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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
8C_175/2020  
 
 
Arrêt du 22 septembre 2020  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Maillard, Président, Viscione et Abrecht. 
Greffier : M. Ourny. 
 
Participants à la procédure 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par Me Pierre Seidler, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-accidents (rente d'invalidité; revenu d'invalidité), 
 
recours contre le jugement à la Cour des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 28 janvier 2020 (AA 87 / 2018 + AJ 88 / 2018). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, né en 1958, a travaillé en qualité de monteur de voies de chemin de fer pour la société B.________. Il était à ce titre assuré obligatoirement contre le risque d'accident auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA). Le 16 mai 2000, il a été victime d'un accident en jouant au football, qui a entraîné une déchirure complète du ligament croisé antérieur du genou droit et d'autres lésions dudit genou. La CNA a pris en charge le cas. En octobre 2012 et avril 2013, l'assuré a annoncé des rechutes de l'accident du 16 mai 2000 ensuite de chutes dans des escaliers.  
 
A.b. Par décision du 23 février 2018, confirmée sur opposition le 24 mai 2018, la CNA, retenant notamment que l'assuré était en mesure d'exercer une activité adaptée sous certaines conditions, lui a alloué une rente d'invalidité fondée sur un taux de 15 % à compter du 1 er janvier 2018. Ce taux résultait d'un revenu d'invalide fixé sur la base des chiffres du niveau de compétence 1 de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) en tenant compte d'un abattement de 10 % en raison des limitations fonctionnelles de l'assuré. Celui-ci s'est en outre vu octroyer une indemnité pour atteinte à l'intégrité (IPAI) correspondant à un taux de 30 %.  
 
B.   
Saisie d'un recours de l'assuré contre la décision sur opposition en tant qu'elle portait sur la rente d'invalidité, la Cour des assurances du Tribunal de la République et canton du Jura l'a partiellement admis par jugement du 28 janvier 2020. Elle a réformé la décision en ce sens que l'assuré avait droit à une rente d'invalidité fondée sur un taux de 20 % (compte tenu d'un abattement de 15 %). La cause a été renvoyée à la CNA pour qu'elle procède au calcul du montant de la rente. 
 
C.   
La CNA interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement, en concluant à sa réforme dans le sens de la confirmation de sa décision sur opposition du 24 mai 2018. 
L'intimé et la cour cantonale concluent au rejet du recours. L'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.   
Au vu du jugement attaqué et des conclusions de la recourante, le litige porte uniquement sur le taux de la rente d'invalidité allouée à l'intimé, plus précisément sur le taux d'abattement à prendre en considération dans ce cadre. 
S'agissant d'une procédure concernant l'octroi de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par la juridiction précédente (art. 105 al. 3 LTF). 
 
3.  
 
3.1. Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Si l'assuré est invalide (art. 8 LPGA [RS 830.1]) à 10 % au moins ensuite d'un accident, il a droit à une rente d'invalidité (art. 18 al. 1 LAA). Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA; méthode ordinaire de la comparaison des revenus).  
 
3.2. Le revenu d'invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'assuré. En l'absence d'un revenu effectivement réalisé - soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l'atteinte à la santé, n'a pas repris d'activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible -, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l'ESS ou sur les données salariales résultant des descriptions de postes de travail (DPT) établies par la CNA (ATF 139 V 592 consid. 2.3 p. 593 s.; 135 V 297 consid. 5.2 p. 301). Aux fins de déterminer le revenu d'invalide, les salaires fixés sur la base des données statistiques de l'ESS peuvent à certaines conditions faire l'objet d'un abattement 25 % au plus (ATF 129 V 472 consid. 4.2.3 p. 481 s.; 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79 s.).  
 
3.3. La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation). Il n'y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération. Il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d'appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d'invalide, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas concret (ATF 126 V 75 précité consid. 5b/bb p. 80; arrêts 8C_766/2017 du 30 juillet 2018 consid. 8.3.1; 8C_227/2017 du 17 mai 2018 consid.3.1). Jusqu'à présent, le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de savoir si, dans le domaine de l'assurance-accidents, le critère de l'âge pouvait justifier un abattement des données statistiques (arrêt 8C_729/2019 du 25 février 2020 consid. 5.3.2 et la référence). Dans le domaine de l'assurance-invalidité, bien que l'âge soit inclus dans le cercle des critères déductibles depuis la jurisprudence de l'ATF 126 V 75, il ne suffit pas de constater qu'un assuré a dépassé la cinquantaine au moment déterminant - que celui-ci soit celui de la naissance éventuelle du droit à la rente ou celui de la décision sur opposition, cette question ayant été laissée ouverte (arrêt 9C_651/2008 du 9 octobre 2009 consid. 6.2.2.2 et la référence) - pour que cette circonstance justifie de procéder à un abattement. L'effet de l'âge combiné avec un handicap doit faire l'objet d'un examen dans le cas concret, les possibles effets pénalisants au niveau salarial induits par cette constellation aux yeux d'un potentiel employeur pouvant être compensés par d'autres éléments personnels ou professionnels tels que la formation et l'expérience professionnelle de l'assuré concerné (arrêt 8C_766/2017 précité consid. 8.6).  
 
3.4. L'étendue de l'abattement justifié dans un cas concret constitue une question typique relevant du pouvoir d'appréciation, qui est soumise à l'examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d'appréciation de manière contraire au droit, soit si elle a commis un excès positif ("Ermessensüberschreitung") ou négatif ("Ermessensunterschreitung") de son pouvoir d'appréciation ou a abusé ("Ermessensmissbrauch") de celui-ci (ATF 146 V 16 consid. 4.2 p. 20; 137 V 71 consid. 5.1 p. 72 s.), notamment en retenant des critères inappropriés, en ne tenant pas compte de circonstances pertinentes, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n'usant pas de critères objectifs (ATF 135 III 179 consid. 2.1 p. 181; 130 III 176 consid. 1.2 p. 180).  
 
3.5. Contrairement au pouvoir d'examen du Tribunal fédéral, celui de l'autorité judiciaire de première instance n'est pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation), mais s'étend également à l'opportunité de la décision administrative ("Angemessenheitskontrolle"). En ce qui concerne l'opportunité de la décision en cause, l'examen porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité, dans un cas concret, a adoptée dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. A cet égard, le juge des assurances sociales ne peut pas, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l'administration; il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 précité consid. 5.2 p. 73 et l'arrêt cité).  
 
4.  
 
4.1.  
 
4.1.1. Dans sa décision sur opposition, la recourante a fixé le revenu d'invalide en se référant aux statistiques de l'ESS et en prenant comme base les chiffres du niveau de compétence 1. Elle a procédé à un abattement de 10 % tenant compte des limitations fonctionnelles de l'intimé pour aboutir à un revenu d'invalide de 61'073 fr. 55; comparé au revenu sans invalidité évalué à 72'150 fr., il en résultait un taux d'invalidité de 15 %.  
 
4.1.2. Les juges cantonaux ont relevé que l'intimé était âgé de 59 ans au moment déterminant et qu'il présentait des limitations fonctionnelles dans les activités professionnelles adaptées à son état de santé. Ils ont relaté son cursus professionnel, retenant notamment qu'il n'avait plus exercé d'activité lucrative depuis 2011. Ils en ont conclu que ses limitations fonctionnelles n'étaient pas compensées par d'autres éléments personnels ou professionnels tels que la formation ou l'expérience professionnelle, de sorte qu'il convenait de procéder à un abattement de 15 %. Le revenu d'invalide s'élevait ainsi à 57'680 fr. 60. Mis en rapport avec le revenu sans invalidité non litigieux, il en découlait un degré d'invalidité de 20 %.  
 
4.1.3. La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir commis un excès positif et/ou un abus de son pouvoir d'appréciation en retenant un abattement de 15 %, dès lors qu'en dehors des limitations fonctionnelles de l'intimé, aucun autre facteur n'aurait d'effet sur son revenu d'invalide. Son âge ne constituerait notamment pas un motif d'abattement.  
 
4.2. La critique de la recourante est justifiée. Les premiers juges ont mis en évidence - en sus des limitations fonctionnelles de l'intimé dont la recourante avait déjà tenu compte - son âge ainsi que sa formation et son expérience professionnelle; ils n'ont toutefois pas précisé et donc pas examiné en quoi ses perspectives salariales seraient concrètement réduites sur un marché du travail équilibré à raison de ces éléments, compte tenu des circonstances du cas particulier. En tout état de cause, ni l'âge de l'intimé ni son parcours professionnel ne constituent des critères autorisant à revoir à la baisse son revenu d'invalide. Pour autant que ce critère soit déterminant en assurance-accidents, au moment tant de la naissance du droit à la rente que de la décision sur opposition, l'intimé était âgé de 59 ans; il n'avait par conséquent pas atteint l'âge à partir duquel le Tribunal fédéral reconnaît généralement que ce facteur peut être déterminant et nécessite une approche particulière (arrêt 9C_486/2013 du 2 décembre 2013 consid. 3.2.2, non publié in ATF 139 V 600). En outre, pour fixer le revenu d'invalide, la juridiction cantonale s'est fondée sur le revenu auquel peuvent prétendre les hommes effectuant des activités simples (du niveau de compétence 1 selon l'ESS 2014) qui ne requièrent ni formation, ni expérience professionnelle spécifique. Cette valeur statistique s'applique à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu'ils seraient en mesure de réaliser en tant qu'invalides dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activités variées et non qualifiées, ne requérant pas d'expérience professionnelle spécifique, ni de formation particulière, si ce n'est une phase initiale d'adaptation et d'apprentissage (arrêt 8C_766/2017 précité consid. 8.6 et les références). Dans ces conditions, il n'apparaît pas que l'âge de l'intimé ou son manque d'expérience dans une nouvelle profession soient susceptibles de réduire ses perspectives salariales. Pour le reste, il n'est pas contesté que ses limitations fonctionnelles fondent un abattement de 10 % du revenu d'invalide résultant des données de l'ESS. Partant, c'est à tort que les juges cantonaux ont substitué sans motif pertinent leur propre appréciation à celle de la recourante pour retenir un abattement de 15 %. Le recours se révèle dès lors bien fondé.  
 
5.   
L'intimé, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). La cause sera renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure précédente (art. 68 al. 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis. La décision de la Cour des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 28 janvier 2020 est annulée et la décision sur opposition de la CNA du 24 mai 2018 confirmée. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.   
La cause est renvoyée à la Cour des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure précédente. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 22 septembre 2020 
 
Au nom de la I  re Cour de droit social  
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Maillard 
 
Le Greffier : Ourny