Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
5A_38/2018  
 
 
Arrêt du 14 mai 2018  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux von Werdt, Président, 
Marazzi et Herrmann. 
Greffière : Mme Feinberg. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Romain Jordan, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Etat de Genève, représenté par l'administration fiscale cantonale, Service du contentieux, 
rue du Stand 26, 1204 Genève, 
intimé, 
 
Objet 
mainlevée définitive de l'opposition, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 14 novembre 2017 (C/26381/2016 ACJC/1454/2017). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 16 juillet 2014, l'Administration fiscale cantonale genevoise (AFC) a, par pli simple, adressé à A.________ SA un bordereau de taxation d'office n o xxxx concernant l'impôt fédéral direct de l'année 2013, d'un montant de 3'686 fr. La mention " Bordereau valant jugement exécutoire, pas de réclamation dans les 30 jours " a été apposée sur le document par le service du contentieux de l'AFC le 21 décembre 2016.  
 
A.b. Par acte du 25 septembre 2014, A.________ SA a formé réclamation à l'encontre de ce bordereau de taxation.  
Par décision du 16 octobre 2014, l'AFC a déclaré la réclamation irrecevable, au motif qu'elle était tardive. A.________ SA conteste avoir reçu cette décision. 
 
A.c. Par courrier recommandé du 4 juillet 2016, l'AFC a adressé une sommation à A.________ SA, la mettant en demeure de s'acquitter de la somme de 3'893 fr. 65, correspondant au " Bordereau Impôt fédéral direct/2013/1, notifié le 16.07.2014 sous le n o de compte: xxxx/IFD/2013/1, de CHF 3'686.00 ", plus 207 fr. 65 d'intérêts. Il était indiqué qu' " [à] défaut de paiement dans le délai de 10 jours, il sera[it] procédé au recouvrement conformément à la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et faillites (sic) ". L'envoi a été retiré le 5 juillet 2016 par A.________ SA sous la signature de B.________.  
 
B.  
Le 14 novembre 2016, l'AFC a fait notifier à A.________ SA un commandement de payer, poursuite n o yyyy, pour les sommes de 3'686 fr., plus intérêts à 3% dès le 4 août 2016, avec la référence " xxxx/IFD/2013/1, Bordereau zzzz exp. le 16.07.2014 " et de 216 fr. 55, à titre d'intérêts moratoires au 4 août 2016. La poursuivie a formé opposition.  
Par acte du 21 décembre 2016, l'AFC a requis le prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition. 
Par jugement du 24 avril 2017, le Tribunal de première instance du canton de Genève a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition. 
Par arrêt du 14 novembre 2017, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté le recours formé par la poursuivie. 
 
C.   
Par acte du 8 janvier 2018, celle-ci interjette un recours en matière civile et un recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral. Elle conclut principalement à la réforme de l'arrêt querellé en ce sens que l'Etat de Genève est débouté de toutes ses conclusions, et subsidiairement à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Invités à se déterminer, l'AFC, agissant pour l'Etat de Genève, a conclu au rejet du recours et la juridiction précédente s'est référée aux considérants de son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. La décision attaquée est en principe sujette au recours en matière civile (art. 72 al. 2 let. a LTF; ATF 134 III 141 consid. 2, 115 consid. 1.1). En l'espèce, il est constant que la valeur litigieuse est amplement inférieure au seuil légal de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), si bien que ce recours n'est ouvert qu'à la condition prévue par l'art. 74 al. 2 let. a LTF, à savoir que la cause soulève une question juridique de principe (cf. sur cette notion: ATF 141 III 159 consid. 1.2 et les références).  
Contrairement à ce que soutient la recourante, la présente cause ne soulève nullement une telle question. La jurisprudence selon laquelle la preuve de la notification peut résulter d'indices ou de circonstances (cf.  infra consid. 3.4.3) est en effet bien établie (arrêt 5D_62/2014 du 14 octobre 2014 consid. 3.2). En tant qu'elle fait valoir qu'il conviendrait de la réexaminer à la lumière du CPC, entré en vigueur postérieurement aux arrêts cités par la juridiction précédente (ATF 105 III 43 consid. 3; arrêt 5D_173/2008 du 20 février 2009 consid. 5.1), la poursuivie perd de vue que cette loi n'est quoi qu'il en soit pas pertinente s'agissant de l'examen du caractère exécutoire d'une décision de nature fiscale. La jurisprudence litigieuse a par ailleurs été confirmée dans plusieurs arrêts récents, certains portant précisément sur la notification d'une décision fiscale (arrêts 5A_838/2017 du 19 mars 2018 consid. 3.2.2; 5D_190/2017 du 31 janvier 2018 consid. 6.1). Il s'ensuit que la présente écriture est irrecevable en tant que recours en matière civile.  
 
1.2. Pour le surplus, les conditions du recours constitutionnel subsidiaire prévues par les art. 113 ss LTF sont remplies: le présent recours a été déposé en temps utile (art. 46 al. 1 let. c, 100 al. 1 et 117 LTF) contre une décision finale (art. 90 et 117 LTF) rendue par un tribunal supérieur statuant sur recours (art. 75 et 114 LTF); la poursuivie, qui a succombé devant la juridiction précédente, dispose d'un intérêt juridique à la modification de la décision attaquée (art. 115 LTF).  
 
2.  
 
2.1. Le recours constitutionnel subsidiaire n'est ouvert que pour se plaindre de la violation des droits constitutionnels (art. 116 LTF). En vertu de l'art. 106 al. 2 LTF, applicable par renvoi de l'art. 117 LTF, les griefs y relatifs doivent être invoqués et motivés par le recourant, à savoir expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée (ATF 142 II 369 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4).  
Il s'ensuit que le moyen tiré d'une violation de l'art. 80 LP est d'emblée irrecevable, cette norme n'étant pas d'ordre constitutionnel. En tant que la recourante se plaint également de l'application arbitraire de cette disposition, son grief sera examiné ci-après (cf.  infra consid. 3).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 118 al. 1 LTF). Il peut néanmoins rectifier ou compléter les constatations de cette autorité si les faits ont été constatés en violation d'un droit constitutionnel (art. 118 al. 2 et 116 LTF), ce que le recourant doit démontrer d'une manière circonstanciée et précise, conformément aux exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF (par renvoi de l'art. 117 LTF; cf.  supra consid. 2.1).  
 
3.   
La recourante reproche à l'autorité cantonale d'avoir arbitrairement appliqué l'art. 80 LP en prononçant la mainlevée définitive de l'opposition. 
 
3.1. La cour cantonale a retenu que la recourante admettait avoir reçu le bordereau de taxation litigieux et avoir formé réclamation contre celui-ci le 25 septembre 2014. La poursuivie contestait toutefois avoir reçu la décision déclarant sa réclamation irrecevable et alléguait que l'intimé n'avait pas démontré lui avoir notifié ladite décision. Il ressortait cependant du dossier qu'à réception de la sommation du 4 juillet 2016 adressée par pli recommandé et mentionnant expressément le bordereau du 16 juillet 2014 ainsi que les montants dus à ce titre, la recourante n'avait pas réagi. Or, on pouvait partir du principe que le contribuable qui conteste son rappel d'impôt par le biais d'une réclamation va s'inquiéter de connaître le sort réservé à celle-ci par l'AFC, a fortiori après avoir reçu la sommation se référant expressément au bordereau contesté, et n'attend pas d'être poursuivi. Le premier juge avait ainsi à bon droit déduit de l'absence de réaction de la débitrice après la réception de la sommation qu'elle avait préalablement reçu le bordereau expédié en juillet 2014, ce que celle-ci admettait. Dès lors que le bordereau avait été valablement notifié, contesté tardivement et que celui-ci portait la mention qu'il valait jugement exécutoire, le Tribunal de première instance avait également à juste titre considéré que l'intimé était au bénéfice d'un titre exécutoire au sens de l'art. 80 al. 2 LP. La cour cantonale a ainsi confirmé l'admission de la requête de mainlevée définitive de l'opposition.  
 
3.2. La recourante soutient qu'elle a réagi au bordereau de taxation en formant réclamation. Dès lors qu'elle n'avait pas connaissance de la décision sur réclamation, elle pouvait légitimement penser en recevant la sommation - qui ne mentionnait pas la décision d'irrecevabilité et n'annexait ni celle-ci ni le bordereau de taxation - que la mise en demeure s'était croisée avec la réclamation dont la procédure était toujours pendante. Compte tenu de la nature de la procédure de mainlevée, la preuve de la notification par " d'autres moyens " ne serait pas admissible et le juge ne serait " pas en droit de suppléer à l'absence de production du jugement exécutoire ". En l'absence de preuve stricte de la notification de la décision sur réclamation et par là même d'un bordereau de taxation définitif et exécutoire, les conditions pour le prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition ne seraient pas réalisées. La " constatation " de la cour cantonale serait dès lors insoutenable.  
 
3.3. L'intimé, soit pour lui l'AFC, se rallie aux considérants de l'arrêt attaqué. Il souligne que la réclamation a été déposée le 25 septembre 2014 et que la sommation n'a été notifiée que le 4 juillet 2016. Or, même si la décision sur réclamation n'a pas été annexée à la sommation, on pourrait attendre d'un mandataire professionnellement qualifié qu'il réagisse dès lors qu'il doit savoir qu'une sommation ne saurait être notifiée sans que la taxation soit entrée en force. Par ailleurs, un justiciable qui se sait partie à une procédure administrative doit, en application du principe de la bonne foi, s'attendre à ce que l'autorité lui notifie des actes de procédure. La recourante aurait ainsi dû réagir à tout le moins au moment de la sommation et s'inquiéter de l'avancement de la procédure sur réclamation. La poursuivie ne démontre dès lors pas que la décision attaquée serait arbitraire.  
 
3.4.  
 
3.4.1. Le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition (art. 80 al. 1 LP). Les décisions des autorités administratives suisses sont assimilées à des jugements (art. 80 al. 2 ch. 2 LP).  
 
3.4.2. En règle générale, une décision devient exécutoire au moment où elle entre en force de chose jugée formelle (  formelle Rechtskraft), ce qui se produit lorsqu'elle ne peut plus être attaquée par une voie de recours ordinaire. En particulier, une décision de taxation n'entre en force qu'à l'échéance du délai - non utilisé - de réclamation, de recours à l'autorité cantonale de recours, ou au terme du délai de recours au Tribunal fédéral - si cette voie de droit ordinaire n'est pas utilisée - et, dans le cas contraire, lors du prononcé de l'arrêt du Tribunal fédéral. La preuve du caractère exécutoire doit être apportée par le poursuivant au moyen de pièces (arrêt 5A_838/2017 précité consid. 3.1 et la doctrine citée).  
 
3.4.3. Pour qu'une décision fiscale entre en force, il faut que la notification ait eu lieu, ce qu'il appartient à l'administration fiscale de prouver. L'autorité supporte les conséquences de l'absence de preuve en ce sens que si la notification ou sa date sont contestées et qu'il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi (ATF 142 IV 125 consid. 4.3 et les références; arrêt 5A_838/2017 précité consid. 3.2).  
En l'absence d'un envoi recommandé, la preuve de la notification d'un acte peut résulter de l'ensemble des circonstances, en particulier de la correspondance échangée ou de l'absence de protestation à une mise en demeure (ATF 141 I 97 consid. 7.1; 136 V 295 consid. 5.9; 105 III 43 consid. 3; arrêt 5D_190/2017 précité consid. 6.1). 
 
3.5. En l'occurrence, il ressort des constatations de l'arrêt querellé que la sommation du 4 juillet 2016 se référait expressément au bordereau notifié le 16 juillet 2014. Il n'apparaît toutefois pas qu'elle aurait également mentionné la décision sur réclamation litigieuse, l'intimé ne prétendant au demeurant pas le contraire. Dans ces circonstances, la poursuivie - dont il ne ressort pas de l'arrêt attaqué qu'elle aurait été, à ce stade, représentée par un avocat ou un autre mandataire professionnellement qualifié (cf.  supra consid. 2.2) - ne pouvait, sans nul doute possible, reconnaître qu'une décision sur réclamation avait été prise. On ne saurait ainsi lui reprocher de ne pas s'être renseignée sur l'éventuelle existence d'une telle décision (arrêt 5A_838/2017 précité consid. 6). Dès lors que le poursuivant n'a pas apporté la preuve de la notification de la décision sur réclamation du 16 octobre 2014 et n'a, de ce fait, pas démontré le caractère exécutoire du bordereau litigieux, l'autorité cantonale est tombée dans l'arbitraire en prononçant la mainlevée définitive de l'opposition. Par conséquent, la critique de la recourante est fondée et le recours doit être admis.  
 
4.   
En conclusion, le recours en matière civile est irrecevable. Le recours constitutionnel est admis et l'arrêt attaqué est réformé en ce sens que la requête de mainlevée définitive est rejetée. Les frais judiciaires sont mis à la charge de l'intimé, qui s uccombe et dont l'intérêt patrimonial est en cause (art. 66 al. 1 et 4 LTF). Celui-ci versera à la recourante une indemnité de dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours en matière civile est irrecevable. 
 
2.   
Le recours constitutionnel est admis et l'arrêt attaqué est réformé en ce sens que la requête de mainlevée définitive de l'opposition formée par l'intimé dans la poursuite n o 16 309055 R est rejetée.  
 
3.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
4.   
Une indemnité de 1'000 fr., à verser à la recourante à titre de dépens, est mise à la charge de l'intimé. 
 
5.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 14 mai 2018 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : von Werdt 
 
La Greffière : Feinberg