Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1B_370/2010 
 
Arrêt du 6 décembre 2010 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Fonjallaz. 
Greffier: M. Rittener. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Louis-Marc Perroud, avocat, 
recourant, 
 
contre 
 
Ministère public de l'Etat de Fribourg, 
case postale, 1700 Fribourg. 
 
Objet 
détention avant jugement; prestation de sûretés, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Chambre pénale, du 7 octobre 2010. 
 
Faits: 
 
A. 
Le 4 mars 2010, A.________ a été arrêté dans le cadre d'une instruction menée contre lui pour infractions graves à la loi fédérale sur les stupéfiants et blanchiment d'argent. En substance, il lui est reproché d'avoir participé à un trafic portant sur plus de 1'300 g de cocaïne. Il a été placé en détention préventive. Le 23 mars 2010, A.________ a formé une demande de mise en liberté. Par décision du 1er avril 2010, le Juge de la détention du canton de Fribourg (ci-après: le juge de la détention) a rejeté cette requête, en raison des risques de collusion et de fuite. Une deuxième requête de mise en liberté a été rejetée pour les mêmes motifs par décision du 4 mai 2010. Statuant sur recours de A.________, la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton de Fribourg (ci-après: le Tribunal cantonal) a confirmé cette décision par arrêt du 31 mai 2010. 
 
B. 
Le 11 juin 2010, A.________ a proposé le dépôt de son passeport et de celui de ses enfants à titre de garantie pour parer un risque de fuite. Il a également évoqué le versement de sûretés, qu'il a chiffrées ultérieurement à 70'000 francs. Par décision du 9 septembre 2010, le juge d'instruction a fixé à 250'000 fr. le montant des sûretés à fournir en remplacement de la détention avant jugement. 
A.________ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal cantonal, en concluant à sa mise en liberté immédiate moyennant le versement de 70'000 fr. à titre de sûretés. Par arrêt du 7 octobre 2010, le Tribunal cantonal a rejeté ce recours dans la mesure de sa recevabilité. Il a constaté que la demande de mise en liberté immédiate était irrecevable, dès lors qu'elle ne faisait pas l'objet de la décision attaquée et que le juge de la détention n'avait pas été saisi. Il a par ailleurs estimé que le risque de fuite était toujours concret. En ce qui concerne le montant des sûretés, le Tribunal cantonal a considéré en substance que la situation économique du recourant était peu claire et que des éléments du dossier démontraient que son frère et lui étaient à même d'obtenir des sommes importantes de la part de banques et d'investisseurs. Dès lors, compte tenu des charges pesant sur l'intéressé, on ne pouvait pas reprocher au juge d'instruction d'avoir estimé que seules des sûretés de 250'000 fr. pouvaient le dissuader de prendre la fuite. 
 
C. 
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler partiellement cet arrêt, en ce sens que le montant des sûretés à fournir en remplacement de la détention avant jugement est fixé à 70'000 fr. et sa mise en liberté subordonnée à la confiscation de documents d'identité et à une obligation de se présenter quotidiennement à la police. Il requiert en outre l'assistance judiciaire. Le Tribunal cantonal et le Ministère public de l'Etat de Fribourg ont renoncé à se déterminer. 
Considérant en droit: 
 
1. 
Les décisions relatives à la détention avant jugement sont des décisions en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF (cf. ATF 133 I 270 consid. 1.1 p. 273; Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p. 4111). La décision attaquée est une décision incidente, qui ne met pas fin à la procédure. Conformément à l'art. 93 al. 1 let. a LTF, une telle décision ne peut faire l'objet d'un recours devant le Tribunal fédéral que si elle peut causer un préjudice irréparable. Tel est le cas en l'espèce, dans la mesure où le recourant allègue qu'il n'est pas en mesure de réunir la somme demandée à titre de sûretés, de sorte que sa privation de liberté s'en trouve prolongée. Pour le surplus, formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF) et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF), le recours est recevable. 
 
2. 
Invoquant une violation des art. 10 al. 2 et 31 al. 3 Cst., de l'art. 5 par. 3 CEDH et de l'art. 120 al. 1 du Code de procédure pénale fribourgeois du 14 novembre 1996 (CPP/FR; RSF 32.1), le recourant prétend qu'il est disproportionné d'exiger des sûretés de 250'000 fr. en remplacement de la détention avant jugement. L'art. 31 al. 3 Cst., relatif au droit à être jugé dans un délai raisonnable, ne fait pas l'objet de l'argumentation développée dans le recours. Quant à la violation du CPP/FR, elle ne saurait être invoquée comme telle devant le Tribunal fédéral (cf. art. 95 LTF; ATF 133 II 249 consid. 1.2.1 p. 251 s. et les références citées). Ces deux moyens sont dès lors irrecevables. 
 
3. 
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 110 CPP/FR. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; art. 110 al. 2 CPP/FR; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (cf. art. 110 al. 1 let. a à c CPP/FR). La gravité de l'infraction - et l'importance de la peine encourue - n'est, à elle seule, pas suffisante (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62; 117 Ia 70 consid. 4a). Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 5 par. 1 let. c CEDH; ATF 116 Ia 144 consid. 3; art. 110 al. 1 in initio CPP/FR). S'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle, le Tribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves, revue sous l'angle restreint de l'arbitraire (art. 9 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2d p. 271; pour la définition de l'arbitraire, cf. ATF 132 I 13 consid. 5.1 p. 17; 131 I 217 consid. 2.1 p. 219; 128 I 273 consid. 2.1 p. 275). L'autorité cantonale dispose ainsi d'une grande liberté dans l'appréciation des faits (ATF 114 Ia 283 consid. 3; 112 Ia 162 consid. 3b). 
 
4. 
En l'occurrence, l'existence de charges suffisantes et celle d'un risque de fuite ne sont pas contestées. Le recours porte uniquement sur la proportionnalité de la mesure de détention, au regard de la fixation du montant des sûretés. 
 
4.1 Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), lorsque le maintien en détention est motivé uniquement par le risque de fuite, il convient en principe d'examiner les possibilités de mettre en oeuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention (règle de la nécessité; ATF 130 II 425 consid. 5.2 p. 438; 126 I 219 consid. 2c p. 222 et les arrêts cités). Cette exigence découle également de l'art. 5 par. 3, dernière phrase, CEDH, à teneur duquel la mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l'inculpé à l'audience. Dans le canton de Fribourg, elle est reprise par l'art. 110 al. 2 CPP/FR, qui prévoit que la détention avant jugement ne doit pas être ordonnée si le but recherché peut être atteint par une mesure moins sévère, notamment par la confiscation provisoire de documents, l'obligation de se présenter périodiquement à une autorité ou la prestation de sûretés. 
La mise en liberté sous caution ou moyennant le versement de sûretés constitue un succédané de la détention préventive et une application du principe de la proportionnalité (ATF 107 Ia 206 consid. 2a p. 208). Lorsque cela est possible, elle doit donc remplacer la détention, qui ne peut être maintenue qu'en tant qu'ultima ratio (cf. ATF 123 I 268 consid. 2c p. 271). Le caractère approprié de la garantie doit être apprécié notamment "par rapport à l'intéressé, à ses ressources, à ses liens avec les personnes appelées à servir de cautions et pour tout dire à la confiance qu'on peut avoir que la perspective de perte du cautionnement ou de l'exécution des cautions en cas de non-comparution à l'audience agira sur lui comme un frein suffisant pour éviter toute velléité de fuite" (ATF 105 Ia 186 consid. 4a p. 187, citant l'arrêt CourEDH Neumeister c. Autriche du 27 juin 1968, Série A, vol. 7, par. 14; cf. arrêt 1P.165/2006 du 19 avril 2006 consid. 3.2.1, publié in SJ 2006 I p. 395). Si la caution doit être fournie par un tiers, il y a lieu de prendre en considération les relations personnelles et financières du prévenu avec cette personne (arrêt 1P.690/2004 du 14 décembre 2004 consid. 2.4.3 et les références). 
Le juge de la détention peut renoncer à ordonner une mise en liberté sous caution ou moyennant le versement de sûretés lorsqu'il a la conviction que cette mesure ne suffira pas à garantir la présence de l'inculpé aux débats et, le cas échéant, sa soumission au jugement (cf. Sylva Fisnar, Ersatzanordnungen für Untersuchungshaft und Sicherheitshaft in zürcherischen Strafprozess, thèse 1997, p. 75 et les références citées). Pour apprécier la force dissuasive d'un dépôt de sûretés sur les velléités de fuite de la personne concernée, le juge de la détention jouit d'un certain pouvoir d'appréciation, eu égard à sa maîtrise complète du dossier (cf. arrêts 1B_113/2010 du 11 mai 2010 consid. 4.1; 1B_126/2008 du 2 juin 2008 consid. 3.1). 
 
4.2 En l'espèce, le recourant commence par minimiser les charges pesant sur lui ainsi que l'importance du risque de fuite, avant d'affirmer que la caution demandée est "totalement démesurée par rapport à sa situation financière". En remettant en doute les déclarations de personnes qui le mettent en cause, il perd de vue qu'il n'appartient pas au juge de la détention de procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge et que la crédibilité des divers témoignages doit être appréciée par le juge du fond. En l'état, il y a lieu de constater avec les précédents juges qu'il existe manifestement des charges suffisantes. Quant au risque de fuite, il ne saurait être sérieusement remis en question. En effet, même si le recourant peut indéniablement se prévaloir d'attaches avec la Suisse, où résident notamment ses deux enfants mineurs, il a également conservé des liens étroits avec l'Albanie, où se trouve le siège de ses activités commerciales, où vivent notamment sa mère et son frère et où il peut disposer d'un appartement. Il convient en outre de rappeler que le recourant est mis en cause dans un important trafic de stupéfiants, portant sur plus de 1,3 kg de cocaïne. Il est donc manifeste qu'il encourt une importante peine privative de liberté en cas de condamnation, de sorte que c'est à juste titre que le Tribunal cantonal a retenu l'existence d'un risque de fuite élevé. 
C'est également à bon droit que l'arrêt attaqué relève le manque de clarté de la situation économique du recourant et de son frère, qui pourrait lui servir de caution. Le Tribunal cantonal retient en effet, sans être valablement contredit à cet égard, que le recourant a obtenu entre 2004 et 2007 des prêts ou des dons de 45'000 fr., 25'000 fr. et 60'000 euros, qu'il envisageait une activité d'importation de médicaments en plus de son commerce de montres et qu'il serait issu d'une famille très riche. Il retient par ailleurs que le frère du recourant est promoteur immobilier et qu'il a trouvé en Suisse un investisseur ayant avancé 800'000 fr., qu'il a obtenu des prêts bancaires de 200'000 et 250'000 euros et qu'il aurait lui-même prêté de l'argent "au directeur des autoroutes d'Albanie". Selon l'arrêt attaqué, le frère du recourant lui aurait également cédé une vingtaine d'appartements d'une valeur officielle d'environ 850'000 euros dans le cadre d'une promotion immobilière en Albanie. Dans ces conditions, c'est sans arbitraire que les juges cantonaux ont constaté que le recourant et son frère étaient "aptes à faire transiter dans leurs mains des montants élevés". Les explications du recourant ne sont pas de nature à remettre en question cette constatation. En particulier, les vagues références à la crise économique n'éclairent en rien la situation des promotions immobilières en cause et la simple allégation que le frère du recourant aurait hypothéqué tous ses biens immobiliers ne suffit pas à établir qu'il n'aurait plus de moyens financiers disponibles. Ainsi, le recourant ne démontre pas en quoi le Tribunal cantonal aurait fait preuve d'arbitraire dans l'appréciation des preuves et l'établissement des faits, de sorte que le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés dans l'arrêt attaqué (art. 105 LTF). 
En définitive, compte tenu de la situation économique exposée ci-dessus et de l'importance de la peine encourue, il y a lieu de constater que le juge compétent n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que seules des sûretés de 250'000 fr. étaient susceptibles de dissuader l'intéressé de se soustraire à la justice et que les autres mesures de substitution proposées - saisie des documents d'identité et obligation de se présenter à la police - étaient clairement insuffisantes à cet égard. 
 
5. 
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. La requête d'assistance judiciaire doit également être rejetée, dans la mesure où le recourant n'a pas établi qu'il ne disposait pas de ressources suffisantes (art. 64 al. 1 LTF). Le fait que les autorités cantonales lui aient octroyé l'assistance judiciaire ne le dispensait pas de démontrer son indigence, ce qu'il ne fait aucunement puisqu'il se borne à alléguer qu'il a deux enfants à charge et des frais mensuels atteignant 1'830 fr. et à affirmer que son commerce de montres en Albanie a "totalement périclité", sans aucunement le démontrer. Le recourant, qui succombe, doit supporter les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2. 
La requête d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public et au Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Chambre pénale. 
 
Lausanne, le 6 décembre 2010 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: Le Greffier: 
 
Féraud Rittener