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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_464/2023  
 
 
Arrêt du 14 février 2024  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Juge présidant, 
Müller et Merz. 
Greffière : Mme Rouiller. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Robert Assaël, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ville de Genève, 
Palais Eynard, rue de la Croix-Rouge 4, 1204 Genève, 
intimée. 
 
Objet 
Droit de la fonction publique; changement d'affectation, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 4 juillet 2023 (A/2794/2022-FPUBL - ATA/719/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ a été nommé le 1 er mars 2002 par la Ville de Genève au poste d'agent de sécurité municipal, au service des agents de la ville et du domaine public, dont est issu l'actuel service de la police municipale (ci-après: SPM). Il a été promu successivement aux grades de caporal, de sergent et, dès le 1 er novembre 2015, de sergent-major instructeur. En 2017, en raison de la réorganisation de l'école de formation des agents de police municipale (ci-après: APM), il s'est vu attribuer la fonction de référent d'école municipale pour l'ensemble de la formation des APM.  
 
B.  
A la suite de manquements graves commis par A.________, le Conseil administratif de la Ville de Genève (ci-après: Conseil administratif) a, par décision du 25 juillet 2018, prononcé la résiliation immédiate de son engagement pour justes motifs, avec effet rétroactif au 27 juin 2018. Par arrêt du 2 avril 2019, cette décision a été annulée par la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: Cour de justice ou cour cantonale), qui a jugé disproportionné le licenciement immédiat pour justes motifs et a ordonné la réintégration de l'intéressé au sein de l'administration municipale, tout en précisant qu'il appartenait à la Ville de Genève de prendre des sanctions disciplinaires ou d'autres mesures. Cet arrêt a fait l'objet de deux recours au Tribunal fédéral, qui l'a confirmé (arrêts 8C_355/2019 du 18 juin 2019 et 8C_336/2019 du 9 juillet 2020). 
 
C.  
Suite à la demande de A.________ d'être réintégré, le Conseil administratif a, en septembre 2020, ouvert une enquête administrative à son encontre. Par décision du 30 juin 2022, il a prononcé le changement d'affectation de A.________ à une nouvelle fonction sans responsabilité d'encadrement, soit au poste d'appointé à 100% au SPM dès le 30 juin 2022, en catégorie G annuité 25 de l'échelle des traitements. 
Par arrêt du 4 juillet 2023, la Cour de justice a rejeté le recours de A.________ contre la décision du 30 juin 2022. Elle a notamment considéré qu'un changement d'affectation d'office tel que celui prononcé dans ladite décision constituait une mesure, et non une sanction disciplinaire; elle n'était par conséquent pas sujette à un délai de prescription. Indépendamment de ses prestations, A.________ avait violé ses devoirs de service de manière suffisamment grave pour justifier un changement d'affectation d'office, qui constituait au demeurant une mesure proportionnée. 
 
D.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public et du recours constitutionnel subsidiaire, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour de justice du 4 juillet 2023, d'ordonner le classement de la procédure disciplinaire et de confirmer sa réintégration dans sa fonction de référent d'école municipale pour l'ensemble de la formation des APM. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
La cour cantonale s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. La Ville de Genève s'en rapporte à justice s'agissant de la recevabilité du recours et conclut pour le surplus au rejet du recours. 
Au gré de leurs écritures ultérieures, le recourant, la Cour de justice et l'intimée maintiennent leurs positions respectives et persistent dans leurs conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) en matière de rapports de travail de droit public. Comme le litige porte sur la réintégration du recourant dans son ancienne fonction, pour laquelle son salaire était supérieur et susceptible d'évoluer au cours des années à venir, il s'agit d'une contestation pécuniaire, de sorte que le motif d'exclusion de l'art. 83 let. g LTF n'entre pas en considération. La valeur litigieuse atteint par ailleurs le seuil de 15'000 fr., ouvrant la voie du recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF (art. 51 al. 1 let. a et 2 LTF; 85 al. 1 let. b LTF). Le recours constitutionnel subsidiaire est de ce fait irrecevable (art. 113 LTF). 
Les autres conditions de recevabilité sont au surplus réunies, si bien qu'il convient en principe d'entrer en matière. 
 
2.  
Le recourant fait grief à l'autorité précédente d'avoir arbitrairement qualifié son changement d'affectation d'office comme une mesure au sens de l'art. 94 du Statut du personnel de la Ville de Genève 
(ci-après: Statut; RS/GE LC 21 151), et non comme une sanction disciplinaire au sens de l'art. 93 al. 1 du Statut, à laquelle un délai de prescription devait être appliqué. 
 
2.1.  
 
2.1.1. Le Tribunal fédéral revoit librement l'interprétation et l'application du droit fédéral et du droit constitutionnel cantonal (art. 95 LTF).  
Il examine en revanche sous l'angle restreint de l'arbitraire l'interprétation et l'application des autres règles du droit cantonal ou communal (ATF 147 I 433 consid. 4.2; 146 II 367 consid. 3.1.5). L'application d'une disposition de droit fédéral à titre de droit communal ou cantonal supplétif ne peut être critiquée que sous l'angle de l'arbitraire ou pour violation d'autres droits constitutionnels (ATF 148 I 1 consid. 5.3; 
134 II 235 consid. 4.3.1; arrêt 8C_590/2020 du 8 juillet 2021 consid. 3). Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Il ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable ou en contradiction manifeste avec la situation effective, ou encore si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. Si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire préférable (ATF 148 II 465 consid. 8.1; 148 I 145 consid. 6.1). Dans ce contexte, il incombe à la partie recourante d'exposer une argumentation spécifique qui réponde aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 149 III 81 consid. 1.3; 146 I 62 consid. 3). 
 
2.1.2. Aux termes de l'art. 93 al. 1 du Statut, les membres du personnel qui violent leurs devoirs de service intentionnellement ou par négligence peuvent se voir infliger un avertissement ou un blâme ou la suppression de l'augmentation annuelle de traitement pour l'année à venir. En tout état de cause, si la violation des devoirs de service le justifie, le changement d'affectation d'office au sens de l'art. 41 al. 4 du Statut ou le licenciement sont réservés (art. 94 al. 1 du Statut). L'art. 41 al. 4 du Statut prévoit que lorsqu'il s'avère qu'un employé ne parvient pas à fournir des prestations suffisantes dans son poste, il peut, après avoir été entendu oralement, être transféré d'office dans un autre poste correspondant à ses qualifications et aptitudes.  
 
2.2. A l'image de l'autorité communale, la cour cantonale a considéré que le changement d'affectation d'office ne constituait pas une sanction disciplinaire au sens de l'art. 93 al. 1 du Statut, mais une mesure visant à adapter la composition de l'administration en vue d'assurer son bon fonctionnement. Pour aboutir à cette conclusion, la Cour de justice a procédé à une interprétation complète et détaillée du droit communal. Elle a en particulier relevé qu'il importait peu, dans ce cadre, que la personne intéressée ressente le changement d'affectation d'office comme une sanction ou que ce changement soit entraîné par une faute commise par l'employé. Au vu de la qualification retenue, la question de la prescription de la sanction disciplinaire ne se posait pas.  
 
2.3. En l'espèce, il est douteux que les exigences de motivation accrues de l'art. 106 al. 2 LTF soient réalisées. Dans son écriture, le recourant se contente en effet d'indiquer que la cause devrait être renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle statue sur la question de la prescription de la sanction disciplinaire. Il n'explique pas quel serait le délai de prescription applicable à son changement d'affectation si celui-ci venait à être qualifié de sanction disciplinaire et, le cas échéant, si ce délai était atteint. Ce faisant, il n'expose pas en quoi l'arrêt entrepris serait arbitraire dans son résultat.  
En tout état, l'appréciation de l'autorité précédente ne prête pas le flanc à la critique. Le recourant ne démontre en effet pas que l'interprétation à laquelle la cour cantonale a procédé serait arbitraire. Il considère que la perte de son grade de sergent-major et la perte d'argent entraînées par son changement d'affectation suffisent à qualifier celui-ci de sanction. Il estime à cet égard que le fait que l'art. 93 al. 1 du Statut prévoit une sanction ayant un impact économique sur la personne intéressée (suppression de l'augmentation annuelle de traitement pour l'année à venir) devrait conduire à qualifier son changement d'affectation, qui affecte sa propre situation économique, de sanction. Procédant de la sorte, le recourant ignore l'argumentation développée dans l'arrêt attaqué et se limite à opposer sa propre interprétation du droit communal à celle de l'autorité précédente. Une telle manière de procéder ne suffit pas à démontrer le caractère manifestement insoutenable de l'interprétation opérée par la Cour de justice, qui paraît au demeurant fondée sur des motifs objectifs. 
L'arrêt attaqué ne peut donc être qualifié d'arbitraire sur ce point et le grief doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
 
3.  
Le recourant se plaint ensuite d'arbitraire dans l'application de l'art. 94 du Statut. 
Se référant à sa jurisprudence, la cour cantonale rappelle qu'un changement d'affectation d'office selon l'art. 94 du Statut peut intervenir à la seule condition d'être justifié par la violation des devoirs de service. A cet égard, la Cour de justice relève qu'en l'espèce, la violation de ses devoirs de service par le recourant, qui n'est pas contestée, se révèle être d'une gravité suffisante pour justifier une telle mesure. 
Le recourant affirme que cette interprétation ne peut être suivie. Il est d'avis qu'un changement d'affectation d'office au sens de l'art. 94 du Statut est, au vu du renvoi à l'art. 41 al. 4 du Statut, subordonné à deux conditions cumulatives: la violation des devoirs de service et l'incapacité à fournir des prestations suffisantes dans le poste. Procédant de la sorte, le recourant se contente d'opposer son interprétation de l'art. 94 du Statut à celle de la Cour de justice. Il ne démontre ni le caractère insoutenable de la solution retenue par l'autorité précédente, ni en quoi elle serait arbitraire dans son résultat. Le recourant se borne ainsi à qualifier l'appréciation de la Cour de justice d'arbitraire au seul motif que les art. 94 et 41 al. 4 du Statut l'infirmeraient. Il ne discute pas les considérants de l'arrêt attaqué et n'expose pas non plus en quoi l'interprétation de la cour cantonale serait contraire au but de la législation en cause, ce qui n'apparaît au demeurant pas manifeste. 
Partant, et faute d'une motivation répondant aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF, ce grief est irrecevable. 
 
4.  
Dans un dernier grief, le recourant estime que l'autorité précédente aurait violé le principe de proportionnalité en considérant qu'il n'existait pas de mesure moins incisive que le changement d'affectation d'office. 
 
4.1. L'employeur jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour juger si les manquements d'un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l'administration. En tant que les rapports de service relèvent du droit public, il doit néanmoins respecter le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.). Bien que de rang constitutionnel, le principe de la proportionnalité ne constitue pas un droit constitutionnel avec une portée propre (ATF 136 I 241 consid. 3.1). Aussi, lorsque ce principe est invoqué en relation avec l'application du droit cantonal  
(en dehors du domaine de protection d'un droit fondamental spécial), le Tribunal fédéral ne revoit pas son respect librement, mais seulement sous l'angle de l'arbitraire (ATF 141 I 1 consid. 5.3.2; arrêt 8C_353/2022 du 16 mai 2023 consid. 7.3). 
 
4.2. En l'espèce, la cour cantonale a relevé la gravité, non contestée, des manquements du recourant et le fait que ceux-ci ont porté atteinte au lien de confiance entre l'employé et l'intimée. Elle a constaté qu'en optant pour un changement d'affectation d'office, l'intimée avait choisi une mesure moins incisive qu'un licenciement, qu'elle aurait pourtant pu prononcer. Elle avait ainsi ménagé un juste équilibre entre les intérêts publics à un bon fonctionnement de l'administration et les intérêts privés du recourant.  
 
4.3. Devant le Tribunal fédéral, le recourant n'expose pas en quoi l'autorité précédente aurait violé le principe de la proportionnalité, se contentant d'affirmer que la Cour de justice se contredit "de manière irréductible". Il ne fait pour l'essentiel qu'opposer son appréciation à celle de la cour cantonale, sans indiquer en quoi celle-ci aurait versé dans l'arbitraire. On peut partant se demander si le recours répond aux exigences de motivation accrues de l'art. 106 al. 2 LTF.  
Quoiqu'il en soit, la critique du recourant est dénuée de fondement. 
Il n'apparaît en l'espèce pas que l'autorité précédente aurait violé le principe de la proportionnalité en confirmant le changement d'affectation d'office du recourant. En renonçant à un licenciement, l'intimée, qui disposait d'un large pouvoir d'appréciation à ce sujet, semble au contraire avoir limité les conséquences des manquements du recourant, pourtant reconnus comme graves, sur sa situation professionnelle. 
Ce grief doit par conséquent être écarté, si tant est qu'il réponde aux exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF
 
5.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant qui succombe (art. 65 et 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable. 
 
2.  
Le recours en matière de droit public est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à la Ville de Genève et à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 14 février 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Chaix 
 
La Greffière : Rouiller