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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
5A_589/2012 
 
Arrêt du 13 décembre 2012 
IIe Cour de droit civil 
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux Escher, Juge présidant, 
L. Meyer et Herrmann. 
Greffier: M. Braconi. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Remuka Cavadini, avocate, 
recourante, 
 
contre 
 
1. B.________, 
2. C.________, 
3. D.________, 
4. E.________, 
tous quatre représentés par Me Laurent Chassot, 
avocat, 
intimés. 
 
Objet 
mainlevée définitive de l'opposition, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre civile 
de la Cour de justice du canton de Genève 
du 22 juin 2012. 
 
Faits: 
 
A. 
Le 6 septembre 2011, Mes B.________, C.________, D.________ et E.________ (poursuivants) ont fait notifier à A.________ SA (poursuivie) un commandement de payer la somme de xxxx fr. avec intérêts à 3,5 % l'an dès le 12 août 2010, en se fondant sur une ordonnance de référé rendue le 28 avril 2011 par la Vice-présidente du Tribunal d'arrondissement de Luxembourg. Cet acte a été frappé d'opposition totale, non motivée. 
 
Le 3 octobre 2011, les poursuivants ont requis la mainlevée définitive de l'opposition à concurrence de xxxx fr. (xxxx Euros) plus intérêts à 3,5 % l'an dès le 12 août 2010. La poursuivie a conclu au rejet de la requête. 
 
B. 
Par jugement du 20 février 2012, le Tribunal de première instance de Genève (18ème Chambre) a déclaré exécutoire en Suisse l'ordonnance de référé étrangère (1), prononcé la mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer, avec intérêts à 3,5 % l'an dès le 12 août 2010 (2) et arrêté les frais et dépens (3 et 4). 
 
Statuant le 22 juin 2012, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a admis partiellement le recours de la poursuivie, annulé le chiffre 1 du dispositif de ce jugement et rejeté le recours pour le surplus. 
 
C. 
Par acte du 17 août 2012, la poursuivie interjette un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre cet arrêt; sur le fond, elle conclut au rejet de la requête de mainlevée. 
 
Invités à répondre, les poursuivants concluent au rejet du recours, alors que l'autorité cantonale se réfère aux considérants de son arrêt. 
 
D. 
Par ordonnance présidentielle du 4 septembre 2012, l'effet suspensif a été attribué au recours. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
1.1 Le recours a été déposé dans le délai légal (art. 100 al. 1 LTF) à l'encontre d'une décision finale (art. 90 LTF), susceptible d'un recours en matière civile (art. 72 al. 2 let. a et let. b ch. 1 LTF; ATF 135 III 670 consid. 1.1), prise par une autorité cantonale de dernière instance ayant statué sur recours (art. 75 al. 1 et 2 LTF). La valeur litigieuse atteint le seuil légal (art. 74 al. 1 let. b LTF; cf. ATF 137 III 261 consid. 1.4). La poursuivie, qui a succombé devant la juridiction précédente, a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF). 
 
1.2 La décision attaquée ne porte pas sur des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 133 III 399 consid. 1.5 [mainlevée définitive]; 135 III 670 consid. 1.3.2 [exequatur d'une décision étrangère]); la cognition du Tribunal fédéral n'est donc pas restreinte à la violation des droits constitutionnels. 
 
2. 
En premier lieu, la recourante se plaint d'une «violation des art. 84 CO et 80 LP». En bref, elle expose que les poursuivants ont fait valoir une créance en francs suisses découlant d'une ordonnance qui astreint au paiement d'une somme exprimée en Euros et ont ainsi «explicitement requis [sa] condamnation en monnaie suisse, en se fondant sur un titre de mainlevée portant sur un montant en Euros», chef de conclusions qui liait le juge de la mainlevée. En outre, l'art. 84 al. 2 CO ne réserve qu'au débiteur le choix de la monnaie de paiement. En l'occurrence, les poursuivants ont initié une procédure d'exécution forcée en invoquant une créance en francs suisses, comme ils l'auraient fait si la décision étrangère avait eu d'emblée pour objet un paiement en cette monnaie, ce qui n'est pas le cas. Dans ces conditions, la mainlevée devait être refusée, sous peine de permettre «la mise en oeuvre de procédés qui ne relèvent plus de l'exécution de sa prétention par le créancier, mais du changement unilatéral par ce dernier de la nature de la prétention qui lui a été octroyée par la décision qu'il prétend exécuter». Alors que le commandement de payer porte sur une prétention de xxxx fr., la mainlevée n'a été requise qu'à hauteur de xxxx fr.; or, «aucun lien n'est possible» entre le premier montant et l'ordonnance de référé étrangère, d'autant que les poursuivants ont sollicité la mainlevée pour un montant inférieur; à cela s'ajoute que la poursuite ne mentionne ni le taux ni la date de conversion du montant reconnu par la juridiction étrangère. 
 
2.1 Il ne résulte pas de l'arrêt attaqué que le grief aurait été présenté en instance cantonale (art. 105 al. 1 LTF); d'ailleurs, la recourante ne reproche pas à l'autorité cantonale de ne pas avoir statué sur un moyen régulièrement soulevé. Quoi qu'il en soit de sa recevabilité sous l'angle de l'art. 75 al. 1 LTF (épuisement des instances cantonales: ATF 134 III 524 consid. 1.3, avec les citations), le recours est de toute manière mal fondé sur ce point. 
 
2.2 Le grief repose sur des prémisses erronées. Comme l'a jugé tout récemment le Tribunal fédéral, la conversion d'une créance aux fins de l'exécution forcée doit se faire «au cours de l'offre des devises du jour de la réquisition de poursuite», l'art. 84 al. 2 CO - qui permet d'opter pour le cours du jour de l'échéance - n'étant pas applicable (ATF 137 III 623 consid. 3); en convertissant leur réclamation en francs suisses, les poursuivants se sont donc simplement conformés à l'exigence posée à l'art. 67 al. 1 ch. 3 LP, qui est une prescription d'ordre public (ATF 137 III 623 consid. 3), sans s'arroger une faculté - alternative (ATF 134 III 151 consid. 2.2) - qui ne compète qu'au débiteur. En outre, l'arrêt dont se prévaut la recourante - d'après lequel la condamnation pécuniaire ne peut avoir pour objet que la somme due en monnaie étrangère - ne se rapporte qu'à l'«Erkenntnisverfahren» (ATF 134 III 151 consid. 2.4), hypothèse que le Tribunal fédéral distingue soigneusement de celle où la conversion est imposée par les besoins de la «Zwangsvollstreckung» (ibid., consid. 2.3). La somme allouée par le juge étranger n'étant pas libellée en francs suisses, c'est dans cette dernière monnaie que devait être rédigée la requête de mainlevée (Giacometti, Währungsprobleme im Zivilprozessrecht und in der Zwangsvollstreckung, 1977, p. 110 ch. 1; Rüetschi/Stauber, Die Durchsetzung von Fremdwährungsforderungen in der Praxis, in: BlSchK 70/2006 p. 57 let. b), et prononcée la mainlevée de l'opposition (Giacometti, loc. cit. et la jurisprudence citée; Staehelin, in: Basler Kommentar, SchKG I, 2e éd., 2010, n° 52 ad art. 80 LP). 
 
Il ressort du titre de l'obligation mentionné dans le commandement de payer, qui reprend l'indication de la réquisition de poursuite (art. 69 al. 2 ch. 1 LP, en relation avec l'art. 67 al. 1 ch. 4 LP; sur la portée de cette indication, cf. la jurisprudence citée par Peter, Edition annotée de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 2010, p. 277 s.), que les poursuivants agissent en recouvrement de la somme qui leur a été allouée par «ordonnance de référé du 28.4.11 de la Vice-présidente du Tribunal d'arrondissement de Luxembourg». La requête de mainlevée définitive se fonde sur l'ordonnance précitée, dont les poursuivants ont sollicité préalablement «le constat de la force exécutoire»; la mainlevée a été requise à hauteur de xxxx fr. (en capital), correspondant au montant de la condamnation (xxxx Euros) converti selon le taux de change (i.e. offre des devises) à la date du dépôt de la réquisition de poursuite, c'est-à-dire le 22 juillet 2011. La condition de l'identité de la dette en poursuite et de la somme reconnue par le jugement invoqué comme titre de mainlevée (cf. sur cette exigence: Panchaud/Caprez, La mainlevée d'opposition, 2e éd., 1980, § 108) est ainsi remplie. 
 
La recourante fait grand cas de la différence, certes sensible, entre le montant pour lequel la poursuite a été engagée (xxxx fr.) et celui pour lequel la mainlevée a été requise (xxxx fr.). Comme on l'a vu, cette argumentation est dénuée de pertinence en tant qu'elle repose sur une prétendue absence de «lien» entre le premier montant et celui qui découle de l'ordonnance de référé étrangère. En outre, l'intéressée avait la possibilité de contester devant le juge de la mainlevée le cours et/ou la date pertinents pour la conversion (Staehelin, loc. cit., avec la jurisprudence citée; pour plus de détails: Giacometti, op. cit., p. 112 ss), partant l'incidence de cette opération sur la quotité de la créance (cf., pour la validation de séquestre [art. 279 al. 1 LP]: arrêt 5A_197/2012 du 26 septembre 2012 consid. 2.1); elle ne l'a pas fait, pas plus qu'elle ne soulève de critique de ce chef en instance fédérale (art. 42 al. 2 LTF; ATF 134 II 244 consid. 2.1). 
 
3. 
En second lieu, la recourante expose que l'ordonnance de référé l'avait condamnée à payer une somme «avec les intérêts légaux à partir de la date de l'échéance de la facture»; alors même qu'elle a expressément considéré que les poursuivants n'avaient pas établi le taux des intérêts moratoires, la juridiction cantonale a néanmoins confirmé sur ce point le jugement de première instance qui avait octroyé la mainlevée définitive au commandement de payer (n° xxxx), «avec intérêts à 3.5 % dès le 12 août 2010». 
 
3.1 En soi, le reproche apparaît justifié. L'autorité précédente a retenu que la mainlevée définitive devait être prononcée (pour le capital) sur le vu du titre exécutoire produit par les poursuivants, «mais sans les intérêts moratoires à défaut d'avoir démontré que leur taux correspondait au taux légal selon le droit luxembourgeois» (p. 6 consid. 7).Toutefois, dans le dispositif, elle n'a annulé le jugement entrepris qu'en tant qu'il avait «déclaré exécutoire en Suisse» l'ordonnance de référé étrangère (ch. 1), le recours étant rejeté «pour le surplus». 
 
3.2 Conformément à l'art. 75 al. 1 LTF, le recours en matière civile n'est ouvert qu'à l'encontre d'une décision rendue par une autorité cantonale de dernière instance. Reprenant les principes dégagés sous l'empire de l'art. 86 al. 1 OJ (ATF 134 III 524 consid. 1.3 et les références citées), le Tribunal fédéral interprète largement cette condition, qui comprend «toutes les voies de droit qui sont ouvertes au recourant lui-même afin de faire disparaître le préjudice juridique allégué et qui sont de nature à obliger l'autorité saisie à statuer» (arrêts 5A_678/2007 du 8 janvier 2008 consid. 3.1; 5A_625/2008 du 27 juillet 2009 consid. 3.2). 
 
Il résulte des constatations qui précèdent (cf. supra, consid. 3.1) que l'arrêt attaqué souffre d'une contradiction manifeste entre le dispositif et les motifs. Un tel vice peut être réparé dans le cadre d'une procédure d'interprétation (art. 334 CPC; Schweizer, in: Code de procédure civile commenté, 2011, n° 7 ad art. 334 CPC, qui mentionne l'exemple d'un dispositif condamnant une partie au versement d'une somme d'argent au titre de la violation d'un contrat, alors que les motifs constatent qu'il n'existe aucune violation dudit contrat); or, il s'agit là d'une voie de droit avant l'épuisement de laquelle le recours est irrecevable au regard de l'art. 75 al. 1 LTF (arrêt 5A_99/2010 du 15 mars 2010 consid. 1.3 et la jurisprudence citée; MEYER, Wege zum Bundesgericht - Übersicht und Stolpersteine, in: ZBJV 146/2010 p. 821 s. et n. 86). 
 
4. 
En conclusion, le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité, avec suite de frais et dépens à la charge de la recourante (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3. 
Une indemnité de 8'000 fr., à payer solidairement aux intimés à titre de dépens, est mise à la charge de la recourante. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
Lausanne, le 13 décembre 2012 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Juge présidant: Escher 
 
Le Greffier: Braconi