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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_122/2022  
 
 
Arrêt du 21 juin 2022  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
Escher et von Werdt. 
Greffier : M. Braconi. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
agissant par Christophe Savoy, 
intimé, 
 
Objet 
prononcé de faillite sans poursuite préalable, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois du 19 janvier 2022 (FW21.035766-211695 321). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Statuant le 18 octobre 2021 sur la requête de B.________, le Président du Tribunal d'arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a déclaré la faillite de la société A.________, avec effet dès ce jour à 9 heures (I). 
Par arrêt du 19 janvier 2022, la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois a confirmé cette décision, la faillite prenant effet dès ce jour à 16 heures 15 (II). 
 
B.  
Par écriture expédiée le 18 février 2022, la société en faillite exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral, concluant à la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens que la faillite n'est pas prononcée. 
Des observations sur le fond n'ont pas été requises. 
 
C.  
Par ordonnance du 4 avril 2022, le Président de la IIe Cour de droit civil a attribué l'effet suspensif au recours, en ce sens que l'Office est invité à ne pas procéder à des mesures d'exécution. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours a été déposé dans le délai légal (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF; ATF 133 III 687 consid. 1.2) rendue en matière de faillite (art. 72 al. 2 let. a LTF) par une autorité cantonale de dernière instance ayant statué sur recours (art. 75 al. 1 et 2 LTF). Il est recevable sans égard à la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. d LTF). La société faillie, qui a participé à la procédure devant l'autorité cantonale et a un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de l'arrêt attaqué, a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF). 
 
2.  
 
2.1. Dans un premier moyen, la recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue. Elle reproche à l'autorité précédente d'avoir déclaré irrecevables les pièces relatives à la solvabilité de l'entreprise produites le 10 décembre 2021, à savoir après l'expiration du délai de recours, car cette autorité l'avait invitée à se déterminer sur l'extrait du registre des poursuites (état au 5 novembre 2021); malgré la " sévérité de la jurisprudence en la matière ", les pièces produites dans le délai pour se déterminer sur cet extrait " doivent également être considérées comme recevables ".  
 
2.2. Cette argumentation ne saurait être suivie. Selon la jurisprudence, les nova (proprement et improprement dits) doivent être produits avant l'expiration du délai de recours (ATF 139 III 491 consid. 4.3 et 4.4, avec les citations). Comme l'a rappelé la juridiction précédente, l'octroi d'un délai pour se déterminer sur l'extrait du registre des poursuites n'a pas pour effet d'instituer un délai supplémentaire pour produire des pièces (parmi d'autres: arrêt 5A_1005/2020 du 19 janvier 2021 consid. 3.1.2 et les références). Il n'y a pas lieu de revenir sur cette pratique constante et confirmée récemment. Il s'ensuit que les juges cantonaux n'ont pas violé le droit d'être entendu de l'intéressée en refusant de tenir compte de son " bordereau de pièces produit le 10 décembre 2021".  
 
3.  
 
3.1. En l'espèce, la juridiction précédente a rappelé la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle, dans le recours contre un jugement de faillite sans poursuite préalable, seuls les pseudo nova sont en principe recevables, les hypothèses énumérées par l'art. 172 al. 2 ch. 1 à 3 LP étant étrangères à ce type de procédure. Cette opinion doit cependant être nuancée lorsque la faillite sans poursuite préalable a été déclarée à la requête d'un créancier; dans ce cas, le retrait de la réquisition de faillite ne peut pas être considéré comme une hypothèse étrangère à la procédure. Il s'ensuit que, en cas de faillite sans poursuite préalable au sens de l'art. 190 LP, le failli doit être admis à produire, dans le délai de recours, des pièces nouvelles destinées à établir que le créancier a retiré sa requête de faillite après le jugement (art. 174 al. 2 ch. 3 LP) et à rendre vraisemblable sa solvabilité (art. 174 al. 2 LP).  
La cour cantonale a retenu que le moment déterminant pour apprécier l'existence d'une suspension des paiements sur le vu de la situation financière du débiteur est l'échéance du délai de recours cantonal; c'est sur la base des pièces produites au plus tard le 5 novembre 2021, en particulier sur l'extrait du registre des poursuites à cette date, qu'il y a donc lieu d'examiner la situation. Partant, elle a refusé de tenir compte des versements allégués, mais non établis par des pièces recevables, dans l'écriture du 10 décembre 2021 ( cf. supra, consid. 2), en relevant que des paiements opérés " en urgence " après l'ouverture de la faillite ne sont pas révélateurs d'une saine situation financière.  
En l'occurrence, l'autorité cantonale a constaté que le montant total des poursuites s'élève à 177'966 fr. 80; s'il est vrai que diverses poursuites figurant sur l'extrait sont anciennes et potentiellement périmées, il n'en demeure pas moins que, même sous déduction des poursuites datant de plus d'une année, leur montant s'élève à 150'241 fr. 05, ce qui reste très important. Plusieurs poursuites en cours émanent de créanciers de droit public et portent sur des montants parfois dérisoires; en outre, il ressort de l'extrait du registre des poursuites que deux d'entre elles se trouvent au stade de la commination de faillite. Au sujet de la situation financière, la recourante n'a pas produit de comptabilité récente, mais uniquement des comptes relatifs à l'année 2019, qui ne semblent pas avoir été visés par une fiduciaire et sont qualifiés de " provisoires ", ce qui est insuffisant pour apprécier l'état actuel de la société. Certes, un relevé de son compte bancaire au 5 novembre 2021 affiche un solde de 311'520 fr., mais ce compte a été alimenté par deux apports d'environ 300'000 fr. que l'associé gérant avec signature individuelle a effectués les 20 août et 11 octobre 2021; sans ces apports, ledit compte aurait été déficitaire de quelque 300'000 fr., ce qui confirme que les revenus liés à l'activité commerciale de la société ne lui permettent pas de faire face à ses dépenses ordinaires courantes. On ignore enfin dans quelle mesure et pendant combien de temps l'associé gérant pourra continuer de soutenir personnellement sa société.  
Vu ce qui précède, les juges cantonaux ont admis que la recourante se trouve bien en cessation de paiements, d'une part, et n'a pas - et de loin - rendu vraisemblable sa solvabilité, d'autre part; ils ont confirmé dès lors le prononcé de la faillite sans poursuite préalable, même si le créancier a retiré sa réquisition depuis le jugement déclaratif. 
 
3.2.  
 
3.2.1. La cour cantonale a correctement rappelé les conditions posées par la jurisprudence pour conclure à une suspension de paiements au sens de l'art. 190 al. 1 ch. 2 LP; on peut dès lors renvoyer sur ce point à l'arrêt déféré ( cf. récemment: arrêt 5A_516/2021 du 18 octobre 2021 consid. 3.2, avec d'autres citations).  
Bien qu'elle évoque " l'absence de cessation de paiements " à l'appui du grief tiré de la " violation de l'art. 174 LP ", la recourante s'en prend en réalité essentiellement aux motifs de l'autorité précédente relatifs à la solvabilité de l'entreprise ( cf. infra, consid. 3.2.2). Elle ne conteste pas valablement que les poursuites intentées à son encontre totalisent au moins 150'241 fr. 05, que certaines d'entre elles se rapportent à des créances de droit public, pour de montants " parfois dérisoires ", et que deux poursuites sont parvenues au stade de la commination de faillite (art. 106 al. 2 LTF; ATF 142 III 364 consid. 2.4). Enfin - comme on l'a vu ( cf. supra, consid. 2.2) -, le reproche adressé à l'autorité cantonale de n'avoir pas pris en considération les paiements résultant des pièces produites le 10 décembre 2021 est infondé.  
En définitive, au regard des éléments constatés dans l'arrêt attaqué et dont le caractère manifestement inexact - à savoir arbitraire (ATF 147 I 73 consid. 2.2) - n'a pas été démontré (art. 97 al. 1 et 105 al. 1 LTF), il n'apparaît pas que l'autorité précédente ait enfreint son large pouvoir d'appréciation ( cf. arrêt 5A_252/2020 du 18 juin 2020 consid. 4.1.1) en estimant que la recourante avait suspendu ses paiements au sens de l'art. 190 al. 1 ch. 2 LP. Autant qu'il est recevable, le recours doit ainsi être rejeté à cet égard.  
 
3.2.2. Conformément à l'art. 174 al. 2 LP, applicable à la faillite sans poursuite préalable (art. 194 al. 1 LP; arrêt 5P.80/2005 du 15 avril 2005 consid. 3.2), le débiteur ne peut obtenir l'annulation de l'ouverture de la faillite que s'il rend vraisemblable sa solvabilité ( cf. sur cette notion, parmi plusieurs: arrêt 5A_891/2021 du 28 janvier 2022 consid. 6.1.2 et les arrêts cités). La question de savoir si le degré de preuve requis par le droit fédéral est atteint dans le cas concret ressortit à l'appréciation des preuves, que le Tribunal fédéral ne revoit que sous l'angle restreint de l'arbitraire (arrêt 5A_341/2021 du 24 juin 2021 consid. 4.2); tel est le cas si la juridiction cantonale n'a manifestement pas saisi le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans motif objectif de prendre en considération une preuve pertinente ou encore a opéré, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (arrêt 5A_341/2021 précité consid. 4.2 et la jurisprudence citée).  
En l'occurrence, l'argumentation de la recourante quant à sa prétendue solvabilité se résume à des critiques largement appellatoires - partant irrecevables (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les références) - de l'arrêt entrepris. L'intéressée fait grand cas des liquidités ( i.e. 311'520 fr.) qui résultent de l'extrait de son compte bancaire, mais ne discute pas les motifs des magistrats cantonaux. Contrairement à ce qu'elle affirme, la personne de l'auteur des versements n'est pas dénuée de pertinence, l'associé gérant étant précisément intervenu pour pallier le manque de trésorerie de la société. Comme le relève la cour cantonale, sans ces apports, le déficit se fût élevé à " quelque 300'000 fr. ", ce qui démontre que les revenus découlant de l'activité commerciale de la recourante ne lui permettent pas d'assumer ses charges courantes. Autrement dit, le fait que les liquidités injectées par l'associé gérant excèdent le montant des poursuites en cours ne plaide aucunement en faveur de la viabilité de la société. Enfin, c'est sans arbitraire que les magistrats précédents ont dénié une valeur probante aux " comptes 2019", d'après lesquels le bénéfice d'exploitation afférent à cet exercice serait de 138'564 fr. 42, cette pièce comptable ne pouvant pas être qualifiée de fiable. Au reste, ce prétendu " bénéfice " n'a clairement pas suffi pour maintenir à flot la société, preuve en soient les apports que l'associé gérant a consentis par la suite aux fins d'alimenter ses comptes.  
Vu ce qui précède, la recourante se borne à opposer son appréciation à celle de la cour cantonale, sans toutefois parvenir à démontrer que la décision attaquée serait arbitraire en tant qu'elle nie la vraisemblance de sa solvabilité. Ce motif scelle le sort du grief. 
 
4.  
En conclusion, le recours doit être rejeté dans la (faible) mesure de sa recevabilité, aux frais de la recourante (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'intimé, qui ne s'est pas opposé à l'octroi de l'effet suspensif et a procédé sans le concours d'un avocat (ATF 135 III 127 consid. 4 et la jurisprudence citée). 
Comme l'attribution de l'effet suspensif ne se rapporte qu'aux mesures d'exécution, il n'y a pas lieu de fixer à nouveau la date de l'ouverture de la faillite (arrêt 5A_891/2021 précité consid. 7). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Il n'est pas alloué de dépens à l'intimé. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à l'Office des poursuites du district de la Broye-Vully, à l'Office des faillites de l'arrondissement de La Broye et du Nord vaudois, au Registre foncier de la Broye-Nord vaudois, au Préposé cantonal au Registre du commerce et à la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois. 
 
 
Lausanne, le 21 juin 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
Le Greffier : Braconi