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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_252/2022, 9C_253/2022  
 
 
Arrêt du 15 mai 2023  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
M. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, 
Moser-Szeless et Scherrer Reber. 
Greffière : Mme Perrenoud. 
 
Participants à la procédure 
9C_252/2022 
A.________ SA, 
représentée par M e Jacques Roulet, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Helsana Assurances SA, 
Zürichstrasse 130, 8600 Dübendorf, 
représentée par Helsana Assurances SA, Droit & Compliance, avenue de Provence 15, 1007 Lausanne, 
intimée, 
 
et 
 
9C_253/2022 
Helsana Assurances SA, 
Zürichstrasse 130, 8600 Dübendorf, 
représentée par Helsana Assurances SA, Droit & Compliance, avenue de Provence 15, 1007 Lausanne, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________ SA, 
représentée par M e Jacques Roulet, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-maladie, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal arbitral des assurances de la République et canton de Genève du 14 mars 2022 (A/2847/2018 ATAS/283/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par arrêt 9C_571/2019 du 23 juillet 2020, le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours formé par A.________ SA (ci-après: A.________ ou la société) contre l'arrêt du Tribunal arbitral des assurances de la République et canton de Genève du 3 juillet 2019 (ATAS/638/2019), par lequel cette dernière avait notamment été condamnée au paiement de 1'952'132 fr. à Helsana Assurances SA et Progrès Assurances SA (aujourd'hui Helsana Assurances SA, à la suite de leur fusion intervenue le 1er janvier 2022; ci-après: Helsana), sous réserve de la compensation avec les prestations dues par les deux assureurs-maladie à la société (ch. 3 du dispositif de l'arrêt du 3 juillet 2019). Le Tribunal fédéral a annulé l'arrêt cantonal sur ce point et renvoyé la cause à la juridiction cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Selon ceux-ci, la juridiction cantonale avait manqué d'examiner si l'intervention concrète des caisses-maladie, qui avaient pris en charge les prestations facturées par A.________ sur une période prolongée, a créé une confiance légitime, et d'établir les faits à ce sujet. En conséquence, il restait à déterminer si le remboursement par les caisses-maladie des prestations facturées sous le numéro du registre du code-créancier (RCC), géré par Sasis SA, de son médecin répondant (n° RCC xxx), permettait à A.________ croire que les médecins travaillant pour elle n'avaient pas besoin de l'autorisation de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins. 
 
B.  
Reprenant l'instruction de la cause, la juridiction cantonale a notamment tenu des audiences le 12 mars 2021 et le 10 décembre 2021; au cours de la seconde, elle a entendu le docteur B.________, médecin cantonal de la République et canton de Genève du 1er février 2010 au 31 juillet 2020, en tant que témoin. Par arrêt du 14 mars 2022, le Tribunal arbitral a partiellement admis la demande principale (ch. 19 du dispositif) et condamné A.________ au paiement de 62'860 fr. à Helsana (ch. 20 du dispositif). Il a rejeté la demande reconventionelle de la société ("tendant à libérer l'entier des sommes afférentes aux prestations facturées par la défenderesse depuis le 1er juin 2018" [consid. 15 de l'arrêt]), dans la mesure où elle était recevable (ch. 21 du dispositif), mis les frais de la procédure et un émolument de justice, pour un total de 17'700 fr., à la charge des parties à parts égales (ch. 22 du dispositif) et condamné Helsana à verser à A.________ une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens (ch. 23 du dispositif). 
 
C.  
A.________ et Helsana interjettent toutes deux un recours contre cet arrêt, à savoir un recours en matière de droit public pour la première (cause 9C_252/2022) et un "recours en matière de droit public et recours constitutionnel subsidiaire" pour la seconde (cause 9C_253/2022). 
A.________ demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler les ch. 19, 20, 21 et 22 du dispositif de l'arrêt du Tribunal arbitral du 14 mars 2022, de constater que Helsana conserve "sans droit depuis le 1er juin 2018 les prestations [qu'elle a] facturées" et de lui ordonner de "libérer l'entier de ces sommes en [sa] faveur [...], avec un taux d'intérêt de 5 % l'an calculé dès les dates d'exigibilité respectives pour chacune de ces sommes". Subsidiairement, la société requiert le renvoi de la cause à la juridiction arbitrale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Helsana conclut pour sa part principalement à la réforme des ch. 19 et 20 du dispositif de l'arrêt du 14 mars 2022 et à ce que A.________ soit condamnée à lui payer le montant de 1'952'132 fr., partiellement compensé avec celui de 840'615 fr. retenu par elle. Subsidiairement, elle demande le renvoi de la cause au Tribunal arbitral pour instruction complémentaire (audition de l'Association des Médecins du Canton de Genève [AMGe] et du Groupe de Pratique du service du médecin cantonal, notamment). 
Chacune des parties conclut au rejet du recours de l'autre, tandis que l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer. 
A.________ et Helsana se sont encore exprimées sur leurs réponses respectives. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les deux recours sont dirigés contre le même arrêt, opposent les mêmes parties et portent l'un et l'autre sur un état de faits identique. Il se justifie par conséquent de joindre les causes et de les traiter dans un seul arrêt (cf. art. 24 al. 2 PCF applicable par renvoi de l'art. 71 LTF; voir aussi ATF 142 II 293 consid. 1.2; 127 V 29 consid. 1 et les références). 
 
2.  
 
2.1. Formé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF), le recours de Helsana est en principe recevable comme recours en matière de droit public au sens des art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Partant, le recours constitutionnel subsidiaire qu'elle interjette également est irrecevable (art. 113 LTF). Les griefs invoqués par la recourante au titre de celui-ci, tirés d'une violation de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.) au motif que "ses arguments péremptoires en matière de rejet de la protection de la bonne foi n'ont pas été traités et que ses offres de preuves ont été écartées, le tout sans motivation" (ch. 16-25 p. 14-18 de l'écriture de recours) seront examinés dans le cadre de son recours de droit public.  
 
2.2. La recevabilité du recours de A.________ ne prête pas à discussion.  
 
3.  
Le recours en matière de droit public peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'en écarter doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut pas être pris en considération. 
 
4.  
Le litige porte sur le point de savoir si c'est à bon droit que la juridiction cantonale a admis que le remboursement par Helsana des prestations facturées par A.________ sous le n° RCC de son médecin répondant permettait à celle-ci de croire de bonne foi, jusqu'au 2 janvier 2017, que ses médecins salariés n'avaient pas besoin d'une autorisation individuelle de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins, de sorte qu'elle pouvait prétendre à la prise en charge des prestations effectuées jusque-là, mais non pas de celles fournies au-delà de cette date. 
 
5.  
Examinant si les conditions pour admettre la bonne foi de A.________ étaient remplies, la juridiction cantonale a admis que tel était le cas jusqu'au 2 janvier 2017 au plus tard (consid. 7.3 infra). Pour la période subséquente, elle a considéré que le courriel que la doctoresse C.________, médecin cantonal délégué de la République et canton de Genève, avait adressé au médecin répondant de A.________ le 3 janvier 2017 était clair. Le médecin cantonal y indiquait, en relation avec un médecin employé par la société et exerçant son activité "sans prodiguer de soins à la charge de l'assurance-maladie obligatoire à titre indépendant ou dépendant sous sa propre responsabilité", selon les indications de A.________, que les prestations du médecin en cause ne pouvaient être facturées ni par le biais de l'institution ni par lui-même. Il en ressortait donc clairement qu'il était exclu que le praticien en cause eût le droit de facturer à la charge de l'assurance-maladie obligatoire. La bonne foi de la société devait donc être niée dès la date de la réponse de la doctoresse C.________. Le Tribunal arbitral a ensuite procédé à la compensation entre la créance en restitution de Helsana et celle en remboursement de A.________. Au vu du montant de 903'475 fr. remboursé par Helsana aux médecins de A.________ sans autorisation de facturer à la charge de la LAMal entre le 3 janvier 2017 et le 7 juin 2018 (date à laquelle le remboursement avait été bloqué) et de celui de 840'615 fr. dû par Helsana depuis le 7 juin 2018 à titre de remboursement des factures émanant de médecins de A.________ au bénéfice d'une autorisation de facturer à la charge de la LAMal - montants non contestés par les parties -, la juridiction de première instance a fixé à 62'860 fr. la somme due par la société à Helsana. 
 
6.  
 
6.1. Dans un premier moyen, A.________ se prévaut d'une violation de l'art. 25 al. 2 LPGA. Elle reproche au Tribunal arbitral d'avoir admis que les prétentions de Helsana n'étaient pas frappées de péremption. Elle soutient que la juridiction précédente a fait partir le délai de péremption d'un an à tort depuis le 9 mai 2018, date à laquelle le médecin cantonal avait transmis à Helsana la liste des médecins non autorisés à facturer à la charge de l'assurance obligatoire des soins. Selon A.________, le point de départ du délai de péremption doit être fixé "à compter de la modification de l'art. 55a LAMal en 2013, et au plus tard en 2015", c'est-à-dire au moment où la juridiction de première instance a admis que Helsana aurait pu et dû effectuer des vérifications.  
 
6.2. Selon les dispositions légales et la jurisprudence y relative, dûment rappelées par le Tribunal arbitral, le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du motif de restitution, mais au plus tard cinq ans après le versement des prestations (cf. art. 25 al. 2, 1ère phrase, LPGA, dans sa version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2020, soit avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2021, de la modification de la LPGA du 21 juin 2019 [RO 2020 5137], applicable en l'espèce compte tenu de la période du 1er septembre 2013 au 25 juillet 2018 durant laquelle les prestations litigieuses ont été facturées à Helsana et prises en charge par celle-ci [cf. ATF 132 V 215 consid. 3.1.1]; sur l'application de l'art. 25 al. 2 LPGA dans les relations entre assureurs-maladie et fournisseurs de prestations, cf. ATF 133 V 579 consid. 4.1 et les arrêts cités). Malgré la terminologie légale, il s'agit de délais (relatif et absolu) de péremption et non de prescription (ATF 142 V 20 consid. 3.2.2; 133 V 579 consid. 4.1). Ces délais ne peuvent par conséquent pas être interrompus (cf. ATF 136 II 187 consid. 6). Le point de départ du délai de péremption d'un an (art. 25 al. 2 LPGA) doit être fixé en se fondant sur le moment où l'administration aurait dû connaître les faits fondant l'obligation de restituer, en faisant preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elle (ATF 140 V 521 consid. 2.1; 139 V 6 consid. 4.1). L'administration doit disposer de tous les éléments qui sont décisifs dans le cas concret et dont la connaissance fonde - quant à son principe et à son étendue - la créance en restitution à l'encontre de la personne tenue à restitution (ATF 146 V 217 consid. 2.1 et les références). Si l'administration dispose d'indices laissant supposer l'existence d'une créance en restitution, mais que les éléments disponibles ne suffisent pas encore à en établir le bien-fondé, elle doit procéder, dans un délai raisonnable, aux investigations nécessaires (arrêt 9C_454/2012 du 18 mars 2013 consid. 4, non publié in ATF 139 V 106, et les références).  
 
6.3. Le Tribunal arbitral est parvenu à la conclusion que le droit de Helsana d'exiger la restitution n'était pas périmé. Il a considéré que le dépôt de la requête de conciliation (le 23 août 2018) était survenu dans le délai d'un an à compter du moment où Helsana avait été informée par le médecin cantonal de l'identité des médecins de A.________ disposant d'un EAN/GLN ("European Article Number/Global Location Number" [numéro d'identification pour les fournisseurs de prestations]) sans autorisation de facturer leurs prestations à l'assurance obligatoire des soins, le 9 mai 2018. Cette appréciation n'est pas arbitraire, dès lors que la juridiction cantonale s'est fondée sur la date à laquelle le médecin cantonal avait transmis à Helsana la liste des médecins non autorisés à facturer à la charge de l'assurance obligatoire des soins, après avoir constaté que les non autorisations de facturer aux caisses-maladie n'avaient pas été portées à la connaissance des assureurs-maladie d'une façon ou d'une autre. A cet égard, l'argumentation de A.________, selon laquelle Helsana disposait d'indices laissant supposer l'existence d'une créance en restitution en 2013 déjà, ou à tout le moins en 2015, au moment où elle avait effectué un contrôle de la facturation concernant 39 de ses médecins, ne peut être suivie. A.________ ne prétend en effet pas que Helsana aurait appris par des tiers, avant le 9 mai 2018, qu'elle facturait les prestations de médecins sans autorisation de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins sous le numéro RCC de son médecin répondant. Comme l'a constaté la juridiction cantonale, sans que la société ne remette en cause les faits sur ce point, Helsana ne disposait d'aucun indice concret d'une violation de la clause du besoin par la société avant cette date, même si elle avait été rendue attentive à d'éventuels problèmes y relatifs par le passé. Le fait que les premiers juges ont considéré que Helsana aurait pu interpeller santésuisse pour que celle-ci procède à des vérifications après la réintroduction du moratoire en juillet 2013 n'y change rien. Le grief tiré de la péremption de la créance en restitution est mal fondé.  
 
7.  
 
7.1. Pour sa part, Helsana reproche à la juridiction arbitrale de ne pas avoir appliqué correctement les conditions de la protection de la bonne foi, en considérant que A.________ n'avait pas été de mauvaise foi ab initio. La caisse-maladie, qui se prévaut également d'un établissement arbitraire des faits et d'une violation de son droit d'être entendue, allègue en substance que la société savait pertinemment "dès le départ" que ses médecins - employés et sans autorisation de facturer à la charge de l'assurance-maladie obligatoire des soins - n'avaient pas le droit de voir leurs prestations remboursées. En conséquence, selon Helsana, A.________ doit être condamnée à lui verser la somme de 1'952'132 fr., partiellement compensée avec le montant de 840'615 fr. retenu par elle.  
 
7.2. Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration. Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (2) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) que l'administré se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice, (5) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée et (6) que l'intérêt à l'application du droit n'apparaisse pas prépondérant (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2; 137 I 69 consid. 2.5.1; cf. aussi arrêt 8D_2/2021 du 15 mars 2022 consid. 6.2).  
 
7.3. S'agissant de la bonne foi de A.________ qu'il a admise jusqu'au 2 janvier 2017, le Tribunal arbitral a d'abord constaté que Helsana avait remboursé les factures de A.________ sans aucune réserve depuis la réintroduction de la clause du besoin en juillet 2013 et que ces prestations avaient été remboursées dans une situation concrète. Il a considéré que Helsana était compétente pour rembourser les frais médicaux de ses assurés aux fournisseurs de prestations, que le remboursement d'une prestation par celle-ci devait être interprété comme une assurance que les soins en cause donnaient droit à la prise en charge par l'assurance obligatoire et qu'en cas de doute sur le respect de la clause du besoin par une institution de soins ambulatoires, il eût appartenu à la caisse-maladie d'effectuer les vérifications nécessaires auprès de santésuisse ou de Sasis SA. La juridiction arbitrale a ensuite nié que A.________ eût pu se rendre compte immédiatement que Helsana avait remboursé à tort les prestations fournies par des médecins non autorisés à facturer à la charge de l'assurance obligatoire des soins. A cet égard, elle a en particulier considéré que la société pouvait croire de bonne foi que santésuisse et les assureurs-maladie n'auraient pas manqué de réagir, comme ils l'avaient fait en 2005, lors d'une procédure précédente (ayant conduit à l'ATF 133 V 613), s'ils estimaient que ses médecins salariés n'étaient pas en droit de facturer leurs prestations, dès lors qu'elle avait indiqué leur EAN/GLN permettant de les identifier. Les premiers juges ont également admis que la société avait pris des dispositions auxquelles elle ne pouvait plus renoncer sans subir de préjudice, en se fondant sur les assurances de Helsana, dès lors qu'elle avait engagé et fait travailler des médecins sans autorisation de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins pendant des années et qu'elle les avait rémunérés. Par ailleurs, depuis l'introduction du moratoire (cf. réintroduction de l'art. 55a LAMal au 1er juillet 2013; à ce sujet consid. 4.2 de l'arrêt 9C_571/2019 cité) et le remboursement des factures, la réglementation relative au droit de facturer à la charge de l'assurance obligatoire des soins n'avait pas changé et le respect dudit moratoire ne pouvait pas être considéré comme prépondérant par rapport à la protection de la bonne foi.  
 
7.4. Dans un premier moyen concernant la troisième condition de la protection de la bonne foi (consid. 7.2 supra), Helsana soutient qu'il résulte de la délivrance simultanée des décisions de police (autorisation de pratiquer la profession de médecin dans le canton de Genève, réglée par les art. 74 ss de la Loi genevoise du 7 avril 2006 sur la santé [LS; RSG K 1 03]) et de non admission à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins (au sens de l'art. 35 al. 1 LAMal) concernant les médecins de A.________ que la société était de mauvaise foi dès le début. La caisse-maladie affirme à cet égard que les arrêtés cantonaux en cause étaient "ambigus", si bien que la société était "indéniablement dans le doute" quant à leur interprétation, avec pour conséquence qu'elle aurait dû demander des éclaircissements à l'autorité compétente si elle entendait pouvoir se prévaloir de sa bonne foi.  
En l'occurrence, comme elle le fait valoir en réponse à Helsana, A.________ n'était pas dans le doute, mais dans l'erreur au vu du manque de clarté des arrêtés en question. La société était persuadée que les arrêtés devaient être interprétés en ce sens qu'ils autorisaient les médecins dépendants qu'elle employait sous la responsabilité de son médecin répondant à facturer leurs prestations à charge de l'assurance-maladie obligatoire sous le numéro RCC de ce dernier. Dans l'arrêt 9C_571/2019 du 23 juillet 2020, la Cour de céans a considéré que l'interprétation des arrêtés litigieux ne revêtait pas un caractère évident; elle a jugé que l'argumentation de A.________ selon laquelle elle pouvait partir de l'idée qu'elle agissait de manière conforme au droit en demandant le remboursement des prestations prodiguées par ses médecins, étant donné que la caisse-maladie avait accepté pendant des années de prendre en charge les prestations facturées, nonobstant les autorisations de pratiquer (respectivement de ne pas pratiquer) à la charge de l'assurance obligatoire des soins dont elle avait ou aurait dû avoir connaissance, ne paraissait pas dénuée de pertinence (arrêt 9C_571/2019 précité consid. 5.5). Partant, il n'y a pas lieu de s'écarter des constatations de la juridiction cantonale, selon lesquelles la société n'avait pas pu se rendre compte immédiatement que Helsana avait remboursé à tort les prestations fournies par des médecins non autorisés à facturer à la charge de l'assurance obligatoire des soins, sans qu'il fût nécessaire à cet égard d'entendre l'AMGe, le Groupe de Pratique du service du médecin cantonal, Sasis SA ou encore l'OFSP. Sur ce point, Helsana ne démontre pas en quoi la juridiction cantonale aurait arbitrairement apprécié les preuves de manière anticipée en renonçant aux auditions requises. Il ne suffit pas, pour ce faire, d'invoquer en particulier les renseignements ou informations que l'AMGe aurait "certainement" diffusés "à des médecins pratiquant en institution de santé" ou "lors de conférences ou autre", pour en déduire une preuve éventuelle que A.________ savait pertinemment qu'elle facturait des prestations à tort. Il en va de même de l'audition des employés du Groupe de Pratique du médecin cantonal dont Helsana déduit qu'elle aurait permis de "connaître les informations transmises par l'état à ses administrés en pratique". Dès lors que le médecin cantonal avait été entendu par les premiers juges (cf. procès-verbal d'audition du 10 décembre 2021), ceux-ci ont, sans arbitraire, considéré qu'ils disposaient d'éléments suffisants quant aux rapports que le Service du médecin cantonal avait entretenus avec A.________ et que de plus amples mesures d'instruction ne modifieraient pas leur conviction. 
 
7.5. Concernant ensuite la (deuxième) condition de la protection de la bonne foi (consid. 7.2 supra), relative à la compétence de l'autorité qui fournit l'information ou l'assurance dans laquelle l'administré place une confiance légitime, Helsana ne peut pas être suivie lorsqu'elle allègue que le paiement des factures par elle-même ne constituait pas une assurance, dès lors qu'une caisse-maladie ne peut pas valablement promettre "le fait du service du médecin cantonal", compétent en matière de surveillance et de contrôle de l'application de la clause du besoin.  
Il est incontesté - et Helsana n'allègue pas le contraire - qu'en sa qualité de caisse-maladie, elle est compétente pour rembourser les frais médicaux de ses assurés aux fournisseurs de prestations. En conséquence, il lui appartenait de contrôler les factures établies par A.________ (cf. art. 42 al. 3 et 56 al. 2 LAMal; cf. aussi ATF 133 V 359 consid. 6.5), afin de vérifier notamment qu'elles émanaient de médecins autorisés à facturer à la charge des caisses-maladies, et, en cas de doute sur le respect de la clause du besoin par une institution de soins ambulatoires, d'interpeller santésuisse ou Sasis SA, comme l'a dûment exposé le Tribunal arbitral. Or en l'espèce, Helsana a remboursé les prestations facturées par A.________ pendant des années, sans émettre la moindre réserve et sans effectuer de contrôle, alors même qu'il ressort des constatations de la juridiction cantonale - non contestées par la caisse-maladie - que l'EAN/GLN permettant d'identifier les médecins de A.________ figurait sur les factures. A cet égard, c'est en vain que Helsana affirme, en se référant aussi à l'ATF 135 V 237, que l'EAN/GLN ne permettrait pas d'effectuer les vérifications nécessaires. A l'inverse de ce qu'elle soutient, dans cet arrêt, la Cour de céans n'a pas indiqué que les assureurs-maladie peuvent contrôler l'autorisation de facturer à la charge de l'assurance obligatoire des soins uniquement au moyen de l'annonce préalable prévue à l'art. 9 de la Convention-cadre TARMED du 5 juin 2002 (cf. ATF 135 V 237 consid. 4.6.5). Pour cette raison déjà, l'argumentation de la caisse-maladie selon laquelle la violation, par A.________, de son obligation d'annonce découlant de l'art. 9 de la Convention-cadre TARMED et de l'art. 9 al. 1 du Règlement genevois d'application de l'ordonnance fédérale sur la limitation de l'admission des fournisseurs de prestations à pratiquer à la charge de l'assurance-maladie obligatoire du 16 avril 2014 (RaOLAF; RSG J 3 05.50) aurait rendu impossible tout contrôle de sa part, est mal fondée. 
Il en va de même de son argumentation à l'appui d'un établissement manifestement inexact des faits, en ce que la juridiction arbitrale a considéré qu'elle n'avait pas été en mesure d'expliquer pour quelle raison elle n'avait pas procédé aux vérifications qui s'imposaient. Quoi qu'en dise au demeurant la caisse-maladie à cet égard, il ressort du procès-verbal de comparution personnelle du 12 mars 2021 qu'elle a indiqué ne pas être en mesure de répondre à la question de savoir pourquoi elle n'avait pas effectué de contrôle après la réintroduction de la clause du besoin en juillet 2013 et la soumission des institutions de santé à cette clause. Helsana ne saurait pas non plus se prévaloir des "régularisations successives antérieures des employés de [A.________] par la [Direction de la santé] DGS" pour s'exonérer de son obligation de contrôle, dès lors déjà que dans l'arrêt 9C_571/2019, le Tribunal fédéral a considéré que le comportement des autorités cantonales en lien avec la protection de la bonne foi n'était pas déterminant en l'espèce (consid. 5.5). 
 
7.6. Helsana ne peut finalement rien tirer en sa faveur de la "prépondérance de l'intérêt public", en relation avec la sixième condition de la protection de la bonne foi (consid. 7.2 supra). Le Tribunal arbitral a dûment exposé les motifs pour lesquels il a considéré que le respect du moratoire au sens de l'art. 55a LAMal ne pouvait pas être considéré comme prépondérant, en l'espèce, par rapport à la protection de la bonne foi de la société. D'une part, il a constaté que la qualité des prestations fournies par A.________ n'avait pas été remise en cause. D'autre part, s'agissant de la médecine d'urgence, il a considéré que la plupart des prestations aurait été effectuée par d'autres médecins respectivement établissements, si la société n'avait pas été en mesure de le faire, si bien que le préjudice de Helsana ne correspondait en réalité pas au montant de la totalité des factures émises sans droit par A.________.  
En ce qu'elle se limite à indiquer que l'intérêt public, soit d'empêcher la hausse des coûts de la santé liée à l'augmentation du nombre des fournisseurs de prestations, est clairement prépondérant face à l'intérêt privé du fournisseur de prestations, "d'avoir un business plan prévoyant de contourner la loi", la caisse-maladie ne démontre pas que et en quoi la pesée des intérêts à laquelle a procédé la juridiction cantonale serait entachée d'arbitraire ou autrement contraire au droit. Quant à son affirmation selon laquelle le recours aux services de A.________ "engendrait justement une explosion des coûts", elle n'est pas fondée. Contrairement à ce qu'allègue Helsana, en se référant à son écriture de recours cantonale du 29 avril 2019 et à l'arrêt 9C_561/2010 du 6 juin 2011, elle n'a pas démontré que l'activité de la société aurait concrètement engendré, de manière globale, une augmentation des coûts en l'espèce. 
 
7.7. Compte tenu de ce qui précède, au vu des arguments avancés, la juridiction cantonale a considéré à bon droit que les conditions pour admettre la bonne foi de A.________ étaient réalisées, à tout le moins jusqu'au 2 janvier 2017. Le recours de Helsana est mal fondé.  
 
8.  
 
8.1. A.________ reproche pour sa part à la juridiction arbitrale d'avoir, en violation du principe de la bonne foi et de l'interdiction de l'arbitraire dans l'appréciation des faits, nié sa bonne foi à compter du 3 janvier 2017. Elle fait en substance valoir qu'elle n'a pas été immédiatement en mesure de reconnaître son erreur au moment où la doctoresse C.________, médecin cantonal délégué, a adressé un courriel à son médecin répondant, le 3 janvier 2017. Selon la société, ce n'est qu'à compter de la notification, le 4 août 2020, de l'arrêt 9C_571/2019 du 23 juillet 2020, qu'elle a été en mesure d'identifier immédiatement que Helsana avait remboursé à tort les prestations fournies par des médecins non autorisés à facturer à la charge de la LAMal. En conséquence, A.________ soutient que sa bonne foi doit être protégée et qu'elle n'a pas à rembourser, respectivement qu'elle a droit à la prise en charge, des prestations pour la période du 3 janvier 2017 au 3 août 2020.  
 
8.2. L'argumentation de A.________ ne peut pas être suivie. Quoi qu'elle en dise, on constate, à la suite de la juridiction arbitrale, que dans son courriel du 3 janvier 2017, la doctoresse C.________ excluait clairement que le médecin en cause, salarié auprès de la société (sans autorisation de facturer à la charge de la LAMal) eût le droit de facturer ses prestations à l'assurance obligatoire, que ce soit par lui-même ou par l'intermédiaire de l'institution médicale. Le courriel de la doctoresse C.________ du 3 janvier 2017 faisait suite à un courriel qu'elle avait envoyé au médecin répondant de A.________ le 21 décembre 2016 et par lequel elle lui avait demandé si le médecin concerné fournissait des prestations à la charge de l'assurance obligatoire des soins en tant que salarié. Par courriel du 22 décembre 2016, le médecin répondant de la société avait confirmé au médecin cantonal délégué que le médecin en question exerçait son activité de médecin praticien "conformément à l'arrêté du Conseil d'Etat du 4 août 2015, c'est[-]à[-]dire sans prodiguer de soins à la charge de l'assurance-maladie obligatoire à titre indépendant ou dépendant sous sa propre responsabilité". Le 3 janvier 2017, la doctoresse C.________ avait alors répondu que les prestations du médecin en cause ne pouvaient être facturées "ni par le biais de l'institution ni par lui-même", étant donné que la clause du besoin s'appliquait à tout le secteur ambulatoire. A la suite de la juridiction précédente, on constate que le médecin cantonal ne s'est précisément pas référé aux termes ambigus des arrêtés - utilisés par le médecin répondant de la société - pour exclure toute prise en charge par l'assurance-obligatoire des soins. Par ailleurs, et quoi qu'en dise la société recourante, la réponse du 4 janvier 2017 du médecin répondant à la doctoresse C.________ ne requérait pas que celle-ci "contest[e] la position étayée" du premier médecin, qui s'est limité à répéter que la pratique de l'institution était conforme à la loi, sans aucunement se référer aux indications claires du médecin cantonal délégué. A partir de cette date, A.________ ne pouvait pas, de bonne foi, tirer du remboursement des prestations médicales par Helsana l'assurance que sa pratique en relation avec l'absence d'autorisation de pratiquer à la charge de l'assurance-maladie était admissible. Partant, il n'y a pas lieu de s'écarter des considérations de la juridiction précédente sur ce point. Quoi qu'en dise la société, qui présente sa propre interprétation des échanges de correspondance postérieurs avec l'assureur-maladie ou d'autres pièces du dossier, l'appréciation des premiers juges est dénuée d'arbitraire. Le recours de A.________ est mal fondé.  
 
9.  
 
9.1. Ensuite des éléments qui précèdent, le recours dans la cause 9C_253/2022 est mal fondé. Helsana, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 66 al. 1 LTF), ainsi que les dépens que peut prétendre A.________ (art. 68 al. 1 LTF).  
 
9.2. Eu égard à l'issue de la cause 9C_252/2022, A.________ supportera les frais de la procédure (art. 66 al. 1 LTF).  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Les causes 9C_252/2022 et 9C_253/2022 sont jointes. 
 
2.  
Le recours de A.________ SA (cause 9C_252/2022) est rejeté. 
 
3.  
Les frais judiciaires relatifs à la cause 9C_252/2022, arrêtés à 14'000 fr., sont mis à la charge de A.________ SA. 
 
4.  
Le recours constitutionnel subsidiaire de Helsana Assurances SA (cause 9C_253/2022) est irrecevable. 
 
5.  
Le recours en matière de droit public de Helsana Assurances SA (cause 9C_253/2022) est rejeté. 
 
6.  
Les frais judiciaires relatifs à la cause 9C_253/2022, arrêtés à 18'000 fr., sont mis à la charge de Helsana Assurances SA. 
 
7.  
Helsana Assurances SA versera à A.________ SA la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la procédure relative à la cause 9C_253/2022 devant le Tribunal fédéral. 
 
8.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal arbitral des assurances de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 15 mai 2023 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
La Greffière : Perrenoud