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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
6P.139/2004 
6S.382/2004 /rod 
 
Arrêt du 28 octobre 2004 
Cour de cassation pénale 
 
Composition 
MM. les Juges Schneider, Président, 
Kolly et Karlen. 
Greffière: Mme Kistler. 
 
Parties 
X.________, 
recourant, représenté par Me Stéphane Ducret, avocat, 
1002 Lausanne, 
 
contre 
 
Y.________, 
intimée, représentée par Me Cornelia Seeger Tappy, avocate, 
Ministère public du canton de Vaud, 
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne, 
Tribunal cantonal du canton de Vaud, 
Chambre des révisions civiles et pénales, rte du Signal 8, 1014 Lausanne. 
Objet 
 
Demande de révision (art. 397 CP), 
 
pourvoi en nullité et recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des révisions civiles et pénales, du 10 septembre 2004. 
 
Faits: 
A. 
Par jugement du 2 octobre 2003, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois a condamné X.________ pour contrainte sexuelle, viol et inceste à la peine de quatre ans de réclusion et a ordonné l'expulsion de ce dernier du territoire suisse pour une durée de douze ans. 
 
Ce jugement retient notamment que X.________, né en 1957, ressortissant bosniaque, s'est rendu coupable, entre juin 2000 et février 2001, d'abus sexuels sur la personne de sa fille aînée Y.________, née le 30 mai 1984. Au centre de réfugiés de Genève, il a procédé, de manière furtive, à des attouchements sous les vêtements de sa fille et l'a obligée à le masturber ou à lui faire des fellations. Il a poursuivi ces actes au centre de requérants d'asile de Leysin; lorsque son épouse et ses autres enfants étaient absents, il a également imposé à sa fille des relations sexuelles complètes. 
B. 
Par arrêt du 19 janvier 2004, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours que X.________ avait formé contre le jugement du 2 octobre 2003. 
 
Contre cet arrêt, X.________ a déposé le 7 avril 2004 un pourvoi en nullité et un recours de droit public au Tribunal fédéral. Ces recours ont été suspendus jusqu'à droit connu sur la présente procédure en révision (art. 275 al. 1 PPF). 
C. 
Le 16 avril 2004, X.________ a déposé une demande de révision du jugement du 2 octobre 2003 auprès de la Chambre des révisions civiles et pénales du canton de Vaud. A l'appui de cette demande, il a produit un agenda de l'année 1995 annoté en allemand et en serbo-crate, qu'il a présenté comme le journal intime de Y.________ pour l'année 2000. 
 
En application de l'art. 462 al. 1 du code de procédure pénale vaudois (ci-après: CPP/VD), la Chambre des révisions civiles et pénales a invité le juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne à faire traduire l'entier du journal intime par un interprète officiel. Le greffe a ensuite adressé les deux traductions du journal - l'une des textes allemands, l'autre des textes serbo-croates - au requérant et au Ministère public, en leur impartissant un délai pour se déterminer. Dans son courrier du 24 août 2004, le requérant a observé que les traductions officielles ne faisaient que confirmer ce qui ressortait des extraits qu'il avait cités à l'appui de sa demande de révision et a conclu qu'il disposait d'un élément de preuve nouveau et pertinent. 
 
Statuant le 10 septembre 2004, la Chambre des révisions civiles et pénales a rejeté la demande de révision formée par X.________ au motif que le journal intime ne constituait pas un moyen de preuve sérieux au sens de l'art. 397 CP. Selon elle, ni l'allusion que le journal contenait aux "mensonges" de "Jasmin" sous la date du 27 octobre 2000 ni l'absence de toute référence claire à des abus sexuels n'étaient de nature à ébranler les constatations de fait sur lesquelles la condamnation pour contrainte sexuelle, viol et inceste était fondée. 
D. 
Contre l'arrêt de la Chambre cantonale des révisions, X.________ forme un recours de droit public et un pourvoi en nullité au Tribunal fédéral. Dans ces deux recours, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué. En outre, il sollicite l'assistance judiciaire. 
 
La Chambre cantonale des révisions a renoncé à déposer des observations. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
I. Recours de droit public 
1. 
Le recours de droit public au Tribunal fédéral peut être formé contre une décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ). Il ne peut cependant pas être exercé pour une violation du droit fédéral, laquelle peut donner lieu à un pourvoi en nullité (art. 269 al. 1 PPF); un tel grief ne peut donc être invoqué dans le cadre d'un recours de droit public, qui est subsidiaire (art. 84 al. 2 OJ; art. 269 al. 2 PPF). 
 
En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit, à peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation. Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'a donc pas à vérifier de lui-même si la décision attaquée est en tous points conforme au droit ou à l'équité. Il n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (ATF 129 I 185 consid. 1.6 p. 189, 113 consid. 2.1 p. 120; 125 I 71 consid. 1c p. 76). 
2. 
2.1 L'art. 397 CP impose aux cantons de prévoir un recours en révision en faveur du condamné contre les jugements rendus en vertu du code pénal ou d'une autre loi fédérale, quand des faits ou des moyens de preuve sérieux et dont le juge n'avait pas eu connaissance lors du premier procès viennent à être invoqués. Le législateur vaudois s'est plié à cette injonction en adoptant l'art. 455 CPP/VD, aux termes duquel la révision d'un jugement ou d'une ordonnance de condamnation, ainsi que celle d'un arrêt de la cour de cassation, peut être demandée quand des faits ou des moyens de preuve sérieux et dont le juge n'avait pas eu connaissance lors du premier procès viennent à être invoqués. 
La révison est ainsi subordonnée à une double exigence: les faits ou moyens de preuve invoqués doivent être, d'une part, nouveaux et, d'autre part, sérieux. Les faits ou moyens de preuve sont nouveaux lorsque le juge n'en a pas eu connaissance au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire qu'ils ne lui ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit. Ils sont sérieux lorsqu'ils sont propres à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et qu'un état de fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (ATF 130 IV 72 consid. 1 p. 73; 125 IV 298 consid. 2b p. 301/2302; 122 IV 66 consid. 2a p. 67 et les références citées). 
2.2 La violation de l'art. 397 CP peut en principe faire l'objet d'un pourvoi en nullité auprès de la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral pour violation du droit fédéral. Le recourant pourra ainsi se plaindre que l'autorité cantonale s'est fondée sur une fausse conception des notions de fait nouveaux et de faits sérieux au sens de l'art. 397 CP (art. 269 al. 1 PPF; ATF 107 IV 133 consid. 1 p. 135 et les arrêts cités). En revanche, l'appréciation de la force probante des nouveaux moyens de preuve relève de l'établissement des faits et ne peut faire l'objet d'un pourvoi en nullité (ATF 109 IV 173/4, 101 IV 317, 92 IV 174 consid. 1a p. 179). La voie du recours de droit public est alors seule ouverte (art. 84 al. 2 OJ, 269 al. 2 PPF). Il en va de même de la question de savoir si un fait ou un moyen de preuve était effectivement inconnu du juge, puisqu'elle relève également de l'appréciation des preuves (ATF 130 IV 71 consid. 1 p. 73). 
3. 
Se fondant sur l'art. 6 ch. 1 CEDH et l'art. 29 al. 2 Cst., le recourant reproche à la Chambre cantonale d'avoir violé son droit d'être entendu. En considérant que le journal intime de la victime n'était pas de nature à ébranler les constatations de fait effectuées par les premiers juges, la Chambre cantonale ne lui aurait pas permis de faire état du nouveau document découvert devant une nouvelle autorité de jugement de première instance, ni de faire procéder à des mesures d'instruction complémentaires, telles que l'authentification du journal et l'audition de la plaignante ainsi que sa propre audition. 
3.1 Le droit d'être entendu permet au justiciable de participer à la procédure probatoire en exigeant l'administration des preuves déterminantes (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa p. 16 et les arrêts cités). Ce droit ne s'étend toutefois qu'aux éléments pertinents pour décider de l'issue du litige. Il est ainsi possible de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l'authenticité n'est pas important pour la solution du cas, lorsque la preuve résulte déjà de constatations versées au dossier, et lorsque le juge parvient à la conclusion qu'elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion. Ce refus d'instruire ne viole le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 125 I 127 consid. 6c/cc in fine p. 135, 417 consid. 7b p. 430; 124 I 208 consid. 4a p. 211, 241 consid. 2 p. 242, 274 consid. 5b p. 285 et les arrêts cités). 
Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; à cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si elle apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 116 II 29 consid. 5, 114 Ia 218 consid. 2a, 113 III 84, 113 Ib 311/312 et les arrêts cités). Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre interprétation de la loi soit possible, ou même préférable. Le Tribunal fédéral n'intervient que dans le cas où la décision attaquée est objectivement insoutenable (ATF 116 II 29 consid. 5, 113 Ia 106, 112 Ia 27). 
3.2 En l'occurrence, la Chambre cantonale a rappelé que les déclarations de la jeune fille étaient convaincantes et qu'elles étaient au demeurant corroborées par les constats des médecins. La jeune fille avait notamment su expliquer avec authenticité la crainte que lui inspirait son père et les raisons de ses rétractations survenues en automne 2000. Au regard des circonstances retenues par le juge de première instance, la Chambre cantonale a considéré que le journal intime de Y.________ ne constituait pas un moyen de preuve pertinent. Selon elle, le premier élément invoqué par le recourant - qui concerne les "mensonges" racontés par "Jasmin" - n'était pas déterminant, car le jugement de première instance constatait déjà que la relation entre Y.________ et son ami, Z.________, n'était pas sans heurt. Au demeurant, aucun lien n'avait été établi entre les révélations d'abus faites par Z.________ et ces soi-disant mensonges. Quant au second élément invoqué par le recourant, à savoir l'absence de toute mention claire dans le journal des abus subis par la jeune fille, il n'avait rien non plus de décisif, compte tenu de l'attitude très renfermée de Y.________, de son absence d'affect et de sa difficulté à s'exprimer en raison des souffrances trop grandes que cela générait en elle. La Chambre cantonale a par ailleurs constaté que la victime évoquait dans son journal des événements par des allusions très vagues, voire incompréhensibles pour le lecteur, ce qui montrait qu'il n'était pas dans la psychologie de la victime de tout confier à son journal. Comme le journal intime n'apparaissait d'emblée pas comme un élément déterminant, la Chambre cantonale a estimé qu'il n'était pas nécessaire de procéder à de plus amples mesures d'instruction, notamment à l'audition de la victime. 
Le raisonnement de la Chambre cantonale est convaincant et n'est, dans tous les cas, pas arbitraire. On ne voit au surplus pas en quoi l'audition de la victime et l'authentification du journal seraient propres à modifier ces conclusions, dès lors que la victime a déjà été entendue à deux reprises et que l'authenticité du journal n'est pas contestée. Le recourant n'apporte à cet égard aucune explication. Son grief ne satisfait donc pas aux exigences de clarté et de précision posées par l'art. 90 al. 1 let. b OJ et doit en conséquence être déclaré irrecevable. Pour le surplus, le recourant a pu se prononcer par écrit sur les traductions du journal de la victime. Dans la mesure où il reproche à la Chambre cantonale de ne pas lui avoir donné l'occasion de s'exprimer oralement avant que la décision ne soit prise, son grief est mal fondé, dès lors que le droit d'être entendu n'implique en général pas le droit de s'exprimer oralement (ATF 125 I 209 consid. 9b p. 219 et les références). Dans ces conditions, il ne saurait être question d'une violation du droit d'être entendu. 
4. 
Le recourant soutient également que la Chambre cantonale aurait appliqué de manière arbitraire l'art. 455 CPP/VD. Elle aurait notamment interprété de manière arbitraire la notion de "nouvel élément de preuve". 
En l'occurrence, la Chambre cantonale a nié, dans une appréciation anticipée des preuves, que le journal intime de la victime était de nature à modifier l'état de fait retenu, sans se prononcer sur le caractère nouveau de ce moyen de preuve. On ne saurait en conséquence lui reprocher d'avoir mal appliqué la notion de nouvel élément de preuve prévu à l'art. 455 CPP/VD. Mal fondé, le grief du recourant doit être rejeté. 
5. 
Le recours de droit public doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, devra supporter les frais (art. 156 al. 1 OJ). Comme le recours était d'emblée dépourvu de chances de succès, l'assistance judiciaire doit être refusée (art. 152 al. 1 OJ). 
II. Pourvoi en nullité 
6. 
Le pourvoi en nullité, qui a un caractère cassatoire (art. 277ter al. 1 PPF), ne peut être formé que pour violation du droit fédéral, à l'exception de la violation directe de droits de rang constitutionnel (art. 269 PPF). 
 
Le Tribunal fédéral est lié par l'état de fait définitivement arrêté par l'autorité cantonale (art. 277bis PPF). Le recourant ne peut dès lors présenter des griefs contre les constatations de fait ni se plaindre de l'appréciation des preuves (art. 273 al. 1 let. b PPF). 
7. 
Le recourant soutient que la Chambre cantonale a violé l'art. 397 CP. Toute son argumentation se résume à dire que le journal intime était propre à ébranler la conviction sur le fait pertinent de savoir si le recourant a abusé de sa fille. Il s'agit dès lors d'apprécier l'influence du journal intime sur l'ensemble des autres éléments réunis. On se situe donc au stade de l'appréciation des preuves et de l'établissement des faits, ce qui ne peut pas donner lieu à un pourvoi en nullité (cf. recours de droit public, consid. 2.2). Comme la cour cantonale a rappelé qu'une vraisemblance suffisait (arrêt attaqué p. 5), elle n'a nullement méconnu les exigences déduites de l'art. 397 CP. Le grief du recourant est dès lors irrecevable. 
8. 
Le recourant invoque enfin la présomption d'innocence et se plaint que la Chambre cantonale n'aurait pas ordonné de nouvelles mesures d'instruction. Relevant des art. 29 al. 2 et 32 al. 1 Cst., ces griefs ne peuvent être examinés dans le cadre du pourvoi. Ils sont irrecevables. 
9. 
Le pourvoi est ainsi irrecevable. Le pourvoi étant d'emblée dépourvu de chances de succès, l'assistance judiciaire est rejetée (art. 152 al. 1 OJ). Le recourant, qui succombe, sera condamné aux frais (art. 278 al. 1 PPF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours de droit public est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
2. 
Le pourvoi est irrecevable. 
3. 
Les requêtes d'assistance judiciaire sont rejetées. 
4. 
Un émolument judiciaire de 1'600 francs est mis à la charge du recourant. 
5. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des révisions civiles et pénales. 
Lausanne, le 28 octobre 2004 
Au nom de la Cour de cassation pénale 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: