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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_364/2022  
 
 
Arrêt du 12 mai 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jametti, Présidente, Kiss et May Canellas, 
greffière Monti. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Laurent Isenegger, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Z.________, 
représenté par Me Sarah Halpérin, avocate, 
intimé. 
 
Objet 
contrat de travail; salaire; compensation; clause de non-concurrence, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 4 juillet 2022 par la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève (C/26041/2019-4; CAPH/100/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Z.________ a travaillé pour la société A.________ SA en tant qu'ingénieur en logiciels dès le 1er octobre 2013. Son contrat de travail prévoyait un salaire mensuel fixe plus une rémunération variable sous la forme d'un bonus payable en janvier.  
L'art. 5b, inséré dans un chapitre consacré à la « propriété intellectuelle », avait la teneur suivante: 
« L'Employeur est réputé unique et exclusif titulaire des droits de propriété intellectuelle, savoir-faire, secrets d'affaires ou autres prérogatives portant sur tout aspect des projets (spécifications, plans, etc.) et des développements software (documentation, codes-source, etc.) que l'Employé a réalisés ou auxquels il a participé dans l'exercice de son activité au service de l'Entreprise et conformément à ses obligations contractuelles. L'article 332 al. 1 CO est applicable par analogie. » 
L'employé s'engageait « à ne pas utiliser ou révéler, que ce [fû]t avant, pendant ou après les rapports de travail, pour son propre compte ou pour celui d'un tiers, tout ou partie des projets ou développements software protégés par des droits de propriété intellectuelle, savoir-faire, secrets d'affaires ou autres prérogatives dont l'Entreprise serait titulaire. » (art. 5d) 
Au titre des « informations confidentielles » à ne pas divulguer figurait notamment « tout programme, donnée, idée, principe, système, procédure, technique ou langage informatique qui n'appart[enai]t pas au domaine public. » (art. 7a al. 2 let. ii) 
L'accord contenait des clauses de « prohibition de concurrence ». 
Enfin, l'art. 9 instaurait des « clauses pénales en cas de violation des clauses de propriété intellectuelle, de devoir de confidentialité et de prohibition de concurrence ». La sanction pouvait ascender jusqu'à douze salaires mensuels. 
 
A.b. Le 12 juillet 2018, l'employé a interpellé son employeuse sur des arriérés de salaire. Le 3 septembre suivant, il lui a adressé une « ultime mise en demeure ».  
Le 19 septembre 2018, les parties, représentées par leurs avocats, ont négocié une transaction prévoyant notamment ce qui suit : 
« - Paiement par l'Employeur à l'Employé de CHF 20'000 net par transfert bancaire au plus tard le vendredi 21 septembre 2018 au titre des arriérés de 'salaire', étant entendu que les parties procéderont à un décompte définitif de ces arriérés nets [...] au plus tard le 31 décembre 2018, de sorte que le droit de l'Employé de réclamer le solde après cette date est réservé. [...] 
- Salaire mensuel fixe de l'Employé augmenté à CHF 8'500 brut dès le 1.10.2018. 
-..] 
- Paiement de CHF 11'500 [...] brut [...] par transfert bancaire au plus tard le 31 octobre 2018 au titre des arriérés de 'prime initiale' [...]. 
- Paiement de CHF 10'000 net par transfert bancaire au plus tard le 30 novembre 2018 au titre des 'primes de rattrapage conditionnelles' [...]. 
-..] » 
 
A.c. Conformément à cet accord, l'employeuse a versé 20'000 fr. nets à l'employé le 21 septembre 2018.  
 
A.d. Le 16 janvier 2019, ce dernier a démissionné pour le 28 février 2019, dans le délai de préavis réduit aménagé par l'accord.  
 
A.e. Le 31 mai 2019, l'employé a fait notifier à l'employeuse un commandement de payer les créances de 2 x 8'500 fr. pour les salaires de janvier et février 2019, de 1'414 fr. 70 à titre d'indemnité pour des vacances non prises en 2019 et de 10'830 fr. pour des frais d'avocats avant procès (poursuite «L»).  
Le 3 juin 2019, il lui a encore fait adresser un second commandement de payer les sommes de 11'500 fr. à titre d'arriérés de prime initiale et de 10'000 fr. en guise de primes de rattrapage conditionnelles, le tout « selon reconnaissance de dette du 19.09.2018 » (poursuite «K»). 
A chaque fois, l'employeuse a formé opposition. 
Dans la poursuite «K», l'employé a obtenu la mainlevée provisoire pour la créance de 10'000 fr., selon jugement du 5 mai 2020. 
 
B.  
 
B.a. Dans un délai de 20 jours dès la notification de cette décision, soit le 2 juin 2020, l'employeuse a saisi le Tribunal des prud'hommes du canton de Genève d'une action en libération de dette visant à constater qu'elle ne devait pas la somme de 10'000 fr. réclamée dans la poursuite «K».  
L'employé a conclu au rejet de la demande et, reconventionnellement, au paiement de 10'000 fr. 
De son côté, il avait déjà ouvert action en paiement le 8 novembre 2019. Vu l'échec de la conciliation, il a déposé une demande le 9 juillet 2020 devant cette même autorité, comprenant les postes suivants: 
 
- 17'000 fr. (2 x 8'500 fr.) pour les salaires de janvier et février 2019; 
- 1'414 fr. 70 à titre d'indemnité pour les vacances non prises en 2019; 
- 15'325 fr. de bonus pour les années 2014 à 2018; 
- 8'958 fr. 25 à titre d'arriérés de salaire, non soldés par le versement effectué le 21 septembre 2018; 
- 10'830 fr. en dédommagement des frais d'avocat engagés avant le procès, conclusion ultérieurement augmentée à 11'195 fr. 70, et enfin, 
- 11'500 fr. pour l'arriéré de prime initiale prévu selon l'accord du 19 septembre 2018. 
L'employeuse a conclu au rejet et réclamé sur reconvention une pénalité de 102'000 fr. 
Le tribunal prud'homal, qui avait joint les causes, a statué sur les actions le 24 août 2021. Il a donné raison à l'employé sur l'action en libération de dette et lui a alloué 10'000 fr. en guise de primes de rattrapage conditionnelles. Il a également admis ses conclusions dans l'action en paiement, à l'exclusion de ses prétentions visant à l'octroi de bonus (15'325 fr.). En revanche, il a rejeté la demande reconventionnelle de l'employeuse en paiement de 102'000 fr. Il a encore prononcé la mainlevée définitive des oppositions formées dans les deux poursuites en cours. 
 
B.b. Statuant sur appel de l'employeuse, la Cour de justice genevoise a confirmé cette décision. Tout au plus a-t-elle rectifié une erreur de plume qui s'était glissée dans le dispositif de jugement (lequel allouait 9'914 fr. 70 pour l'indemnisation de vacances non prises, en lieu et place de 1'414 fr. 70). Ses motifs seront exposés dans les considérants juridiques du présent arrêt, dans la mesure nécessaire au traitement des griefs.  
 
C.  
L'employeuse a interjeté un recours en matière civile invitant le Tribunal fédéral à « débouter [l'ex-employé] de toutes ses conclusions » et à « annuler les commandements de payer ». 
L'employé a conclu au rejet du recours, suscitant une réplique de la partie adverse qu'il a renoncé à commenter. 
L'autorité précédente s'est référée à son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Interjeté dans le délai légal (art. 100 al. 1 en lien avec l'art. 46 al. 1 let. b LTF) par l'employeuse, qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF) ciblant une décision finale (art. 90 LTF) rendue sur appel par le tribunal supérieur du canton de Genève (art. 75 LTF), dans une affaire civile de droit du travail (art. 72 al. 1 LTF) dont la valeur litigieuse excède 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF), le présent recours en matière civile est recevable sur le principe. 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été arrêtés de façon manifestement inexacte - c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. - ou en violation du droit défini à l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).  
L'appréciation des preuves est tenue pour arbitraire si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de prendre en compte des preuves pertinentes ou a effectué des déductions insoutenables à partir des éléments recueillis (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2). 
Conformément au principe de l'allégation ancré à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie qui croit discerner un arbitraire dans les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et par le détail en quoi ce vice serait réalisé (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références). Si elle aspire à faire compléter cet état de fait, elle doit démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes les faits juridiquement pertinents et les moyens de preuve adéquats en se conformant aux règles de procédure (ATF 140 III 86 consid. 2 p. 90). La cour de céans ne saurait prendre en compte des affirmations qui s'écarteraient de la décision attaquée sans satisfaire aux exigences précitées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18). 
En application de ces principes, le « rappel des faits principaux » proposé en préambule du recours ne sera pas pris en considération. 
 
2.2. Sous réserve de la violation des droits constitutionnels (art. 106 al. 2 LTF), le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), ce qui l'autorise notamment à rejeter le recours en s'appuyant sur une autre motivation juridique que celle de l'autorité cantonale (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.2). Cependant, il peut se contenter d'examiner les griefs soulevés, sous réserve d'erreurs juridiques manifestes (ATF 140 III 115 consid. 2 p. 116).  
 
3.  
A ce stade, le litige au coeur de l'action en libération de dette, soit les « primes de rattrapage conditionnelles» de 10'000 fr., est réglé. En ce qui concerne la demande en paiement du 9 juillet 2020, la recourante n'explique pas ce qui pourrait la dispenser de payer 1'414 fr. 70 au titre de vacances non prises, respectivement 11'500 fr. d'« arriérés de prime initiale » - bien qu'elle sollicite le rejet total des conclusions de son ex-employé. Ces points sont dès lors acquis. 
 
4.  
 
4.1. La recourante ne conteste pas directement ses dettes salariales pour les mois de janvier et février 2019 (17'000 fr. bruts), ni les « arriérés » de salaire retenus à son encontre (8'958 fr. 25 nets en capital et intérêts moratoires). Cependant, elle prétend que ces postes devraient être réduits ou supprimés par le jeu de son « exception de compensation »: elle aurait en effet opposé une créance de 12'684 fr. 80, issue des retenues qu'elle aurait omis de pratiquer sur les salaires versés à l'employé. La cour cantonale aurait non seulement arrêté un état de fait manifestement erroné, mais aurait de surcroît enfreint les art. 120 CO, 8 CC, 229 et 230 CPC.  
 
4.2. La cour cantonale a reproché à l'employeuse de n'avoir introduit aucun allégué en rapport avec la pièce 21bis produite le 14 mai 2021: tout au plus avait-elle expliqué en audience avoir omis de procéder à des déductions. Elle n'avait pas non plus formulé de conclusion explicite et formelle au sujet de cette créance qu'elle prétendait opposer en compensation. Au surplus, la cour a mis en doute la compétence de la juridiction prud'homale pour trancher cette question et s'est déclarée incompétente s'agissant d'éventuelles erreurs liées à des cotisations LPP.  
 
4.3. La recourante persiste à soutenir qu'elle avait valablement brandi la compensation. Elle ne touche mot du problème de la compétence, mais on ne saurait lui opposer la jurisprudence exigeant d'attaquer tous les pans d'une motivation à plusieurs facettes indépendantes (ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368) : l'on peut admettre ici que la Cour de justice n'a pas tranché la thématique de la compétence. De toute façon, son grief sur la compensation est voué à l'échec.  
Le débiteur doit signifier au créancier qu'il entend exercer ce droit formateur, comme l'exprime l'art. 124 al. 1 CO: la « compensation n'a lieu qu'autant que le débiteur fait connaître au créancier son intention de l'invoquer ». D'où l'adage « sans déclaration de compensation, pas d'effet de compensation » (« ohne Verrechnungserklärung, keine Verrechnungswirkung », GAUCH ET ALII, Schweizerisches Obligationenrecht Allgemeiner Teil [OR AT], vol. II, 11e éd. 2020, n. 3248). Le débiteur doit donc émettre une manifestation de volonté claire et non équivoque, soumise à réception (arrêts 4A_328/2020 du 10 février 2021 consid. 4.2.1; 4C.65/2003 du 23 septembre 2003 consid. 3.3; 4C.132/1995 du 19 juillet 1995 consid. 3), qui peut être expresse ou tacite (arrêts 4A_23/2011 du 23 mars 2011 consid. 3.1 et 4C.90/2005 du 22 juin 2005 consid. 4; GAUCH ET ALII, op. cit., n. 3249). S'il a omis d'exprimer sa volonté avant le procès, il peut faire une affirmation en procédure (ATF 95 II 235 consid. 6), pour autant qu'elle intervienne à un stade où il est encore possible d'introduire des faits nouveaux (arrêt 4A_435/2015 du 14 janvier 2016 consid. 2.6; cf. aussi ATF 63 II 133 consid. 2 p. 139; DENIS TAPPY, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2e éd. 2019, n° 26 ad art. 222 CPC).  
 
4.4. En l'espèce, c'est bien dans le défaut d'une telle déclaration que réside le problème. Et la recourante ne démontre pas sérieusement avoir souscrit à cette exigence. Ne lui en déplaise, le simple fait de contester les allégations relatives aux prétentions salariales et de préconiser le rejet des conclusions adverses ne saurait s'interpréter comme une déclaration de compensation. Peu importe aussi qu'à l'audience des débats, les parties aient admis que « certaines déductions n'avaient pas été effectuées correctement » (arrêt attaqué, p. 10 let. n). Au demeurant, on ignore tout de la nature des déductions en cause, du montant qu'elles représentent et de la partie qui en tire avantage. A cet égard, la recourante reproche vainement à la cour cantonale de ne pas avoir comparé les fiches de salaire pour calculer le trop-perçu: elle perd de vue que la présente procédure est régie par la maxime des débats, qui dispense le juge d'établir les faits d'office (art. 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC a contrario). De toute façon, semblables questions ne se poseraient que s'il y avait eu une déclaration de compensation, ce qui est loin d'être le cas.  
Aussi ce premier grief est-il voué au rejet. 
 
5.  
La recourante dirige un deuxième moyen contre sa condamnation au paiement des frais d'avocat de l'employé avant procès (11'195 fr. 70). Ce montant - qu'elle estime « largement exagéré » - aurait été retenu sans preuve concluante. Le raisonnement suivi par la cour cantonale serait insoutenable et dénoterait une violation de l'art. 8 CC. En outre, ce poste inclut la négociation et la conclusion de l'accord du 19 septembre 2018, frais qu'elle ne saurait assumer. Le procédé reviendrait au surplus à contourner le principe de gratuité du litige prud'homal et l'absence de dépens dans ce type de procédure. 
 
5.1. La cour cantonale a concédé que l'une des notes d'honoraires avait été produite sans son annexe, tandis que l'annexe jointe à l'autre note avait été caviardée. Cela étant, elle ne voyait aucune raison de remettre en cause la réalité des honoraires. L'employeuse se plaignait à tort de ne point avoir eu accès au détail desdites factures: le secret professionnel de l'avocat et la stratégie procédurale de l'employé s'opposaient à leurs divulgations. Les prestations étaient pertinentes, ce qui résultait de l'intitulé d'une facture et des périodes concernées. Certes, ces honoraires englobaient assurément la négociation et la conclusion de l'arrangement du 19 septembre 2018. Toutefois, il s'agissait d'un accord extrajudiciaire, si bien que l'interdiction de dépens prévue par la loi ne s'appliquait pas. En outre, si cet accord avait été correctement et pleinement exécuté, l'employé n'aurait pas eu à faire valoir ce dommage supplémentaire. Quant aux conseils liés à la fin des rapports de travail, il était admissible que l'employé y recoure, puisque son salaire ne lui était plus versé.  
 
5.2. Les frais engagés pour la consultation d'un avocat avant le procès peuvent être indemnisés pour autant que cette consultation soit nécessaire et adéquate et que les frais ne soient pas couverts, ni présumés couverts par les dépens. Le demandeur doit alléguer - et prouver - avoir enduré de tels frais (ATF 139 III 190 consid. 4.2; arrêt 4A_624/2021 du 8 avril 2022 consid. 6.2).  
 
5.3. En l'occurrence, la recourante tente de faire porter le litige sur le terrain du fardeau de la preuve. Or, l'art. 8 CC n'est pas en cause: c'est bien plutôt une pure question d'appréciation des preuves qui se pose. L'employeuse - qui esquisse de façon toute sibylline le grief d'arbitraire en dénonçant un raisonnement « insoutenable » et « une constatation manifestement inexacte des faits » - ne parvient nullement à démontrer en quoi l'appréciation portée serait entachée d'un tel vice. Au niveau juridique, on ne voit pas en quoi les coûts générés par la négociation et la conclusion d'une transaction avant procès ne sauraient être dédommagés, dès lors que la recourante ne s'y est finalement pas tenue et qu'un procès a été nécessaire. En outre, s'il est vrai que dans les procédures prud'homales, le droit genevois n'instaure des émoluments qu'à partir d'un certain seuil et proscrit l'octroi de dépens pour la représentation en justice (art. 19 al. 3 let. c et art. 22 al. 2 LaCC [RS/GE E 1 05] en lien avec l'art. 116 al. 1 CPC), il ne saurait faire obstacle à une demande de réparer le dommage causé par des frais d'avocat avant procès. Rien n'indique en l'espèce que l'activité déployée était destinée à préparer ledit procès. Or, si le justiciable - comme se plaît à le rappeler la recourante - ne saurait contourner les règles de la procédure civile en cherchant à obtenir, par le droit de la responsabilité civile, un dédommagement que lui refuse le législateur (cf. ATF 139 III 190 consid. 4.4), il faut bien admettre qu'un tel cas de figure n'est pas réalisé en l'occurrence.  
Ces motifs scellent le sort du grief. 
 
6.  
 
6.1. Dans une ultime salve, la recourante critique le refus de lui allouer une pénalité de 102'000 fr. Les juges cantonaux n'auraient pas compris qu'elle avait dénoncé la violation de secrets dont elle serait titulaire, plutôt que d'invoquer une infraction à la clause de non-concurrence. Ils auraient opéré un amalgame entre le simple usage du langage informatique L.________ - non couvert par les droits de propriété intellectuelle - et les « solutions, codes et architectures » spécifiques à son propre logiciel - sur lesquels elle détiendrait des droits exclusifs que l'ex-employé aurait enfreints. Finalement, ils auraient rejeté sa requête d'expertise judiciaire au mépris des art. 150 et 152 CPC; or, seule une comparaison entre les caractéristiques de son propre logiciel et le résultat du travail déployé par l'ex-employé sur les logiciels du nouvel employeur permettrait d'établir une exploitation indue de ses secrets.  
 
6.2. L'on relèvera au préalable l'absence de conclusions topiques à ce sujet. Vu le sort réservé à cet ultime moyen, il n'est pas nécessaire de s'attarder sur cette faille.  
 
6.3. Les premiers juges avaient développé le raisonnement suivant:  
L'administration des preuves avait révélé que l'employeuse n'était pas titulaire de secrets de fabrication à caractère technique protégés en matière de propriété intellectuelle et connus d'un nombre limité de personnes. L'employé avait acquis les connaissances nécessaires en matière de langage informatique L.________ avant son emploi, et ce langage était d'ailleurs utilisé dans toutes les entreprises de la branche sans qu'il fût question de secret. 
Quant à la cour d'appel, elle a livré les réflexions suivantes: 
L'employeuse concentrait son grief sur un prétendu secret de fabrication. Cependant, elle ne parvenait pas à contrecarrer de façon convaincante l'analyse des premiers juges selon laquelle elle ne détenait pas des secrets de fabrication à caractère technique protégés. En réalité, elle reprochait à son ex-employé d'avoir acquis de l'expérience, ce qui n'était pas protégé par la clause de secret. Sa vision extensive du secret aurait pour effet d'empêcher l'ex-collaborateur d'exercer une activité future dans le domaine de l'informatique, ce qui n'était pas le but des art. 340 ss CO
Le nouvel employeur exerçait son activité depuis de nombreuses années et n'avait pas attendu l'arrivée du travailleur pour développer de nouveaux logiciels. L'employeuse ne remettait pas en cause le constat selon lequel l'ex-collaborateur déployait désormais des activités non identiques à celles qu'il avait exercées pour elle. Rien n'indiquait non plus qu'il utiliserait des secrets de fabrication acquis dans son ancien emploi. 
L'employeuse insistait sur la nécessité de mettre en oeuvre une expertise. Toutefois, une telle mesure devait servir à prouver un fait allégué, et non à rechercher une information. Par appréciation anticipée des preuves, il convenait de rejeter cette réquisition. 
 
6.4. Il appert que les juges d'appel ont identifié correctement la nature du grief, incriminant une violation du secret de fabrication. Ils ont repris à leur compte l'analyse des premiers juges selon laquelle l'employeuse ne détenait aucun secret protégé et reprochait à son ancien collaborateur rien d'autre que d'avoir utilisé l'expérience acquise chez elle.  
Conformément à la jurisprudence, les juges genevois ont distingué entre les connaissances touchant à des questions techniques, organisationnelles ou financières, que l'employeur veut garder secrètes, et les connaissances susceptibles d'être acquises dans toutes les entreprises de la même branche (ATF 138 III 67 consid. 2.3.2). Ils ont opté pour cette seconde hypothèse, et la recourante échoue à démontrer que leur analyse serait erronée. Elle se borne à répéter son grief obscur selon lequel les juges auraient confondu la problématique du langage informatique L.________ avec les singularités de son logiciel qui seraient, elles, couvertes par le secret. On ne discerne pas quelle erreur aurait entaché le raisonnement des juges genevois, qui ont pris en compte cet argument. Le cas échéant, il appartenait à la recourante, dotée des connaissances spécialisées acquises dans son activité, de mieux présenter son raisonnement afin d'expliquer en quoi l'une ou l'autre situation envisagée par les clauses contractuelles serait réalisée. Elle a préféré se retrancher derrière le refus d'expertise, alors que celui-ci, pour les raisons qui viennent d'être évoquées, ne l'empêchait pas d'alléguer de façon détaillée et compréhensible en quoi consistaient les connaissances techniques qu'elle souhaitait tenir secrètes. Dans ce contexte nébuleux, on ne voit pas en quoi la cour cantonale aurait violé les art. 150 et 152 CPC (respectivement l'art. 8 CC) en rejetant la réquisition d'expertise. En particulier, la recourante ne prétend pas ni ne démontre avoir émis les allégués pouvant servir de fondement à une telle mesure. 
Ce dernier grief doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
7.  
Tel est, en définitive, le sort que doit connaître le recours dans son entier. Partant, la recourante supportera les frais de procédure (art. 66 al. 1 LTF) et versera à son adverse partie une indemnité pour ses frais d'avocat (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais de procédure fixés à 3'000 fr. sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 3'500 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 12 mai 2023 
 
Au nom de la I re Cour de droit civil  
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
La Greffière : Monti