 
recourant, représenté par Me Antoine Eigenmann, avocat, 
 
contre 
 
Office fédéral des migrations, Quellenweg 6, 3003 Berne. 
 
Objet 
annulation de la naturalisation facilitée, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour III, du 19 août 2008. 
 
Faits: 
 
A. 
A.________, ressortissant du Kosovo né le 18 novembre 1963, est arrivé en Suisse le 23 novembre 1991 et a déposé une demande d'asile trois jours plus tard. L'Office fédéral des réfugiés a rejeté la requête de l'intéressé et a prononcé son renvoi de Suisse au terme d'une décision prise le 4 juin 1994 et confirmée le 25 juillet 1994 par la Commission suisse de recours en matière d'asile. Il lui a imparti un délai au 31 octobre 1994, prolongé jusqu'au 31 mai 1995, pour quitter le territoire de la Confédération. 
A.________ s'est marié le 19 avril 1996 avec B.________, ressortissante suisse née le 7 octobre 1935. Il s'est vu délivrer une autorisation de séjour annuelle pour vivre auprès de son épouse. 
Le 19 juillet 1999, A.________ a introduit une demande visant à l'octroi de la naturalisation facilitée. Le 13 juin 2001, les époux ont signé une déclaration écrite aux termes de laquelle ils confirmaient vivre en une communauté conjugale effective et stable, résider à la même adresse et n'envisager ni séparation, ni divorce. Par décision du 21 août 2001, l'Office fédéral des étrangers, intégré depuis lors à l'Office fédéral des migrations, a accordé la naturalisation facilitée à A.________. 
Le 24 janvier 2002, B.________ a déposé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale assortie d'une convention qui a été entérinée par une décision du juge unique du Tribunal civil du district de Bülach rendue le 21 juin 2002, au terme de laquelle la vie séparée était officialisée. Dans une lettre du 8 août 2002 adressée à l'Office fédéral des étrangers, elle a indiqué que A.________ avait quitté le domicile conjugal de Kloten à fin octobre 2001 pour élire un domicile séparé, dès le mois de janvier 2002, à Rolle où réside une partie de sa parenté. 
Le 1er septembre 2003, l'Office fédéral de l'immigration, de l'intégration et de l'émigration, devenu depuis lors l'Office fédéral des migrations, a invité A.________ à prendre position sur l'opportunité d'ouvrir une procédure en annulation de la naturalisation facilitée. L'intéressé s'est déterminé par écrit le 3 novembre 2003, puis le 15 octobre 2005 après que son épouse ait été entendue le 14 juillet 2004. 
Par décision du 10 février 2006, l'Office fédéral des migrations a prononcé, avec l'assentiment de l'autorité cantonale compétente, l'annulation de la naturalisation facilitée accordée à A.________ au motif que l'octroi de celle-ci était intervenu sur la base de déclarations mensongères, voire d'une dissimulation de faits essentiels. 
Le Tribunal administratif fédéral a confirmé cette décision au terme d'un arrêt rendu le 15 août 2008 sur recours de l'intéressé. 
 
B. 
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt. 
L'Office fédéral des migrations et le Tribunal administratif fédéral ont renoncé à se déterminer. 
L'effet suspensif a été accordé au recours par ordonnance du Juge instructeur du 20 octobre 2008. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
L'arrêt entrepris émane du Tribunal administratif fédéral et concerne l'annulation de la naturalisation facilitée accordée au recourant; il peut faire l'objet d'un recours en matière de droit public devant la cour de céans (art. 82 al. 1 let. a et 86 al. 1 let. a LTF, art. 29 al. 1 let. f RTF). Le motif d'exclusion de l'art. 83 let. b LTF n'entre pas en ligne de compte, s'agissant en l'espèce de naturalisation facilitée et non pas de naturalisation ordinaire (arrêt 1C_85/2007 du 6 septembre 2007 consid. 2). Pour le surplus, le recourant a la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilité du recours sont réunies, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2. 
En vertu de l'art. 27 al. 1 de la loi fédérale du 29 septembre 1952 sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse (LN; RS 141.0), un étranger peut, ensuite de son mariage avec un ressortissant suisse, former une demande de naturalisation facilitée s'il a résidé en Suisse pendant cinq ans en tout (let. a) ou s'il y réside depuis une année (let. b) et vit depuis trois ans en communauté conjugale avec un ressortissant suisse (let. c). La naturalisation facilitée ne peut pas être accordée, en particulier, s'il n'a pas de communauté conjugale au moment du dépôt de la requête ou à la date de la décision de naturalisation. D'après la jurisprudence, la notion de communauté conjugale suppose non seulement l'existence formelle d'un mariage, mais encore une véritable communauté de vie des conjoints; tel est le cas s'il existe une volonté commune et intacte de ceux-ci de maintenir une union conjugale stable; une séparation survenue peu après l'octroi de la naturalisation constitue un indice de l'absence de cette volonté lors de l'obtention de la citoyenneté suisse (ATF 130 II 482 consid. 2 p. 484; 128 II 97 consid. 3a p. 98; 121 II 49 consid. 2b p. 52). 
Conformément aux art. 41 al. 1 LN et 14 al. 1 de l'ordonnance du 17 novembre 1999 sur l'organisation du Département fédéral de justice et police (RS 172.213.1), l'Office fédéral des migrations peut, avec l'assentiment de l'autorité du canton d'origine, annuler dans les cinq ans une naturalisation facilitée obtenue par des déclarations mensongères ou par la dissimulation de faits essentiels. Pour qu'une naturalisation facilitée soit annulée, il ne suffit donc pas qu'elle ait été accordée alors que l'une ou l'autre de ses conditions n'était pas remplie; il faut qu'elle ait été acquise grâce à un comportement déloyal et trompeur. S'il n'est pas besoin que ce comportement soit constitutif d'une escroquerie au sens du droit pénal, il est nécessaire que l'intéressé ait donné sciemment de fausses informations à l'autorité ou qu'il l'ait délibérément laissée dans l'erreur sur des faits qu'il savait essentiels (ATF 132 II 113 consid. 3.1 p. 115 et les arrêts cités). Tel est notamment le cas si le requérant déclare vivre en communauté stable avec son conjoint alors qu'il envisage de se séparer une fois obtenue la naturalisation facilitée; peu importe que son mariage se soit ou non déroulé jusqu'ici de manière harmonieuse (arrêt 5A.22/2006 du 13 juillet 2006 consid. 2.2). 
La nature potestative de l'art. 41 al. 1 LN confère une certaine latitude à l'autorité compétente, qui doit toutefois s'abstenir de tout abus dans l'exercice de cette liberté. Commet un abus de son pouvoir d'appréciation l'autorité qui se fonde sur des critères inappropriés, ne tient pas compte de circonstances pertinentes ou rend une décision arbitraire, contraire au but de la loi ou au principe de la proportionnalité (ATF 130 III 176 consid. 1.2 p. 180). L'administration supporte le fardeau de la preuve lorsque la décision intervient, comme en l'espèce, au détriment de l'administré. Cela étant, la jurisprudence admet dans certaines circonstances que l'autorité puisse se fonder sur une présomption. C'est notamment le cas pour établir que le conjoint naturalisé a menti lorsqu'il a déclaré former une union stable, dans la mesure où il s'agit d'un fait psychique, lié à des éléments relevant de la sphère intime, souvent inconnus de l'administration et difficiles à prouver (ATF 130 II 482 consid. 3.2 p. 485). Partant, si l'enchaînement rapide des événements fonde la présomption de fait que la naturalisation a été obtenue frauduleusement, il incombe alors à l'administré de renverser cette présomption, non seulement en raison de son devoir de collaborer à l'établissement des faits (art. 13 al. 1 let. a PA), mais également dans son propre intérêt. S'agissant d'une présomption de fait, qui ressortit à l'appréciation des preuves et ne modifie pas le fardeau de la preuve, il suffit que l'administré parvienne à faire admettre l'existence d'une possibilité raisonnable qu'il n'ait pas menti en déclarant former une communauté stable avec son conjoint (ATF 130 II 482 consid. 3.2 p. 486). 
 
3. 
Le Tribunal administratif fédéral a retenu que les conditions formelles de l'annulation de la naturalisation facilitée prévues par l'art. 41 al. 1 LN étaient réalisées, dès lors que cette mesure avait été ordonnée par l'Office fédéral des migrations avant l'échéance du délai péremptoire de cinq ans fixé par cette disposition, avec l'assentiment de l'autorité du canton d'origine. Le recourant conteste en vain l'arrêt attaqué sur ce point. Il suffit en effet que la décision d'annulation ait été rendue dans les cinq ans suivant l'octroi de la naturalisation facilitée; il importe peu en revanche qu'elle ne soit pas définitive et exécutoire à l'échéance de ce délai parce qu'elle est frappée d'un recours doté de l'effet suspensif (cf. arrêts 1C_231/2007 du 14 novembre 2007 consid. 4 et 1C_325/2008 du 30 septembre 2008 consid. 3). Les arguments avancés dans le mémoire de recours ne permettent pas de remettre en cause cette jurisprudence. 
 
4. 
Le recourant s'oppose en vain à l'annulation de la naturalisation facilitée. Alors qu'il était sous le coup d'une décision de refus d'asile et de renvoi de Suisse exécutoire, il a épousé une femme de vingt-huit ans son aînée, divorcée et mère d'un enfant, situation inhabituelle dans le milieu socioculturel dont il est issu (cf. arrêt 5A.15/2004 du 23 juillet 2004 consid. 3.1). Une fois obtenue l'autorisation de séjour liée à son statut d'époux d'une ressortissante suisse, il a formé une demande de naturalisation facilitée le 19 juillet 1999. Les époux ont signé la déclaration relative à la stabilité de leur mariage le 13 juin 2001 et le recourant s'est vu octroyer la naturalisation facilitée le 21 août 2001. Deux mois à peine après avoir obtenu la nationalité suisse, il a quitté le domicile conjugal pour s'établir en Suisse romande et y prendre un emploi. Ces éléments et leur enchaînement chronologique particulièrement rapide pouvaient amener l'Office fédéral des migrations, puis le Tribunal administratif fédéral à présumer que l'intéressé visait avant tout à obtenir une autorisation de séjour en Suisse et, ultérieurement, la naturalisation facilitée. L'épouse du recourant a certes affirmé avoir fait un mariage d'amour et qu'elle envisageait de bonne foi la poursuite de la vie conjugale lorsqu'elle a signé la déclaration de vie commune. Elle a toutefois ajouté que la situation avait soudainement changé après l'obtention par son mari de la nationalité helvétique et qu'il était parti du jour au lendemain en lui déclarant qu'il entendait dorénavant mener une nouvelle vie. Ces explications viennent corroborer la présomption fondée sur le bref laps de temps écoulé entre la décision d'octroi de la naturalisation facilitée et la constitution d'un domicile séparé par le recourant que celui-ci n'envisageait déjà plus une vie future partagée lors de la signature de la déclaration de vie commune et que celle-ci ne reflète pas la vérité. A.________ explique certes avoir été contraint de quitter le domicile conjugal pour des raisons professionnelles et pensait que son épouse le suivrait. Ces explications sont toutefois contredites par B.________ et ne sont guère convaincantes. En effet, il n'est pas anodin que le recourant ait pris un emploi à Rolle, où réside une partie de sa parenté, dès l'obtention de la nationalité, alors que jusque-là, il avait toujours travaillé à proximité du domicile conjugal. Il ne démontre pas avoir vainement recherché un emploi équivalent dans la région de Kloten de manière à permettre de maintenir le lien conjugal. La constitution par le recourant d'un domicile séparé ne repose donc pas sur des circonstances extraordinaires indépendantes de la volonté du couple qui permettraient exceptionnellement d'admettre l'existence d'une communauté conjugale encore intacte au sens de la jurisprudence (cf. ATF 121 II 49 consid. 2b p. 51). Cela étant, l'Office fédéral des migrations, puis le Tribunal administratif fédéral pouvaient considérer sans abuser de leur pouvoir d'appréciation que la volonté du recourant de maintenir une relation stable n'existait plus lors de la déclaration de vie commune et que celle-ci avait été signée sur la base de déclarations mensongères voire de faits dissimulés. 
 
5. 
Le recourant voit une autre raison d'annuler la décision attaquée dans le fait qu'elle aurait pour effet de le rendre apatride en violation de l'art. 15 de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948. Cet instrument ne fait cependant pas partie des traités conclus par la Suisse dont la violation pourrait faire l'objet d'un recours en matière de droit public ou qui conférerait un droit subjectif aux justiciables dont ces derniers pourraient se prévaloir dans le cadre d'un tel recours (cf. ATF 124 III 205 consid. 3a p. 206; arrêt 2C_169/2008 du 18 mars 2008 consid. 4.1 avec référence à WALTER KÄLIN/JÖRG KÜNZLI, Universeller Menschenrechtsschutz, 2ème éd., 2005, p. 16). Au demeurant, le risque que le recourant devienne apatride ne fait pas obstacle à l'annulation de la naturalisation facilitée. Si celle-ci a été obtenue frauduleusement, l'intéressé doit en effet supporter les conséquences qui résultent pour lui de la perte de la nationalité suisse. Admettre qu'il en aille autrement reviendrait à conférer aux apatrides potentiels une protection absolue contre une éventuelle annulation de la naturalisation facilitée, ce qui contreviendrait au principe de l'égalité de traitement (arrêts 5A.22/2004 du 30 août 2004 consid. 3.2 et 5A.18/2003 du 19 novembre 2003 consid. 3.3). Quant au fait que le recourant vit en Suisse de manière ininterrompue depuis 1991, voire qu'il pourrait prétendre à l'octroi de la nationalité suisse selon la procédure ordinaire pour cette raison, il est sans pertinence pour déterminer s'il y a eu obtention frauduleuse de la naturalisation au sens de l'art. 41 LN par un comportement déloyal et trompeur. 
 
6. 
Le recours doit par conséquent être rejeté, aux frais du recourant qui succombe (art. 65 et 66 al. 1 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à l'Office fédéral des migrations et au Tribunal administratif fédéral. 
 
Lausanne, le 6 novembre 2008 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: Le Greffier: 
 
Féraud Parmelin