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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_634/2023  
 
 
Arrêt du 27 février 2024  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jametti, Présidente, Hohl et Rüedi. 
Greffière: Mme Raetz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Martine Stückelberg, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
Hoirie de feu B.________, 
représentée par C.________, 
exécuteur testamentaire et administrateur officiel, 
lui-même représenté par Me Christian Favre, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
mainlevée provisoire de l'opposition; légitimation passive de la succession non partagée pourvue d'un exécuteur testamentaire et administrateur officiel, 
 
recours contre la décision rendue le 11 août 2023 par le Juge unique de la Chambre civile du Tribunal cantonal du canton du Valais (C3 22 123). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. C.________, exécuteur testamentaire de la succession de feu B.________, a été nommé administrateur officiel (art. 105 al. 2 LTF) de cette succession par décision du 30 septembre 2018 du Juge de la commune de U.________.  
 
A.b. Le 1er avril 2022, à la réquisition de A.________, l'Office des poursuites et faillites du district de Sierre a notifié à "M. C.________ (exécu-teur testamentaire) " pour l' "Hoirie B.________" un commandement de payer le montant de 705'089 fr. 90 avec intérêts (poursuite n° xxx).  
Le 13 mai 2022, A.________ a déposé une requête dirigée contre l' "Hoirie B.________ (partie adverse, débiteur/rice) ", avec pour "représentant/e" C.________, exécuteur testamentaire et administrateur officiel de la succession, sollicitant la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer précité à concurrence du montant de 421'976 fr. 25 avec intérêts. 
 
A.c. Par décision du 3 août 2022, le Juge suppléant I du district de Sierre, mentionnant comme partie intimée "les hoirs de B.________ (...), agissant par C.________", a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition à concurrence du montant de 421'976 fr. 26 (sic) avec intérêts. La motivation a été adressée aux parties le 12 août 2022.  
 
A.d. C.________, déclarant agir "pour le compte de la succession de feu B.________ (...) en qualité d'administrateur officiel" a recouru contre cette décision.  
Par décision du 11 août 2023, le Juge unique de la Chambre civile du Tribunal cantonal du canton du Valais a admis le recours et a réformé la décision du 3 août 2022 en rejetant la requête de mainlevée. Il a considéré que cette requête avait été déposée à l'encontre de l'hoirie, laquelle n'avait pas la qualité pour défendre en raison de la présence d'un exécuteur testamentaire et administrateur officiel de la succession. 
 
B.  
A.________ exerce un recours en matière civile contre la décision du 11 août 2023 auprès du Tribunal fédéral. Il conclut principalement à sa réforme en ce sens que la mainlevée provisoire de l'opposition soit prononcée à concurrence de 421'976 fr. 26 avec intérêts, et à ce que la désignation des parties soit rectifiée en ce sens que la partie débitrice est l'hoirie de feu B.________ agissant par C.________. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de la décision attaquée et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants, plus subsidiairement au renvoi de la cause au Tribunal de Sierre. Il invoque la violation de l'art. 49 LP
Dans sa réponse, l'hoirie, représentée par C.________, conclut au rejet de la conclusion tendant au prononcé de la mainlevée et à celle visant à l'annulation de la décision attaquée et au renvoi de la cause au Tribunal de Sierre. Pour le surplus, il s'en remet à justice. 
La cour cantonale se réfère aux considérants de sa décision. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment celles afférentes à la valeur litigieuse minimale de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF) et au délai de recours (art. 100 al. 1 LTF). 
 
2.  
 
2.1. Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Eu égard, toutefois, à l'exigence de motivation qu'impose l'art. 42 al. 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), il n'examine que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes (ATF 140 III 115 consid. 2).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). " Manifestement inexactes " signifie ici " arbitraires " (ATF 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
 
3.  
La cour cantonale a considéré que la succession de feu B.________ était pourvue d'un liquidateur officiel (recte: administrateur officiel) et d'un exécuteur testamentaire en la personne de C.________, de sorte que c'était à son encontre que la requête de mainlevée aurait dû être déposée. Selon la cour cantonale, ce dernier revêtait formellement, à l'exclusion des héritiers, la qualité pour défendre dans la procédure de mainlevée. De l'avis de la cour cantonale, la requête de mainlevée introduite à l'encontre de l'hoirie devait ainsi être rejetée. 
Le recourant soutient que la succession non partagée dispose de la qualité pour défendre dans une procédure de mainlevée provisoire, même en présence d'un exécuteur testamentaire et administrateur officiel. Il reproche à la cour cantonale d'avoir violé les art. 49 et 82 LP en niant cette qualité. 
 
3.1.  
 
3.1.1. Selon l'art. 49 LP, aussi longtemps que le partage n'a pas eu lieu, qu'une indivision contractuelle n'a pas été constituée ou qu'une liquidation officielle n'a pas été ordonnée, la succession est poursuivie au lieu où le défunt pouvait être lui-même poursuivi à l'époque de son décès et selon le mode qui lui était applicable.  
Lorsque des poursuites sont dirigées contre la "succession non partagée", le régime spécial ( lex specialis) de l'art. 49 LP s'applique et l'emporte sur les règles générales du code civil (ATF 146 III 106 consid. 3.4.1). Sur cette base, la communauté des héritiers (ou l'hoirie; Erbengemeinschaft), bien que dépourvue de la personnalité juridique, dispose de la capacité d'être partie et d'être poursuivie; dans ce cas, elle est considérée comme une partie (ATF 149 III 34 consid. 3.5.2 et 3.5.3; 146 III 106 consid. 3.2.1 et 3.4.1; 116 III 4 consid. 2a). C'est elle qui a le rôle de partie, et non l'exécuteur testamentaire, lequel n'est que le représentant de la succession (ATF 146 III 106 consid. 3.4.1).  
 
3.1.2. Si la communauté des héritiers peut être poursuivie comme telle sur la base de l'art. 49 LP, on doit nécessairement lui reconnaître la qualité pour défendre également dans la procédure de mainlevée (ATF 113 III 79 consid. 3; 102 II 385 consid. 2; arrêt 5D_4/2013 du 11 mars 2013 consid. 1.2.1), laquelle fait partie intégrante de la procédure de poursuite (ATF 102 II 385 consid. 2; arrêt 5D_4/2013 précité consid. 1.2.1).  
 
3.1.3. S'il est admis que la communauté des héritiers dispose de la qualité pour défendre dans la procédure de mainlevée, se pose la question de savoir si elle conserve cette qualité lorsqu'elle est pourvue d'un exécuteur testamentaire ou d'un administrateur officiel.  
Deux auteurs retiennent qu'en présence d'un exécuteur testamentaire, d'un administrateur officiel ou d'un représentant désigné, celui-ci a (seul) qualité pour défendre dans la procédure de mainlevée (STÉPHANE ABBET, in La mainlevée de l'opposition, 2e éd. 2022, n° 24a ad art. 84 LP; SANDRA LAYDU MOLINARI, la poursuite pour les dettes successorales, 1999, p. 209). 
Or, on doit au contraire admettre que dans ce cas aussi, la communauté des héritiers a la qualité de partie (FRANCO LORANDI, Erblasser, Erbengemeinschaft, Erbe[n] und Erbschaft als Schuldner, PJA 2012 p. 1388). Une autre solution aboutirait à une incohérence avec la jurisprudence précitée. D'une part, celle-ci retient, sur la base du régime spécial de l'art. 49 LP, que la communauté des héritiers a le rôle de partie dans le cadre d'une poursuite dirigée contre elle, l'exécuteur testamentaire n'étant que son représentant (ATF 146 III 106 consid. 3.4.1; cf. consid. 3.1.1 supra). D'autre part, elle souligne un nécessaire parallélisme entre la qualité de partie de la communauté des héritiers dans une telle procédure de poursuite et dans une procédure de mainlevée (cf. consid. 3.1.2 supra et les arrêts cités). Dès lors, le fait que la communauté des héritiers soit considérée comme partie dans le cadre d'une poursuite dirigée contre elle implique qu'elle soit également considérée comme telle dans une procédure de mainlevée, l'exécuteur testamentaire conservant son rôle de représentant. Le même régime doit s'appliquer pour ces deux procédures.  
 
3.2. Au vu de ce qui précède, la cour cantonale ne peut être suivie lorsqu'elle affirme que la requête de mainlevée aurait dû être déposée à l'encontre de C.________, exécuteur testamentaire et administrateur officiel, lequel revêtirait seul la qualité pour défendre dans la procédure de mainlevée.  
Au contraire, la requête de mainlevée introduite à l'encontre de l' "Hoirie B.________", avec pour "représentant/e" C.________, exécuteur testamentaire et administrateur officiel de la succession, est conforme à ce qui a été exposé précédemment. 
Dès lors, la cour cantonale ne pouvait admettre le recours et rejeter la requête de mainlevée pour le seul motif du défaut de légitimation passive. Il y a ainsi lieu d'annuler la décision attaquée et de renvoyer la cause à la cour cantonale afin qu'elle examine les autres arguments émis dans le recours formé devant elle, arguments sur lesquels elle n'est pas entrée en matière du fait de l'admission du recours. En l'état, le Tribunal fédéral ne saurait prononcer d'emblée la mainlevée de l'opposition. 
Par ailleurs, la requête de mainlevée a bien été déposée contre l'hoirie (représentée par C.________), comme indiqué dans le commandement de payer - et non contre les hoirs ou les héritiers de feu B.________, tel que l'a retenu le premier juge dans la désignation des parties et l'a brièvement évoqué la cour cantonale. La cour cantonale veillera ainsi à désigner correctement la partie débitrice intimée, à savoir l'hoirie de feu B.________, agissant par C.________, en qualité d'exécuteur testamentaire et administrateur officiel. 
Enfin, il appartiendra à la cour cantonale de se prononcer à nouveau sur les frais et dépens. 
 
4.  
Au vu de ce qui précède, il est superflu d'analyser les autres critiques dirigées contre la décision litigieuse. 
 
5.  
En définitive, le recours doit être admis. La décision attaquée est annulée et la cause renvoyée à la cour cantonale afin qu'elle rende une nouvelle décision dans le sens des considérants. Le recours est rejeté pour le surplus. 
Le recourant obtient gain de cause uniquement dans la mesure où la décision qu'il attaque est annulée et la cause renvoyée à l'instance précédente. L'issue du litige demeure ouverte. Par ailleurs, la partie intimée s'en est remise à justice sur le sort de la conclusion en annulation de la décision litigieuse et au renvoi à la cour cantonale; contrairement à ce qu'elle soutient, cela ne lui permet pas d'éviter la mise à sa charge de frais judiciaires, car on ne saurait dire qu'elle a ainsi acquiescé au recours sur ce point (arrêt 5A_1065/2020 du 2 décembre 2021 consid. 9 et les arrêts cités; arrêt 4A_616/2013 du 16 juin 2014 consid. 4 non publié in ATF 140 III 227). Le fait qu'elle ne serait pas responsable de la violation du droit reprochée à l'instance précédente ne lui permet pas non plus d'échapper aux frais judiciaires. Il se justifie de les répartir par moitié entre les parties (art. 66 al. 1 LTF) et de compenser les dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. La décision attaquée est annulée et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis par moitié à la charge de chaque partie. 
 
3.  
Les dépens sont compensés. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Juge unique de la Chambre civile du Tribunal cantonal du canton du Valais. 
 
 
Lausanne, le 27 février 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
La Greffière : Raetz