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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_637/2022  
 
 
Arrêt du 29 septembre 2022  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, 
Denys et van de Graaf. 
Greffier : M. Barraz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourante, 
 
contre  
 
1. Ministère public central du canton du Valais, rue des Vergers 9, case postale, 1950 Sion 2, 
2. B.B.________, 
représentée par Me Loïc Parein, avocat, 
3. C.B.________, 
représenté par Me François Logoz, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
Tentative de contrainte; droit à un procès équitable; arbitraire; erreur sur l'illicéité, 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du Valais, Cour pénale I, du 25 mars 2022 (P1 20 13). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 27 janvier 2020, le Juge des districts d'Hérens et Conthey a reconnu A.________ coupable de tentative de contrainte et l'a condamnée à une peine pécuniaire de 150 jours-amende à 40 fr. le jour-amende, assortie d'un sursis à l'exécution de deux ans, ainsi qu'à une amende de 1'500 fr. convertible en 15 jours de peine privative de liberté en cas de non-paiement fautif. 
 
B.  
Par jugement du 25 mars 2022, la Cour pénale I du Tribunal cantonal du Valais a partiellement admis l'appel formé par A.________. Compte tenu de la violation du principe de célérité et de la situation financière de A.________, elle a réduit la peine pécuniaire à 120 jours-amende à 30 fr. le jour-amende et l'amende à 1'000 francs. En résumé, elle a retenu les faits suivants : 
 
B.a. Le 22 juillet 2014, A.________ a fondé la société D.________ Sàrl dans le but d'exploiter un cabinet de psychologie, de psychothérapie, d'expertises, de recherches et de soins.  
 
B.b. Le 12 janvier 2015, pour la société précitée, A.________ a signé un contrat de collaboration avec les époux B.B.________, pédopsychiatre, et C.B.________, psychiatre FMH (ci-après : " les époux " ou " les intimés "). Aux termes de ce contrat, les époux se sont engagés à pratiquer dans un cabinet médical loué par D.________ Sàrl à A.________ et son mari. Une clause du contrat intitulée " loyauté et concurrence déloyale " permettait à chacune des parties de solliciter un dédommagement de 200'000 fr. en cas de rupture du contrat, moyennant le respect d'un certain nombre de conditions, de même que l'interdiction d'adopter certains comportements après la fin du contrat. Par courrier du 1 er septembre 2015, les époux ont résilié le contrat du 12 janvier 2015. Le 19 septembre 2015, A.________ s'y est opposée, de sorte que les époux ont confirmé la résiliation le 6 octobre 2015.  
 
B.c. Sur réquisitions du 11 juillet 2017 établies par A.________ sans aide extérieure s'agissant du montant des créances compte tenu de sa connaissance du fonctionnement de la procédure de poursuite, l'Office des poursuites de Sion a notifié à chacun des époux un commandement de payer pour 18'000'000 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 12 janvier 2015, auquel ils se sont opposés.  
Les différentes créances invoquées par A.________ à l'appui des commandements de payer sont les suivantes : 
 
- qqq et rrr; différentes procédures civiles et pénales pour concurrence déloyale, gestion déloyale, escroquerie, faux dans les titres, abus de confiance, abus de pouvoir, vol, diffamation, calomnie, menace et contrainte, faux témoignage, violation du secret de fonction et induction de la justice en erreur (4'000'000 fr.); 
- MPC sss (2'000'000 fr.); 
- MPC ttt (4'000'000 fr.); 
- MPC uuu / vvv (2'000'000 fr.); 
- MPC www (2'000'000 fr.); 
- MPG xxx (2'000'000 fr.); 
- MPC yyy / zzz (2'000'000 fr.). 
A.________ a ultérieurement retiré les poursuites précitées. 
 
B.d. Les causes MPC sss, MPC www, MPC yyy et zzz ne concernent pas les époux, à défaut pour eux d'être parties à la procédure. La cause vvv a pris fin sans pour autant que les époux ne soient reconnus débiteurs de A.________. La Cause MPG xxx n'existe pas.  
Les causes qqq et MPC ttt ont un fondement similaire, à savoir la rupture des relations professionnelles contractuelles entre les époux et A.________, respectivement sa société D.________ Sàrl. Si A.________ avait obtenu gain de cause dans ces procédures, elle aurait pu prétendre à un montant maximal de 300'000 fr., correspondant à ses conclusions. Enfin, la cause MPC uuu, par laquelle A.________ poursuit les époux pour atteinte à l'honneur, lui aurait permis d'obtenir une indemnité de 10'000 fr. tout au plus, si elle avait obtenu gain de cause. 
B.e A.________ a su que le montant de 18'000'000 fr. réclamé aux époux ne reposait sur aucun fondement juridique, puisqu'elle était partie à toutes les procédures invoquées, dont certaines ne concernaient pas les époux. Sa démarche s'inscrivait clairement dans la volonté délibérée et manifeste de faire pression sur les époux pour les amener à lui verser de l'argent, dans le contexte des litiges qui les divisaient, afin d'en tirer un profit personnel, en plus du préjudice général découlant pour des débiteurs de la notification de commandements de payer portant sur des sommes astronomiques. A.________ n'a pas obtenu la mainlevée de l'opposition formée par les époux et n'a introduit aucune autre procédure civile contre ceux-ci. Les époux n'ont pas cédé à ces pressions. 
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement cantonal du 25 mars 2022 et conclut, avec suite de frais et dépens, à ce qu'il soit constaté que le droit à une procédure équitable et le droit d'être entendu ont été violés par la Cour pénale I du Tribunal cantonal du Valais, par le Juge des districts d'Hérens et Conthey et par le Ministère public du canton du Valais, à la réforme du jugement précité et à son acquittement du chef de tentative de contrainte au sens de l'art. 181 CP. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation du jugement attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La recourante produit des pièces à l'appui de son recours. Celles qui ne figurent pas au dossier de la cause - à savoir les pièces 6.1, 6.2, 7, 11, 12, 13.2, 14, 15.1, 15.2, 17, 21.1, 21.2, 21.3, 23, 24.1, 33 et 34 - sont des pièces nouvelles qui ne résultent pas de la décision de la cour cantonale. Partant, elles sont irrecevables (art. 99 al. 1 LTF). 
 
2.  
Invoquant une violation du droit d'être entendu, du droit à un procès équitable et du droit à l'administration des preuves, la recourante fait grief à la cour cantonale, à l'autorité de première instance et au ministère public d'avoir refusé de procéder à l'audition de la préposée aux poursuites et des intimés, ainsi que de ne pas avoir ordonné la production au dossier des procès-verbaux d'audition des intimés du 8 février 2017 (recours du 14 mai 2022, ch. 3). 
 
2.1. Le droit d'être entendu, garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., comprend notamment celui de produire ou de faire administrer des preuves, à condition qu'elles soient pertinentes et de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1; 143 V 71 consid. 4.1; 142 II 218 consid. 2.3 et les références citées). Le droit d'être entendu n'empêche pas le juge de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de se forger une conviction et que, procédant de manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude qu'elles ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion. Le refus d'instruire ne viole ainsi le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 144 II 427 consid. 3.1.3; 141 I 60 consid. 3.3; 136 I 229 consid. 5.3).  
Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure de recours se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. L'art. 389 al. 3 CPP règle les preuves complémentaires. Ainsi, la juridiction de recours administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours. Le droit d'être entendu, consacré par l'art. 07 CPP, garantit aux parties le droit de déposer des propositions relatives aux moyens de preuves (al. 1 let. e). Conformément à l'art. 139 al. 2 CPP, il n'y a pas lieu d'administrer des preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l'autorité ou déjà suffisamment prouvés. Cette disposition codifie, pour la procédure pénale, la règle jurisprudentielle déduite de l'art. 29 al. 2 Cst. en matière d'appréciation anticipée des preuves (arrêts 6B_322/2021 du 2 mars 2022 consid. 2.1; 6B_732/2021 du 24 février 2022 consid. 1.1; 6B_1080/2021 du 8 décembre 2021 consid. 2.1). 
 
2.2. La cour cantonale a rejeté les réquisitions de la recourante pour plusieurs motifs (procès-verbal d'audience du 25 mars 2022, p. 2). Tout d'abord, elle a relevé que la recourante, par son avocat, a indiqué dans son mémoire d'appel qu'elle n'entendait pas requérir l'administration de preuves complémentaires au sens de l'art. 399 al. 3 let. c CPP. Elle a également indiqué que les intimés et la préposée aux poursuites ont eu l'occasion d'être entendus en procédure et que dès lors, il appartenait à la recourante de leur poser des questions.  
 
2.3.  
 
2.3.1. Il est d'emblée relevé que la première partie du raisonnement de la cour cantonale est erronée. Même si l'art. 399 al. 3 let. c CPP dispose que l'appelant doit indiquer dans sa déclaration d'appel les éventuelles réquisitions de preuves, celui-ci peut encore en présenter d'autres pendant la phase des débats, postérieurement à sa déclaration d'appel (ATF 143 IV 214 consid. 5.4; arrêts 6B_345/2017 du 16 janvier 2018 consid. 1.3; 6B_542/2016 du 5 mai 2017 consid. 3.4.3). Que la recourante ait initialement renoncé à requérir l'administration de preuves complémentaires ne l'empêchait donc pas de le faire aux débats.  
 
2.3.2. Pour ce qui est des procès-verbaux d'audition des intimés du 8 février 2017, dont l'absence au dossier est critiquée par la recourante, il convient de relever qu'il s'agit d'auditions qui se sont déroulées dans le cadre d'une autre procédure opposant les mêmes parties, mais que les intimés s'y sont référés en partie lors de leur audition dans le cadre de la présente cause.  
Hormis les motifs relevés supra, la cour cantonale n'a pas justifié son refus. Pour sa part, la recourante n'explique pas en quoi l'absence de ces pièces serait constitutive d'une violation de ses droits. Son grief est irrecevable puisqu'il n'est pas suffisamment motivé eu égard aux exigences accrues découlant des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF.  
Quoi qu'il en soit, il est vrai que lorsque les autorités pénales se fondent sur des déclarations ressortant d'une procédure conduite séparément, il faut tenir compte du droit de confrontation. Dites déclarations ne peuvent être utilisées que si le prévenu a eu au moins une fois la possibilité de manière appropriée et suffisante de mettre en doute les déclarations à sa charge et de poser des questions (ATF 140 IV 172 consid. 1.3, in JdT 2015 IV p. 72 s.; 133 I 33 c. 2.2, in JdT 2008 IV p. 6 s.). Pour autant, dans le cas d'espèce, les questions posées aux intimés auxquelles ils ont répondu en référence à leur précédente audition sont de nature très générale (par exemple : " quelle est votre situation professionnelle "). Elles n'ont pas été utilisées par les autorités précédentes pour fonder leur jugement. Partant, on ne décèle aucune violation du droit fédéral ou des garanties constitutionnelles et conventionnelles. 
 
2.3.3. Concernant la réaudition des intimés et le droit à la confrontation, la recourante invoque que le refus de la cour cantonale aurait empêché l'établissement objectif des faits. Elle estime que leur audition aurait permis de démontrer qu'ils n'ont pas été entravés dans leur liberté d'action et d'expliquer pourquoi ils ont attendu presque trois mois avant de déposer leur plainte pénale.  
D'une part, il faut rappeler que les autorités précédentes ne se sont pas fondées sur les déclarations des intimés pour justifier la condamnation de la recourante. D'autre part, les éléments invoqués par la recourante sont sans pertinence. En effet, poursuivie pour tentative de contrainte, la question du comportement induit n'a pas à être tranchée. De plus, on voit mal en quoi le fait que la plainte pénale ait été déposée après presque trois mois serait propre à justifier un résultat différent. Mais surtout, les intimés ont participé en personne aux débats de première et deuxième instance, de sorte que la recourante était libre de leur poser des questions ou de confronter leurs déclarations à ces occasions, ce qu'elle n'a toutefois pas fait. Là encore, on ne décèle aucune violation du droit fédéral ou des garanties constitutionnelles et conventionnelles. 
 
2.3.4. S'agissant finalement de la réaudition de la préposée aux poursuites, la recourante estime qu'elle était nécessaire en raison de l'imprécision de ses déclarations.  
Selon l'art. 389 al. 2 CPP, l'administration des preuves du tribunal de première instance n'est répétée que si les dispositions en matière de preuves ont été enfreintes (let. a), l'administration des preuves était incomplète (let. b) ou les pièces relatives à l'administration des preuves ne semblent pas fiables (let. c). Dans le cas d'espèce, la recourante ne nie pas avoir participé à l'audition de la préposée aux poursuites en compagnie de son avocat et ne prétend pas avoir été limitée dans son droit de lui poser des questions. Au demeurant, les propos tenus par la préposée aux poursuites étaient clairs, précis et fiables. Du moins, à part les interpréter différemment que la cour cantonale, la recourante ne prétend pas le contraire de manière motivée. Partant, son grief est infondé. Pour le surplus, les critiques formulées par la recourante s'agissant de l'audition de la préposée aux poursuites seront traitées infra sous l'angle de l'arbitraire.  
 
2.4. Partant, le grief de violation du droit d'être entendu, du droit à un procès équitable et du droit à l'administration des preuves doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.  
 
3.  
La recourante invoque les art. 3 CPP, 29 Cst. et 6 CEDH et reproche à la cour cantonale d'avoir violé son droit à un procès équitable en faisant preuve de partialité. 
 
3.1. La garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH - qui ont, de ce point de vue, la même portée - vise à éviter que des circonstances extérieures à l'affaire puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat, mais seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération; les impressions purement individuelles du plaideur ne sont pas décisives (ATF 144 I 159 consid. 4.3 et les arrêts cités).  
 
3.2. En l'espèce, la recourante reproche à la cour cantonale d'avoir relaté ses propos de manière distanciée (" estime que " ou " expose que "), orientée (" soi-disant conseils " ou " tente en vain de se disculper ") ou encore d'avoir surinterprété son monde intérieur (" avait pleinement conscience " ou " contrairement à l'opinion de l'appelante "). Ces éléments ne permettent pas de déceler une quelconque prévention de la cour cantonale à l'égard de la recourante. Au contraire, ils résultent uniquement de l'appréciation des faits par celle-ci, question qui sera traitée infra sous l'angle de l'arbitraire. Mal fondé, le grief doit être rejeté.  
 
4.  
La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir établi et apprécié arbitrairement les faits. 
 
4.1. Dans le recours en matière pénale, le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), sous les réserves découlant des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de l'arbitraire dans la constatation des faits (sur cette notion, v. ATF 145 IV 154 consid. 1.1). Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; 143 IV 500 consid. 1.1). Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs, qui relèvent de la violation de droits fondamentaux, que s'ils sont invoqués et motivés par le recourant (art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'ils ont été expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée. Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 145 IV 154 consid. 1.1).  
 
4.2. De manière générale, la recourante se contente de rediscuter librement l'état de fait cantonal, sans démontrer en quoi celui-ci serait entaché d'arbitraire ou en quoi les faits en question devraient conduire à un résultat différent. Ce procédé, purement appellatoire, est irrecevable. En particulier, la recourante fait référence à d'autres procédures judiciaires impliquant de près ou de loin les intimés et du résultat hypothétique de celles-ci. Ces éléments sont toutefois sans pertinence puisque la seule question qui l'est, en l'espèce, est celle de savoir si l'envoi par la recourante de deux commandements de payer pour un montant de 18'000'000 fr. chacun constitue une contrainte au sens de l'art. 181 CP. Que les intimés se soient ou non rendus coupables à leur tour d'infractions à l'encontre de la recourante n'a pas à être tranché ici et ne saurait justifier les actes reprochés.  
 
4.3. Sur le vu de ce qui précède, le grief de la recourante doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.  
 
5.  
La recourante conteste l'infraction de tentative de contrainte retenue à son encontre. 
 
5.1.  
 
5.1.1. Aux termes de l'art. 181 CP, celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Lorsque la victime ne se laisse pas intimider et n'adopte pas le comportement voulu par l'auteur, ce dernier est punissable de tentative de contrainte (art. 22 al. 1 CP; ATF 129 IV 262 consid. 2.7; 106 IV 125 consid. 2b).  
 
5.1.2. Alors que la violence consiste dans l'emploi d'une force physique d'une certaine intensité à l'encontre de la victime (ATF 101 IV 42 consid. 3a; arrêt 6B_1082/2021 du 18 mars 2022 consid. 2.1), la menace est un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l'auteur, sans toutefois qu'il soit nécessaire que cette dépendance soit effective (ATF 117 IV 445 consid. 2b; 106 IV 125 consid. 2a) ni que l'auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace (ATF 122 IV 322 consid. 1a). La loi exige un dommage sérieux, c'est-à-dire que la perspective de l'inconvénient présenté comme dépendant de la volonté de l'auteur soit propre à entraver le destinataire dans sa liberté de décision ou d'action (ATF 120 IV 17 consid. 2a/aa). La question doit être tranchée en fonction de critères objectifs, en se plaçant du point de vue d'une personne de sensibilité moyenne (ATF 122 IV 322 consid. 1a; 120 IV 17 consid. 2a/aa).  
 
Il peut également y avoir contrainte lorsque l'auteur entrave sa victime " de quelque autre manière ". Cette formule générale doit être interprétée de manière restrictive. N'importe quelle pression de peu d'importance ne suffit pas. Il faut que le moyen de contrainte utilisé soit, comme pour la violence ou la menace d'un dommage sérieux, propre à impressionner une personne de sensibilité moyenne et à l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d'action. Il s'agit donc de moyens de contrainte qui, par leur intensité et leur effet, sont analogues à ceux qui sont cités expressément par la loi (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1). 
 
5.1.3. La contrainte n'est contraire au droit que si elle est illicite (ATF 120 IV 17 consid. 2a et les arrêts cités), soit parce que le moyen utilisé ou le but poursuivi est contraire au droit, soit parce que le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé, soit encore parce qu'un moyen conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux moeurs (ATF 137 IV 326 consid. 3.3.1; 134 IV 216 consid. 4.1). Savoir si la restriction de la liberté d'action constitue une contrainte illicite dépend ainsi de l'ampleur de l'entrave, de la nature des moyens employés à la réaliser et des objectifs visés par l'auteur (ATF 129 IV 262 consid 2.1; 129 IV 6 consid 3.4).  
Pour une personne de sensibilité moyenne, faire l'objet d'un commandement de payer pour une importante somme d'argent est, à l'instar d'une plainte pénale, une source de tourments et de poids psychologique, en raison des inconvénients découlant de la procédure de poursuite elle-même et de la perspective de devoir peut-être payer le montant en question. Un tel commandement de payer est ainsi propre à inciter une personne de sensibilité moyenne à céder à la pression subie, donc à l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d'action (arrêts 6B_458/2021 du 3 mars 2022 consid. 1.4.1; 6B_1188/2017 du 5 juin 2018 consid. 3.1). Certes, faire notifier un commandement de payer lorsqu'on est fondé à réclamer une somme est licite. En revanche, utiliser un tel procédé comme moyen de pression est clairement abusif, donc illicite (ATF 115 III 18 consid. 3; arrêt 6B_153/2017 du 28 novembre 2017 consid. 3.1). 
 
5.1.4. Sur le plan subjectif, il faut que l'auteur ait agi intentionnel lement, c'est-à-dire qu'il ait voulu contraindre la victime à adopter le comportement visé en étant conscient de l'illicéité de son comportement; le dol éventuel suffit (ATF 120 IV 17 consid. 2c).  
 
5.2. En résumé, la cour cantonale a retenu que l'envoi des deux commandements de payer par la recourante constituait un moyen de contrainte illicite, les montants réclamés (18'000'000 fr. à chacun des intimés) étant sans commune mesure avec les créances que la recourante faisait valoir en procédure directement contre les intimés (310'000 fr. au total). Elle ajoute que la recourante n'a pas démontré avoir essayé de récupérer les montants qu'elle estime dus depuis l'envoi des commandements de payer, mais qu'au contraire, elle a retiré les poursuites introduites contre les intimés, ce qui démontre la nature injustifiée de ses démarches. La recourante a agi intentionnellement, puisqu'elle a voulu contraindre ses victimes à adopter le comportement visé, en étant consciente de l'illicéité de son attitude, ceci indépendamment du fait que les intimés ne se soient pas laissés intimider et n'aient pas adopté le comportement voulu par la recourante. La recourante a agi dans le but d'entraver les intimés dans la quête de nouveaux locaux et pour faire pression sur eux afin d'obtenir le versement d'argent pour les litiges les opposant, ce par esprit de vengeance suite à la résiliation du contrat de collaboration qui les liait à elle.  
 
5.3. Il s'agit d'examiner si les actes reprochés à la recourante constituent des moyens de contrainte, ce qu'elle conteste.  
Tout comme l'a fait la cour cantonale, les agissements de la recourante doivent être considérés à l'aune de la troisième hypothèse de l'art. 181 CP, à savoir " de quelque autre manière ". Il est rappelé que le moyen de contrainte doit être propre à impressionner une personne de sensibilité moyenne et à l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d'action (cf. supra consid. 5.1.2). La question de savoir si le comportement a effectivement obligé la victime à faire, à ne pas faire ou à laisser faire n'est pertinente qu'au moment d'examiner si l'infraction est consommée (ibidem). En d'autres termes, il suffit que le moyen de contrainte soit propre à créer un tel résultat.  
En vertu de la jurisprudence citée supra, l'envoi d'un commandement de payer pour une importante somme d'argent est propre à inciter une personne de sensibilité moyenne à céder à la pression subie, donc à l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté d'action (arrêts 6B_458/2021 du 3 mars 2022 consid. 1.4.1; 6B_1188/2017 du 5 juin 2018 consid. 3.1). C'est donc sans violer le droit fédéral que la cour cantonale a considéré que les agissements de la recourante constituaient des moyens de contrainte au sens de l'art. 181 CP.  
 
5.4. Il faut encore examiner si les moyens de contrainte peuvent être qualifiés d'illicites, ce que la recourante conteste.  
Comme l'a retenu la cour cantonale, il faut admettre que les moyens de contrainte sont illicites, car abusifs. En effet, la recourante n'a pas démontré que les montants réclamés aux intimés étaient proportionnés par rapport aux créances invoquées par celle-ci en procédure. Certes, celui qui introduit une poursuite ne doit pas forcément être au bénéfice d'un jugement définitif et exécutoire ou d'un titre à la mainlevée démontrant le bienfondé de ses prétentions pour éviter que ses démarches soient taxées d'illicites au sens de l'art. 181 CP. En revanche, il doit être en mesure de démontrer, à l'issue d'un examen sommaire, que les créances réclamées ne sont pas totalement hors de proportion. En invoquant d'autres procédures auxquelles les intimés ne sont pas partie, la recourante perd de vue que leur éventuelle implication dans ces affaires n'est pas suffisante pour déterminer, ne serait-ce que sous l'angle de la vraisemblance, qu'ils sont ses débiteurs. Il faut donner raison à la cour cantonale lorsqu'elle relève qu'au moment de l'envoi des commandements de payer, la recourante pouvait tout au plus espérer obtenir un montant de 310'000 fr., correspondant à ses conclusions, et que ce montant est sans proportion avec celui réclamé. La nature abusive des agissements de la recourante se déduit également de l'importance des montants réclamés. Que la recourante n'ait pas poursuivi le recouvrement de ses créances en ouvrant, par exemple, une action en reconnaissance de dette, est également propre à démontrer le caractère abusif de son comportement. Le fait qu'elle ait retiré les poursuites doit conduire au même résultat. De même, la recourante a agi par vengeance suite au départ des intimés, dans le but de les limiter dans la recherche de nouveaux locaux et pour obtenir compensation des torts qu'elle estime avoir subis. Finalement, il est relevé que le fait pour les intimés d'avoir également entamé des poursuites contre la recourante pour des montants importants ne change rien à la nature illicite de ses propres agissements et ne les excuse pas. 
Compte tenu de ce qui précède, c'est sans violer le droit fédéral que la cour cantonale a considéré que les moyens de contrainte étaient illicites. 
 
5.5. Il reste finalement à examiner la réalisation de l'élément subjectif.  
Déterminer ce qu'une personne a su, voulu, envisagé ou accepté relève du contenu de la pensée, à savoir de faits internes, qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'ils n'aient été retenus de manière arbitraire. Est en revanche une question de droit celle de savoir si l'autorité cantonale s'est fondée sur une juste conception de la notion d'intention et si elle l'a correctement appliquée sur la base des faits retenus et des éléments à prendre en considération (ATF 141 IV 369 consid. 6.3; 135 IV 152 consid. 2.3.2). 
L'argumentation de la recourante se heurte aux constatations de la cour cantonale, qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), étant précisé que la recourante ne les critique pas sous l'angle de l'arbitraire (art. 106 al. 2 LTF). Selon celles-ci, la recourante a agi dans l'intention de contraindre les intimés en toute connaissance de la nature illicite de son attitude, ne pouvant ignorer que les montants réclamés au moyen des commandements de payer étaient sans rapport avec les éventuelles prétentions qu'elle pouvait faire valoir contre les intimés. Dans ces circonstances, l'élément subjectif de l'infraction est réalisé, pour le moins sous la forme du dol éventuel. 
 
5.6. En reconnaissant la recourante coupable de tentative de contrainte, l'autorité cantonale n'a donc pas violé le droit fédéral.  
 
6.  
Dans un dernier grief, la recourante se plaint implicitement d'une violation de l'art. 21 CP, dans la mesure où elle n'aurait pas eu connaissance de l'illicéité de ses actes. 
 
6.1. Selon l'art. 21 CP, quiconque ne sait ni ne peut savoir au moment d'agir que son comportement est illicite n'agit pas de manière coupable. Le juge atténue la peine si l'erreur était évitable. L'erreur sur l'illicéité vise le cas où l'auteur agit en ayant connaissance de tous les éléments constitutifs de l'infraction, et donc avec intention, mais en croyant par erreur agir de façon licite (ATF 129 IV 238 consid. 3.1; ATF 141 IV 336 consid. 2.4.3). L'erreur commise par l'auteur de l'infraction est, à l'instar de l'intention, un fait interne relevant des constatations de fait (ATF 142 IV 137 consid. 12; 141 IV 369 consid. 6.3). La réglementation relative à l'erreur sur l'illicéité repose sur l'idée que le justiciable doit faire tout son possible pour connaître la loi et que son ignorance ne le protège que dans des cas exceptionnels (ATF 129 IV 238 consid. 3.1; arrêts 6B_77/2019 du 11 février 2019 consid. 2.1; 6B_1084/2018 du 21 novembre 2018 consid. 2.4.1). Pour exclure l'erreur de droit, il suffit que l'auteur ait eu le sentiment de faire quelque chose de contraire à ce qui se doit ou qu'il eût dû avoir ce sentiment (ATF 129 IV 6 consid. 4.1; 104 IV 217 consid. 2; arrêt 6B_216/2018 du 14 novembre 2018 consid. 2.3). Le Tribunal fédéral a ainsi considéré que seul celui qui avait des " raisons suffisantes de se croire en droit d'agir " pouvait être mis au bénéfice de l'erreur sur l'illicéité. Une raison de se croire en droit d'agir est " suffisante " lorsqu'aucun reproche ne peut être adressé à l'auteur du fait de son erreur, parce qu'elle provient de circonstances qui auraient pu induire en erreur toute personne consciencieuse (ATF 128 IV 201 consid. 2; 98 IV 293 consid. 4a; arrêt 6B_1084/2018 précité consid. 2.4.1). Le caractère évitable de l'erreur doit être examiné en tenant compte des circonstances personnelles de l'auteur, telles que son degré de socialisation ou d'intégration (arrêt 6B_1102/2015 du 20 juillet 2016 consid. 4.1 et les références citées).  
 
6.2. Toute personne consciencieuse peut reconnaître que l'envoi d'un commandement de payer pour un montant largement supérieur à ses prétentions effectives est constitutif d'un comportement répréhensible, à tout le moins qu'il s'écarte du but poursuivi par la procédure de poursuite. En indiquant que cela " faisait partie du jeu dans ce genre de contexte " ou qu'il était nécessaire de réclamer ce montant pour arriver à quelque chose (jugement attaqué, p. 17 et 18), la recourante a d'ailleurs implicitement reconnu que son comportement n'était pas exempt de tout reproche. Partant, le recours à l'art. 21 CP par la recourante est exclu.  
 
7.  
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. La recourante supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour pénale I du Tribunal cantonal du Valais. 
 
 
Lausanne, le 29 septembre 2022 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
Le Greffier : Barraz