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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_767/2023  
 
 
Arrêt du 30 janvier 2024  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Heine et Métral. 
Greffière : Mme von Zwehl. 
 
Participants à la procédure 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Division juridique, Fluhmattstrasse 1, 6002 Lucerne, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-accidents (devoir de collaborer), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 26 octobre 2023 (605 2023 147). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par déclaration de sinistre LAA du 24 janvier 2023, l'entreprise B.________ Sàrl a annoncé à la Caisse nationale suisse en cas d'accidents (CNA) un accident subi par son employé, A.________, né en 1997. Il y était indiqué que celui-ci s'était blessé aux doigts de la main gauche (fracture) à la suite d'une glissade dans les escaliers le 24 décembre 2022 et qu'il était en arrêt de travail depuis lors. A la réception du document, la CNA a informé l'assuré qu'elle prenait en charge le cas. L'employeur a transmis deux attestations d'incapacité de travail couvrant la période du 20 février au 16 avril 2023.  
 
A.b. Les 29 et 31 mars 2023, la CNA a tenté de joindre A.________ sur son téléphone portable sans succès. Par courrier du 31 mars 2023, elle l'a invité à prendre contact avec elle dans les jours à venir car elle avait des questions à lui poser sur l'événement du 24 décembre 2022. Le 18 avril 2023, l'employeur a transmis une nouvelle attestation d'incapacité de travail pour la période du 17 avril au 28 mai 2023. Après une nouvelle tentative de joindre l'assuré par téléphone et par voie postale, la CNA a mis celui-ci en demeure de collaborer à l'instruction en prenant contact avec elle d'ici au 26 mai 2023, faute de quoi elle en déduirait qu'il n'avait pas besoin de prestations (courrier A plus du 16 mai 2023).  
 
A.c. Le 1er juin 2023, la CNA a contacté l'employeur qui a déclaré ne pas avoir de nouvelles de son employé. Le même jour, elle a rendu une décision, par laquelle elle a informé A.________ qu'elle cessait immédiatement de lui allouer des prestations, motif pris qu'il n'avait pas donné suite aux différentes demandes de contact. A la suite d'un téléphone de ce dernier qui affirmait n'avoir jamais reçu de courrier et avoir été mis au courant de la cessation des prestations par l'employeur, la CNA lui a transmis une copie de sa décision du 1er juin 2023 par courriel. L'assuré a formé opposition le 15 juin 2023. Entre-temps, le 5 juin 2023, la Vaudoise Assurances a fait parvenir à la CNA un certificat d'incapacité de travail concernant l'assuré couvrant la période du 29 mai au 17 juillet 2023.  
Le 28 juin 2023, l'amie de A.________ a téléphoné à la CNA, qui lui a fait savoir que dans la mesure où la procédure était lancée, le prénommé ne pouvait plus revenir en arrière et devait attendre la décision sur opposition. 
Le 10 juillet 2023, la CNA a écarté l'opposition. 
 
B.  
Par arrêt du 26 octobre 2023, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal fribourgeois a admis le recours formé par l'assuré contre la décision sur opposition du 10 juillet 2023, a annulé cette décision et a renvoyé la cause à la CNA pour qu'elle reprenne l'instruction de la cause. 
 
C.  
La CNA interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à l'annulation de celui-ci et à la confirmation de sa décision sur opposition du 10 juillet 2023 en tant que celle-ci prévoit la cessation du versement des prestations au 1er juin 2023 jusqu'à ce que l'intimé se décide à collaborer avec elle. A titre préalable, la CNA demande au Tribunal fédéral d'ordonner le maintien, à titre provisionnel, de la décision sur opposition du 10 juillet 2023 en ce qu'elle suspend le droit de l'assuré aux prestations. 
Par courrier spontané du 29 décembre 2023, A.________ a demandé l'assistance judiciaire. Le Tribunal fédéral n'a pas ordonné d'échange d'écritures. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
L'arrêt attaqué, qui annule la décision sur opposition du 10 juillet 2023 et renvoie la cause à la CNA pour qu'elle reprenne l'instruction du cas, ne met pas fin à la procédure en cours et revêt un caractère incident. Il ne porte ni sur la compétence, ni sur une demande de récusation au sens de l'art. 92 LTF et ne peut donc en principe faire l'objet d'un recours en matière de droit public qu'aux conditions posées par l'art. 93 al. 1 let. a LTF, selon lequel les décisions préjudicielles et incidentes peuvent faire l'objet d'un recours si elles sont susceptibles de causer un préjudice irréparable. En effet, les conditions de l'art. 93 al. 1 let. b LTF n'entrent pas en ligne de compte. 
En l'occurrence, quoi que soutienne la recourante, il ne ressort pas de l'arrêt attaqué qu'elle serait tenue de reprendre le versement des prestations le temps que l'instruction soit menée à terme. En tout état de cause, la recourante conserve la possibilité de suspendre le droit de l'intimé aux prestations par voie de mesure provisionnelle si elle a des raisons sérieuses de penser que l'assuré perçoit des prestations auxquelles il n'a pas droit et qu'elle pourrait être confrontée à des difficultés de récupération des montants versés du fait de la poursuite de la procédure (art. 52a LPGA). On peut dès lors douter que l'arrêt entrepris entraîne pour la recourante un préjudice irréparable. Cette question de recevabilité peut cependant demeurer ouverte, dès lors que le recours doit de toute façon être rejeté comme on le verra ci-après. 
 
2.  
Lorsque la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente (art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF). 
L'instance précédente a exposé de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs au devoir de collaborer de l'assuré durant la procédure d'instruction, y compris les conséquences d'une violation de ce devoir (art. 28 et 43 LPGA), de sorte qu'il suffit d'y renvoyer. 
 
3.  
Les juges cantonaux ont retenu que la CNA avait à juste titre estimé nécessaire d'instruire le cas. En effet, les documents médicaux dont celle-ci disposait au moment de rendre sa décision du 1er juin 2023, de même que ceux transmis par l'assuré avec son opposition étaient laconiques sur les questions de la capacité de travail, respectivement de l'existence d'un lien de causalité entre l'accident et les lésions subies. Par ailleurs, les juges cantonaux ont considéré que les déclarations de l'assuré, selon lesquelles il n'aurait pas reçu les courriers envoyés par la CNA, dont ceux des 16 mai et 1er juin 2023, ni n'aurait été au courant des tentatives de celle-ci de le joindre, étaient peu crédibles. Ils ont dès lors admis que, à tout le moins jusqu'au 1er juin 2023, date à laquelle la CNA avait décidé de mettre un terme à ses prestations, l'assuré avait manqué à son devoir de collaborer. Cela étant, les juges cantonaux ont constaté qu'en procédure d'opposition, l'intimé avait produit plusieurs rapports médicaux sur la base desquels la CNA aurait été en mesure de recueillir des éléments d'informations supplémentaires pour statuer, notamment en s'adressant directement aux prestataires médicaux dont le nom figurait sur ces documents. Or elle s'était contentée de considérer que les tentatives de collaborer du recourant dès le 15 juin 2023 étaient tardives et qu'il ne pouvait pas revenir en arrière. La CNA avait par conséquent sanctionné à tort le manque de collaboration temporaire de l'assuré par une cessation des prestations. Elle aurait dû constater la volonté de collaborer de celui-ci à partir du 15 juin 2023 et reprendre l'instruction à partir de là. 
 
4.  
La recourante reproche aux juges cantonaux de s'être prononcés sur la situation postérieure à la date de sa décision initiale, s'écartant ainsi de l'objet de la contestation déterminé par cette décision. En irait-il autrement que la procédure de l'art. 43 al. 3 LPGA se verrait privée d'effet: les assurés non collaborants pourraient entraver l'instruction de leur dossier de nombreux mois sans que l'assureur puisse leur opposer la menace effective d'une suppression des prestations puisque toute prise de décision sanctionnant un défaut de collaboration serait annulée par le simple dépôt d'une opposition. C'est pourquoi, en procédure d'opposition, elle avait seulement examiné si sa décision initiale du 1er juin 2023 était correcte. Dans la mesure où les juges précédents avaient également admis qu'à ce moment-là, le dossier ne permettait pas d'établir l'existence des conditions du droit à la prestation de l'intimé, ils auraient dû confirmer le rejet de la demande de prestation qu'elle avait prononcée. Par ailleurs, c'était à tort que ceux-ci avaient déduit une volonté de collaborer de l'intimé du fait qu'il avait transmis des rapports médicaux à l'appui de son opposition. En effet, elle avait obtenu ces rapports directement par l'Hôpital C.________ à sa demande. Enfin, la recourante fait remarquer qu'elle ne demandait pas l'envoi de documents médicaux, mais une prise de contact de l'intimé avec elle en vue de clarifier les circonstances de l'accident et orienter la gestion du cas. Or, l'intimé n'avait toujours pas cherché à la contacter. Ses prises de position, dans lesquelles il niait avoir reçu un quelconque courrier et se plaignait de la fin du versement des indemnités journalières, ne pouvaient être assimilées à une volonté démontrée de collaborer. 
 
5.  
 
5.1. Contrairement à ce qui prévaut dans l'assurance-invalidité (art. 69 LAI), le législateur a prévu une procédure d'opposition dans le domaine de l'assurance-accidents (art. 52 LPGA). Cette procédure donne la possibilité à l'assureur de réexaminer complètement sa décision avant une procédure judiciaire éventuelle (ATF 142 V 337 consid. 3.2.2; voir également JEAN-MAURICE FRÉSARD/MARGIT MOSER-SZELESS, L'assurance-accidents obligatoire, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Sécurité sociale, 3e éd., n° 863 p. 1127). La décision sur opposition remplace alors la décision initiale et clôt la procédure administrative (ATF 143 V 295 consid. 4.1.2). Cela signifie que l'assureur est tenu de prendre en considération l'évolution des faits survenue en cours de procédure d'opposition dans la mesure où ceux-ci sont susceptibles de modifier les rapports juridiques ayant fait l'objet de la décision initiale et à propos desquels l'opposant a manifesté son désaccord (voir ATF 143 V 295 précité; également HANSJÖRG SEILER, Rechtsfragen des Einspracheverfahrens in der Sozialversicherung [Art. 52 ATSG], in Sozialversicherungsrechtstagung 2007, p. 96). La décision sur opposition fixe ainsi la limite temporelle de l'état de fait déterminant et, en cas de recours, le juge des assurances sociales en apprécie la légalité d'après l'état de fait existant au moment où elle a été rendue (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et les références).  
Il s'ensuit qu'aucun reproche ne saurait être fait aux juges précédents d'avoir porté leur examen sur la situation factuelle prévalant jusqu'au prononcé de la décision sur opposition du 10 juillet 2023. L'argumentation de la recourante au sujet de l'art. 43 al. 3 LPGA n'y change rien; ce dont elle se plaint est inhérent à l'existence d'une procédure d'opposition en matière d'assurance-accidents. En revanche, il est vrai que les juges cantonaux ont constaté de manière erronée que l'intimé avait produit des rapports médicaux à l'appui de son opposition, si bien qu'on ne peut pas en déduire une tentative de collaborer de sa part. 
 
5.2. Ce qui précède ne conduit toutefois pas à l'admission du recours. En effet, il est établi qu'en cours de procédure d'opposition, l'intimé a contacté téléphoniquement la recourante par l'intermédiaire de son amie. Les règles de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.) auraient dû amener la recourante à réitérer, à cette occasion, sa volonté de s'entretenir personnellement avec l'intimé en rappelant les conséquences d'une inaction de la part de celui-ci, voire à organiser une convocation. Mais surtout, la recourante ne pouvait pas affirmer que l'intimé ne pouvait rien faire pour changer la situation et devait attendre la décision sur opposition, ce qui est erroné dans la présente constellation où il ne tenait qu'à l'intimé de contacter la CNA pour éviter que la décision du 1er juin 2023 soit confirmée (consid. 5.1 supra). On doit admettre que par cette indication erronée, la recourante a incité l'intimé à s'abstenir de toute autre démarche envers elle jusqu'au prononcé de la décision sur opposition, voire jusqu'à l'échéance de la procédure de recours. La recourante ne saurait aujourd'hui le lui reprocher alors qu'il avait précisément pris contact avec elle, comme elle le souhaitait, certes par l'intermédiaire de son amie. Le fait que cette prise de contact ait eu lieu après la décision initiale du 1er juin 2023 ne justifiait pas de n'y donner aucune suite et de geler toute éventuelle reprise de l'instruction jusqu'à la fin de la procédure d'opposition, voire jusqu'à la fin de la procédure de recours. Les premiers juges ont donc annulé à juste titre la décision sur opposition litigieuse et invité la recourante à reprendre l'instruction.  
 
6.  
Il s'ensuit que le recours est mal fondé. Par ailleurs, le présent arrêt rend sans objet la demande de mesure provisionnelle présentée par la recourante. Cette dernière supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), ce qui rend également sans objet la demande d'assistance judiciaire de l'intimé. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 30 janvier 2024 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
La Greffière : von Zwehl