Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1P.692/2003 /ajp 
 
Arrêt du 23 janvier 2004 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Féraud, Juge présidant, Reeb et Fonjallaz. 
Greffier: M. Kurz. 
 
Parties 
X.________, 
recourante, représentée par Me Pierre Vuille, avocat, c/o Etude Gautier, Vuille & Associés, 
 
contre 
 
Yvette Daoudi Beuchat, Tribunal tutélaire, case postale 3950, 1211 Genève 3, 
A.________, 
représenté par Me Roland Burkhard, avocat, 
Olivia Morex Davaud, Service du Tuteur général, boulevard Georges-Favon 26-28, case postale 5011, 1211 Genève 11, 
intimés, 
Tribunal tutélaire du canton de Genève, 5, rue Chaudronniers, case postale, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
Art. 30 al. 1 Cst. (récusation), 
 
recours de droit public contre l'ordonnance du Tribunal tutélaire du canton de Genève du 15 octobre 2003. 
 
Faits: 
A. 
Le 1er septembre 2003, X.________ a adressé au Président du Tribunal tutélaire du canton de Genève une demande de récusation dirigée contre Yvette Daoudi Beuchat, Présidente de la 4ème Chambre de ce tribunal (ci-après: la présidente). Chargée du dossier relatif à E.________, fils de X.________ et de A.________, né en 1994, la présidente avait notamment retiré la garde à la mère et placé l'enfant chez sa grand-mère maternelle, avec interdiction à la mère d'emmener son fils en dehors de son droit de visite. L'enfant avait toutefois été conduit à l'étranger, le 13 décembre 2002, et la curatrice de l'enfant avait été chargée par la présidente de déposer plainte pénale, puis d'entreprendre les démarches en vue du retour de l'enfant à Genève. Sollicitée par télécopie d'autoriser le père de se rendre à Nouméa pour y chercher son fils et le ramener en Suisse, la présidente avait donné son autorisation le 29 juillet 2003 en apposant deux timbres humides sur la requête, précisant qu'elle ne pouvait rendre une décision motivée, faute de disposer du dossier. A l'appui de sa demande de récusation, X.________ reprochait à la présidente d'avoir omis de rendre une décision formelle, et de n'avoir communiqué son autorisation que le 22 août 2003, dans le seul but de l'empêcher de se déterminer. En outre, la présidente s'était, le 26 août 2003, opposée au retrait de la plainte pénale, malgré l'accord du père, au motif qu'il était "nécessaire que le comportement de transgressions des règles posées pour le bon développement de E.________ soit sanctionné pénalement afin que Madame X.________ respecte à l'avenir ses obligations". Cette intervention dans la procédure pénale démontrait, selon la requérante, un manque d'impartialité du magistrat. 
B. 
Par décision du 15 octobre 2003, le plénum du Tribunal tutélaire, statuant sans la présidente, a rejeté la demande de récusation. Des erreurs de procédure avaient été commises, car l'autorisation du 29 juillet 2003 aurait dû faire l'objet d'une décision formelle sommairement motivée; en revanche, la communication de cette autorisation après l'exécution du retour en Suisse de l'enfant était justifiée par les intérêts de ce dernier. Le courrier du 26 août 2003 aurait pu être plus nuancé, mais l'intervention dans la procédure pénale était aussi dictée par l'intérêt de l'enfant. 
C. 
X.________ forme un recours de droit public contre cette ordonnance. Elle conclut à son annulation, subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité cantonale afin qu'elle statue à nouveau dans le sens des considérants. 
Le Tribunal tutélaire a renoncé à présenter des observations. La présidente conclut au rejet du recours. Agissant par sa curatrice, E.________ s'en rapporte à justice. A.________ conclut au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le recours de droit public est interjeté dans le délai et les formes utiles contre une décision rendue en dernière instance cantonale et relative à une demande de récusation au sens de l'art. 87 al. 1 OJ. Il est recevable (ATF 126 I 203), dans la mesure toutefois où il n'est pas demandé plus que l'annulation de la décision attaquée (ATF 129 I 173 consid. 1.5 p. 176 et la jurisprudence citée). 
2. 
La recourante invoque l'art. 30 al 1 Cst. Le Tribunal tutélaire a reconnu l'existence d'erreurs de procédure, mais aurait omis d'en tirer toutes les conséquences en refusant la récusation. L'autorisation du 29 juillet 2003 aurait dû faire l'objet d'une décision formelle. Cette décision devait par ailleurs, comme tout jugement, être notifiée; la notification tardive constituerait une seconde erreur de procédure dont l'autorité intimée aurait omis de tenir compte. Enfin, les commentaires figurant dans la lettre du 26 août 2003 seraient aussi de nature à mettre en doute l'impartialité de la présidente. 
2.1 L'art. 30 al. 1 Cst., qui correspond à l'art. 6 CEDH, permet au plaideur (indépendamment du droit cantonal qui n'est pas invoqué en l'espèce) d'exiger la récusation d'un juge dont la situation ou le comportement est de nature à faire naître un doute sur son impartialité. La garantie d'impartialité tend notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du juge est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée; il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération; les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 127 I 196 consid. 2a p. 198; 126 I 68 consid. 3 p. 73; 124 I 121 consid. 3a p. 123/124; 122 I 18 consid. 2b/bb p. 24; 120 Ia 184 consid. 2b p. 187 et les arrêts cités). 
2.2 La jurisprudence a ainsi été amenée à préciser que des erreurs de procédure commises par un magistrat ne suffisent pas à fonder objectivement un soupçon de prévention. Leur réparation doit intervenir par les voies de recours ordinaires, un magistrat n'étant pas suspect de prévention du seul fait qu'il a erré dans l'application du droit (ATF 113 Ia 407 consid. 2 b p. 410; voir aussi ATF 117 Ia 157 consid. 2b in fine p. 162, 114 Ia 50 consid. 3d p. 58). Seules des fautes particulièrement graves et répétées, constituant des violations graves de ses devoirs, peuvent justifier le soupçon de parti pris (ATF 113 Ia 407 consid. 2 p. 408-410; 111 Ia 259 consid. 3b/aa p. 264). La fonction judiciaire oblige le magistrat à se déterminer sur des éléments souvent contestés et délicats; c'est pourquoi, même si elles se révèlent viciées, des mesures inhérentes à l'exercice normal de sa charge ne permettent pas d'exiger sa récusation (ATF 116 Ia 135 consid. 3a p. 138; voir aussi ATF 125 I 119 consid. 3e p. 124). 
2.3 La recourante énumère les différentes irrégularités commises selon elle par la présidente: celle-ci aurait dû rendre une décision formelle concernant le retour de l'enfant; elle aurait dû notifier immédiatement cette décision; son opposition au retrait de plainte constituait une intervention inadmissible dans la procédure pénale. 
 
Sur le premier point, l'autorité intimée a reconnu que l'absence d'une décision formelle constituait une erreur. On ne saurait toutefois y voir un acte délibéré en défaveur de la recourante: il n'apparaît pas que le défaut de décision motivée l'aurait entravée dans ses droits puisque, comme cela est relevé ci-dessous, l'absence de notification préalable était de toute façon admissible. En outre, le recourante ne soutient pas que, sur le fond, la décision ait été injustifiée. 
 
S'agissant du défaut de notification, l'autorité intimée a considéré qu'il était dans l'intérêt de l'enfant de ne communiquer la décision qu'après son exécution afin de permettre un retour en Suisse dans les meilleures conditions possibles. La recourante se contente d'invoquer l'art. 148 de la loi genevoise de procédure civile (LPC/GE), qui impose la notification des jugements sans retard à toutes les parties. Elle ne démontre toutefois pas que cette disposition devrait s'appliquer indistinctement aux ordonnances, en particulier en cas de mesure urgente. Dans un tel cas, la loi permet habituellement de surseoir à la notification, dans la mesure où cette dernière aurait pour effet de compromettre l'exécution de la mesure (cf. l'art. 327 LPC/GE). La recourante ne conteste pas, pour le surplus, l'existence d'un intérêt prépondérant de l'enfant. Les circonstances du retour de l'enfant démontrent au demeurant que la précaution prise par la présidente n'était pas inutile. 
 
Quant à l'intervention auprès de la curatrice afin d'empêcher un retrait de la plainte pénale, elle est critiquée par l'autorité intimée dans ses termes, mais pas dans son principe; agissant en tant que gardien de l'enfant, la présidente cherchait à obtenir, par le maintien de la plainte pénale, un effet dissuasif sur la mère. La recourante se borne à reprendre les réserves quant aux termes employés, mais ne tente pas de démontrer que l'intervention ait été injustifiée. 
2.4 Si les démarches entreprises par la présidente ont appelé certaines réserves quant à la forme, elles apparaissaient, sur le fond, justifiées par l'intérêt prépondérant de l'enfant. Le magistrat était appelé à statuer dans une certaine urgence, et ses décisions devaient nécessairement être prises au détriment de l'un des parents. Les irrégularités constatées ne sont ni graves, ni systématiques au point de permettre de douter de l'impartialité du magistrat. 
3. 
Le recours doit par conséquent être rejeté. Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, un émolument judiciaire est mis à la charge de la recourante, de même qu'une indemnité de dépens allouée à l'intimé A.________ (art. 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
2. 
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge de la recourante. 
3. 
Une indemnité de dépens de 1000 fr. est allouée à A.________, à la charge de la recourante. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et au Tribunal tutélaire du canton de Genève. 
Lausanne, le 23 janvier 2004 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le juge présidant: Le greffier: