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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1B_244/2010 
 
Arrêt du 11 août 2010 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Aemisegger, Juge présidant, Reeb et Raselli. 
Greffière: Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Robert Assaël, avocat, 
recourant, 
 
contre 
 
Ministère public du canton de Genève, case postale 3565, 1204 Genève. 
 
Objet 
Refus de mise en liberté provisoire, 
 
recours contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation de la Cour de justice du canton de Genève du 16 juillet 2010. 
 
Faits: 
 
A. 
A.________, ressortissant américain, se trouve en détention préventive depuis le 25 novembre 2008, sous l'inculpation d'infraction à l'art. 19 al. 2 de la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup; RS 812.121), voire de blanchiment d'argent (art. 305bis CP). Il lui est notamment reproché d'avoir, à tout le moins depuis l'année 1999, participé à un trafic de drogue et d'avoir pris les mesures nécessaires pour récupérer le produit dudit trafic en détenant dans un coffre-fort auprès de la banque UBS les sommes de 88'920 livres sterling, de 55'950 euros, de 84'000 dollars et de 45'000 francs suisses. La plupart de cet argent était en petites coupures, certaines réagissant positivement à la cocaïne lors du test "ionscan". Le prénommé aurait aussi versé sur son compte auprès de la banque UBS la somme de 1'459'199 dollars en espèces du 20 juillet 1999 au 2 novembre 2007, ainsi que la somme de 94'000 livres sterling du 4 octobre 2007 au 14 octobre 2008, la provenance des fonds n'étant pas établie. L'intéressé a reconnu les faits dans leur large majorité. 
Le 16 décembre 2009, le Juge d'instruction du canton de Genève (ci-après: le Juge d'instruction) a communiqué la procédure pénale au Procureur général du canton de Genève, l'instruction préparatoire ayant pris fin. Par ordonnance du 30 mars 2010, la Chambre d'accusation de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Chambre d'accusation) a renvoyé A.________ en jugement devant la Cour correctionnelle sans jury du canton de Genève (ci-après: la Cour correctionnelle), pour infractions graves à la LStup et blanchiment d'argent aggravé. L'audience de jugement devant la Cour correctionnelle a été fixée au 15 décembre 2010. 
 
B. 
La détention préventive du prénommé a été régulièrement prolongée. Le 12 juillet 2010, A.________ a formé une demande de mise en liberté provisoire. Par ordonnance du 16 juillet 2010, la Chambre d'accusation a rejeté cette demande. Elle a considéré en substance qu'il existait un risque très élevé de fuite. 
 
C. 
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler cette ordonnance et de prononcer sa mise en liberté immédiate aux conditions qu'il plaira au Tribunal de céans de fixer. Il conclut subsidiairement au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il requiert en outre l'assistance judiciaire. 
La Chambre d'accusation se réfère aux considérants de l'ordonnance attaquée. Le Ministère public du canton de Genève conclut au rejet du recours. Le recourant a répliqué. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre une décision relative au maintien en détention préventive. Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF), le recours en matière pénale est recevable. 
 
2. 
Contrairement à ce qu'a retenu l'ordonnance attaquée, l'audience de jugement, agendée au 15 décembre 2010, n'aura pas lieu devant la Cour d'assise, mais devant la Cour correctionnelle. Cette inadvertance de l'instance précédente doit être rectifiée d'office sur la base de l'art. 105 al. 2 LTF
 
3. 
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 34 du code de procédure pénale du canton de Genève du 29 septembre 1977 (CPP/GE; RSG E 4 20). Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion et de réitération (cf. art. 34 let. a à c CPP/GE). Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes (art. 5 par. 1 let. c CEDH; ATF 116 Ia 144 consid. 3; art. 34 in initio CPP/GE). 
 
4. 
Le recourant, à juste titre, ne remet pas en cause la base légale de sa détention, ni l'existence de charges suffisantes à son encontre. Il ne conteste pas non plus la grande majorité des faits qui lui sont reprochés. En revanche, il reproche à la Chambre d'accusation de ne pas avoir retenu que le risque de fuite - qui n'est que théorique selon lui - pouvait être pallié par l'obligation de résidence dans son appartement à Genève, couplée du port du bracelet électronique et du dépôt de ses papiers d'identité et, si nécessaire de la présentation régulière à un poste de police. 
 
4.1 Le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'Etat qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable (ATF 117 Ia 69 consid. 4a p. 70 et la jurisprudence citée). La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62; 117 Ia 69 consid. 4a p. 70, 108 Ia 64 consid. 3 p. 67). 
Lorsqu'une détention se prolonge uniquement en raison de la crainte de voir l'accusé se soustraire par la fuite à sa comparution ultérieure devant ses juges, l'intéressé a le droit d'être libéré s'il peut fournir des garanties adéquates de représentation (art. 5 par. 3 CEDH; art. 9 al. 3 Pacte ONU II; ATF 133 I 27 consid. 3.2 p. 29-30; arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme Wemhoff contre Allemagne du 27 juin 1968, série A, vol. 7, par. 15; Letellier contre France du 26 juin 1991, série A, vol. 207, par. 46). Ces garanties ne se limitent pas au versement d'une caution financière; elles peuvent également consister en des mesures de contrôle judiciaire, telles que l'obligation de se présenter à une autorité déterminée ou le dépôt du passeport ou des papiers d'identité, lorsque ces mesures sont propres à assurer la présence du prévenu aux actes d'instruction et aux débats (ATF 133 I 27 consid. 3.2 p. 29 s. et les références citées). En tant qu'elles emportent une atteinte moins grave à la liberté personnelle que la détention préventive, de telles mesures s'imposent même en l'absence d'une base légale expresse, que ce soit directement en vertu du droit du prévenu à être libéré moyennant des garanties, tel qu'il est garanti à l'art. 5 par. 3 CEDH, du principe "in maiore minus", du principe de la subsidiarité de la détention préventive, du principe de la proportionnalité ou encore de l'obligation pour les organes étatiques de garantir le respect des libertés individuelles (ATF 133 I 27 consid. 3.2 p. 29 s. et les références citées). Selon l'art. 155 CPP/GE, la mise en liberté du prévenu peut être accordée moyennant des sûretés ou obligations. 
 
4.2 En l'espèce, il est vrai que le recourant peut se prévaloir de liens avec la Suisse, dans la mesure où sa compagne, citoyenne lettone et co-inculpée dans cette affaire, ainsi que sa fille âgée de six ans y résident. Cela étant, l'intéressé a également des liens avec l'étranger, puisqu'il est de nationalité américaine et est domicilié en Floride. Les attaches du recourant avec la Suisse doivent en outre être mises en balance avec la gravité des actes reprochés et la peine privative de liberté importante qu'il encourt et qui pourrait l'inciter à faire certains sacrifices pour y échapper. La Chambre d'accusation a également retenu que l'intéressé passait chaque année la plupart de son temps aux Etats-Unis. L'ensemble de ces éléments apparaît suffisant pour retenir un risque concret de fuite. L'arrêt attaqué ne prête pas le flanc à la critique sur ce point. 
Quant aux autres mesures de substitution susceptibles de pallier le risque de fuite, proposées par le recourant, elles apparaissent clairement insuffisantes au regard de l'intensité dudit risque. A cet égard, la Chambre d'accusation a considéré que l'intéressé ne proposait aucune caution, se disant démuni d'argent et que, de toute façon, une caution - quel qu'en soit le montant - ne serait pas de nature à pallier le danger de fuite, vu la peine menace encourue. Elle a ajouté que la pose d'un bracelet électronique ne pouvait pas non plus être retenue, dans la mesure où elle n'était pas prévue par le Code de procédure pénale genevoise, cette mesure concernant de surcroît essentiellement les modalités d'exécution de peines. Dans ses déterminations devant le Tribunal de céans, le Procureur général a précisé que le bracelet électronique n'était pas de nature à prévenir la fuite et n'avait pas pour but de garantir la présence de l'accusé à un procès. Il a ajouté que le 29 juin 2010, le recourant s'était vu résilier le bail de l'appartement qu'il louait à Genève pour défaut de paiement de loyer. Il n'apparaît pas non plus que l'intéressé et sa compagne aient trouvé du travail à Genève. Dans ces circonstances, le dépôt des papiers d'identité et l'obligation de se présenter périodiquement à un poste de police, même ordonnés avec la pose d'un bracelet électronique, ne sont pas de nature à empêcher une personne dans la situation du recourant, de s'enfuir à l'étranger. Ainsi, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la Chambre d'accusation peut être suivie lorsqu'elle considère que le maintien en détention est justifié par un risque de fuite qui demeure concret, les mesures de substitution proposées par l'intéressé n'étant manifestement pas propres à limiter ce risque de façon déterminante. 
 
5. 
Enfin, le recourant invoque l'art. 29 al. 2 Cst., faisant valoir que la question de la proportionnalité de la détention et celle du respect du principe de célérité n'ont pas été examinées dans l'ordonnance attaquée, alors qu'il avait plaidé ces points en audience. 
 
5.1 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) le devoir pour le juge de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à ces exigences, le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 134 I 83 consid. 4.1 p. 88 et les arrêts cités). 
 
5.2 Pour satisfaire aux exigences de l'art. 112 al. 1 let. b LTF, les décisions susceptibles d'un recours au Tribunal fédéral doivent notamment indiquer clairement les faits qui sont établis et les déductions juridiques qui sont tirées de l'état de fait déterminant (ATF 135 II 145 consid. 8.2 p. 153 et les références citées). Savoir quels sont les faits déterminants revêt une importance particulière dans la mesure où le Tribunal fédéral est en principe lié par ceux arrêtés par la dernière instance cantonale en vertu de l'art. 105 al. 1 LTF. Un état de fait insuffisant empêche l'application des règles de droit pertinentes à la cause. Un tel manquement constitue donc une violation du droit que le Tribunal fédéral peut constater d'office (cf. ATF 135 II 145 consid. 8.2 précité). 
 
5.3 En l'espèce, l'ordonnance de refus de mise en liberté attaquée est dépourvue de tout état de fait et est muette sur les questions de la proportionnalité de la détention et du respect du principe de célérité. On ignore notamment l'argumentation du recourant développée en audience devant la Chambre d'accusation ainsi que les motifs pour lesquels l'audience de jugement a été fixée 8 mois et demi après l'ordonnance de renvoi. En l'absence d'un état de fait auquel il est possible de rattacher la détermination juridique, faute de renseignements qui permettraient de justifier la mesure litigieuse et surtout de motivation topique, le Tribunal fédéral n'est pas en mesure de vérifier la disproportion invoquée de la détention et le respect du principe de célérité. Or, la proportionnalité de la détention et le respect du principe de célérité sont des éléments fondamentaux à prendre en considération, s'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle (cf. consid. 3 ci-dessus). Cette absence de motivation ne satisfait dès lors pas aux art. 29 al. 2 Cst. et 112 al. 1 let. b LTF. 
 
5.4 Lorsque le Tribunal fédéral constate que la procédure de prolongation de la détention n'a pas satisfait aux garanties constitutionnelles ou conventionnelles en cause, il n'en résulte pas obligatoirement que le prévenu doive être remis en liberté (ATF 116 Ia 60 consid. 3b p. 64; 115 Ia 293 consid. 5g p. 308; 114 Ia 88 consid. 5d p. 93). Tel est le cas en particulier lorsque, comme en l'espèce, la décision attaquée est partiellement annulée pour des raisons formelles liées à l'absence d'une motivation suffisante et que l'existence de motifs fondés de prolonger la détention préventive ne peut pas d'emblée être exclue. La conclusion prise en ce sens par le recourant doit donc être rejetée. Pour rétablir une situation conforme au droit, il appartiendra à la Chambre d'accusation de statuer à nouveau sur la demande de prolongation de la détention, à bref délai et dans le respect des garanties découlant des art. 29 al. 2 Cst. et 112 al. 1 LTF. 
 
6. 
Il s'ensuit que le recours doit être admis partiellement au sens du considérant qui précède, et rejeté pour le surplus. La demande de mise en liberté immédiate est rejetée. Il n'y a pas lieu de percevoir des frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). Le recourant, qui obtient partiellement gain de cause avec l'assistance d'un avocat, a droit à des dépens, à la charge de l'Etat de Genève (art. 68 al. 1 LTF). Dans ces conditions, sa demande d'assistance judiciaire est sans objet. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est admis partiellement au sens du considérant 5. L'affaire est renvoyée à la Chambre d'accusation pour nouvelle décision au sens des considérants. 
 
2. 
La demande de mise en liberté immédiate est rejetée. 
 
3. 
L'Etat de Genève versera au recourant une indemnité de 2'000 francs, à titre de dépens. 
 
4. 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
5. 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public et à la Chambre d'accusation de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
Lausanne, le 11 août 2010 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Juge présidant: La Greffière: 
 
Aemisegger Tornay Schaller