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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1B_117/2009 
 
Arrêt du 27 août 2009 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Eusebio. 
Greffier: M. Kurz. 
 
Parties 
A.________, représenté par Me Benoît Dayer, avocat, 
recourant, 
 
contre 
 
Ministère public de la Confédération, 1000 Lausanne 22. 
 
Objet 
Procédure pénale, séquestre aux fins de confiscation, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral, Ire Cour des plaintes, du 8 avril 2009. 
 
Faits: 
 
A. 
Dans le cadre d'une enquête de police judiciaire ouverte au mois de mars 2008 pour blanchiment d'argent, le Ministère public de la Confédération (ci-après: MPC) a ordonné, le 28 mars 2008, le blocage d'un compte détenu par A.________ auprès de la banque X.________. La production des documents bancaires a été ordonnée. Le 16 juillet 2008, le MPC a ordonné la même mesure à l'égard d'un compte détenu par la même personne auprès de la banque Y.________. 
Le 17 octobre 2008, A.________ a demandé la levée de ces blocages, qui a été refusée par le MPC le 5 novembre suivant. A.________ figurait toujours dans la base de données RIPOL; son frère B.________ paraissait impliqué dans plusieurs procédures pénales. Même si les fonds provenaient d'un avancement d'hoirie, rien ne permettait d'en démontrer l'origine. La prescription n'était pas acquise. 
 
B. 
Par arrêt du 8 avril 2009, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a rejeté le recours formé par A.________. B.________ disposant d'une procuration sur le compte auprès de la banque X.________, et intervenant dans sa gestion, les fonds paraissaient appartenir aux deux frères. Il en allait de même pour le compte auprès de la banque Y.________, les deux frères disposant d'une carte Visa sur ce compte. A.________ avait été condamné en Roumanie à deux ans de prison pour usage d'arme, et le refus d'extradition par la Syrie n'équivalait pas à un acquittement. Toutefois, il n'y avait pas de rapport établi entre cette infraction et les fonds bloqués. En revanche, le frère du recourant avait subi de nombreuses condamnations ces dernières années, notamment pour séquestration et détention illégale d'armes (1998), évasion fiscale, et corruption active (1999). Il était aussi poursuivi pour contrebande de cigarettes avec usage de faux. Ces nombreux délits pouvaient être à l'origine des fonds séquestrés. L'infraction de blanchiment d'argent en Suisse était réalisée par les transferts de fonds à l'étranger et par la dissimulation du titulaire économique des avoirs. La prescription n'était pas atteinte, car si les premiers versements sur les comptes avaient eu lieu en 1995, de nombreux placements et investissements fiduciaires avaient eu lieu par la suite, notamment après l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation en octobre 2002. 
 
C. 
A.________ forme un recours en matière pénale par lequel il demande l'annulation de l'arrêt de la Cour des plaintes et de la décision du MPC du 5 novembre 2008, et la levée immédiate des séquestres. Subsidiairement, il conclut à ce que le MPC soit invité à impartir un délai de deux mois aux autorités roumaines pour exécuter les commissions rogatoires qui leur ont été adressées, faute de quoi la levée des séquestres sera ordonnée. Plus subsidiairement, il demande le renvoi de la cause à la Cour des plaintes afin qu'elle statue dans le sens des considérants. 
La Cour des plaintes se réfère à son arrêt. Le MPC s'est prononcé dans le sens du rejet du recours. Le recourant a répliqué. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le recours en matière pénale, au sens de l'art. 78 al. 1 LTF, est ouvert contre une décision prise par la Cour des plaintes portant, comme en l'espèce, sur un séquestre en vue de confiscation (art. 79 in fine LTF). Dans la mesure où le recourant est titulaire des comptes bloqués, il a qualité pour recourir au sens de l'art. 81 al. 1 LTF
 
1.1 Le recours étant dirigé contre une mesure provisionnelle, seule peut être invoquée la violation de droits fondamentaux (art. 98 LTF; cf. ATF 126 I 97 consid. 1c p. 102). Lorsque de tels griefs sont soulevés, l'art. 106 al. 2 LTF prévoit pour la motivation du recours des exigences qualifiées (ATF 134 I 83 consid. 3.2 p. 88). Le recourant doit ainsi indiquer quel droit constitutionnel aurait été violé et montrer, par une argumentation circonstanciée en quoi consiste cette violation (cf. ATF 133 II 249 consid. 1.4.2 p. 254). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (cf. ATF 133 III 585 consid. 4 p. 589; 130 I 258 consid. 1.3 et les arrêts cités). 
 
1.2 Les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêt attaqué et à la levée des séquestre sont recevables (art. 107 al. 2 LTF). En revanche, les conclusions relatives au délai d'exécution des commissions rogatoires adressées à la Roumanie sont irrecevables, car elles sont sans rapport direct avec l'objet de la contestation (ATF 135 I 91 consid. 2.1 p. 93). 
 
1.3 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Dans le cadre d'un recours dirigé contre une mesure provisionnelle, le recourant ne peut critiquer la constatation des faits, susceptibles d'avoir une influence déterminante sur l'issue de la procédure, que si ceux-ci ont été établis en violation de droits fondamentaux, ce qu'il lui appartient de démontrer par une argumentation répondant aux exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF. Le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral est limité, pratiquement, à l'arbitraire (cf. ATF 133 III 393 consid. 7.1 p. 398). 
 
2. 
Le recourant estime que l'origine criminelle des fonds saisis ne serait pas vraisemblable. Les fonds déposés à la banque X.________ proviendraient d'un avancement d'hoirie versé par son père en 1992. Comme l'a relevé la Cour des plaintes, il n'y aurait aucun lien entre l'infraction pour laquelle il a été lui-même condamné et les fonds déposés en Suisse. Quant aux poursuites dirigées contre son frère, elles auraient toutes été abandonnées, en dernier lieu par une décision de classement du 17 septembre 2008. Les deux condamnations, en 1998 et 1999 ne présenteraient pas de lien avec le compte ouvert en 1995, et n'auraient pu produire aucun avantage financier. Le recourant conteste aussi que son frère puisse être considéré comme ayant droit économique des fonds. Il estime enfin qu'une confiscation serait improbable, l'infraction de blanchiment en Suisse étant selon lui prescrite. 
 
2.1 Le séquestre pénal est une mesure conservatoire provisoire destinée à préserver les objets ou valeurs que le juge du fond pourrait être amené à confisquer ou qui pourraient servir à l'exécution d'une créance compensatrice. En l'espèce, l'arrêt attaqué est fondé sur l'art. 65 PPF, disposition selon laquelle peuvent être séquestrés les objets et les valeurs "qui feront probablement l'objet d'une confiscation". Comme cela ressort du texte de cette disposition, une telle mesure est fondée sur la vraisemblance; elle porte sur des objets dont on peut admettre, prima facie, qu'ils pourront être confisqués en application du droit pénal fédéral. Une simple probabilité suffit car, à l'instar de toute mesure provisionnelle, la saisie se rapporte à des prétentions encore incertaines. L'autorité doit pouvoir décider rapidement du séquestre provisoire, ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 116 Ib 96 consid. 3a p. 99; 103 Ia 8 consid. III/1c p. 13; 101 Ia 325 consid. 2c p. 327). Le séquestre pénal se justifie aussi longtemps que subsiste une probabilité de confiscation (SJ 1994 p. 90 et 102). 
 
2.2 L'arrêt attaqué ne retient, à l'égard du recourant, aucune infraction pouvant justifier une éventuelle confiscation. En revanche, le frère du recourant, malgré plusieurs décisions de grâce et d'abandons de poursuites, a subi de nombreuses condamnations, notamment en 1998 pour séquestration et détention illégale d'armes, ainsi qu'en 1999 pour instigation à corruption active. Il serait par ailleurs poursuivi pour contrebande, faux et escroquerie. Contrairement à ce que soutient le recourant, ces infractions - en particulier les dernières citées - sont évidemment susceptibles de procurer à leur auteur un enrichissement illégitime. Il apparaît ainsi suffisamment vraisemblable que les comptes du recourant aient pu être alimentés, entre 1995 et 1998, par des fonds d'origine criminelle. 
 
2.3 Le recourant conteste également en vain que son frère puisse être considéré comme le bénéficiaire économique des fonds séquestrés. B.________ dispose de pouvoirs sur le compte ouvert auprès de la banque X.________, et est intervenu activement dans la gestion de ce dernier, dès 1998, en négociant avec le gestionnaire et en se prononçant sur les investissements. Le conseiller de la banque a ainsi déclaré que les fonds semblaient appartenir aux deux frères. Sur le vu de ces indications, on peut admettre à ce stade, en dépit des dénégations du recourant, que son frère dispose d'un véritable pourvoir de disposition sur ces avoirs. B.________ détient également une procuration sur le compte auprès de la banque Y.________; il l'utilise fréquemment pour ses paiements, par le biais d'une carte de crédit. L'appartenance économique de ces fonds au frère du recourant n'est d'ailleurs pas contestée dans le recours. 
 
2.4 Le recourant estime que, pour un acte de blanchiment consistant dans l'ouverture des comptes en octobre 1995, la prescription serait acquise depuis le mois d'octobre 2000. La Cour des plaintes a admis l'argument, mais a considéré que les placements fiduciaires effectués à l'étranger depuis lors pouvaient constituer des actes de blanchiment. Le recourant le conteste. Il relève que des placements fiduciaires ne sont propres ni à faire disparaître les fonds ni à en entraver la découverte, puisque ceux-ci qui reviennent systématiquement sur le compte d'origine. 
Le recourant méconnaît que s'il lui est reproché d'apparaître comme titulaire des comptes afin de dissimuler le véritable détenteur des fonds, il s'agirait là, en soi, d'un acte de blanchiment. Dans cette hypothèse, l'infraction ne s'achèverait pas avec la seule ouverture du compte bancaire, mais se renouvellerait à chaque opération effectuée au nom du recourant mais pour le compte de son frère. Le MPC soutient, en citant NIKLAUS SCHMID (Kommentar Entziehung, Organisiertes Verbrechen, Geldwäscherei, Bd II, Zurich 2002, n° 259 ad art. 305ter CP), que le défaut d'identification de l'ayant droit économique constituerait une sorte de délit continu qui ne prendrait fin qu'à la découverte de l'ayant droit véritable, et en tout cas à la clôture de la relation bancaire. Dans la mesure où l'agissement illicite consiste dans la gestion de comptes bancaires au nom d'un ayant droit faussement désigné, on pourrait effectivement y voir un délit continu au sens de l'art. 98 let. c CP (cf., s'agissant de l'art. 305ter CP, ATF 134 IV 307 consid. 2.4 p. 311, SJ 2009 p. 142 s.). On ne saurait dès lors soutenir, comme le fait le recourant, que l'infraction de blanchiment, et, partant, le droit de confisquer, seraient manifestement prescrits. 
 
3. 
Dès lors que les conditions posées à l'art. 65 PPF sont réunies, l'atteinte au droit de propriété du recourant repose sur une base légale et est justifiée par un intérêt public prépondérant (art. 36 al. 1 et 2 Cst.). Le recourant invoque le principe de la proportionnalité, mais ne prétend pas qu'il existerait une autre mesure, moins incisive, propre à garantir l'exécution d'une éventuelle confiscation. Le recourant relève que le séquestre dure depuis seize mois, mais ne soutient pas que la procédure pénale qui pourrait conduire à une confiscation ne serait pas menée avec une célérité suffisante. Dans la mesure où il a une portée propre, le grief doit être écarté. 
 
4. 
Le recours doit par conséquent être rejeté, dans la mesure où il est recevable. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont à la charge du recourant. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 3000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de la Confédération et au Tribunal pénal fédéral, Ire Cour des plaintes. 
 
Lausanne, le 27 août 2009 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: Le Greffier: 
 
Féraud Kurz